Jurisprudence à la loupe

Cass.soc 10 janvier 2024 n°22-20.116

Forfait en jours / Annulation / Durée du travail / Travail dissimulé

Malgré la nullité de la convention de forfait en jours et la réalisation de nombreuses heures supplémentaires permettant de caractériser l'intention de l'employeur de dissimuler une partie du temps de travail, la Cour d’appel doit au préalable vérifier l'assiette de calcul de l'indemnité pour travail dissimulé. Cette assiette de calcul équivaut au salaire de référence sur lequel se fonde la demande.  

A titre de rappel, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est, aux termes de l'article L.8223-1 du Code du travail, égale à six mois de salaire.

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Cass.soc 17 janvier 2024 n°22-17.917

Temps de travail / Preuves / Heures supplémentaires

Pour la Haute juridiction, un simple décompte hebdomadaire sans décompte quotidien et sans aucune amplitude horaire des journées et un élément suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.

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Cass.soc 17 janvier 2024 n°22-13.464

Inaptitude / Médecin du travail / Salaire / Récusation

Il ressort de l'article L. 4624-7-2 du Code du travail qu'à l'occasion de la mesure d'instruction confiée au médecin inspecteur du travail par le conseil des prud'hommes, l'employeur peut mandater un médecin pour prendre connaissance des éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail. 

L'article R. 4624-45-2 du même Code prévoit la récusation du médecin inspecteur du travail lorsqu'il a été consulté par le médecin du travail avant de rendre son avis. L'exercice du recours prévu à l'article L. 4624-7 du Code du travail ne suspend pas le délai d'un mois imparti à l'employeur pour reprendre le versement du salaire tel que prévu à l'article L.1226-4 du même Code.

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Cass.soc 17 janvier 2024 n°22-18.752

Convention collective / Interprétation

La Cour de cassation rappelle la règle selon laquelle, une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

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Cass.soc 17 janvier 2024 n°22-20.778

Séparation des pouvoirs / Salarié protégé / Discrimination syndicale / Procédure

Dans le cas où l'employeur sollicite l'autorisation de licencier le salarié, il appartient à l'administration de vérifier si la mesure de licenciement envisagée n'est pas en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé. Par conséquent, l'autorisation administrative de licenciement établit que le licenciement n'a eu ni pour objet ni pour effet de faire échec au mandat représentatif. Il en résulte que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, annuler le licenciement pour motif économique du salarié sur le fondement d'une discrimination syndicale subie par ce dernier. 

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Cass.soc 17 janvier 2024 n°22-17.474

Preuves / Enregistrements / Procédure

Dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. Dès lors, justifie légalement sa décision d'écarter des débats un enregistrement clandestin d'une réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) la cour d'appel qui a, d'une part relevé que le médecin du travail et l'inspecteur du travail avaient été associés à l'enquête menée par le CHSCT et que le constat établi par le CHSCT dans son rapport d'enquête du 2 juin 2017 avait été fait en présence de l'inspecteur du travail et du médecin du travail, d'autre part retenu, après avoir analysé les autres éléments de preuve produits par le salarié, que ces éléments laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, faisant ainsi ressortir que la production de l'enregistrement clandestin des membres du CHSCT n'était pas indispensable au soutien des demandes du salarié. 

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Cass.soc 17 janvier 2024 n°22-15.782

Durée du travail / Forfait en jours

En cas de manquement de l'employeur à l'une des obligations prévues par l'article L.3121-65 du Code du travail, l'employeur ne peut pas se prévaloir du régime dérogatoire institué par ce texte et la convention individuelle de forfait en jours conclue, alors que l'accord collectif ouvrant le recours au forfait en jours ne répond pas aux exigences de l'article L. 3121-64, II, 1° et 2°, est nulle. 

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Cass.soc 17 janvier 2024 n°21-20.229

Santé et sécurité / Reclassement / Proposition

La circonstance que l'employeur est présumé avoir respecté son obligation de reclassement en proposant au salarié déclaré inapte un emploi prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ne le dispense pas de verser au salarié, qui a refusé cette proposition de reclassement et qui n'a pas été reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise ou qui n'a pas été licencié, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail. 

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Cass. soc., 10 janvier 2024, n°22-19.165

Rupture conventionnelle / Indemnité / Convention Collective

L'indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue par l'article L.1237-13 du Code du travail ne peut pas être d'un montant inférieur à celui de l'indemnité conventionnelle de licenciement, lorsque celle-ci est supérieure à l'indemnité légale de licenciement. 

