Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 janvier 2023, 22-14.030, Inédit

Ref:UAAAKD3Y

Résumé

Apport de la jurisprudence : Représentant syndical / Statut protecteur / Désignation / Représentant de section syndicale

La Cour de cassation comme la Cour d’appel, valide la désignation d’un représentant de section syndicale au motif de l’activité syndicale passée – (plusieurs mandats) alors même que cette désignation intervenait « pour l’entreprise de manière inopinée » dans le cadre d’une procédure de licenciement disciplinaire. Grâce à cette désignation, le salarié a ainsi pu bénéficier du statut protecteur, obligeant ainsi l’employeur a obtenir l’autorisation de l’administration dans le cadre de la procédure de licenciement. Dans cette affaire, le salarié avait déjà reçu une convocation préalable en vue d’un entretien pour un éventuel licenciement, mais bénéficiait de la protection des candidats à l’élection et/ou de son ancien mandat. De son côté, l’employeur souhaitait faire valoir que la désignation d'un représentant syndical peut être frauduleuse car caractérisée par la recherche d'une protection plus étendue, issue d'un nouveau mandat, ayant pour effet de prolonger la protection issue d'un mandat précédent ou de rendre plus difficile la délivrance d'une autorisation administrative de licenciement, susceptible d'être refusée par l'inspection du travail pour un motif d'intérêt général en relation avec ce nouveau mandat, en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE Ass. 5 mai 1976 Safer d'Auvergne c/ [I], rec. Leb. p. 232)

Cass. soc. 18 janvier 2023, n°22-14.030

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

OR



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 janvier 2023




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 35 F-D

Pourvoi n° E 22-14.030




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023

La société T2MC, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 22-14.030 contre le jugement rendu le 18 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Meaux (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ au Syndicat national autonome de la propreté manutentions RATP aéroportuaire et services associés, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à M. [W] [D], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société T2MC, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat du Syndicat national autonome de la propreté manutentions RATP aéroportuaire et services associés et de M. [D], après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Meaux, 18 mars 2022), le Syndicat national autonome de la propreté manutentions RATP aéroportuaires et services associés (le syndicat) a désigné M. [D] en qualité de représentant de la section syndicale au sein de l'unité économique et sociale T2MC (l'UES).

2. La société T2MC, société holding, a saisi le 27 décembre 2021 le tribunal judiciaire aux fins notamment d'annulation de cette désignation qu'elle estimait frauduleuse.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société T2MC fait grief au jugement de rejeter sa demande d'annulation de la désignation par le syndicat de M. [D] en qualité de représentant de section syndicale, alors :

« 1°/ que tout jugement doit être motivé en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, obligation prescrite à peine de nullité par l'article 458 du même code ; qu'en l'espèce, le tribunal ayant considéré qu'il est communément admis en jurisprudence qu'une désignation peut être qualifiée de frauduleuse lorsqu'elle est inspirée non pas par le souci exclusif de la défense ou de la représentation d'un collectif de salariés mais dans le seul but d'assurer sa protection personnelle, il s'est ensuite borné à énoncer que les défendeurs justifient en effet de plusieurs documents démontrant sans doute possible que M. [W] [D] s'est montré par le passé, et de façon constante, particulièrement actif sur le terrain du dialogue social et a occupé plusieurs mandats syndicaux et/ou électifs ; qu'en se déterminant ainsi par la seule référence aux documents de la cause, n'ayant préalablement fait l'objet d'aucune analyse, même sommaire, le tribunal n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;

2°/ que la protection résultant du statut de représentant du personnel ne présente qu'un caractère relatif, dès lors qu'un licenciement disciplinaire peut être prononcé par l'employeur, à la condition d'avoir été préalablement autorisé par l'inspection du travail, soit s'agissant d'un représentant de section syndicale en vertu des articles L. 2411-3, L. 2142-1 et L. 2142- 1-1 du code du travail, et que la fraude dans la désignation d'un représentant syndical peut être caractérisée par la recherche d'une protection plus étendue, issue d'un nouveau mandat, ayant pour effet de prolonger la protection issue d'un mandat précédent ou de rendre plus difficile la délivrance d'une autorisation administrative de licenciement, susceptible d'être refusée par l'inspection du travail pour un motif d'intérêt général en relation avec ce nouveau mandat, en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE Ass. 5 mai 1976 Safer d'Auvergne c/ [I], rec. Leb. p. 232) ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la circonstance inopérante que la société ne pouvait ignorer, pour l'affirmer elle-même en page 3 de ses propres écritures, que M. [W] [D] bénéficiait déjà d'une telle protection ‘'en qualité d'ancien candidat aux élections du 21 octobre 2021 au 21 avril 2022 suite à sa candidature aux élections, du 1er juin 2021 au 1er décembre 2021 en sa qualité d'ancien élu et du 1er juin 2021 au 1er juin 2022 en qualité d'ancien délégué syndical, sous réserve qu'il justifie qu'il a occupé ses fonctions pendant une durée d'un an'‘, et ce bien que la protection ainsi attachée à d'anciens mandats n'ait pu exclure que l'intéressé ait cherché à être désigné représentant syndical dans la perspective frauduleuse de rendre plus difficile le licenciement auquel il s'exposait dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à son encontre par son employeur, et matérialisée par l'envoi d'une convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, le tribunal judiciaire a commis une erreur de droit au regard des dispositions. »

Réponse de la Cour

4. Sous le couvert d'un grief non fondé de défaut de motivation et d'un grief de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par le tribunal judiciaire du caractère non frauduleux de la désignation.

5. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société T2MC à payer au Syndicat national autonome de la propreté manutentions RATP aéroportuaire et services associés et à M. [D] la somme globale de 3 000 euros ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société T2MC

La société T2MC fait grief au jugement du Tribunal judiciaire de Meaux d'avoir rejeté sa demande d'annulation de la désignation par le Syndicat National Autonome de la Propreté Manutentions RATP - Aéroportuaire et Services Associés de M. [D] en qualité de représentant de section syndicale

Alors d'une part que tout jugement doit être motivé en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, obligation prescrite à peine de nullité par l'article 458 du même code ; qu'en l'espèce, le tribunal ayant considéré qu'il est communément admis en jurisprudence qu'une désignation peut être qualifiée de frauduleuse lorsqu'elle est inspirée non pas par le souci exclusif de la défense ou de la représentation d'un collectif de salariés mais dans le seul but d'assurer sa protection personnelle, il s'est ensuite borné à énoncer que les défendeurs justifient en effet de plusieurs documents démontrant sans doute possible que M. [W] [D] s'est montré par le passé, et de façon constante, particulièrement actif sur le terrain du dialogue social et a occupé plusieurs mandats syndicaux et/ou électifs ; qu'en se déterminant ainsi par la seule référence aux documents de la cause, n'ayant préalablement fait l'objet d'aucune analyse, même sommaire, le tribunal n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés.

Alors d'autre part que la protection résultant du statut de représentant du personnel ne présente qu'un caractère relatif, dès lors qu'un licenciement disciplinaire peut être prononcé par l'employeur, à la condition d'avoir été préalablement autorisé par l'inspection du travail, soit s'agissant d'un représentant de section syndicale en vertu des articles L. 2411-3, L. 2142-1 et L2142-1-1 du code du travail, et que la fraude dans la désignation d'un représentant syndical peut être caractérisée par la recherche d'une protection plus étendue, issue d'un nouveau mandat, ayant pour effet de prolonger la protection issue d'un mandat précédent ou de rendre plus difficile la délivrance d'une autorisation administrative de licenciement, susceptible d'être refusée par l'inspection du travail pour un motif d'intérêt général en relation avec ce nouveau mandat, en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE Ass. 5 mai 1976 Safer d'Auvergne c/ [I], rec. Leb. p. 232) ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la circonstance inopérante que la société ne pouvait ignorer, pour l'affirmer elle-même en page 3 de ses propres écritures, que M. [W] [D] bénéficiait déjà d'une telle protection "en qualité d'ancien candidat aux élections du 21 octobre 2021 au 21 avril 2022 suite à sa candidature aux élections, du 1er juin 2021 au 1er décembre 2021 en sa qualité d'ancien élu et du 1er juin 2021 au 1er juin 2022 en qualité d'ancien délégué syndical, sous réserve qu'il justifie qu'il a occupé ses fonctions pendant une durée d'un an", et ce bien que la protection ainsi attachée à d'anciens mandats n'ait pu exclure que l'intéressé ait cherché à être désigné représentant syndical dans la perspective frauduleuse de rendre plus difficile le licenciement auquel il s'exposait dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à son encontre par son employeur, et matérialisée par l'envoi d'une convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, le tribunal judiciaire a commis une erreur de droit au regard des dispositions.