Jurisprudence à la loupe

Cass.soc., 6 mars 2024, n°22-11.016

Vie privée / Messagerie professionnelle

Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée de sorte qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Doit être approuvé l'arrêt de la cour d'appel qui retient que l'employeur ne peut, pour procéder au licenciement d'un salarié, se fonder sur le contenu de messages, qui, même s'ils avaient été envoyés au moyen de la messagerie professionnelle, relèvent de la vie personnelle du salarié dès lors, d'une part, que ces messages s'inscrivaient dans le cadre d'échanges privés, à l'intérieur d'un groupe de personnes, et n'avaient pas vocation à devenir publics, d'autre part, que les opinions exprimées par la salariée n'avaient eu aucune incidence sur son emploi ou ses relations avec les usagers ou ses collègues et qu'il n'est pas établi qu'ils auraient été connus en dehors du cadre privé.

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Cass.soc., 23 mai 2017, n°15-22.223

Indemnité de licenciement / Maladie / Calcul

Le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l'arrêt de travail pour maladie.

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Cass. Soc, 24 janvier 2024, n°22-19.752

Clause de mobilité / Déménagement / Modification du contrat

Si un employeur veut changer le lieu de travail d’un employé, et qu’il n’y a pas de clause de mobilité géographique dans le contrat, cela ne constitue une modification du contrat nécessitant l’accord de l’employé que si le nouveau lieu de travail est dans un autre “secteur géographique”.

Pour déterminer si deux lieux de travail sont dans le même secteur géographique, on considère plusieurs facteurs, comme le bassin d’emploi, la distance entre les deux lieux, l’accès aux transports en commun, le réseau routier, etc.

Dans le cas de deux lieux de travail séparés de 35km, situés dans le même département et dépendant de la même chambre de commerce et d’industrie, la Cour de cassation a jugé qu’ils ne font pas partie du même secteur géographique. Elle a pris en compte le fait que les transports en commun ne sont pas facilement accessibles entre les deux communes aux horaires de travail de l’employée, que le covoiturage est difficile à mettre en place à cause de ses horaires de travail, et que l’utilisation d’un véhicule personnel causerait de la fatigue et des frais financiers supplémentaires pour l’employée.

Par conséquent, le licenciement de l’employée, qui était motivé par son refus de travailler à son nouveau lieu de travail, a été jugé sans cause réelle et sérieuse.

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Cass.soc., 21 juin 2023, n°21-21.572

Prime / Salaire / Avenant / Rémunération

Un salarié signe un avenant à son contrat de travail qui établit un système de rémunération différent et omet de faire mention d'une prime jusque-là perçue.

La Cour de cassation juge que la prime est due car le salarié, bien qu'ayant signé l'avenant, n'a pas manifesté une intention claire et non équivoque s’agissant d’une éventuelle suppression de ladite prime.

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Cass.soc., 28 juin 2023, n°22-11.699

Salarié protégé / Statut protecteur / Élections professionnelles

Un salarié demande la tenue d'élections professionnelles. Par la suite, il est licencié. La Cour de cassation juge que l'employeur doit prouver que le licenciement n'est pas une mesure de rétorsion et une discrimination syndicale.

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Cass.soc., 28 juin 2023, n°21-18.142

Procuration / Mandat / Délégation de pouvoir / Procédure

Un salarié est licencié d’une entreprise appartenant à un groupe. C’est un salarié d’une autre entreprise du même groupe, agissant en tant que consultant externe avec le mandat de gérer le personnel et de contrôler les processus de l’entreprise du salarié licencié, qui mène l’entretien préalable au licenciement.

Le salarié conteste le licenciement au motif que la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement.

La Cour de cassation valide l'appartenance du consultant à l'entreprise et la validité de la procédure de licenciement.

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Cass.soc., 25 novembre 2015, n°14-21.521

Recrutement / Mensonge / CV / Curriculum vitae

Dans un autre jugement, un employé a été renvoyé pour faute sérieuse en raison d’un mensonge sur son curriculum vitae. L’employé avait prétendu avoir occupé le poste de “gestionnaire de comptes stratégiques” dans une grande entreprise, ce qui était complètement inexact. La Cour d’appel et la Cour de cassation ont confirmé le licenciement, notant que cette information sur le CV avait joué un rôle crucial dans la décision de l’employeur de l’embaucher.

