Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 octobre 2021, 19-22.705, Inédit

Ref:UAAAKCC8

Résumé

Apport de la jurisprudence : Résiliation judiciaire / Date d’effet de la résiliation / Procédure collective / Liquidation judiciaire

En cas de résiliation judiciaire, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur. En conséquent, il est possible de déduire la date d’effet de la résiliation à partir du jour où le salarié n’exerce plus au sein de l’entreprise. En l’espèce, la Cour de cassation effectue ce raccourci intellectuel certainement pour rendre opposable les créances auprès de l’AGS dans le cadre d’une procédure collective.

Cass.soc 20 octobre 2021 n°19-22.705, Inédit

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 octobre 2021




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1160 F-D

Pourvoi n° X 19-22.705




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

1°/ L'AGS, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ l'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 4], agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, élisant domicile au Centre de gestion et d'études AGS CGEA de Toulouse, [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° X 19-22.705 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1, chambre sociale), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [O] [F], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la société Egide, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], mandataire ad hoc de la société Bureau étude Lavelanet,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'AGS et de l'UNEDIC, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 7 juin 2019), M. [F], engagé par la société Bureau étude Lavelanet (la société) à compter du 18 août 2015 en qualité de géomètre topographe, a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail et au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture ce contrat.

2. Par jugement du tribunal de commerce du 19 septembre 2016, la société a été mise en liquidation judiciaire simplifiée, Mme [P] étant désignée liquidateur de la société. A la suite de la clôture de cette procédure pour insuffisance d'actif, par jugement du 20 mars 2017, le tribunal de commerce a désigné la société EGIDE, prise en la personne de Mme [P], en qualité de mandataire ad hoc.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'AGS fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts exclusifs de l'employeur, de fixer la date de cette résiliation au 28 janvier 2016, de fixer la créance du salarié au passif de la société à certaines sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de salaire, de l'indemnité pour travail dissimulé, de dire la décision opposable au Centre de gestion et d'étude AGS, délégation AGS, de [Localité 1] et de dire que celui-ci sera tenu de garantir le paiement des sommes allouées au salarié dans les limites légales et réglementaires de sa garantie, alors :

« 1°/ que la garantie de l'AGS couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire ; que ni le prononcé d'une liquidation judiciaire, ni l'absence de fourniture de travail ou d'une activité par le salarié n'emportent rupture de plein droit du contrat de travail ; que la prise d'effet de la résiliation judiciaire est fixée à la date de la décision la prononçant ; qu'en disant opposables à l'AGS les créances afférentes à la rupture du contrat de travail du salarié après avoir fixé la date de la rupture à celle de la saisine du conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé les articles L. 3253-8 et L1231-1 du code du travail ;

2°/ que le salarié est présumé rester au service de son employeur tant que le contrat de travail n'est pas rompu ; que la prise d'effet de la résiliation judiciaire est fixée à la date de la décision la prononçant ; qu'en énonçant pour dire opposables à l'AGS les créances afférentes à la rupture du contrat de travail du salarié dont elle a fixé la date de la rupture à celle de la saisine du conseil de prud'hommes, que le salarié ne rapportait pas la preuve qu'il avait continué à se tenir à la disposition de l'employeur postérieurement au 30 novembre 2015, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et violé les articles L. 3253-8 et L1231-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur.

5. Ayant fait ressortir que le salarié n'était plus au service de son employeur au-delà du 28 janvier 2016, la cour d'appel a pu en déduire que la résiliation prenait effet à cette date, ce dont il résultait que les créances liées à cette rupture antérieure à l'ouverture de la procédure collective étaient dues à la date du jugement et couvertes en conséquence par l'assurance en application de l'article L. 3253-8, 1° du code du travail.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'AGS et l'UNEDIC aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'AGS et l'UNEDIC


Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [F] aux torts exclusifs de la SAS Bureau Etude Lavelanet et fixé la date de cette résiliation au 28 janvier 2016, d'avoir fixé la créance de M. [F] au passif de la SAS Bureau Etude Lavelanet, aux sommes de 2 094,56 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, représentant un mois de salaire, outre 209,46 euros au titre des congés payés y afférents, de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 2 000 euros à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice résultant de l'absence de salaire, de 12 567,36 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé et d'avoir dit son arrêt opposable au centre de gestion et d'étude Unédic, délégation AGS, de Toulouse, dit que le plafond de la garantie s'entend de la totalité des créances salariales, en ce compris le précompte effectué par l'employeur en vertu de l'article L. 242-3 du code de la sécurité sociale au profit des organismes sociaux, dit que le centre de gestion et d'étude Unédic, délégation AGS, de Toulouse sera tenu de garantir le paiement des sommes allouées au salarié dans les limites légales et réglementaires de sa garantie résultant des dispositions des articles L. 3253-17 et D3253-5 du code du travail, à l'exclusion des sommes allouées au titre des dépens et sous réserve de l'absence de fonds disponibles entre les mains du liquidateur ;

AUX MOTIFS QU' en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet de celle-ci doit être fixée à la date de la décision judiciaire la prononçant lorsque, à cette date, le contrat de travail n'a pas été rompu et le salarié est toujours au service de son employeur ;
Qu'en l'espèce, bien qu'aucune rupture du contrat de travail entre la SAS Bureau d'Etude Lavelanet et M. [F] n'ait été formalisée, ce dernier reconnaît lui-même dans ses écritures que depuis le 30 novembre 2015 il était sans nouvelles de l'employeur, de sorte qu'il ne rapporte pas la preuve qu'il ait continué à se tenir à la disposition de ce dernier postérieurement à cette date ;
Que par conséquent, la cour fixe la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail au 28 janvier 2016, date à laquelle le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Foix aux fins de voir constater la résiliation judiciaire du contrat ; [?] ;
Que la rupture de la relation de travail ayant eu lieu au 28 janvier 2016 soit avant la date d'ouverture de la procédure collective, la garantie de l'AGS est due dans la limite des plafonds légaux ;

1/ ALORS QUE la garantie de l'AGS couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire ; que ni le prononcé d'une liquidation judiciaire, ni l'absence de fourniture de travail ou d'une activité par le salarié n'emportent rupture de plein droit du contrat de travail ; que la prise d'effet de la résiliation judiciaire est fixée à la date de la décision la prononçant ; qu'en disant opposables à l'AGS les créances afférentes à la rupture du contrat de travail du salarié après avoir fixé la date de la rupture à celle de la saisine du conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé les articles L. 3253-8 et L1231-1 du code du travail.

2/ ALORS QUE le salarié est présumé rester au service de son employeur tant que le contrat de travail n'est pas rompu ; que la prise d'effet de la résiliation judiciaire est fixée à la date de la décision la prononçant ; qu'en énonçant pour dire opposables à l'AGS les créances afférentes à la rupture du contrat de travail du salarié dont elle a fixé la date de la rupture à celle de la saisine du conseil de prud'hommes, que le salarié ne rapportait pas la preuve qu'il avait continué à se tenir à la disposition de l'employeur postérieurement au 30 novembre 2015, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et violé les articles L. 3253-8 et L1231-1 du code du travail.