Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mars 2023, 21-25.259, Inédit

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Résumé

Apport de la jurisprudence : Mise à pied conservatoire / Arrêt maladie / Paiement des salaires / Indemnités journalières / Annulation

L’employeur à l’obligation de payer les salaires dans le cadre d’une mise à pied conservatoire qui a été annulée, alors même que le salarié était durant cette période en arrêt maladie et a donc bénéficié des indemnités journalières de sécurité sociale – (IJSS).

Cass. soc. 29 mars 2023 n°21-25.259

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 mars 2023




Cassation partielle


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 307 F-D

Pourvoi n° Q 21-25.259

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [B].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 octobre 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MARS 2023

M. [I] [B], domicilié, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-25.259 contre l'arrêt rendu le 12 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-6), dans le litige l'opposant à la société 31 Liberté, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [B], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société 31 Liberté, après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence,12 février 2021), M. [B] a été engagé en qualité de plongeur le 2 décembre 2005 par la société 31 Liberté.

2. Le salarié, délégué du personnel, a été convoqué le 3 août 2015 à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire. Par décision du 14 octobre 2015, l'inspection du travail a refusé d'accorder l'autorisation de licencier le salarié.

3. Ce dernier a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail puis a notifié à l'employeur son départ à la retraite à compter du 1er novembre 2016.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de salaires pendant la mise à pied conservatoire, alors « que lorsque l'inexécution par le salarié de toute prestation de travail a pour cause la mise à pied prononcée à titre conservatoire par l'employeur, celui-ci, qui a pris à tort cette mesure, est tenu de verser au salarié les salaires durant cette période, peu important le fait que ce dernier ait été placé en arrêt maladie au cours du même laps de temps ; qu'en décidant dès lors qu'"il n'est pas sérieusement contesté que M. [B] a perçu durant cette période de mise à pied les indemnités journalières dues de sorte que, comme l'indique l'inspection du travail dans son courrier du 20 octobre 2015, l'employeur n'était pas tenu au paiement de l'intégralité des salaires afférents à cette période mais uniquement au paiement du complément de salaire (?)", la cour d'appel a violé L2421-3 du code du travail, ensemble l'article R. 2421-6 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L2421-3 du code du travail :

5. Il résulte de ce texte que si l'autorisation de licenciement pour faute grave demandée par l'employeur est refusée, la mise à pied du salarié est annulée et ses effets supprimés de plein droit.
6. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire dû pour la période de mise à pied conservatoire, l'arrêt retient que le salarié s'est trouvé placé en arrêt maladie le 3 août 2015, soit le jour même de sa convocation par huissier à l'entretien préalable avec sa mise à pied conservatoire, sans qu'il ne soit possible de déterminer en l'absence de précision horaire, si l'un est antérieur à l'autre, que le salarié a perçu durant cette période de mise à pied, les indemnités journalières dues et que l'employeur n'était pas tenu au paiement de l'intégralité des salaires afférents à cette période mais uniquement au paiement du complément de salaire, qui a été versé au salarié.

7. En statuant ainsi, alors que l'inexécution par le salarié de toute prestation de travail durant la période considérée avait pour cause la mise à pied prononcée à titre conservatoire par l'employeur, peu important que ce dernier ait pu être placé en arrêt maladie pendant cette même période, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission et de le débouter de ses demandes tendant à juger que la prise d'acte emportait les effets d'un licenciement nul et à condamner l'employeur au paiement de diverses sommes, alors « que la cassation d'un chef de décision entraîne la cassation par voie de conséquence de tous les autres chefs de décision qui en sont la suite nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile ; qu'en l'espèce, la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif au rappel de salaire pendant la mise à pied entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a dit que la prise d'acte devait s'analyser en une démission et en ce qu'il a débouté M. [B] de ses demandes indemnitaires. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

9. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif critiqués par le second moyen en ce qu'il dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'une démission et rejette les demandes de dommages-intérêts au titre de la nullité du licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, et d'indemnité de licenciement, ainsi que de remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société 31 Liberté à payer à M. [B] la somme de 417,30 euros nets à titre de rappel de prime d'habillage et de déshabillage ainsi que celle de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 12 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société 31 Liberté aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société 31 Liberté et la condamne à payer à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-trois.