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Cass.soc., 1 février 1999, n°96-45.565

Recrutement / Mensonge / CV / Curriculum vitae

Une employée avait mentionné dans son curriculum vitae qu’elle avait été employée par une entreprise pendant un an, alors qu’en réalité, elle n’avait effectué qu’un stage de quatre mois. La Cour d’appel a jugé que c’était un mensonge et a annulé le contrat de travail avec son nouvel employeur. Cependant, la Cour de cassation a jugé que ce n’était qu’une déclaration “vague et pouvant prêter à confusion”, et non une tentative de fraude.

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Cass.soc., 14 février 2024, n°22-10.513

Discrimination / Travailleur handicapé / Rémunération

Un salarié, reconnu travailleur handicapé fait valoir une discrimination salariale tout en contestant son licenciement disciplinaire. La Cour d’appel donne raison au salarié en constatant l’existence d’une discrimination de la seule différence de 10 centimes par heure entre le montant d’une prime versée au salarié et celui alloué à un autre membre du personnel.

Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel a pu estimer, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que l’employeur ne démontrait pas que cette différence de traitement était justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination en raison du handicap.

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Cass.soc., 17 décembre 2014, n°13-20.217

Procédure / Entretien préalable / Notification de licenciement

Pour la Cour de cassation, la circonstance que le grief énoncé dans la lettre de licenciement n’a pas été indiqué au salarié lors de l’entretien préalable caractérise une irrégularité de forme qui n’empêche pas le Juge de décider que ce grief peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Par conséquent, le salarié ne peut pas prétendre aux indemnités du barème mais à une indemnité d’un mois de salaire maximum.

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Cass.soc., 21 septembre 2016, n°15-13.054

Alimentaire / Hygiène et sécurité / Preuve / L.1235-1

Un salarié cuisinier, est licencié pour faute grave pour ne pas avoir respecté les règles d'hygiène alimentaire. L'employeur apporte pour preuve un contrôle alimentaire inopiné en son absence. 

La Cour de Cassation juge le licenciement fondé et que le juge d'appel a pu apprécier, sans inverser la charge de la preuve, que les éléments reprochés dans la lettre de licenciement étaient établis.

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Cass.soc., 23 juin 2021, n°19-13.856

Hygiène et sécurité / Preuve / Vidéo / Vie privée

Un salarié est licencié pour faute grave. L'employeur utilise les images de vidéo surveillance pour prouver les faits, la vidéo filmant le salarié seul en cuisine constamment pour contrôler les manquements aux règles d'hygiène et de sécurité.

La Cour de cassation juge l'usage de la vidéo disproportionné par rapport au but recherché et attentatoire à la vie personnelle du salarié. Elle ne retient pas les images comme preuve et retient un licenciement abusif.

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Cass.soc., 14 février 2024, n°22-22.440

Licenciement / Mise à pied disciplinaire / Prescription

La notification de licenciement remise à un salarié retient une mise à pied disciplinaire vieille de plus de 3 ans.

Une sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut justifier le licenciement.

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Cass.soc., 14 février 2024, n°22-18.014

Droit à l'image / Preuve

Un salarié reproche à son employeur l'utilisation de son image lors de campagnes publicitaires auprès de clients, sans toutefois fournir d'élément de preuve de l'existence de cette utilisation.

La Cour de cassation juge que le fait que l'employeur ne conteste pas l'utilisation de l'image du salarié, alors même que celui-ci n'avait pas donné son accord est suffisant.

La seule constatation de l'atteinte au droit à l'image ouvre droit à réparation.

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Cass.soc., 14 février 2024, n°22-21.464

Harcèlement / Licenciement nul / Obligation de sécurité / L.1152-4

Un salarié, licencié, reproche à son employeur des faits de harcèlements. La Cour d'appel déclare le licenciement nul en raison des manquements de l'employeur pour prévenir le harcèlement.

La Cour de cassation juge que les manquements aux obligations de sécurité de l'employeur ne rendent pas le licenciement nul. Elle ne remet pas en cause l'indemnisation du salarié concernant le harcèlement moral.

La nullité du licenciement qui découle de faits de harcèlement institué à l’article L.1152-4 du Code du travail, diffère de la prévention aux obligations de sécurité de l’employeur.

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Cass.soc., 14 février 2024, n°21-24.135

ATMP / Licenciement économique / Inaptitude / L.1226-10

A l’occasion de l'arrêt d'un salarié faisant suite à un accident du travail, la société fait l'objet d'une liquidation.

Le salarié est licencié pour raison économique et non selon les dispositions relatives à son accident.

