Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 mars 2021, 19-25.313, Inédit

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Résumé

Apport de la jurisprudence : Rupture conventionnelle / PSE / Rupture amiable / Preuve / Vice du consentement

La salarié qui a accepté une rupture conventionnelle de son plein gré le 10 décembre et qui apprend le 18 décembre l’annonce d’un plan de sauvegarde de l’emploi, sans pour autant  exercer sa faculté de rétractation, n’apporte pas la preuve suffisante de l'existence d'un vice du consentement. Le simple fait de soutenir que le plan était envisagé bien avant la signature de la rupture conventionnelle n’est pas suffisant.

Cass. soc. 17 mars 2021 n°19-25.313

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.

MA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 mars 2021




Rejet


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 366 F-D

Pourvoi n° H 19-25.313




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MARS 2021

Mme F... E..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° H 19-25.313 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Antalis France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme E..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Antalis France, après débats en l'audience publique du 2 février 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2019), Mme E... a été engagée en qualité d'attachée commerciale le 3 avril 2007 par la société Axelium, aux droits de laquelle vient la société Antalis, et exerçait en dernier lieu les fonctions de chef de produit.

2. Le 10 décembre 2013, les parties ont convenu d'une rupture conventionnelle du contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de la rupture conventionnelle, la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de dommages-intérêts et d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, alors :

« 2°/ qu'elle faisait valoir que le plan de sauvegarde de l'emploi annoncé en décembre 2013 était nécessairement envisagé en amont, bien avant la signature de la rupture conventionnelle, de sorte que l'employeur aurait dû l'en informer de manière à lui permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause ; qu'en se bornant à retenir que l'employeur avait donné à la salariée l'information sur le plan de sauvegarde de l'emploi en cours le 18 décembre 2013 et qu'elle n'avait pas exercé sa faculté de rétractation sans répondre à ces conclusions desquelles il résultait que le projet existait bien avant la signature de la convention de rupture amiable, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'insuffisance de l'information sur le plan de sauvegarde de l'emploi est caractérisée lorsque l'employeur n'a pas mis le salarié en mesure de comparer les avantages qu'il pouvait tirer respectivement d'une rupture conventionnelle et du licenciement pour motif économique ; qu'en se bornant à retenir que l'employeur a donné à l'exposante l'information sur le plan en cours le 18 décembre 2013 et que la salariée n'a pas exercé la faculté de rétractation que lui réservait l'article L1237-13 du code du travail pour refuser la rupture sans qu'elle ne démontre l'insuffisance de cette information, quand il appartenait au seul employeur de mettre la salariée en mesure de comparer les avantages qu'elle pouvait tirer respectivement d'une rupture conventionnelle et du licenciement économique en préparation, la cour d'appel a violé les articles L 1232-1 et L1237-11 du code du travail ;

4°/ que la charge de la preuve de la suffisance de l'information donnée au salarié sur les mesures d'organisation de l'entreprise pèse sur l'employeur ; qu'en retenant la salariée ne démontrait pas l'insuffisance de l'information donnée le 18 décembre 2013 ou son impossibilité de recourir à des informations complémentaires, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir exactement rappelé qu'il appartenait à la salariée de rapporter la preuve de l'existence d'un vice du consentement, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que la salariée avait manifesté, dès le mois de mai 2013 et de façon réitérée, son intention de quitter l'entreprise, et que, malgré l'information qui lui avait été délivrée par l'employeur, le 18 décembre 2013, de l'existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cours d'élaboration, elle n'avait pas usé de son droit de rétractation.

6. La cour d'appel a ainsi, répondant aux conclusions prétendument délaissées, estimé que la salariée ne rapportait pas la preuve d'un vice du consentement.

7. Le moyen n'est en conséquence pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme E... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;




Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme E...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de la rupture conventionnelle, la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de dommages et intérêts et d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents.

AUX MOTIFS propres QUE pourvoir infirmer le jugement qui a écarté la nullité tirée du vice de son consentement à la rupture conventionnelle de son contrat de travail, Mme E... soutient, en premier lieu et aux termes d'un long exposé dans ses conclusions auxquels la cour renvoie expressément, que depuis son retour de congé parental, qu'elle souhaitait évoluer dans la vie de l'entreprise ainsi qu'elle s'en est entretenu avec sa hiérarchie, qu'elle a été rétrogradée par l'employeur à des fonctions d'assistante en marketing inférieures à celles de chef de produits qui étaient les siennes, qu'elle a été déclassée dans la hiérarchie de son service, dotée d'un nouveau chef de groupe et d'un responsable communication et qu'elle occupait son poste "en doublon" avec d'autres salariés; qu'elle en déduit la preuve de pressions pour la pousser à quitter l'entreprise pour conclure, en second lieu, que l'employeur s'est abstenu de l'informer du projet de PSE préparé bien en amont de la rupture conventionnelle du contrat de travail mis en place dans l'entreprise avant de convenir de la rupture conventionnelle du contrat de travail et de détourner ainsi l'application du PSE à son poste de travail qui a porté sur 47 départs de salariés ; que au demeurant, et en premier lieu, malgré les affirmations de Mme E..., il ne se déduit pas que le nouvel organigramme ou les attributions qui lui ont été confiées caractérisent une rétrogradation de sa position professionnelle ni n'excèdent le pouvoir de direction de l'employeur de faire évoluer les tâches d'une salariée dans le cadre de l'organisation de l'unité du travail qui a suivi l'interruption de travail de Mme E... pendant trois ans, ni par conséquent que l'exercice de ces prérogatives était de nature à vicier le consentement de la salariée à la rupture du contrat de travail; qu'en deuxième lieu, aux termes d'un courriel du 28 mai 2013, Mme E... a informé l'employeur de son souhait de quitter la société indiquant "encore merci pour l'échange que nous avons eu ce jour et me permettre ainsi d'envisager un départ accompagné par Antalis. A ce stade, j'ai bien un projet de reconversion précis qui devrait me permettre d'envisager de suivre mon conjoint plus aisément dans ses pérégrinations" ; que Mme E... a réitéré son intention de quitter l'entreprise à l'occasion d'échanges téléphoniques et de courriels en avril 2013 et novembre 2013 avant d'être convoquée le 29 novembre 2013 par l'employeur pour déterminer les modalités de la rupture conventionnelle de son contrat de travail; qu'il en résulte la preuve d'une détermination ancienne de la salariée à quitter l'entreprise sans qu'elle établisse la réalité contraire d'évoluer sur d'autres postes ; qu'en troisième lieu, il est constant que l'employeur a donné à Mme E... l'information sur le PSE en cours le 18 décembre 2013 et que la salariée n'a pas exercé la faculté de rétractation que lui réservait l'article L1237-13 du code du travail pour refuser la rupture sans qu'elle ne démontre l'insuffisance de cette information où son impossibilité de recourir à des informations complémentaires ; que, alors enfin que la procédure a été régulièrement conduite dans les conditions des articles L1237-11 et suivants du code du travail, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme E... de l'ensemble de ses demandes (arrêt, p. 4) ;

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QU'il appartient à la demanderesse de démontrer que la société a voulu rompre le contrat de travail en dehors du plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'aucun élément de preuve ne vient prouver cette volonté ; que, bien au contraire, la chronologie des faits et notamment l'intervention de la fusion avec la société T... ne pouvait faire ignorer à la salariée la possibilité d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'autant plus qu'elle affirme que son poste était forcément concerné en raison de l'existence de doublons des postes de travail; qu'en outre, l'information concernant l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi lui est au moins incontestablement parvenue au cours du délai de rétractation ; que la demanderesse le reconnaît, mais elle soutient que l'information n'était pas suffisante pour qu'elle rétracte son consentement; que la salariée disposait de plusieurs voies d'informations et elle ne prétend pas que son employeur l'ait empêchée d'y avoir recours (jugement, p. 3-4) ;

ALORS QUE la modification du contrat de travail s'apprécie au regard des fonctions, des attributions, des prérogatives et des responsabilités réellement exercées; que l'exposante a longuement démontré (v. ses concl. pp. 17-37), en se fondant sur de nombreuses pièces versées aux débats, avoir subi une rétrogradation au retour de son congé parental en précisant qu'elle avait subi une modification de son positionnement hiérarchique, s'était retrouvée en doublon avec deux autres salariés du service, avait été reléguée à des tâches subalternes et en définitive rétrogradée au poste d'assistance marketing, devant même effectuer des tâches de stagiaire ; qu'en se bornant à retenir « qu'il ne se déduit pas que le nouvel organigramme ou les attributions qui lui ont été confiées caractérisent une rétrogradation de sa position professionnelle ni n'excèdent le pouvoir de direction de l'employeur de faire évoluer les tâches d'une salariée dans le cadre de l'organisation de l'unité du travail qui a suivi l'interruption de travail de [la salariée] pendant trois ans » sans rechercher, par une analyse concrète des éléments détaillés invoqués par la salariée, si les changements intervenus dans l'organisation du service n'avaient pas conduit à une modification de ses fonctions et responsabilités caractérisant une rétrogradation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L1225-55 du code du travail.

ALORS QUE l'exposante faisait valoir (v. ses concl. p. 43-44) que le plan de sauvegarde de l'emploi annoncé en décembre 2013 était nécessairement envisagé en amont, bien avant la signature de la rupture conventionnelle, de sorte que l'employeur aurait dû l'en informer de manière à lui permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause ; qu'en se bornant à retenir que l'employeur avait donné à la salariée l'information sur le plan de sauvegarde de l'emploi en cours le 18 décembre 2013 et qu'elle n'avait pas exercé sa faculté de rétractation sans répondre à ces conclusions desquelles il résultait que le projet existait bien avant la signature de la convention de rupture amiable, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

ALORS QUE l'insuffisance de l'information sur le plan de sauvegarde de l'emploi est caractérisée lorsque l'employeur n'a pas mis le salarié en mesure de comparer les avantages qu'il pouvait tirer respectivement d'une rupture conventionnelle et du licenciement pour motif économique ; qu'en se bornant à retenir que l'employeur a donné à l'exposante l'information sur le plan en cours le 18 décembre 2013 et que la salariée n'a pas exercé la faculté de rétractation que lui réservait l'article L1237-13 du code du travail pour refuser la rupture sans qu'elle ne démontre l'insuffisance de cette information, quand il appartenait au seul employeur de mettre la salariée en mesure de comparer les avantages qu'elle pouvait tirer respectivement d'une rupture conventionnelle et du licenciement économique en préparation, la cour d'appel a violé les articles L 1232-1 et L1237-11 du code du travail.

ALORS QUE la charge de la preuve de la suffisance de l'information donnée au salarié sur les mesures d'organisation de l'entreprise pèse sur l'employeur ; qu'en retenant la salariée ne démontrait pas l'insuffisance de l'information donnée le 18 décembre 2013 ou son impossibilité de recourir à des informations complémentaires, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil.