Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2025, 23-22.844, Inédit

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Résumé

Apport de la jurisprudence : Prime / Licenciement sans cause réelle et sérieuse / Condition suspensive

Le versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat résultait d'une décision unilatérale de l'employeur qui prévoyait que les bénéficiaires de cette prime seraient les salariés justifiant d'un contrat de travail à la date de son versement.

La salariée ne faisait plus partie des effectifs de la société à la date de versement, ni même à la date de signature de la décision unilatérale.

La salariée, éligible à cette prime, avait été licenciée sans cause réelle et sérieuse. La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

Cass.Soc., 24 septembre 2025, n° 23-22.844

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 24 septembre 2025




Cassation partielle


Mme MONGE, conseillère doyenne
faisant fonction de présidente



Arrêt n° 883 F-D

Pourvoi n° F 23-22.844


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 SEPTEMBRE 2025

Mme [D] [K], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 23-22.844 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2023 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Cauffridis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Rodrigues, conseillère référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [K], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Cauffridis, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Rodrigues, conseillère référendaire rapporteure, Mme Cavrois, conseillère, et Mme Dumont, greffière de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 juillet 2023), Mme [K] a été engagée par la société Cauffridis selon un contrat à durée déterminée du 15 mai 2017 au 19 novembre 2017, transformé en contrat à durée indéterminée par avenant du 19 octobre 2017. Au dernier état de la relation contractuelle, la salariée occupait le poste d'adjointe au chef de rayon drive.

2. Elle a été licenciée le 22 mai 2020.

3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 16 novembre 2020 d'une contestation du bien-fondé de son licenciement et de demandes en paiement au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, alors :

« 1°/ que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'en déboutant la salariée de sa demande au motif qu'elle ne pouvait y prétendre à la prime litigieuse dès lors qu'elle n'était plus présente dans l'entreprise à la date de versement ni même à la date de signature de la décision unilatérale de l'employeur quand elle avait jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement et que la condition de présence ne pouvait donc être opposée à la salariée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1103 et 1304-3 du code civil ;

2°/ qu'en déboutant la salariée de sa demande sans se prononcer sur son moyen selon lequel elle devait être rétablie en ses droits puisque c'est en raison du licenciement abusif dont elle a été victime qu'elle a été injustement privée de la prime, alors même que cette dernière correspondait à la gratification des salariés ayant travaillé durant toute la période de confinement, ce qui aurait été le cas de Mme [K] si elle n'avait pas été abusivement licenciée", la cour d'appel a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1304-3 du code civil :

6. Aux termes de ce texte, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement. La condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait intérêt.

7. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, la cour d'appel, ayant retenu que le versement de la prime résultait d'une décision unilatérale de l'employeur qui prévoyait que les bénéficiaires de cette prime seraient les salariés justifiant d'un contrat de travail à la date de son versement, soit au 30 juin 2020, et constaté que la salariée ne faisait plus partie des effectifs de la société à la date de versement, ni même à la date de signature de la décision unilatérale de l'employeur, en a déduit qu'elle ne pouvait pas prétendre au paiement de cette prime.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle jugeait que la salariée, éligible à cette prime, avait été licenciée sans cause réelle et sérieuse le 22 mai 2020, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [K] de sa demande en paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat de l'année 2020, l'arrêt rendu le 5 juillet 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société Cauffridis aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cauffridis et la condamne à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt-quatre septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.