La Haute juridiction donne raison au liquidateur, au motif que l'entreprise ne faisant pas partie d'un groupe et cessait son activité, le reclassement était impossible.

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Cass.soc., 7 février 2024, n°22-22.308

Pauses / Temps de travail / Heures supplémentaires / Déjeuner

Un salarié réclame à son employeur le paiement d’heures supplémentaires, considérant son temps de pause déjeuner comme travail effectif. Il apporte comme preuve des emails de l’employeur demandant au salarié de décaler sa pause déjeuner pour des raisons commerciales mais ne fournit pas le décompte des heures dont il sollicite le paiement. La Cour de cassation donne raison au salarié, demandant de contrôler si le salarié était libre pendant la pause déjeuner. Pour que des temps de pauses puissent être considérés comme du temps de travail effectif, il faut que le salarié soit à la disposition de l’employeur et qu’il doive se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

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Cass.soc., 7 février 2024, n°21-10.755

Inaptitude / Reclassement / Avis

Un salarié reçoit un avis d’inaptitude différent de celui reçu par son employeur, le premier prévoyant un reclassement aménagé, le second, l’impossibilité de reclassement. Si la fraude n’est pas établie, l’avis d’inaptitude présenté par l’employeur et non contesté s’impose au juge pour valider le licenciement pour inaptitude.

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Cass.soc., 7 février 2024, n°22-17.696

Temps de travail / Temps partiel / Modulation du temps de travail / Heures complémentaires / Aménagement du temps de travail

Il résulte de la combinaison des articles L. 3121-41, L. 3121-44, L. 3123-9 et L. 3123-20 du code du travail qu'en cas d'aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures complémentaires ne peuvent pas avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau du seuil de la durée légale du travail correspondant à la période de référence, ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.

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Cass.soc., 7 février 2024, n°22-15.842

Temps de travail / Charge de la preuve

L'absence de mise en place par l'employeur d'un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre d'heures accomplies

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Cass.soc., 7 février 2024, n°22-15.256

Forfait en jours / Charge de la preuve / Temps de travail

Un salarié travaillant au forfait en jours demande à ce que la convention de forfait ne soit pas appliquée et demande le paiement d’heures supplémentaires. Le salarié, débouté de sa demande, avance des horaires de travail théoriques, sans preuve, conduisant à considérer qu’il travaillait 52 heures par semaine. La Cour de Cassation rejette la décision qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié.

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Cass.soc., 14 février 2024, n°22-23.073

Preuves / Loyauté / Vidéosurveillance / Données personnelles

Après avoir constaté qu’il existait des raisons concrètes liées à la disparition de stocks, justifiant le recours à la surveillance de la salariée et que cette surveillance, qui ne pouvait être réalisée par d’autres moyens, avait été limitée dans le temps et réalisée par la seule dirigeante de l’entreprise. La production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables.

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Cass.soc., 7 février 2024, n°21-22.809

Obligation de sécurité / Temps de repos / Préjudice

Dans un contexte temps de repos et jours de travail, la Cour de cassation reconnaît le préjudice pour le salarié, basé sur une violation de l’obligation de sécurité de l’employeur.

La Cour confirme qu’un employé qui subit une violation par l’employeur des périodes de repos entre deux temps de travail peut obtenir une indemnisation sans avoir à prouver un préjudice spécifique. Cela est valable même lorsque les règles conventionnelles sont plus favorables que la loi.

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Cass.soc, 31 janvier 2024, n°21-20.989

Reclassement / Licenciement Économique / Permutation

Le licenciement économique d’un employé est légal seulement après avoir épuisé toutes les options de formation et d’adaptation et si aucun reclassement n’est possible au sein de l’entreprise ou du groupe d’entreprises. Si l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur doit rechercher des opportunités de reclassement au sein du groupe, indépendamment de l’absence de lien capitalistique entre les entreprises. La permutation du personnel est envisageable si les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation des autres entreprises du groupe le permettent.

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Cass.soc, 7 février 2024 n°22-17.696

Temps partiels / Heures supplémentaires / Requalification

Dans le cadre d’un contentieux temps de travail concernant un contrat à temps partiel, la Cour de cassation confirme que bien que la salariée ait occasionnellement dépassé son horaire hebdomadaire, il n’a pas été prouvé que la durée annuelle de travail de 1 600 heures ait été dépassée. Par conséquent, la demande de requalification en contrat de travail à temps complet a été rejetée à juste titre.

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