Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 mars 2021, 19-19.031, Inédit

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Résumé

Apport de la jurisprudence : Durée du travail / Heures supplémentaires / Décompte / Justificatifs / Preuve

Le salarié qui se contente seulement de réclamer le paiement d’heures supplémentaires non payées, sans fournir à l’appui de sa demande d’autres éléments probants, alors même qu’il savait que son employeur avait pour sa part demandé des récapitulatifs successifs des heures supplémentaires réalisées et que ce dernier était en contentieux sur ce sujet, ne peut prétendre à obtenir gain de cause.

Cass. soc. 10-3-2021 n° 19-19.031 F-D

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 mars 2021




Rejet


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 316 F-D

Pourvoi n° D 19-19.031




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021

M. A... G..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 19-19.031 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association La Sasson, association savoyarde d'accueil, de secours, de soutien et d'orientation, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

L'association La Sasson a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. G..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association La Sasson, après débats en l'audience publique du 20 janvier 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Lecaplain-Morel, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 mai 2019), M. G... a été engagé, à compter de 1997, en qualité d'auxiliaire socio-éducatif par l'association La Sasson (l'association), dont l'objet est de mutualiser les ressources existantes dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale de la Savoie, suivant plusieurs contrats à durée déterminée, puis, à compter du 1er février 2009, suivant contrat à durée indéterminée. Après avoir occupé le poste de moniteur éducateur, puis celui d'éducateur spécialisé, il a été promu cadre éducatif à compter du 1er octobre 2013.

2. Le 6 juin 2016, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, régularisation de jours de congés, ainsi que paiement de primes, d'indemnités et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires pour la période du 1er septembre 2013 au 31 mars 2015, de sa demande de dommages-intérêts pour repos compensateur non pris et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article L3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'il appartient seulement au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'est de nature à étayer la demande du salarié la production d'un décompte des heures qu'il prétend avoir réalisées, calculé mois par mois, même sans explication ni indication complémentaire ; qu'en décidant que le salarié n'a pas établi un décompte suffisamment précis, à défaut de mentionner "l'heure à laquelle il a débuté son travail, son temps de pause, et l'heure à laquelle il a terminé celui-ci, ni son lieu d'intervention ayant pour mission de coordonner les différents centres d'hébergement qui disposaient de salariés pour accueillir le public à l'héberger", et en lui reprochant de n'avoir mentionné aucune heure supplémentaire réalisée d'octobre à février 2014, d'avoir mentionné en mars 2014, "470 heures supplémentaires saison de novembre au 16 février 2014 " sans précision aucune, et, à compter d'avril 2014, de "mentionne[r] systématiquement un nombre d'heures supplémentaires réalisées par mois sans précision de la répartition sur la semaine, et des motifs l'ayant conduit à réaliser ses heures comme il le fait pour les autres salariés", la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, en violation de l'article L3171-4 du code du travail ;

2°/ que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'il s'ensuit que les juges du fond sont tenus d'accueillir la demande en paiement d'heures supplémentaires du salarié dès lors que l'employeur ne satisfait pas aux obligations mises à sa charge par l'article L3171-4 du code du travail et ne produit aucun élément de nature à justifier des horaires du salarié ; qu'en écartant les prétentions du salarié, pour la raison que ses décomptes d'heures n'étaient assortis d'aucune précision, quand ils n'étaient pas réfutés par l'employeur, en méconnaissance de l'ordonnance du 7 mars 2017 lui imposant de communiquer tous les documents propres établir la durée du travail du salarié, la cour d'appel a violé l'article L3171-4 du code du travail ;

3°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen par lequel le salarié a soutenu que l'employeur n'a transmis aucun document de nature à établir la durée de son travail, en méconnaissance de la décision du 7 mars 2017 du conseil des prud'hommes de Chambéry lui imposant la charge de les communiquer, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en déniant toute valeur probante aux attestations produites par le salarié qui "ne peuvent valoir comme preuve de la réalisation d'heures supplémentaires", quand il lui appartenait seulement de rechercher si elles étaient de nature à étayer sa demande, la cour d'appel a violé l'article L3171-4 du code du travail ;

