Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 avril 2021, 19-21.368, Inédit

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Résumé

Apport de la jurisprudence : Présomption / Requalification / Ecrit / CDD / Preuve / L.1242-12

La haute juridiction confirme la règle bien établie qu’un écrit spécifique est nécessaire dans le cadre d’un CDD. En l’absence d’écrit, il existe une présomption de CDI. Dans cette affaire, à défaut de pouvoir fournir un contrat CDD, la requalification est de droit. L’employeur ne peut se contenter de soulever le fait que salarié ne justifie pas ne pas avoir reçu l'exemplaire de ses différents contrats de travail ni même d'en avoir sollicité la communication.

Cass. soc, 8 avril 2021 n°19-21.368

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 avril 2021




Cassation


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 453 F-D

Pourvoi n° U 19-21.368

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. Q....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 juin 2019.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 AVRIL 2021

M. K... Q..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 19-21.368 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2018 par la cour d'appel d'Amiens (5e Chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à la société Scierie Dequecker, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Q..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Scierie Dequecker, après débats en l'audience publique du 17 février 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 09 mai 2018), M. Q... a été engagé à compter du 22 janvier 2007 et jusqu'au mois de décembre 2012 en qualité de bûcheron-tâcheron par la Scierie Dequecker selon plusieurs contrats de travail à durée déterminée dits de coupe.

2. Le 27 février 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et à la rupture de celui-ci, ainsi qu'au paiement d'indemnités ou de dommages-intérêts afférents.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et de ses demandes d'indemnité et de dommages-intérêts afférentes, alors « que le contrat de travail à durée déterminée est établi par un écrit, qu'à défaut il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; que par l'effet de la requalification, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement ; qu'en constatant que le salarié avait été engagé à compter du 22 janvier 2007 mais qu'aucun contrat écrit n'avait été produit avant le 16 août 2007, la cour d'appel, qui a refusé de requalifier les contrats de travail à durée déterminée successifs en contrat de travail à durée indéterminée, a violé l'article L1242-12 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L122-3-1 du code du travail, devenu l'article L1242-12 du même code :

4. Selon cet article, le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif ; à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

5. Pour débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes dont celle de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, l'arrêt retient que des contrats de coupe à durée déterminée pouvaient être conclus avec le même bûcheron - tâcheron et que le salarié ne justifiait pas ne pas avoir reçu l'exemplaire de ses différents contrats de travail, ni même d'en avoir sollicité la communication, qu'au contraire il a été produit les contrats pour la période visée dans les écritures du salarié, ces contrats portant sa signature.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le salarié avait été recruté à compter du 22 janvier 2007 et qu'aucun contrat de travail à durée déterminée n'avait été produit pour cette période jusqu'au 16 août 2007, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société Scierie Dequecker aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Scierie Dequecker à payer à M. Q... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Q...


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, d'AVOIR débouté M. K... Q... de sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée déterminée et de ses demandes d'indemnité et de dommages-intérêts afférentes.

AUX MOTIFS QUE « S'il résulte du registre du personnel et des bulletins de paie versés que monsieur Q... a bien été recruté par la société Dequecker à compter du 22 janvier 2007 et qu'aucun contrat de travail à durée déterminée n'a été produit pour cette période jusqu'au 16 août 2007, la cour constate que le salarié ne justifie pas ne pas avoir reçu l'exemplaire de ses différents contrats de travail ni même d'en avoir sollicité la communication, qu'au contraire il a été produit les contrats pour la période visée dans les écritures du salarié, ceux-ci portant la signature de l'intimé, la caractérisation par celui-ci d'un travail dissimulé ne reposant sur aucun élément probant, qu'en conséquence il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé par défaut de déclaration à l'embauche » ;

ALORS QUE le contrat de travail à durée déterminée est établi par un écrit, qu'à défaut il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; que par l'effet de la requalification, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement ; qu'en constatant que M. K... Q... avait été engagé à compter du 22 janvier 2007 mais qu'aucun contrat écrit n'avait été produit avant le 16 août 2007, la cour d'appel qui a refusé de requalifier les contrats de travail à durée déterminée successifs en contrat de travail à durée indéterminée a violé l'article L1242-12 du Code du travail.