Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 février 2021, 18-25.348, Inédit

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Résumé

Apport de la jurisprudence : Commissions commerciales / Convention collective / Arrêt de travail / Congé maternité

L’employeur doit prendre en compte la moyenne des rémunérations versées au cours des 12 mois précédant chaque arrêt de travail afin de déterminer le montant des commissions commerciales dues à une salariée pendant son arrêt maladie et congé maternité lorsque celles-ci sont calculées en fonction des résultats de la salariée et de la société sur l’année entière – peu important l’évolution de la situation économique de l’entreprise et la rémunération des autres commerciaux pendant les périodes d’absence de la salariée.

Cass. Soc. 3 février 2021, n°18-25-348

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.

MA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 février 2021




Rejet


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 182 F-D

Pourvoi n° Z 18-25.348




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 FÉVRIER 2021

La société Le Bihan Sa, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 18-25.348 contre l'arrêt rendu le 9 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à Mme K... P..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Le Bihan Sa, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme P..., et après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2018) rendu sur renvoi après cassation (Soc.,15 mars 2017, pourvoi n°15-23.276), Mme P... a été engagée le 11 octobre 2005 par la société Le Bihan Sa en qualité d'ingénieur commercial, statut cadre. Sa rémunération était composée d'une partie fixe et d'un commissionnement. La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

2. Au cours de l'année 2008, la salariée a été absente pour cause de maladie puis a été en congé maternité du 17 septembre 2008 au 20 janvier 2009. Le 21 janvier 2009, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

3. Elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée un rappel de complément d'indemnités journalières et de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que selon les articles 43 et 44 de la convention collective des bureaux d'études techniques, en cas d'arrêt maladie, l'employeur doit compléter les indemnités journalières de sécurité sociale et les indemnités servies par un régime de prévoyance ''jusqu'à concurrence de ce qu'aurait perçu [le salarié] s'il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, non compris prime et gratification'' ; qu'il en résulte que, pour déterminer le complément de salaire dû au salarié, l'employeur doit tenir compte de la rémunération fixe et variable que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé ; qu'en présence de disposition contractuelle renvoyant au salaire moyen des douze derniers mois, il convient de tenir compte du salaire fixe et variable afférent aux douze derniers mois précédant l'arrêt de travail ; qu'en l'espèce, il est constant que la salariée percevait, en plus d'un salaire fixe mensuel, une rémunération variable annuelle fonction des résultats d'une année et versée en principe en janvier de l'année suivante ; que son contrat de travail précise qu'en cas d'arrêt maladie, ''la règle du salaire moyen sur les 12 derniers mois sera appliquée'' ; qu'en admettant que le montant du complément de salaire dû pendant ses arrêts maladie et congé de maternité devait être déterminé en divisant par douze le montant total des rémunérations perçues par la salariée au cours des douze mois précédant le début de chaque arrêt maladie et de son congé maternité, peu important que ces rémunérations incluent des commissions annuelles se rapportant pour partie à une période de travail antérieure aux douze derniers mois et que cette méthode de calcul conduise à faire totalement abstraction des résultats atteints au cours des mois précédant ses arrêts de travail, la cour d'appel a violé les articles 43 et 44 de la convention collective des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que lorsque l'assiette de calcul d'une indemnité ou d'une garantie de salaire est fonction de la rémunération moyenne d'une période de référence, les éléments de salaire versés au cours de cette période de référence ne doivent être pris en compte que pour leur part qui vient en rémunération de cette période ; que, d'autre part, une rémunération variable, fût-elle déterminée en fonction d'objectifs annuels, constitue la contrepartie de l'activité du salarié et s'acquiert au fur et à mesure, de sorte qu'en cas de départ en cours d'année, elle est due prorata temporis ; qu'en l'espèce, il est constant que le plan de commissionnement annexé au contrat de la salariée prévoit le paiement, en janvier de l'année n+1, de commissions sur le chiffre d'affaires net généré au cours de l'année n ; que les commissions d'un montant de 91 965 euros perçues par la salariée en décembre 2007 et janvier 2008 correspondent chiffre d'affaires apporté au cours de l'année 2007 et qu'en 2008, avant ses arrêts maladie et son départ en congé de maternité, la salariée a travaillé plusieurs mois, le chiffre d'affaires généré par son activité permettant de calculer, au prorata de sa présence et de ses objectifs annuels, le montant de ses commissions théoriques ; qu'en refusant cependant d'intégrer dans le calcul du complément de salaire dû pendant ses arrêts maladie et son congé de maternité, la rémunération variable afférente aux douze mois précédant le début de chaque arrêt, au motif inopérant que la rémunération variable de la salariée ne reposait pas sur des critères mensuels et était allouée annuellement, en fonction du résultat global de son activité, la cour d'appel a violé les articles 43 et 44 de la convention collective des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

