Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2025, 22-20.155, Publié au bulletin
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Résumé
Apport de la jurisprudence : Licenciement / Origine / Accident du travail / Maladie professionnelle
Les règles protectrices édictées par l'article L. 1226-9 s'appliquent dès lors que la suspension du contrat de travail a pour origine, au moins partiellement, un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. Prive sa décision de base légale une Cour d'appel qui, pour annuler le licenciement prononcé pour désorganisation de l'entreprise du fait de l'absence du salarié ayant nécessité son remplacement définitif, se borne à constater que l'employeur avait connaissance d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle formée par le salarié auprès de la caisse primaire d'assurance maladie, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur contestait l'origine professionnelle de la maladie et qu'il lui appartenait de rechercher si l'arrêt de travail était consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle
Cass.Soc., 24 septembre 2025, n° 22-20.155
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 24 septembre 2025
Cassation
Mme CAPITAINE, conseillère doyenne
faisant fonction de présidente
Arrêt n° 865 F-B
Pourvoi n° N 22-20.155
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 SEPTEMBRE 2025
La société FR plomberie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-20.155 contre l'arrêt rendu le 21 avril 2022 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [R] [P], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseillère référendaire, les observations de la SCP Guérin-Gougeon, avocat de la société FR plomberie, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 8 juillet 2025 où étaient présentes Mme Capitaine, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Pecqueur, conseillère référendaire rapporteure, Mme Degouys, conseillère, et Mme Jouanneau, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 avril 2022), M. [P] a été engagé en qualité de plombier compagnon professionnel par la société FR plomberie le 1er décembre 2016.
2. Il a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 1er février 2018.
3. Licencié le 16 novembre 2018 pour absences prolongées entraînant une perturbation de l'activité de l'entreprise nécessitant son remplacement définitif, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de nullité de son licenciement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire nul le licenciement du salarié et de le condamner à lui payer une somme à titre d'indemnité pour licenciement nul et de lui ordonner de lui remettre un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes à l'arrêt, alors « qu'en cas de contestation par l'employeur du caractère professionnel de la maladie d'un de ses salariés, il appartient audit salarié, qui prétend à l'application de la législation protectrice des salariés victimes de maladie professionnelle, de faire la preuve du caractère professionnel de sa maladie, autrement qu'en établissant qu'il a engagé une procédure pour faire reconnaître le caractère professionnel de sa maladie ; que, pour juger que M. [P] aurait dû bénéficier de la législation protectrice des salariés victimes de maladie professionnelle, la cour d'appel s'est bornée à relever que le salarié rapportait la preuve que son employeur avait connaissance de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ; qu'en se déterminant ainsi quand elle constatait par ailleurs que la société FR plomberie avait contesté cette reconnaissance de maladie professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L1226-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L1226-9 et L1226-13 du code du travail :
5. Les règles protectrices édictées par le premier de ces textes s'appliquent dès lors que la suspension du contrat de travail a pour origine, au moins partiellement, un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
6. Pour dire le licenciement nul, l'arrêt retient que le salarié rapporte la preuve que son employeur avait connaissance de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, dès lors qu'il justifie que l'employeur a écrit le 5 septembre 2018 à la caisse primaire d'assurance maladie pour contester cette demande.
7. L'arrêt en déduit que l'employeur aurait dû appliquer les dispositions protectrices des salariés victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle.
8. En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le caractère professionnel de la maladie était contestée et sans rechercher si l'arrêt de travail du salarié avait pour origine, au moins partiellement, un accident du travail ou une maladie professionnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne M. [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt-quatre septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.