Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 septembre 2024, 23-15.822, Publié au bulletin
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Résumé
Apport de la jurisprudence : Election du CSE / Protocole d’accord pré-électoral
Un syndicat qui, soit a signé un tel protocole sans réserve, soit a présenté des candidats sans émettre de réserves, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité du protocole d'accord préélectoral et demander l'annulation des élections, quand bien même invoquerait-il une méconnaissance par le protocole préélectoral de règles d'ordre public.
Un salarié candidat ou élu sur la liste présentée par un syndicat ayant, soit signé sans réserve le protocole d'accord préélectoral, soit présenté des candidats sans avoir émis de réserves, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité du protocole d'accord préélectoral et demander l'annulation des élections, quand bien même invoquerait-il une méconnaissance par le protocole préélectoral de règles d'ordre public.
Cass.Soc., 11 septembre 2024, n°23-15.822
SOC. / ELECT
JL10
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 septembre 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 869 F-B
Pourvoi n° Y 23-15.822
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 SEPTEMBRE 2024
1°/ La Fédération nationale des transports et de la logistique FO/UNCP, dont le siège est [Adresse 21],
2°/ M. [R] [DN], domicilié [Adresse 25],
3°/ Mme [ZD] [KT], domiciliée [Adresse 4],
4°/ M. [DC] [SY], domicilié [Adresse 19],
5°/ Mme [VJ] [AL], domiciliée [Adresse 26],
6°/ la Fédération générale des transports CFTC, dont le siège est [Adresse 18],
7°/ M. [ME] [F],
8°/ Mme [Y] [CN],
9°/ M. [R] [XS],
10°/ Mme [UV] [BP],
tous quatre domiciliés [Adresse 18],
ont formé le pourvoi n° Y 23-15.822 contre le jugement rendu le 5 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Kuehne + Nagel Road, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 11],
2°/ à M. [TM] [WV], domicilié [Adresse 2],
3°/ à Mme [RM] [KH], domiciliée [Adresse 10],
4°/ à Mme [AC] [PM], domiciliée [Adresse 30],
5°/ à M. [SM] [C], domicilié [Adresse 29],
6°/ à Mme [FW] [EN], domiciliée [Adresse 28],
7°/ à M. [HW] [HH], domicilié [Adresse 6],
8°/ à M. [LE] [WJ], domicilié [Adresse 3],
9°/ à Mme [L] [TJ], domiciliée [Adresse 9],
10°/ à la Fédération nationale des syndicats de transports CGT, dont le siège est [Adresse 17],
11°/ à M. [JH] [Z], domicilié [Adresse 13],
12°/ à Mme [FZ] [H], domiciliée [Adresse 31],
13°/ à M. [NE] [X], domicilié [Adresse 24],
14°/ à Mme [YS] [TB], domiciliée [Adresse 20],
15°/ à M. [BV] [RY], domicilié [Adresse 12],
16°/ à M. [WG] [I],
17°/ à Mme [W] [G],
18°/ à M. [EK] [D],
19°/ à M. [IT] [OB],
20°/ à M. [HK] [S],
21°/ à M. [OE] [FK],
22°/ à M. [CJ] [E],
23°/ à M. [SM] [VV],
24°/ à M. [LP] [XV],
25°/ à Mme [VJ] [P],
26°/ à M. [MP] [UJ],
27°/ à Mme [T] [OM],
tous douze domiciliés au siège de la société Kuehne + Nagel Road, [Adresse 11],
28°/ à Mme [YG] [A], domiciliée [Adresse 32],
29°/ à M. [NP] [BA],
30°/ à M. [DC] [ZG],
31°/ à M. [KE] [O],
32°/ à M. [GW] [PB],
33°/ à M. [NB] [U],
34°/ à M. [XG] [ZS],
35°/ à M. [OP] [N],
36°/ à M. [OM] [DZ],
37°/ à Mme [M] [GK],
38°/ à M. [HK] [JT],
tous dix domiciliés au siège de la société Kuehne + Nagel Road, [Adresse 11],
39°/ à M. [B] [RB], domicilié [Adresse 8],
40°/ à Mme [EZ] [V], domiciliée [Adresse 33],
41°/ à Mme [J] [K], domiciliée [Adresse 7],
42°/ à M. [DK] [LT], domicilié [Adresse 22],
43°/ à M. [TY] [SJ], domicilié [Adresse 15],
44°/ à Mme [PP] [IH], domiciliée [Adresse 16],
45°/ à Mme [BZ] [VG], domiciliée [Adresse 5],
46°/ à M. [CZ] [IW], domicilié [Adresse 1],
47°/ à la Fédération nationale UNSA transports, dont le siège est [Adresse 27],
48°/ au Syndicat national des activités du transport et du transit CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 14],
49°/ à la Fédération générale des transports et de l'environnement CFDT, dont le siège est [Adresse 23],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la Fédération nationale des transports et de la logistique FO/UNCP, de M. [DN], de Mme [KT], de M. [SY], de Mme [AL], de la Fédération générale des transports CFTC, de M. [F], de Mme [CN], de M. [XS] et de Mme [BP], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Kuehne + Nagel Road, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération nationale UNSA transports, après débats en l'audience publique du 26 juin 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte aux demandeurs au pourvoi de ce qu'ils se désistent partiellement du pourvoi en ce qu'il est formé par Mme [CN] et M. [XS].