3°/ que les dispositions conventionnelles qui imposent à l'employeur, en cas d'arrêt maladie ou de congé maternité, de compléter les indemnités journalières de sécurité sociale jusqu'à concurrence de ce que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé ne peuvent conduire à reconnaître au salarié le droit au maintien d'un niveau rémunération variable déconnecté des résultats et de la rémunération variable des autres salariés effectuant un travail identique ; qu'en l'espèce, la société Le Bihan faisait valoir qu'au cours de l'année 2007, les résultats de la salariée avaient atteint un niveau inédit en raison d'un contrat exceptionnel et qu'en 2008, la situation économique générale difficile avait fortement dégradé les résultats de tous les commerciaux, de sorte que leur salaire variable avait fortement diminué entre 2007 et 2008 ; qu'en refusant de tenir compte de cette évolution, pour apprécier le complément de salaire qui, aux termes de la convention collective, devait seulement permettre d'atteindre ''ce que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé à temps plein'' et pas davantage, au prétexte qu'il n'est pas justifié de retenir la moyenne des commissions versées aux autres commerciaux pour déterminer le salaire significatif de la salariée, la cour d'appel a encore violé les articles 43 et 44 de la convention collective des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a énoncé à bon droit, par motifs propres et adoptés, qu'en application de l'article 43 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, en cas de maladie n'ayant pas une origine professionnelle, les ingénieurs et cadres ayant acquis un an d'ancienneté reçoivent les allocations maladie nécessaires pour compléter les sommes qu'ils perçoivent à titre d'indemnité, dans la limite de trois mois d'appointements mensuels, l'employeur ne devant verser que les sommes nécessaires pour compléter ce que verse la sécurité sociale et, le cas échéant, un régime de prévoyance, ainsi que les compensations de perte de salaire d'un tiers responsable, jusqu'à concurrence de ce qu'aurait perçu, net de toute charge, le salarié malade s'il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, non compris primes et gratifications.

6. La cour d'appel a également énoncé à bon droit que selon l'article 44 de ce texte, les salariées ayant plus d'un an d'ancienneté dans l'entreprise à la date de leur arrêt de travail pour maternité conservent le maintien intégral de leurs appointements mensuels pendant la durée du congé légal sous déduction des indemnités versées par la sécurité sociale et les régimes de prévoyance.

7. En l'absence de précision de la convention collective sur les modalités de détermination de la partie variable de la rémunération devant être maintenue à la salariée pendant ses arrêts de travail pour maladie et son congé de maternité, la cour d'appel, qui a relevé qu'en application du contrat de travail et du plan de commissionnement les commissions commerciales étaient calculées annuellement en fonction des résultats de la salariée et de la société sur l'année entière, a pu décider, sans statuer par des motifs inopérants et sans avoir à prendre en considération l'évolution de la situation économique de l'entreprise et de la rémunération des autres commerciaux pendant les périodes d'absence, que la base de calcul préconisée par la salariée, consistant à prendre en compte la moyenne des rémunérations versées au cours des douze mois précédant chaque arrêt de travail, était justifiée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Le Bihan Sa aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le Bihan Sa et la condamne à payer à Mme P... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Le Bihan Sa