5°/ que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, avec l'accord au moins implicite de l'employeur ; qu'en déduisant des relevés d'heures transmis par le salarié le concernant ainsi que les salariés faisant partie de son service, qu'il devait remettre mensuellement à Mme W... F..., directrice, que la réalisation d'heures supplémentaires par les salariés nécessitait l'accord de la directrice, comme les observations du salarié l'indiquaient, lorsque ce dernier notait la réalisation d'heures supplémentaires avec la mention "accord W...", quand le seul accord implicite de l'employeur ouvre droit au paiement des heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article L3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. C'est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments fournis par l'une et l'autre des deux parties que la cour d'appel, formant sa conviction, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué à la cinquième branche, sans ajouter à la loi et répondant implicitement aux conclusions du salarié quant au respect par l'employeur de l'injonction qui lui avait été faite de communiquer tous les documents de nature à établir la durée de son travail, décidé que l'intéressé devait être débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires pour la période du 1er septembre 2013 au 31 mars 2015.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi principal du salarié

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires sur la période du 1er octobre 2017 au 20 mai 2018, alors « qu'il résulte de l'article L3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'il appartient seulement au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en reprochant au salarié de n'avoir pas justifié de la nature de son activité, la cour d'appel a violé la disposition précitée. »


Réponse de la Cour

8. Ayant relevé qu'alors qu'il savait qu'un contentieux existait avec son employeur et que celui-ci justifiait lui avoir réclamé à de multiples reprises le récapitulatif d'heures, semaine après semaine, réalisées par lui, le salarié s'était contenté de réclamer un nombre d'heures supplémentaires mensuelles sans justification aucune de son activité, la cour d'appel a fait ressortir que l'intéressé ne présentait pas, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de prime pour contraintes conventionnelles particulières (« pccp »), outre congés payés afférents, alors :

« 1°/ que l'article A.3.4.3 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 prévoit le versement d'une prime pour contraintes conventionnelles particulières aux salariés subissant, dans le mois considéré, au moins quatre contraintes quelconques parmi celles-ci : prises de travail par jour, période de travail d'une durée inférieure à 3 heures, amplitude de la journée de travail supérieure à 11 heures, durée du repos ininterrompu entre 2 journées de travail inférieure à 12 heures ; qu'il appartient au salarié qui revendique le paiement d'une telle prime, d'établir qu'il en remplit les conditions au cours de la période concernée par sa demande ; que la cour d'appel s'est bornée à relever, pour faire droit à la demande du salarié tendant au paiement de la prime au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2013 et le 31 août 2016, qu'il la percevait antérieurement à cette période et qu'il l'avait par la suite perçue de nouveau à compter du 1er octobre 2017 ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs inopérants, cependant qu'il incombait au salarié d'établir qu'il remplissait les conditions requises pour prétendre au paiement de la prime au cours de la période concernée par la demande, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 9 du code de procédure civile, 1353 [anciennement 1315] du code civil et A.3.4.3 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre1951 ;

2°/ qu'il était constant aux débats que les fonctions du salarié avaient été modifiées à compter du 1er octobre 2013, date de sa promotion du poste d'éducateur spécialisé non cadre à celui de cadre éducatif ; qu'il était tout aussi constant aux débats que la demande du salarié portait sur la période comprise entre le 1er octobre 2013 et le 31 août 2016, le salarié ne prétendant pas remplir les conditions pour bénéficier de la prime litigieuse entre le 1er septembre 2016 et le 30 septembre 2017, date à compter de laquelle la prime lui avait été de nouveau versée ; que dans ces circonstances, ni le paiement de la prime antérieurement au changement de poste du salarié, ni la reprise de son paiement plus d'un an après le terme de la période concernée par la demande n'étaient de nature à créer une présomption selon laquelle le salarié remplissait les conditions pour bénéficier de la prime pour contraintes conventionnelles particulières entre le 1er octobre 2013 et le 31 août 2016 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impuissants à faire ressortir ou même à laisser présumer que le salarié remplissait lesdites conditions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article A.3.4.3 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre1951. »

Réponse de la Cour

11. Ayant relevé que jusqu'au 31 septembre 2013,le salarié percevait la prime « pccp » et qu'à compter du 1er octobre 2017, l'association avait repris le paiement de cette prime, la cour d'appel qui a retenu que l'employeur reconnaissait ainsi que les conditions de travail du salarié justifiaient le paiement de celle-ci, sans expliquer en quoi sur la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2017, les contraintes conventionnelles particulières justifiant son attribution auraient disparu, a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision, peu important que le salarié ait limité sa demande en paiement à celle accueillie par les premiers juges.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, en ce que la cour d'appel a condamné l'association à payer au salarié un rappel de prime pour contraintes conventionnelles particulières, devra s'étendre à l'arrêt en ce qu'il l'a condamnée à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, compte tenu du lien de dépendance nécessaire entre ces deux chefs du dispositif. »