Faits et procédure
2. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône, 5 mai 2023), le 8 septembre 2022, un accord d'entreprise concernant le vote électronique a été conclu pour l'élection des membres du comité social et économique (le comité) de la société Kuehne + Nagel Road (la société). Le 20 octobre 2022, toutes les organisations syndicales représentatives, à l'exception de la CGT et de FO, ont signé un protocole d'accord préélectoral définissant les modalités d'organisation et de déroulement des élections des membres du comité et prévoyant le recours au vote électronique, dont la mise en oeuvre a été confiée à la société E-votez.
3. Les élections se sont déroulées le 6 décembre 2022.
4. Par requête déposée le 21 décembre 2022, la Fédération nationale des transports et de la logistique FO/UNCP (la fédération FO), M. [DN], Mme [KT], M. [SY], Mme [AL], candidats et élus sur la liste de la fédération FO, la Fédération générale des transports CFTC (la fédération CFTC), M. [F], Mme [CN], M. [XS] et Mme [BP], candidats et élus sur la liste de la fédération CFTC, ont saisi le tribunal judiciaire aux fins d'enjoindre à la société de communiquer au greffe du tribunal l'intégralité des adresses des élus aux élections des membres du comité et de verser aux débats les données relatives aux opérations de vote, détenues par elle ou par la société E-votez, et d'annuler les élections des membres titulaires et suppléants des premier, deuxième et troisième collèges.
5. La Fédération nationale UNSA transports (la fédération UNSA) et certains salariés, candidats et élus sur la liste de celle-ci, ont soulevé l'irrecevabilité de la demande d'annulation des élections au motif de l'absence de contestation du protocole d'accord préélectoral.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, en ce qu'il est soutenu par les fédérations FO et CFTC
Enoncé du moyen
6. La fédération FO et la fédération CFTC font grief au jugement de déclarer leur action irrecevable, alors « que selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; que selon l'article 32, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ; qu'en déclarant irrecevable l'action de la Fédération nationale des transports et de la logistique FO/UNCP, de M. [DN], de Mme [KT], de M. [SY], de Mme [AL], de la Fédération générale des transports CFTC, de M. [F], de Mme [CN], de M. [XS] et de Mme [BP], bien qu'ils aient un intérêt légitime à l'annulation du protocole électoral et des élections et ne soient nullement dépourvus du droit d'agir, le tribunal a violé les articles 31 et 32 du code de procédure civile, ensemble l'article L2314-6 du code du travail et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article L2314-6 du code du travail, sauf dispositions législatives contraires, la validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise.
8. Il en résulte que lorsque le protocole d'accord préélectoral répond à ces conditions, il ne peut être contesté devant le juge judiciaire qu'en ce qu'il contiendrait des stipulations contraires à l'ordre public, notamment en ce qu'elles méconnaîtraient les principes généraux du droit électoral. Toutefois un syndicat qui, soit a signé un tel protocole sans réserves, soit a présenté des candidats sans émettre de réserves, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité du protocole d'accord préélectoral et demander l'annulation des élections, quand bien même invoquerait-il une méconnaissance par le protocole préélectoral de règles d'ordre public.