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

III. Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Le Bihan à payer à Mme P... la somme de 40.268 euros à titre de rappel de complément d'indemnités journalières, outre les congés payés afférents, d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme P... produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Le Bihan à payer à Mme P... les sommes de 32.866,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 12.477 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 68.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.938,62 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du DIF et 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le complément d'indemnités journalières. Madame P... a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail pour maladie sur les périodes du : -14 avril au 18 mai 2008, - 2 au 6 juin 2008, - 14 au 28 juin 2008, - 7 juillet au 16 septembre 2008. Elle a ensuite, été en congé maternité à partir du 17 septembre 2008 jusqu'au 20 janvier 2009. Durant ces périodes, le statut de sa rémunération était régi par plusieurs dispositions conventionnelles et notamment son contrat de travail et la Convention collective SYNTEC. Les dispositions de l'article 12 de son contrat de travail prévoient : « Il est entendu que la base de calcul retenue pour les indemnités de congés payés, RTT et arrêt maladie de moins d'un mois est la rémunération fixe à l'exclusion de toute référence au commissionnement. En effet, les taux de commissionnements ont été déterminés sur la base du chiffre d'affaires effectivement réalisé durant l'année et non sur le temps de présence effectif dans l'entreprise. Dans le cas d'une longue maladie ou de congé maternité, la règle du salaire moyen sur les 12 derniers mois sera appliqué ». L'article 43 de la Convention collective SYNTEC indique : « Il est précisé que l'employeur ne devra verser que les sommes nécessaires pour compléter ce que verse la Sécurité Sociale et le cas échéant, un régime de prévoyance, ainsi que les compensations de perte de salaire d'un tiers responsable, jusqu'à concurrence de ce qu'aurait perçu, net de toutes charges, l'ingénieur cadre malade ou accidenté s'il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, non compris prime et gratification. » Pour le congé maternité, l'article 44 de la Convention collective mentionne : « Les collaboratrices ayant plus d'un an d'ancienneté dans l'entreprise à la date de leur arrêt de travail pour maternité conserveront le maintien intégral de leur appointements mensuel pendant la durée du congé légal sous déduction des indemnités versées par la sécurité sociale et des régimes de prévoyance ». Madame P... reprenant la moyenne des sommes perçues sur les 12 mois précédents ses arrêts de travail transmet comme base de calcul du complément les salaires moyens suivants : - pour l'absence du mois d'avril 2008 : salaire perçu d'avril 2007 à mars 2008 = 126 575,65 euros/12 = 10 547,97 euros ; - pour l'absence du mois de mai 2008 : salaire perçu de mai 2007 à avril 2008 = 126 217,34 euros/12 = 10 518,11 euros ; - pour l'absence du mois de juin 2008 : salaire perçu de juin 2007 à mai 2008 = 125 344,70 euros/12 = 10 445,39 euros ; - pour l'absence à compter du mois de juillet 2008 : salaire perçu de juillet 2007 à juin 2008 = 131 466,05 euros/12 = 10 955,50 euros. Il y a lieu de préciser que la société ne conteste pas la nécessité d'intégrer dans le calcul du complément des indemnités journalières, la part variable de la rémunération perçue par Madame P..., ni une base de calcul sur les 12 derniers mois précédents celui de l'arrêt de travail. Toutefois, la société s'appuie sur le compte rendu de la réunion des délégués du personnel du 3 novembre 2008 qui prévoit un commissionnement calculé au prorata du temps de présence du salarié avec un plafonnement minimum à 40 % de l'objectif pour ne pas défavoriser les salariés en maladie ou maternité et la société. Elle fait valoir que la commission de 91 965 euros allouée à la salariée en 2008 est annuelle et avait un caractère exceptionnel. Elle estime que le salaire significatif que la salariée aurait été susceptible de percevoir pendant ses périodes d'arrêt de travail doit être évalué au regard de la moyenne des commissions perçues par les ingénieurs commerciaux, soit la somme de 24 950 euros. Il y a lieu de constater à la lecture du contrat de travail de Madame P... et du plan de commissionnement de 2006 à 2009 que l'assiette de calcul de cette rémunération variable ne repose pas sur des critères mensualisés. La commission est allouée annuellement et correspond a un résultat global