L'article 14-3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, relatif aux ingénieurs et cadres prévoit que la base de calcul de l'indemnité de licenciement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de congédiement et qu'elle ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des douze mois précédant le congédiement. Il en résulte qu'en l'absence de licenciement et d'exécution de préavis, il convient de prendre en compte le salaire du mois précédant la signature de la convention de rupture.

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Cass. soc., 10 janvier 2024, n°21-20.229

Inaptitude / Reclassement / Rémunération

La circonstance que l'employeur est présumé avoir respecté son obligation de reclassement en proposant au salarié déclaré inapte un emploi prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ne le dispense pas de verser au salarié, qui a refusé cette proposition de reclassement et qui n'a pas été reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise ou qui n'a pas été licencié, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail.

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Cass. soc., 10 janvier 2024, n°22-13.200

Forfait jours / Charge de travail / Entretien professionnel

L'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.  

Selon l'article L.3121-64, II, du Code du travail, l'accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération, ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.  

Viole la loi, la Cour d'appel qui retient que l'employeur a satisfait à ses obligations légales, alors qu'elle avait constaté que, lors de l'entretien professionnel, le salarié avait signalé l'impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire, que le repos hebdomadaire n'avait pas été respecté à plusieurs reprises et que les convocations pour l'entretien prévu une année n'avaient été adressées que l'année suivante. 

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Cass. soc., 20 décembre 2023, n°22-16.905

Salarié détaché / Salarié frontalier / Cotisations sociales / Intérim

Un salarié en intérim est mis à disposition d'une société établie en Allemagne. Le salarié fait une déclaration de maladie professionnelle. La CPAM verse une rente réduite en raison du fait que des cotisations d'assurances ont été versées en Allemagne. 

Le salarié reproche à son employeur le défaut de cotisations à la sécurité sociale française auprès du tribunal. 

Le Conseil des prud'hommes juge que le salarié résidait en France, que des contrats de missions du salarié n'excédant pas 24 mois et que toutes les missions étaient motivées par un accroissement temporaire de l'activité et non par le remplacement d'une autre personne, ainsi pour la Cour d’appel, le salarié devait avoir le statut de salarié détaché et donc cotiser en France. Le Cour d’appel en déduit que le salarié a le statut de travailleur détaché et non celui de travailleur frontalier. 

La Cour de cassation casse cette affirmation et juge que, en plus de ces conditions, le Juge doit vérifier que l'entreprise d'intérim exerce au profit d'entreprises utilisatrices établies et exerçant leurs activités sur le territoire français. Cette dernière condition peut ainsi influer sur la qualification de salarié détaché ou frontalier. 

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Cass. soc., 20 décembre 2023, n°22-14.661

Inaptitude / Harcèlement / Préjudice

Un salarié est licencié après sa déclaration d'inaptitude et le constat de l'impossibilité de reclassement. Il conteste son licenciement au motif d'un harcèlement moral sans apporter d'éléments chiffrés sur le préjudice économique subi. 

La Cour de cassation retient que le Juge, s'il constate que l'existence d'un harcèlement moral est établi et l'existence d'un préjudice économique, doit évaluer ce préjudice. 

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Cass. soc., 6 décembre 2023, n°22-13.840

Temps de travail / Heure supplémentaire / Preuve

Un salarié reproche à son employeur de ne pas lui avoir payé des heures supplémentaires. Il présente un tableau indiquant les volumes horaires travaillés par semaine dont découle les heures supplémentaires indiquant les jours d'absence. La Haute juridiction juge le tableau suffisant pour que l'employeur doive répondre et justifier que les heures supplémentaires n'ont pas été accomplies et qu'il doive produire des éléments de contrôle de la durée du travail. 

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Cass. soc., 6 décembre 2023, n° 22-20.414

Licenciement / Entretien préalable / Volonté de licenciement

Un salarié licencié conteste son licenciement en présentant un email d'un chargé de paie externe à l'entreprise présentant le licenciement comme certain avant l'entretien préalable. La Cour de cassation juge que bien que le licenciement ne doit être décidé avant l'entretien, le chargé de paie n'ayant pas le pouvoir de licencier, l'employeur n'avait pas manifesté sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

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Cass. soc., 6 décembre 2023, n°22-21.239

CSE Central / Remplacement / Titulaire / Suppléant

Deux élus, un titulaire et un suppléant du CSE d'établissement et du CSE central démissionnent. Le CSEC procède à leur remplacement que l'employeur conteste. Le Code du travail n'a pas prévu les modalités de remplacement des membres suppléants composant le CSE central. En l'absence de dispositions dans un accord, la Cour de cassation retient l'annulation de la désignation du suppléant. En revanche, l'article L.2314-37 du Code du travail prévoit le remplacement du titulaire du CSEC suite à son décès, à sa démission, à la rupture de son contrat de travail ou de la perte de son éligibilité. La Cour de cassation retient la validité du remplacement du titulaire. 