9. Ayant relevé que la fédération CFTC avait signé sans réserves le protocole d'accord préélectoral et constaté que la fédération FO, non signataire de ce protocole, avait présenté des candidats sans émettre de réserves, le tribunal en a exactement déduit que l'action des fédérations était irrecevable, quand bien même elles invoqueraient le non-respect du principe général du droit électoral de l'exercice personnel du droit de vote.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le premier moyen, en ce qu'il est soutenu par M. [DN], Mme [KT], M. [SY], Mme [AL], M. [F] et Mme [BP] (les salariés), et sur le second moyen, réunis
Enoncé du moyen
11. Par leur premier moyen, les salariés font grief au jugement de déclarer leur action irrecevable, alors « que selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; que selon l'article 32, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ; qu'en déclarant irrecevable l'action de la Fédération nationale des transports et de la logistique FO/UNCP, de M. [DN], de Mme [KT], de M. [SY], de Mme [AL], de la Fédération générale des transports CFTC, de M. [F], de Mme [CN], de M. [XS] et de Mme [BP], bien qu'ils aient un intérêt légitime à l'annulation du protocole électoral et des élections et ne soient nullement dépourvus du droit d'agir, le tribunal a violé les articles 31 et 32 du code de procédure civile, ensemble l'article L2314-6 du code du travail et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
12. Par leur second moyen, les salariés font grief au jugement de déclarer leur action irrecevable, alors « que des salariés électeurs au sein de la société ont intérêt et qualité pour contester en justice le protocole d'accord préélectoral et les élections professionnelles dans le collège auquel ils appartiennent, peu important la signature de ce protocole par le syndicat ayant présenté leur candidature ou peu important l'absence de réserves émises par le syndicat sur le protocole préélectoral ; qu'en décidant que l'action de M. [DN], de Mme [KT], de M. [SY], de Mme [AL], de M. [F], de Mme [CN], de M. [XS] et de Mme [BP] en vue de contester le protocole d'accord préélectoral et les élections professionnelles était irrecevable, motif pris que le syndicat FO transports ne justifiait pas avoir émis des réserves lors de la présentation de la liste de ses candidats relativement au fait que le protocole préélectoral portait atteinte à la fiabilité du vote et que certaines dispositions pouvaient compromettre la sécurité et la sincérité du scrutin, bien que ces salariés aient, en tout état de cause, un intérêt légitime à l'annulation du protocole électoral et des élections et qualité pour agir, nonobstant l'irrecevabilité éventuelle de l'action du syndicat, le tribunal a, en tout état de cause, violé les articles 31 et 32 du code de procédure civile, ensemble les articles L2314-6 du code du travail, l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
13. Aux termes de l'article L2314-6 du code du travail, sauf dispositions législatives contraires, la validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise.
14. Il en résulte que lorsque le protocole d'accord préélectoral répond à ces conditions, il ne peut être contesté devant le juge judiciaire qu'en ce qu'il contiendrait des stipulations contraires à l'ordre public, notamment en ce qu'elles méconnaîtraient les principes généraux du droit électoral. Toutefois un syndicat qui, soit a signé un tel protocole sans réserves, soit a présenté des candidats sans émettre de réserves, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité du protocole d'accord préélectoral et demander l'annulation des élections, quand bien même invoquerait-il une méconnaissance par le protocole préélectoral de règles d'ordre public.
15. Il s'en déduit qu'un salarié candidat ou élu sur la liste présentée par un syndicat ayant, soit signé sans réserves le protocole d'accord préélectoral, soit présenté des candidats sans avoir émis de réserves, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité du protocole d'accord préélectoral et demander l'annulation des élections, quand bien même invoquerait-il une méconnaissance par le protocole préélectoral de règles d'ordre public.
16. Ayant retenu à bon droit que l'action des fédérations CFTC et FO en contestation du protocole d'accord préélectoral et en annulation des élections étaient irrecevables, le tribunal en a exactement déduit que l'action des salariés, en leur qualité de candidats élus sur les listes de ces organisations syndicales, qui tendait aux mêmes fins, était irrecevable.
17. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre.