Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 octobre 2025, 24-11.151, Inédit
Ref:UAAAKEXJ
Résumé
Apport de la jurisprudence : Discrimination / Mi-temps thérapeutique / Formation
L'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés. Il avait été imposé au salarié d'assister à une formation pendant une journée non travaillée à l'occasion d'un mi-temps thérapeutique, ce dont il résultait qu'il avait présenté des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination.
Cass.soc., 8 octobre 2025, n° 24-11.151
SOC.
HE1
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 8 octobre 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseillère doyenne
faisant fonction de présidente
Arrêt n° 917 F-D
Pourvoi n° S 24-11.151
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 OCTOBRE 2025
M. [D] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 24-11.151 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2023 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société EURL JP Renov, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [F], et l'avis de Mme Wurtz, première avocate générale, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Degouys, conseillère, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 30 novembre 2023), M. [F] a été engagé en qualité de peintre, le 23 avril 2007, par la société EURL JP Renov.
2. Son temps de travail a été réduit à trente heures en raison d'une affection de longue durée.
3. Licencié pour faute grave le 3 août 2020, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier, troisième et quatrième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour discrimination en raison de son état de santé, alors « que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ; qu'en se bornant, pour débouter le salarié de sa demande d'indemnisation au titre de la discrimination en raison de son état de santé, à juger que le salarié ne produisait aucun élément permettant de supposer qu'il avait été traité moins favorablement qu'un autre salarié dans une situation comparable et donc qu'il avait fait l'objet d'une discrimination en lien avec son état de santé, quand l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés et quand, en l'espèce, le salarié faisait valoir qu'il avait fait l'objet d'une discrimination en raison de son état de santé dès lors que la société lui avait imposé de se rendre à une formation un vendredi au mépris de l'interdiction qui lui avait été faite, dans le cadre de son temps partiel thérapeutique, de travailler le vendredi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-1 et L1134-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1132-1 et L1134-1 du code du travail :
6. En application de ces textes, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
7. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour discrimination, l'arrêt constate d'abord que le salarié affirme avoir fait l'objet d'une mesure discriminatoire de la part de l'employeur qui lui a imposé de se rendre à une formation un vendredi alors qu'il bénéficiait d'un mi-temps thérapeutique au cours duquel il ne devait pas travailler le vendredi.
8. L'arrêt relève ensuite que le salarié ne produit aucun élément permettant de supposer que, par cet événement, il a été traité moins favorablement qu'un autre salarié dans une situation comparable et qu'il a donc fait l'objet d'une discrimination en lien avec son état de santé.
9. En statuant ainsi, alors que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés, qu'il ressortait de ses constatations qu'il avait été imposé au salarié d'assister à une formation pendant une journée non travaillée à l'occasion d'un mi-temps thérapeutique, ce dont il résultait qu'il avait présenté des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination et qu'il appartenait à l'employeur d'établir que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [F] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, l'arrêt rendu le 30 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société EURL JP Renov aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société EURL JP Renov à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le huit octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.