Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 octobre 2021, 19-24.754, Inédit

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Résumé

Apport de la jurisprudence : Base de calcul / Restauration / Pourboire / Répartition du service / L.3244-1

Pour la haute juridiction, le montant du service entre dans le chiffre d’affaires de la structure et dans les sommes facturées aux clients. Ainsi, afin de déterminer, y compris par accord collectif, le montant de pourcentage de service qui revient au salarié, l’employeur ne peut calculer cette rémunération en retirant de l’assiette le montant du service de son chiffre d'affaires. L’employeur doit préciser clairement et sans ambiguïté que le pourcentage doit s'appliquer sur le chiffre d'affaires hors taxes et hors service le cas échéant. Se contenter d’indiquer que le pourcentage sera calculé sur un CA hors taxe n’est pas suffisant pour exclure le service.

Cass. soc 13 octobre 2021, n°19-24.754

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 octobre 2021




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 1146 FS-D

Pourvoi n° Z 19-24.754




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 OCTOBRE 2021

La société Brasserie l'Européen, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 19-24.754 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. [E] [B], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Brasserie l'Européen, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [B], les observations orales de Mes Rebeyrol et Lyon-Caen, et l'avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Sornay, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2019), M. [B], employé de la société Brasserie l'Européen (la société), a saisi la juridiction prud'homale le 20 juillet 2015 d'une demande de rappel de salaire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, et le second moyen, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié un rappel de salaire, alors :

« 1°/ que selon les dispositions d'ordre public de l'article L3244-1 du code du travail, "Dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites "pour le service" par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement" ; qu'il en résulte que le service prenant la forme d'un pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients, étant encaissé par l'employeur pour le compte des salariés en contact avec la clientèle et devant intégralement leur être reversé, ne peut entrer dans le chiffre d'affaires servant d'assiette de calcul du service versé aux salariés, ces derniers pouvant seulement prétendre à la répartition entre eux de l'intégralité de la somme perçue à ce titre par l'employeur auprès des clients ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'en toute hypothèse, selon les dispositions d'ordre public de l'article L3244-1 du code du travail, "Dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites "pour le service" par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement" ; qu'en l'espèce, l'accord d'entreprise du 1er juillet 2006 prévoit, pour s'aligner sur la pratique généralement en vigueur dans la profession, de mettre fin à l'usage en vigueur jusque là qui appliquait le taux de service de 15 % sur le chiffre d'affaires TTC et "d'appliquer désormais les principes du 15 % selon le principe général en vigueur, à savoir, le chiffre d'affaires hors taxe, pour retrouver une base économique saine" ; que le pourcentage de 15 % correspondant au service, facturé au client sur le montant de ses consommations, collecté par l'employeur et reversé intégralement par ce dernier aux salariés en contact avec la clientèle, s'applique nécessairement au seul chiffre d'affaires hors taxe généré par les consommations des clients, et donc hors service, sauf à obliger l'employeur à reverser aux salariés plus que la somme facturée aux clients au titre du service et à relever le taux du service à 17,25 % ; qu'en jugeant que le pourcentage de 15 % devait s'appliquer sur le chiffre d'affaires hors taxe incluant le service, la cour d'appel a violé l'accord collectif du 1er juillet 2006, ensemble l'article L3441-1 du code du travail ;

3°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, le contrat de travail du salarié prévoit qu'il percevra une rémunération mensuelle d'un certain nombre de points (variant selon l'emploi occupé) "sur la répartition du service calculé à 15 % sur le chiffre d'affaires hors taxes" ; que dès lors que dans l'entreprise, le "service" est facturé au client au taux de 15 % appliqué au montant de ses consommations, le "chiffre d'affaires hors taxe" visé par le contrat de travail pour le calcul du "service" est nécessairement celui qui a servi au calcul du "service" facturé au client, et donc le chiffre d'affaires hors taxe hors service, sauf à obliger l'employeur à reverser aux salariés au titre du service plus que la somme facturée aux clients à ce titre et à inclure cette dernière somme dans la base de calcul du service versé aux salariés, ce qui reviendrait à comptabiliser au moins en partie deux fois le service ; qu'en jugeant qu'en application du contrat de travail, le service devait être calculé sur un chiffre d'affaires hors taxe incluant le service, la cour d'appel a dénaturé ledit contrat et violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L3244-1 du code du travail, dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites "pour le service" par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement.

5. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'il soit décidé que les sommes reversées par l'employeur au titre d'une rémunération au pourboire avec un salaire minimum garanti soient calculées sur la base d'une masse à partager supérieure à celle facturée aux clients au titre du service.

6. Ayant d'abord relevé que l'accord d'entreprise du 1er juillet 2006 mentionnait que serait désormais appliqué le principe d'un pourcentage de 15 % sur le chiffre d'affaires hors taxes, la cour d'appel a exactement retenu que l'accord d'entreprise ne prévoyait pas que la rémunération était calculée sur le chiffre d'affaires hors service.

7. Ayant ensuite constaté que le contrat de travail stipulait une rémunération mensuelle sous la forme d'une perception de points « sur la répartition du service calculé à 15 % sur le chiffre d'affaires hors taxes », la cour d'appel a, par une interprétation souveraine exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes du contrat rendait nécessaire, retenu que cet écrit ne précisait pas que le pourcentage devait s'appliquer sur le chiffre d'affaires hors taxes et hors service.

8. Ayant enfin retenu qu'entrait dans le chiffre d'affaires réalisé par la société le montant du service compris dans les sommes facturées aux clients, la cour d'appel, qui a déduit de l'ensemble de ces éléments que l'employeur ne pouvait pas calculer la rémunération en retirant le montant du service de son chiffre d'affaires, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Brasserie l'Européen aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Brasserie l'Européen et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Brasserie l'Européen


PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Brasserie l'Européen à payer au salarié un rappel de salaire,

AUX MOTIFS QUE « l'article L3441-1 du code du travail dispose que : «Dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites "pour le service" par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement. » En l'espèce, l'article 7 du contrat de travail de l'intéressé stipule : « En contrepartie de son travail, M. [B] percevra une rémunération mensuelle de 12 points sur la répartition du service calculé à 15 % sur le chiffre d'affaires hors taxes à laquelle s'ajouteront les avantages en nature mis à la disposition par l'établissement (l'acceptation du présent engagement emporte de la part de M. [X] renonciation expresse à en contester le montant ou à en réclamer le paiement en cas de non consommation des dits avantages en nature), pour un horaire mensuel forfaitaire de 169 heures. tenant compte des usages professionnels. Le personnel rémunéré au pourboire se voit garantir un salaire mensuel minimum brut (hors avantage nourriture), qui est le salaire minimal conventionnel prévu par la convention collective nationale des « Hôtels. Cafés. Restaurants, du 30 avril 1997 et ses avenants du 13 juillet 2004, du 2 novembre 2004 et du 5 février 2007 » pour un horaire mensuel de 169 heures. Par ailleurs, [le salarié] bénéficie d'une majoration de 10 % du taux horaire de base pour les heures accomplies entre la 36ème et la 39ème heure hebdomadaire. » L'accord d'entreprise du 1er juin 2006 mentionne qu'il sera désormais appliqué les principes du 15 % sur le chiffre d'affaires hors taxes. La note du 3 juin 2015 mentionne que le pourcentage service portera sur la masse du chiffre d'affaires hors taxes. Aucun de ces documents ne précise que le pourcentage va s'appliquer sur le chiffre d'affaires hors taxes et hors service, bien au contraire puisque la note du 3 juin 2015 dans son exemple chiffré mentionne un chiffre d'affaires HT, service compris. Il n'est pas contesté que la base de calcul de la rémunération des salariés en contact avec la clientèle de la Brasserie l'Européen est faite sur le chiffre d'affaires après déduction des sommes perçues au titre du service, alors que le service est compris dans les sommes facturées au client et s'inscrit dans le chiffre d'affaires réalisé par la société. Les définitions du chiffre d'affaires faites par l'INSEE ou par le code général des impôts à l'article 1586 sexies indiquent que celui-ci représente le montant des affaires (hors taxes) correspondant à la somme des ventes de marchandises, de produits fabriqués, des prestations de services et des produits des activités annexes. Elles n'excluent donc pas le service. Contrairement à ce que soutient l'employeur si le montant du service est inclus dans le chiffre d'affaires et que les 15 % sont calculés directement sur le montant total de ce chiffre d'affaires, la TVA étant soustraite, celui-ci n'est pas comptabilisé deux fois. En outre le contrat de travail comme l'a indiqué le conseil des prud'hommes tient lieu de loi entre les parties, l'employeur ne peut le modifier unilatéralement. Le fait de calculer la rémunération sur le chiffre d'affaires hors taxe et hors service, alors que le contrat de travail mentionne uniquement un pourcentage sur le chiffre d'affaires hors taxe, va à l'encontre du principe de transparence qui doit permettre au salarié de vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues à son contrat de travail. Dès lors que son contrat de travail ne prévoit pas que sa rémunération est calculée sur le chiffre d'affaires hors taxes et hors service l'employeur ne peut procéder ainsi sauf à démontrer qu'il a réparti et payé le montant du service à ses salariés avant de calculer leur rémunération, et non comme en l'espèce qu'il a calculé leur rémunération en retirant le montant du service de son chiffre d'affaires » ;

