Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 septembre 2024, 23-10.326, Inédit
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Résumé
Apport de la jurisprudence : Mutation / Refus / Sanction
L'employeur avait proposé à un salarié une mutation dans une société dont il était l'actionnaire majoritaire. L'employeur ne pouvait sanctionner le salarié qui refusait cette mutation. Le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
Cass.Soc., 4 septembre 2024, n°23-10.326
SOC.
CL6
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 septembre 2024
Rejet
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 805 F-D
Pourvoi n° Z 23-10.326
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 SEPTEMBRE 2024
Mme [C] [R], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-10.326 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société La Maison bleue - [Localité 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société La Maison bleue - [Localité 3] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de Mme [R], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société La Maison bleue - [Localité 3], après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2021), Mme [R] a été engagée en qualité de directrice de crèche par la société La maison bleue à compter du 20 août 2012. Elle exerçait ses fonctions au [Localité 3].
2. En congé de maternité du 17 août 2014 au 15 février 2015, puis en congés payés jusqu'au 17 avril 2015, la salariée a fait l'objet d'une dispense d'activité rémunérée à compter de cette date.
3. Le 24 mars 2015, le conseil général de Seine-Saint-Denis a informé l'employeur de ce que la dérogation accordée à la salariée, laquelle ne possède pas les diplômes requis par la réglementation sanitaire pour exercer ses fonctions de directrice de la crèche située au [Localité 3], était venue à échéance le 13 février 2015, sans possibilité de reconduction.
4. Par lettre du 5 mai 2015, l'employeur lui a proposé une mutation au poste de directrice d'une crèche située à [Localité 4] et dirigée par la société Le jardin des étoiles dont il est actionnaire majoritaire.
5. La salariée, qui avait refusé cette proposition par lettres des 29 mai et 17 juin 2015, a été licenciée le 2 juillet 2015 en raison de son refus d'être mutée à [Localité 4].
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
7. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salariée des dommages-intérêts à titre d'indemnité de licenciement abusif, alors « qu'à l'issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ; que pour dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir relevé que l'employeur établissait l'impossibilité alléguée expressément dans la lettre de licenciement de proposer à la salariée l'emploi précédemment occupé, la cour d'appel a retenu que quand bien même la société La Maison bleue n'était-elle plus en mesure de réintégrer la salariée dans son précédant emploi au Bourget, elle ne pouvait néanmoins sanctionner par la rupture du contrat de travail - la lettre de licenciement, n'évoquant explicitement que le non-respect de la clause de mobilité, étant disciplinaire - le refus de la salariée d'être mutée à Puteaux dès lors que cette dernière pouvait légitimement prétendre à être réintégrée à son poste initial ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le poste refusé par la salariée n'était pas similaire à son précédent emploi assorti d'une rémunération équivalent, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L1225-25 du code du travail. »
Réponse de la Cour
8. Un salarié ne peut accepter par avance un changement d'employeur.
9. La cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait proposé à la salariée une mutation dans une société dont il était l'actionnaire majoritaire, ce dont il résultait que l'employeur ne pouvait sanctionner le refus de la salariée, en a exactement déduit que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille vingt-quatre.