Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2025, 24-14.134, Inédit
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Résumé
Apport de la jurisprudence : Congé maladie / Congé maternité / Travail dissimulé
Un salarié qui a travaillé pour le compte de son employeur pendant son congé maladie ou son congé maternité ne peut prétendre au paiement ni d'un salaire ni d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Le salarié peut réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Cass.Soc., 24 septembre 2025, n° 24-14.134
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 24 septembre 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseillère doyenne
faisant fonction de présidente
Arrêt n° 878 F-D
Pourvoi n° J 24-14.134
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 SEPTEMBRE 2025
La Société de métallerie industrielle, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 24-14.134 contre l'arrêt rendu le 13 février 2024 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre Prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [O] [S], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à France travail, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommé Pôle emploi,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseillère, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société de métallerie industrielle, de la SARL Le Prado -Gilbert, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Cavrois, conseillère rapporteure, Mme Le Quellec, conseillère, et Mme Dumont, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 13 février 2024) Mme [S] a été engagée en qualité de secrétaire commerciale par la Société de métallerie industrielle, le 14 juin 2007.
2. Licenciée le 9 octobre 2020 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, la salariée a saisi, le 23 avril 2021, la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre du travail dissimulé, alors « que selon l'article L8221-5 du code du travail, relève du travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement à la remise du bulletin de salaire, aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations, ou à la déclaration préalable à l'embauche ; que, pour condamner l'exposante au paiement de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé, la cour d'appel a retenu qu'il résultait des pièces versées au dossier que la salariée avait été amenée à accomplir des tâches pour l'entreprise durant ses arrêts maladie des mois de septembre et d'octobre 2019 ; qu'en statuant ainsi, quand la circonstance qu'un salarié ait travaillé durant un arrêt maladie ne relève pas des prévisions de l'article L8221-5 du code du travail, la cour d'appel a violé ledit article, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L8221-5 du code du travail et l'article 1231-1 du code civil :
5. Selon le premier de ces textes est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
6. En application de l'article 1231-1 du code civil, l'exécution d'une prestation de travail pour le compte de l'employeur au cours des périodes pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie, d'accident ou d'un congé de maternité engage la responsabilité de l'employeur et se résout par l'allocation de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice subi.
7. Il en résulte qu'un salarié qui a travaillé pour le compte de son employeur pendant son congé maladie ou son congé maternité ne peut prétendre au paiement ni d'un salaire ni d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
8. Pour condamner l'employeur au paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l'arrêt retient que la salariée rapporte la preuve par de nombreux messages électroniques de ce qu'elle était régulièrement et directement sollicitée par l'employeur, y compris le dimanche, avec délai impératif et relance, lui reprochant le retard pris à mots couverts ce qui l'a conduite à accomplir des tâches pour l'entreprise pendant ses arrêts-maladie de septembre et octobre 2019. L'arrêt ajoute que la société ne pouvait l'ignorer puisque les demandes émanaient pour beaucoup d'entre elles du dirigeant qui agissait comme si la salariée n'était pas en arrêt-maladie de sorte que l'élément intentionnel ne fait pas de doute.
9. En statuant ainsi, alors que la salariée ne pouvait prétendre à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé mais seulement réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Société de métallerie industrielle à payer à Mme [S] la somme de 20 000 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 13 février 2024, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la Société de métallerie industrielle aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt-quatre septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.