Réponse de la Cour

14. Le rejet du premier moyen du pourvoi incident prive de portée ce moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un, et signé par lui, le conseiller rapporteur et Mme Piquot, greffier en remplacement du greffier empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. G...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. A... G... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires pour la période du 1er septembre 2013 au 31 mars 2015, de sa demande de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris et de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE M. A... G... indique qu'à compter du 1er septembre 2013, date à laquelle il a accédé au statut de cadre éducatif, les heures supplémentaires pour un montant de 30.903,01 € ne lui ont pas été réglées et ce jusqu'au 31 mars 2015, date à laquelle, elles faisaient l'objet d'une récupération, étant précisé qu'à compter de cette date, M. A... G... a vu sa charge de travail allégée par le retrait de la prise en charge du SDDA à compter du 1er avril 2015 et du CHU d'Aix-les-Bains à compter du 1er novembre 2015 ; que M. A... G... réclame également la somme de 7 644,26 € au titre des heures supplémentaires sur la période du 1er octobre 2017 au 20 mai 2018, dans la mesure où en raison de son licenciement du 27 juillet 2018, il n'a pas pu récupérer les heures supplémentaires effectuées ; que M. A... G... précise qu'il travaillait en période hivernale du 1er novembre au 31 mars, minimum 13 heures par jour du lundi au vendredi de 9h/12h- 13h30/17h3018h/24h et qu'il avait en charge les centres d'hébergements suivants qui étaient ouverts la nuit, le CHU de Moutiers, d'Albertville, d'Aix-les-Bains, de Bassens (Saint Anselme), de Chambéry (Relais grand froid) ; qu'hors période hivernale (du 1er avril au 31 octobre), M. A... G... indique qu'il travaillait au minimum 11 heures par jour, du lundi au vendredi, selon les horaires suivants : 9h/12h – 13h30/17h30 – 19h/23h et intervenait sur les établissements suivants, ouverts toute l'année le CHU de Chambéry (Relais grand froid), le CHU d'Albertville et le SDDA (service des demandeurs d'asile) ; qu'en droit, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que dans son décompte d'heures effectuées, M. A... G... se contente d'indiquer le nombre d'heures supplémentaires effectuées par jour, sans préciser l'heure à laquelle il a débuté son travail, son temps de pause et l'heure à laquelle il a terminé celui-ci, ni son lieu d'intervention, ayant pour mission de coordonner les différents centres d'hébergement qui disposaient de salariés pour accueillir le public à héberger ; que les bulletins de salaire de M. A... G... versés aux débats antérieurement à son accès au statut de cadre éducatif le 1er octobre 2013, du 1er décembre 2010 (moniteur éducateur jusqu'au 30 septembre 2011 puis éducateur spécialisé) au 30 octobre 2013 établissent que M. A... G... effectuait un certain nombre d'heures supplémentaires (en général 21 heures par mois), étant souligné que l'accès au statut de cadre impliquait pour l'association La Sasson que M. A... G... n'avait plus à effectuer des heures supplémentaires de nuit ; que l'accès à la fonction de chef de service impliquait l'organisation de ce service de nuit ; que M. A... G... n'était pas tenu par les heures d'ouverture et de fermeture des centres d'hébergement ; que l'association La Sasson n'a pas défini les horaires de travail de M. A... G... qui avait une grande liberté dans l'organisation de celui-ci ; que d'autre part, il résulte très clairement des relevés d'heures transmis par M. A... G... le concernant ainsi que les salariés faisant partie de son service, qu'il devait remettre mensuellement à Mme W... F..., directrice, que la réalisation d'heures supplémentaires par les salariés nécessitait l'accord de la directrice, comme les observations de M. A... G... l'indiquent lorsque M. A... G... note la réalisation d'heures supplémentaires avec la mention "accord W..." ; que sur les relevés d'heures supplémentaires, M. A... G... n'a mentionné aucune heure supplémentaire réalisée d'octobre à février 2014 ; qu'en mars 2014, il mentionne "470 heures supplémentaires saison de novembre au 16 février 2014" sans précision aucune ; qu'à compter d'avril 2014, M. A... G... mentionne systématiquement un nombre d'heures supplémentaires réalisées par mois sans précision de la répartition sur la semaine, et des motifs l'ayant conduit à réaliser ses heures comme il le fait pour les autres salariés ; que les nombreuses attestations produites aux débats par M. A... G..., mentionnant sa grande disponibilité et de sa présence aux côtés des salariés, de nuit dans différents établissements, pour vérifier le bon déroulement de l'activité, et du fait qu'il pouvait être joint à tout moment en cas d'incident, sont vagues et ne précisent pas les dates d'intervention ; que si Mme D... V..., en contrat de professionnalisation de septembre 2013 à septembre 2014, indique qu'elle a accompagné M. A... G... dans ses interventions au CHU de Moutiers, Albertville et Saint Anthelme et relais grand froid, et que M. A... G... était toujours présent au CHU de Chambéry après son départ à 22 heures, elle ne donne pas de précision sur les dates, M. A... G... ne pouvant se démultiplier et n'indiquant nullement quand il faisait des tournées ponctuelles de nuit, s'il était présent au travail dans la journée ; que ces différents témoignages, outre qu'ils ne précisent pas les dates sauf pour Mme V..., ne parlent que d'interventions ponctuelles et en cas de nécessité ; que ces attestions ne peuvent valoir comme preuve de la réalisation d'heures supplémentaires par M. A... G... ; que sur le fonctionnement des centres d'hébergement, l'association La Sasson établit qu'en ce qui concerne le CHU de Moutiers à proximité des stations de ski, il accueillait des saisonniers à la recherche de travail en stations, le financement était assuré par la ville de Moutiers, qui mettait à disposition de ce centre trois agents municipaux, et les communes environnantes et l'Etat ; qu'il ne fonctionnait que l'hiver et les résidents n'y passaient qu'une à cinq nuits en moyenne que l'association La Sasson avait pour simple rôle la coordination avec les autres territoires ; que sur les CHU d'Albertville et de Chambéry, deux référents ont été nommés, M. I... et M. N..., qui ne se sont pas contentés de remplacer M. A... G... pendant son arrêt maladie de mi-février à fin mars 2014 mais comme le souligne M. I... lui-même dans un courrier du 29 avril 2015 à l'association La Sasson où il revendiquait de pouvoir accéder à un poste de chef de service, il était coordinateur du centre d'hébergement d'urgence d'Albertville, diplômé depuis décembre 2013 ; que le CHU d'Aix-les-Bains était à la charge de M. A... G... du 19 décembre 2014 au 31 mars 2015 ; que sa gestion a été reprise par M. O..., qui témoigne de sa charge de travail (un à deux passages par semaine, des échanges téléphoniques quotidiens afin d'organiser la prise en charge des résidents, une réunion d'équipe mensuelle de 2 heures de 17h à 19h) ; que M. A... G... n'avait donc pas à se rendre sur tous les sites qui disposaient de référents ou d'un personnel suffisant pour assurer le fonctionnement ; que les courriels envoyés par M. A... G... l'étaient sur son adresse personnelle ; qu'au vu des éléments fournis par les parties, le jugement sera infirmé et M. A... G... débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires pour la période du 1er septembre 2013 au 31 mars 2015 et des dommages-intérêts pour repos compensateur non pris ;