1. ALORS QUE selon les dispositions d'ordre public de l'article L3244-1 du code du travail, « Dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites "pour le service" par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement » ; qu'il en résulte que le service prenant la forme d'un pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients, étant encaissé par l'employeur pour le compte des salariés en contact avec la clientèle et devant intégralement leur être reversé, ne peut entrer dans le chiffre d'affaires servant d'assiette de calcul du service versé aux salariés, ces derniers pouvant seulement prétendre à la répartition entre eux de l'intégralité de la somme perçue à ce titre par l'employeur auprès des clients ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2. ALORS en toute hypothèse QUE selon les dispositions d'ordre public de l'article L3244-1 du code du travail, « Dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites "pour le service" par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement » ; qu'en l'espèce, l'accord d'entreprise du 1er juillet 2006 prévoit, pour s'aligner sur la pratique généralement en vigueur dans la profession, de mettre fin à l'usage en vigueur jusque là qui appliquait le taux de service de 15 % sur le chiffre d'affaires TTC et « d'appliquer désormais les principes du 15 % selon le principe général en vigueur, à savoir, le chiffre d'affaires hors taxe, pour retrouver une base économique saine » ; que le pourcentage de 15 % correspondant au service, facturé au client sur le montant de ses consommations, collecté par l'employeur et reversé intégralement par ce dernier aux salariés en contact avec la clientèle, s'applique nécessairement au seul chiffre d'affaires hors taxe généré par les consommations des clients, et donc hors service, sauf à obliger l'employeur à reverser aux salariés plus que la somme facturée aux clients au titre du service et à relever le taux du service à 17,25 % ; qu'en jugeant que le pourcentage de 15 % devait s'appliquer sur le chiffre d'affaires hors taxe incluant le service, la cour d'appel a violé l'accord collectif du 1er juillet 2006, ensemble l'article L3441-1 du code du travail ;

3. ALORS de même QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, le contrat de travail du salarié prévoit qu'il percevra une rémunération mensuelle de 12 points « sur la répartition du service calculé à 15 % sur le chiffre d'affaires hors taxes » ; que dès lors que dans l'entreprise, le « service » est facturé au client au taux de 15 % appliqué au montant de ses consommations, le « chiffre d'affaires hors taxe » visé par le contrat de travail pour le calcul du « service » est nécessairement celui qui a servi au calcul du « service » facturé au client, et donc le chiffre d'affaires hors taxe hors service, sauf à obliger l'employeur à reverser aux salariés au titre du service plus que la somme facturée aux clients à ce titre et à inclure cette dernière somme dans la base de calcul du service versé aux salariés, ce qui reviendrait à comptabiliser au moins en partie deux fois le service ; qu'en jugeant qu'en application du contrat de travail, le service devait être calculé sur un chiffre d'affaires hors taxe incluant le service, la cour d'appel a dénaturé ledit contrat et violé le principe susvisé ;

4. ALORS encore QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, la note de service du 3 juin 2015, après avoir rappelé que le montant du service est égal à 15 % du chiffre d'affaires hors taxes, donne un exemple chiffré dans lequel le service est bien calculé - et son taux de 15 % appliqué - sur un « chiffre d'affaires hors taxe » qui n'inclut pas le service, les deux sommes s'ajoutant pour donner le « chiffre d'affaires HT service compris » ; qu'en affirmant que la note du 3 juin 2015 ne précisait pas que le pourcentage s'appliquait sur le chiffre d'affaires hors taxes et hors service et qu'au contraire cette note dans son exemple chiffré mentionnait un chiffre d'affaires HT, service compris, quand dans l'exemple chiffré, le taux de 15 % du service était bien appliqué sur un chiffre d'affaires ne comprenant pas le service, la cour d'appel a dénaturé le document litigieux en violation du principe susvisé.


SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié la faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Brasserie l'Européen à verser à M. [B] les sommes de 4 543,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 454 € au titre des congés payés afférents, 908 € à titre d'indemnité légale de licenciement, et 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; Par ailleurs, selon l'article L1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. La cour examinera les motifs du licenciement énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il résulte des articles L. 1234-1 et L1234-9 du code du travail que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement. Application du droit à l'espèce : Il convient de rechercher si les différents griefs allégués sont établis et si ceux-ci permettent de retenir la faute grave. L'employeur a rappelé dans la lettre de licenciement les dispositions de la convention collective prévoyant que la qualité de l'accueil et du service à la clientèle doit être le souci permanent des salariés du secteur HCR et celles de son règlement intérieur précisant que le personnel doit faire preuve de correction dans son comportement vis-à-vis de ses collègues, de la hiérarchie et de la clientèle et que tout salarié qui enfreindrait les dispositions ci-dessus sera passible de sanctions. La main courante versée aux débats déposée par M. [P] indique que M. [B] a refusé de faire ce que lui demandait son supérieur hiérarchique. Qu'il a menacé son supérieur en s'approchant de son visage et en lui déclarant « je vais t'attendre à la sortie ». L'attestation de M. [F] confirme l'existence d'une altercation assez violente entre M. [B] et M. [P] qui a obligé M. [O] le maître d'hôtel à les séparer. Il résulte de ces pièces que l'altercation est établie, que celle-ci est survenue pendant le service, en présence de la clientèle, l'excuse de provocation invoquée par M. [B] ne pouvant justifier un tel comportement sur son lieu de travail et à l'égard d'un supérieur hiérarchique. Il convient comme l'a souligné le conseil de prud'hommes de constater que bien qu'averti le 21 décembre, l'employeur n'a convoqué M. [B] que par lettre du 28 décembre 2015, fixant un entretien le 8 janvier 2016, sans effectuer de mise à pied. L'exécution du contrat de travail ayant pu se poursuivre pendant plusieurs jours, ces faits ne peuvent recevoir la qualification de faute grave. Ces faits sont fautifs et justifient un licenciement pour cause réelle et sérieuse » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « M. [B] a été licencié pour faute grave le 13 janvier 2016. Il fait grief à M. [B] d'avoir tenu des propos injurieux à l'égard de son supérieur hiérarchique M. [P] d'une violence extrême et de l'avoir menacé physiquement. Attendu que le demandeur précise dans ses conclusions que l'employeur n'apporte pas la preuve de la faute grave qu'il aurait commis M. [B]. Et que M. [B] ne nie pas l'existence d'une altercation, mais dont l'origine est exclusivement imputable à M. [P] qui n'a cessé de le provoquer par des insultes (« clown ») ou en l'agressant verbalement en langue arabe. Par ailleurs, l'employeur ne peut soutenir que les faits invoqués ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail dans la mesure où M. [B] et M. [P] ont continué à travailler ensemble pendant plusieurs semaines après l'altercation. Il n'était d'ailleurs convoqué à un entretien préalable que le 28 décembre, soit une semaine après les faits, alors même que l'employeur explique dans la lettre de licenciement avoir été mis au courant par M. [P] dès le lendemain. Et que M. [B] soit visé par une procédure de licenciement au moment où il a engagé une procédure en rappel de salaire devant le conseil de prud'hommes, et au moment où il était candidat aux élections professionnelles. Attendu que les dispositions de l'article L1235-1 indiquent « en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ». Attendu que la qualification de faute grave est disproportionnée au vu des éléments fournis par l'employeur, qu'il y a de la mésentente entre celui-ci et son salarié. En conséquence le conseil est bien fondé à requalifier le licenciement pour faute grave de M. [B] en licenciement pour cause réelle et sérieuse et à faire droit à certaines de ses demandes dont l'indemnité de licenciement, à l'indemnité de préavis et des congés payés afférents au préavis » ;

1. ALORS QUE l'employeur n'est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager une procédure de licenciement pour faute grave ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que bien qu'averti le 21 décembre, l'employeur n'avait convoqué le salarié que par lettre du 28 décembre 2015, fixant un entretien le 8 janvier 2016, sans effectuer de mise à pied et que l'exécution du contrat de travail ayant ainsi pu se poursuivre pendant plusieurs jours, les faits ne pouvaient recevoir la qualification de faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L1234-9 du code du travail ;

2. ALORS QUE l'employeur devant seulement mettre en oeuvre la procédure de licenciement dans un délai restreint à compter de la connaissance des faits, n'est pas privé du droit d'invoquer la faute grave par le seul fait que l'exécution du contrat de travail a pu se poursuivre pendant plusieurs jours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à énoncer, pour écarter la faute grave, que bien qu'averti le 21 décembre, l'employeur n'avait convoqué le salarié à un entretien préalable que par lettre du 28 décembre 2015 sans effectuer de mise à pied et que l'exécution du contrat de travail avait pu se poursuivre pendant plusieurs jours ; que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que ce délai d'une semaine entre la connaissance des faits et la convocation à l'entretien préalable excédait le délai restreint imparti à l'employeur pour engager une procédure de licenciement pour faute grave, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L1234-9 du code du travail ;

3. ALORS QUE constitue une faute grave l'insubordination suivie de menaces proférées contre le supérieur hiérarchique pendant le temps de travail et en présence de la clientèle ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le salarié, après avoir refusé de faire ce que lui demandait son supérieur hiérarchique M. [P], l'a menacé en s'approchant de son visage et en lui déclarant « je vais t'attendre à la sortie », cette altercation assez violente ayant obligé M. [O] le maître d'hôtel à les séparer, étant survenue pendant le service, en présence de la clientèle ; qu'en jugeant que la qualification de faute grave était disproportionnée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L1234-9 du code du travail.