Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 novembre 2020, 19-12.447, Inédit

Ref:UAAAKAI5

Résumé

Apport de la jurisprudence : Démission / Procédure / Formalisme / Licenciement / Résiliation judiciaire

La Cour de cassation rappelle la nécessité de manifester une volonté claire et non équivoque de démissionner sans quoi, il s’agit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans cette affaire, le salarié reprochait à son employeur l'absence de fourniture de travail pendant plus de 2 ans. Un délai de 2 ans c’était écoulé avant la saisine du Conseil de Prud’hommes et à l’issue des menaces de démission le salarié n’avait pas réagi aux relances de l’employeur. Une absence de 2 ans n’est pas de nature à caractériser une démission.

Cass. Soc. 25 novembre 2020 n°19-12447

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 novembre 2020




Cassation


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1081 F-D

Pourvoi n° X 19-12.447





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020

M. C... G..., domicilié [...] (Mayotte), a formé le pourvoi n° X 19-12.447 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre d'appel de Mamoudzou (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Tecalo Océan indien (STOI), société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] (Mayotte), défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de M. G..., de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Tecalo Océan indien, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 11 décembre 2018), M. G... a été embauché le 3 octobre 2006 en qualité de « technico commercial » par la société Tecalo Océan indien (la société STOI) suivant contrat à durée indéterminée.

2. Estimant que son employeur avait cessé de lui fournir du travail, le salarié a saisi le tribunal du travail à l'effet d'obtenir la reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de qualifier la rupture de démission et de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que ni la cessation du travail par le salarié ni, à plus forte raison, son refus de participer à une réunion, ne suffisent, fussent-ils consécutifs à une simple menace de démissionner, à caractériser la volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner, et qu'il appartient à l'employeur qui lui reproche un abandon de poste de le licencier ; qu'en déduisant la volonté claire et non équivoque de M. G... de démissionner de ce qu'après avoir menacé la société STOI de démissionner, il ne s'était plus présenté à son poste le 24 février 2014, qu'il avait, le même jour, indiqué qu'il ne fallait pas compter sur lui pour être présent à une réunion et que, sans fournir d'explications, il n'avait pas réagi aux relances de l'employeur qui lui demandait de reprendre son poste de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L1237-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;

2°/ que l'absence de réaction, même prolongée, du salarié à la suppression de son salaire pour cause d'absence injustifiée ne caractérise pas une volonté claire et non équivoque de démissionner ; qu'en se fondant sur la circonstance que M. G... serait gérant de deux entreprises, qu'il n'avait pas formulé de revendication auprès de son employeur pour reprendre son poste et que, sans réagir à la privation de travail et de rémunération, il avait attendu deux ans avant de saisir la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les mêmes textes. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 122-17 et L122-18 du code du travail applicable à Mayotte :

4. Il résulte de ces textes que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

5. Pour dire que le contrat de travail a été rompu par la démission du salarié, l'arrêt retient que le salarié ne s'est plus présenté à son poste de travail à compter du 24 février 2014, que ce même jour, alors que l'employeur l'interrogeait sur sa présence à une réunion, il recevait pour toute réponse un SMS ainsi rédigé ne compte pas sur moi", que malgré plusieurs mails de relance, le salarié ne s'est plus jamais présenté à son poste de travail sans fournir la moindre explication et qu'il a attendu deux ans avant d'intenter une procédure devant le tribunal du travail.

6. En statuant ainsi, sans caractériser la volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre d'appel de Mamoudzou ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ;

Condamne la société Tecalo Océan indien aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le société Tecalo Océan indien et la condamne à payer à M. G... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. G...