1. ALORS QU'il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'il appartient seulement au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'est de nature à étayer la demande du salarié la production d'un décompte des heures qu'il prétend avoir réalisées, calculé mois par mois, même sans explication ni indication complémentaire ; qu'en décidant M. G... n'a pas établi un décompte suffisamment précis, à défaut de mentionner « l'heure à laquelle il a débuté son travail, son temps de pause, et l'heure à laquelle il a terminé celui-ci, ni son lieu d'intervention ayant pour mission de coordonner les différents centres d'hébergement qui disposaient de salariés pour accueillir le public à l'héberger » (arrêt attaqué, p. 4, pénultième alinéa), et en lui reprochant de n'avoir mentionné aucune heure supplémentaire réalisée d'octobre à février 2014, d'avoir mentionné en mars 2014, « 470 heures supplémentaires saison de novembre au 16 février 2014 » sans précision aucune, et, à compter d'avril 2014, de « mentionne[r] systématiquement un nombre d'heures supplémentaires réalisées par mois sans précision de la répartition sur la semaine, et des motifs l'ayant conduit à réaliser ses heures comme il le fait pour les autres salariés » (arrêt attaqué, p. 5, 2ème alinéa), la cour d'appel a ajouté à la loi, une condition qu'elle ne prévoit pas, en violation de l'article L 3171-4 du code du travail ;