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Cass. soc., 13 décembre 2023, n°22-19.603

Inaptitude / Reclassement / Etablissement

Un salarié déclaré inapte par le médecin du travail est licencié. Le médecin précise sur l'avis d'inaptitude que le salarié ne peut être reclassé sur le site. La Cour de cassation juge que l'employeur n'était pas dispensé, par un avis d'inaptitude du médecin du travail limité à un seul site, de rechercher un reclassement hors de l'établissement.

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Cass. soc., 29 novembre 2023, n°22-15.794

Congé maternité / Licenciement

Il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif, pendant la période de protection de la salariée en congé maternité, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision. Ainsi, l’employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l’entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l’entretien ait lieu à l’issue de cette période.

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Cass. soc., 30 mars 2023, n°21-21.070

Ticket restaurant / Salaire

La contribution de l'employeur à l'acquisition par le salarié des titres-restaurant correspond, pour ce dernier, à un complément de rémunération.

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Cass. soc., 15 novembre 2023, n°22-17.048

Rupture conventionnelle / Homologation / Licenciement

Un employeur et un salarié concluent une rupture conventionnelle. Celle-ci n’est pas homologuée. Le salarié soutient que sans homologation, le contrat de travail se poursuit. Il réclame le paiement d’un rappel de salaire en conséquence. L’employeur, suivi par la Cour de cassation, analyse la date de remise des documents de fin de contrat comme celle devant être retenue comme date de rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse.

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Cass. soc., 29 novembre 2023, n°22-10.494

Congés payés / Rémunération / Clause

S'il est possible d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d'une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l'imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris.  

La rémunération contractuelle se bornant à mentionner que la rémunération horaire inclut les congés payés, sans que soit distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, Cette clause n'est ni transparente ni compréhensible et ne peut être opposée à la salariée. 

La rémunération versée pendant les périodes de congés payés et de fermeture du cabinet correspondant non à l'indemnité de congé, mais, en raison du lissage annuel, au paiement des heures de travail, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que la salariée pouvait prétendre à un rappel de salaire au titre des congés payés et de la période de fermeture de l'établissement excédant les cinq semaines de congés légaux, peu important que cette rémunération soit supérieure aux minima légal et conventionnel 

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Cass. soc., 29 novembre 2023, n°22-13.367

Démission / Prise d’acte / Convention collective

La décision du salarié de quitter l’entreprise dans le cadre du régime du congé de fin d’activité entraîne la rupture du contrat de travail et s’analyse en une démission (convention des transports routiers). Ces dispositions ne s’opposent pas à ce qu’un salarié remette en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à son employeur. Le juge doit alors, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission. 

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Cass. soc., 22 novembre 2023, n°20-23.640

Liquidation / Licenciement

La procédure de liquidation judiciaire d'un débiteur n'affecte pas les licenciements régulièrement prononcés avant cette annulation par le liquidateur, dès lors que la Cour d'appel ayant annulé le jugement a ouvert elle-même la liquidation judiciaire du débiteur. Cette décision d'annulation n'avait pas eu pour effet de remettre en cause la validité de la rupture du contrat de travail intervenue à la suite de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle que lui avait proposé le liquidateur judiciaire alors en fonction. 

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Cass. soc., 8 novembre 2023, n°22-18.784

Obligation de reclassement / Périmètre

La Cour de cassation souligne que le champ d’application de l’obligation de reclassement doit inclure les sociétés du groupe, même si ces dernières opèrent dans un secteur d’activité différent. Cela est valable tant que les postes peuvent répondre aux critères légaux, c’est-à-dire qu’il est envisageable de permuter tout ou partie du personnel.

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Cass. soc., 4 octobre 2023, n°21-23.071 et n°21-23.072

Obligation de reclassement / Priorité de réembauche

Un établissement accueillant des personnes âgées ou handicapées a comblé des postes en intérim suite à un licenciement économique, dans le but de maintenir temporairement l’activité avant sa fermeture définitive et imminente. Cependant, les juges ont observé que les employés licenciés auraient été capables d’occuper ces postes qui ne leur ont pas été offerts, ce qui signifie que l’entreprise n’a pas respecté son obligation de reclassement. Le fait que ces postes étaient temporaires n’a pas d’importance.

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Jurisprudence à la loupe