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat de travail entre la société STOI et M. G... s'analyse en une démission, d'avoir débouté M. G... de toutes ses demandes tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société STOI et voir condamner celle-ci à lui verser les arriérés de salaire depuis mars 2014, les indemnités légales de préavis et de rupture, des indemnités pour non-respect de la procédure et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice moral, et d'avoir condamné M. G... à payer à la société STOI la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE la démission, pour être admise, doit procéder d'une volonté claire et non équivoque du salarié ; qu'en l'espèce, le salarié, après avoir menacé son employeur par différents courriels de démissionner, ne s'est plus présenté à son poste de travail à compter du 24 février 2014 ; que ce même jour, alors que l'employeur l'interrogeait sur sa présence à une réunion, il recevait pour toute réponse un SMS ainsi rédigé : « ne compte pas sur moi » ; que malgré plusieurs mails de relance, le salarié ne s'est plus jamais présenté à son poste de travail, sans fournir la moindre explication ; qu'il ne peut aujourd'hui valablement prétendre que c'est son employeur qui a cessé de lui fournir du travail, alors qu'il résulte des pièces versées aux débats que ce dernier l'a relancé, en vain, à plusieurs reprises pour qu'il se présente sur son lieu de travail ; qu'en outre, force est de constater que le salarié, gérant de deux entreprises, n'a jamais formulé la moindre revendication auprès de son employeur ou des instances judiciaires pour reprendre son poste et a attendu deux ans avant d'intenter une procédure alors que s'il avait été privé de travail et de rémunération du fait de l'employeur, il n'aurait pas manqué de réagir dans les plus brefs délais ; qu'en conséquence, la rupture résulte de la démission claire et non équivoque du salarié lequel doit être débouté de toutes ses demandes ;

1) ALORS QUE ni la cessation du travail par le salarié ni, à plus forte raison, son refus de participer à une réunion, ne suffisent, fussent-ils consécutifs à une simple menace de démissionner, à caractériser la volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner, et qu'il appartient à l'employeur qui lui reproche un abandon de poste de le licencier ; qu'en déduisant la volonté claire et non équivoque de M. G... de démissionner de ce qu'après avoir menacé la société STOI de démissionner, il ne s'était plus présenté à son poste le 24 février 2014, qu'il avait, le même jour, indiqué qu'il ne fallait pas compter sur lui pour être présent à une réunion et que, sans fournir d'explications, il n'avait pas réagi aux relances de l'employeur qui lui demandait de reprendre son poste de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L1237-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;

2) ALORS QUE l'absence de réaction, même prolongée, du salarié à la suppression de son salaire pour cause d'absence injustifiée ne caractérise pas une volonté claire et non équivoque de démissionner ; qu'en se fondant sur la circonstance que M. G... serait gérant de deux entreprises, qu'il n'avait pas formulé de revendication auprès de son employeur pour reprendre son poste et que, sans réagir à la privation de travail et de rémunération, il avait attendu deux ans avant de saisir la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les mêmes textes ;

3) ALORS QUE M. G... soutenait que ne saurait produire d'effet juridique la supposée démission résultant d'un message texte du 24 février 2014 invoquée par la société STOI, celle-ci n'avançant pas même un commencement de preuve de ses assertions (p. 7) ; que les seules pièces versées aux débats par l'appelante sur ce point étaient deux courriels d'un certain E... Q... dont les contenus n'étaient pas concordants (prod. n° 8 et 9) ; qu'en affirmant que M. G... avait répondu à l'employeur qui l'interrogeait sur sa présence « à une réunion » par un SMS ainsi rédigé : « ne compte pas sur moi », sans examiner, comme elle y était invitée, si à défaut pour l'appelante d'avoir fait constater l'existence d'un tel message et d'en produire une copie, la preuve d'un refus de M. G... de participer à une réunion était rapportée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;

4) ALORS QUE le seul et unique courriel versé aux débats par l'employeur qui ait été adressé à M. G... postérieurement au 24 février 2014 était celui du 10 mars 2014 (prod. n° 10), tous les autres étant antérieurs au 24 février 2014 ; qu'en retenant cependant que malgré plusieurs mails de relance, le salarié ne s'était plus présenté à son poste de travail à compter du 24 février 2014, et en s'abstenant, en conséquence d'examiner si ce n'était pas la société STOI qui avait cessé de lui fournir du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L1237-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ensemble l'article 1184 du code civil.