2. ALORS QUE l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'il s'ensuit que les juges du fond sont tenus d'accueillir la demande en paiement d'heures supplémentaires du salarié dès lors que l'employeur ne satisfait pas aux obligations mises à sa charge par l'article L 3171-4 du code du travail et ne produit aucun élément de nature à justifier des horaires du salarié ; qu'en écartant les prétentions de M. G..., pour la raison que ses décomptes d'heures n'étaient assortis d'aucune précision, quand ils n'étaient pas réfutés par l'employeur, en méconnaissance de l'ordonnance du 7 mars 2017 lui imposant de communiquer tous les documents propres établir la durée du travail de M. G..., la cour d'appel a violé l'article L 3171-4 du code du travail ;

3. ALORS QU'en s'abstenant de répondre au moyen par lequel M. G... a soutenu que l'employeur n'a transmis aucun document de nature à établir la durée du travail de M. G..., en méconnaissance de la décision du 7 mars 2017 du conseil des prud'hommes de Chambéry lui imposant la charge de les communiquer, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4. ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en déniant toute valeur probante aux attestations produites par M. G... qui « ne peuvent valoir comme preuve de la réalisation d'heures supplémentaires » (arrêt attaqué, p. 5, 4ème alinéa), quand il lui appartenait seulement de rechercher si elles étaient de nature à étayer sa demande, la cour d'appel a violé l'article L 3171-4 du code du travail ;

5. ALORS QUE le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, avec l'accord au moins implicite de l'employeur ; qu'en déduisant des relevés d'heures transmis par M. A... G... le concernant ainsi que les salariés faisant partie de son service, qu'il devait remettre mensuellement à Mme W... F..., directrice, que la réalisation d'heures supplémentaires par les salariés nécessitait l'accord de la directrice, comme les observations de M. A... G... l'indiquaient, lorsque M. A... G... notait la réalisation d'heures supplémentaires avec la mention "accord W...", quand le seul accord implicite de l'employeur ouvre droit au paiement des heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article L 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. G... de la demande qu'il avait formée contre l'association LA SASSON, en vue d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires sur la période du 1er octobre 2017 au 20 mai 2018 ;

AUX MOTIFS QUE les heures supplémentaires réclamées pour la période du 1er octobre 2017 au 20 mai 2018, il ne s'agit pas d'une demande nouvelle dans la mesure où l'instance prud'homale a été introduite par M. A... G... antérieurement au 1er août 2016 (saisine du 6 juin 2016), rendant applicables les dispositions des articles R1452-6 du code du travail sur l'unicité d'instance et de l'article R1452-7 du code du travail sur le recevabilité des demandes nouvelles même en appel ; que la demande de M. A... G... est recevable ; que par courrier réceptionné le 16 mars 2016, M. A... G... faisait part des heures supplémentaires réalisées d'octobre 2017 à février 2018, puis réclamait celles dues jusqu'au 20 mai 2018 ; que M. A... G..., alors qu'il savait qu'un contentieux existait avec son employeur, qui justifie lui avoir réclamé à de multiples reprises le récapitulatif d'heures, semaine après semaine, réalisées par lui, se contente de réclamer un nombre d'heures supplémentaires mensuelles sans justification aucune de son activité ;

ALORS QU'il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'il appartient seulement au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en reprochant à M. G... de n'avoir pas justifié de la nature de son activité, la cour d'appel a violé la disposition précitée. Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour l'association La Sasson

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'association LA SASSON à payer à Monsieur G... les sommes de 3.679,97 € à titre de prime « PCCP » (prime pour contraintes conventionnelles particulières) et 328,57 € au titre des congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE « sur la prime pour contraintes conventionnelles particulières ( dites primes PCCP) : l'article A3.4.3 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 applicable au contrat de travail, prévoit qu'une prime pour contraintes conventionnelles particulières est attribuée aux personnels subissant, dans le mois considéré, au moins quatre contraintes quelconques parmi celles énoncées ci-dessous :
- période de travail d'une durée inférieure à 3 heures ;
- amplitude de la journée de travail supérieure à. 11 heures ;
- durée du repos ininterrompu entre 2 journées de travail inférieure à 12 heures ;
que jusqu'au 31 septembre 2013, M. A... G... percevait cette prime et à compter du 1" octobre 2017, l'association La Sasson a repris le paiement de cette prime, reconnaissant que les conditions de travail de M. A... G... justifiaient le paiement de celle-ci, l'association La Sasson ne s'expliquant pas en quoi sur la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2017, les contraintes conventionnelles particulières auraient disparu ; que dès lors, le jugement, qui a condamné l'association La Sasson à payer à M. A... G... la somme de 3.679,97 euros brut au titre de ses primes PCCP et celle de 328,57 euros au titre des congés payés afférents, sera confirmé » ;

ET AUX MOTIFS, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, DES PREMIERS JUGES QUE « sur la prime PCCP, que les dispositions de la Convention Collective prévoient son versement dès que le salarié réunit un certain nombre de conditions, qu'aucune disposition de ladite convention n'en exclut les salariés au statut cadre, le Conseil fera droit à cette demande » ;

ALORS QUE l'article A.3.4.3 de la Convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 prévoit le versement d'une prime pour contraintes conventionnelles particulières aux salariés subissant, dans le mois considéré, au moins quatre contraintes quelconques parmi celles-ci : prises de travail par jour, période de travail d'une durée inférieure à 3 heures, amplitude de la journée de travail supérieure à 11 heures, durée du repos ininterrompu entre 2 journées de travail inférieure à 12 heures ; qu'il appartient au salarié qui revendique le paiement d'une telle prime, d'établir qu'il en remplit les conditions au cours de la période concernée par sa demande ; que la cour d'appel s'est bornée à relever, pour faire droit à la demande de Monsieur G... tendant au paiement de la prime au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2013 et le 31 août 2016, qu'il la percevait antérieurement à cette période et qu'il l'avait par la suite perçue de nouveau à compter du 1er octobre 2017 ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs inopérants, cependant qu'il incombait à Monsieur G... d'établir qu'il remplissait les conditions requises pour prétendre au paiement de la prime au cours de la période concernée par la demande, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 9 du Code de procédure civile, 1353 [anciennement 1315] du Code civil et A.3.4.3 de la Convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins ;

QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QU'il était constant aux débats que les fonctions de Monsieur G... avaient été modifiées à compter du 1er octobre 2013, date de sa promotion du poste d'éducateur spécialisé non cadre à celui de cadre éducatif ; qu'il était tout aussi constant aux débats que la demande de Monsieur G... portait sur la période comprise entre le 1er octobre 2013 le 31 août 2016, le salarié ne prétendant pas remplir les conditions pour bénéficier de la prime litigieuse entre le 1er septembre 2016 et le 30 septembre 2017, date à compter de laquelle la prime lui avait été de nouveau versée ; que dans ces circonstances, ni le paiement de la prime antérieurement au changement de poste du salarié, ni la reprise de son paiement plus d'un an après le terme de la période concernée par la demande n'étaient de nature à créer une présomption selon laquelle Monsieur G... remplissait les conditions pour bénéficier de la prime pour contraintes conventionnelles particulières entre le 1er octobre 2013 et le 31 août 2016 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impuissants à faire ressortir ou même à laisser présumer que Monsieur G... remplissait lesdites conditions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article A.3.4.3 de la Convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'association LA SASSON à payer à Monsieur G... la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : M. A... G... justifie du manquement de l'association La Sasson à ses obligations d'exécution loyale du contrat de travail en ne lui payant pas les différentes primes et indemnités auxquelles il pouvait prétendre, en les supprimant, puis en les rétablissant, sans justificatifs, plaçant M. A... G... dans une situation qui n'était pas sécurisante pour lui, entraînant des arrêts de travail et un stress professionnel. Il n'est cependant pas justifié d'une surcharge de travail, ni de pressions exercées par la direction mais de demandes d'éclaircissements sur les temps de travail de M. A... G... et des salariés faisant partie de son service ; que l'association La Sasson sera condamnée à payer à M. A... G... la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts ».

ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, en ce que la cour d'appel a condamné l'association LA SASSON à payer à Monsieur G... un rappel de prime pour contraintes conventionnelles particulières, devra s'étendre à l'arrêt en ce qu'il l'a condamnée à lui payer une somme à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, compte tenu du lien de dépendance nécessaire entre ces deux chefs du dispositif ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond qui accordent le paiement d'une somme déterminée ne peuvent allouer des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires sans constater l'existence, pour le créancier, d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par le débiteur et causé par sa mauvaise foi ; qu'en accordant à Monsieur G... en sus du rappel de primes diverses une somme à titre de dommages et intérêts, sans faire ressortir la mauvaise foi de l'employeur ni le préjudice indépendant du retard dans l'exécution de l'obligation subi par le salarié, la cour d'appel a violé les articles 1231-6 [anciennement 1153] et 1240 [anciennement 1382] du Code civil.