de l'activité de la salariée mais aussi de la société sur l'année. Le seul versement d'acomptes et le paiement en janvier d'un solde sur commission ne confère pas un motif justifiant une mensualisation des sommes réglées. Quelque soit la valeur conventionnelle attribuée au compte rendu de la réunion des délégués du personnel du 3 novembre 2008, il s'avère que les dispositions qui réduisent au temps de présence une partie de la base de calcul de la rémunération de l'ingénieur ou du cadre malade ou en congé maternité sont moins favorables que les dispositions de la Convention collective qui prévoient une rémunération jusqu'à concurrence de ce qu'aurait perçu le salarié , net de toutes charges s'il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, non compris prime et gratification et pour le congé maternité, le maintien intégral de leur appointements mensuels pendant la durée du congé légal. Dès lors ces dispositions doivent être écartées. S'agissant du salaire significatif, Madame P... est bien fondée à soutenir que jusqu'à preuve contraire, ce commissionnement lui a été versé comme fruit de son travail et représente donc la qualité de la prestation de travail qu'elle a réalisé. Retenir la moyenne des commissions versées aux autres salariés pour évaluer le salaire significatif de Madame P... apparaît sans fondement, pas plus que de limiter le variable à 40 %. Il ne peut être pas davantage considéré que le salaire fixe doive être retenu sur les périodes non travaillées de l'année N dans la mesure où la part variable de la rémunération constitue pour les ingénieurs commerciaux, une partie significative de leur salaire. En 2008, le salaire fixe perçu par Madame P... est presqu'inférieur des deux tiers à la part variable. Si on se réfère au variable moyen des ingénieurs commerciaux, le variable constitue une majoration de plus des deux tiers de la rémunération fixe. Au vu de ces motifs, tenant compte des dispositions les plus favorables à la salariée, des salaires perçues sur les douze derniers mois précédents les arrêts de travail et des calculs fournis par Madame P..., il convient de faire droit à l'intégralité de la demande et de lui allouer la somme de 40 268,30 euros et les congés payés y afférents. Sur la prise d'acte de la rupture. En application de l'article L 1231 - 1 du code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord. La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur, empêchant la poursuite du contrat de travail. Lorsque le salarié prend acte de la rupture, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire ; L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, en sorte que d'autres manquements peuvent être invoqués, ne figurant pas dans cet écrit. A l'appui de sa demande de requalification de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame P... fait valoir l'absence de règlement par l'employeur du complément d'indemnités journalières et l'absence de prise en compte de ses réclamations concernant sa rémunération variable 2008. L'employeur considère qu'il n'a pas manqué à ses obligations et explique qu'après les sollicitations de la salariée, en septembre 2008, la société a dû engager une consultation des délégués du personnel afin de faire le clair sur les modalités de calcul à instaurer au sein de la société et qu'elle a dû procéder à une régularisation des fiches de paye pour pouvoir obtenir le calcul du salaire moyen. Il y a lieu de rappeler que l'obligation de l'employeur de rémunérer le salarié pour la prestation de travail réalisée constitue une obligation fondamentale dans la relation salariée. En l'espèce, Madame P... justifie avoir du transmettre une lettre de réclamation le 17 septembre 2008, deux courriers le 2 octobre 2008, un autre le 27 décembre 2008, une demande aux délégués du personnel le 27 septembre 2008 et le 20 octobre 2008 pour voir fixer à l'ordre du jour d'une réunion mensuelle des délégués du personnel les difficultés qui l'opposaient à son employeur. Elle a dû saisir en octobre 2008, l'inspection du travail. Elle justifie également avoir soumis par mail ses difficultés à la société, en septembre 2008. Ces circonstances permettent de considérer que la salariée a bien tenté d'obtenir par la voie amiable une solution au contentieux l'opposant à son employeur et que faute d'y parvenir, elle a été contrainte de prendre acte de la rupture. Ainsi, il est établi que le manquement de l'employeur dans le règlement de la rémunération de sa salariée constitue en l'espèce, un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail. La Cour considère donc que la prise d'acte de la rupture est bien consécutive des manquements de l'employeur et doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, compte tenu du fait que Madame P... disposait de moins de 4 ans d'ancienneté et qu'elle ne justifie pas des difficultés de retour à l'emploi qu'elle invoque, ni du préjudice de carrière qu'elle soutient ou de l'atteinte à sa réputation professionnelle, la Cour estime que c'est par une juste appréciation du préjudice causé que le conseil des prud'hommes a alloué à la salariée la somme de 68000 euros en réparation du préjudice subi en application de l'article L1235-3 du code du travail. Sur l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents et l'indemnité de licenciement. En application des dispositions de l'article L1234-5 du code du travail lorsque que le salarié n'exécute pas son préavis, il perçoit une indemnité compensatrice sans aucune diminution des salaires et avantages qu'il aurait perçus, s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. Dans le cadre du calcul de ce salaire doit être intégré la variable. En l'espèce, l'employeur n'est pas fondé à solliciter un calcul de l'indemnité compensatrice de préavis sur la base du seul salaire fixe de la salariée. Il convient de retenir les calculs effectués par Madame P... sur la base du dernier salaire moyen retenu à hauteur de 10 955,50 euros ainsi que les congés payés afférents. Il y a lieu sur la base du même salaire de faire un calcul de l'indemnité de licenciement et d'allouer à la salariée la somme de 12 477,10 euros. Sur les dommages-intérêts pour la perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du DIF. Madame P... réclame la somme de 2938,62 euros à titre de dommages-intérêts en considérant qu'elle n'a pas été en mesure de solliciter la conversion en somme d'argent des heures acquises au titre du droit individuel à la formation qu'elle aurait pu solliciter avant la fin du préavis. Il est constant qu'en prenant acte de la rupture de du contrat de travail, la salariée n'a pas bénéficié de l'information et de la possibilité de solliciter pendant la durée du préavis des droits acquis au titre du DIF. En conséquence, elle est bien fondé à solliciter des dommages-intérêts pour la perte de chance. Le jugement sur ce point sera donc confirmé » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur les demandes formées au titre de l'exécution du contrat de travail : sur le complément d'indemnités journalières pour maladie et maternité afférent à la période d'avril 2008 à janvier 2009 : Le contrat de travail de Madame P... prévoit qu'elle percevra un salaire brut forfaitaire annuel de 32 500 euros, payable en douze versements mensuels égaux et, en sus de cette rémunération fixe, des commissions dont les modalités initiales d'attribution sont déterminées dans le plan de commissionnement joint au contrat. Ce plan précise que les commissions sont calculées annuellement, que des acomptes trimestriels peuvent être versés à la fin de chaque mois suivant un trimestre civil et que le solde des commissions pour l'ensemble de l'année est versé le 30 janvier de l'année suivante. Le contrat de travail stipule quant à lui que "la base de calcul retenue pour les indemnités .de congés payés, RTT, et arrêt maladie de moins d'un mois, est la rémunération fixe, à l'exclusion de toute référence au commissionnement. En effet, les taux de commissionnement ont été déterminés sur la base du chiffre d'affaires effectivement réalisé durant l'année, et non sur le temps de présence effectif dans l'entreprise. Dans le cas d'une longue maladie ou de congés maternité, la règle du salaire moven sur les 12 derniers mois sera appliquée. Par ailleurs, la convention collective SYNTEC dispose dans son article 43 qu'en cas de maladie des ingénieurs et cadres, l'employeur ne devra verser que les sommes nécessaires pour compléter ce que verse la Sécurité Sociale jusqu'à concurrence de ce qu'aurait perçu, net de toute charge, le salarié malade s'il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, non compris primes et gratifications, et que les collaboratrices ayant plus d'un an d'ancienneté dans I'entreprise à la date de leur arrêt de travail pour maternité conserveront le maintien intégral de leurs appointements mensuels pendant la durée du congé légal sous déduction des indemnités versées par la sécurité sociale et les régimes de prévoyance. Il est constant que ces dispositions n'excluent pas la prise en compte, dans le calcul du complément à la charge de l'employeur, de la partie variable de la rémunération du salarié lorsqu'il en perçoit une. Il découle de l'ensemble de ces règles - qui sont parfaitement claires et ne prêtent pas à interprétation - que Madame P... est bien fondée à soutenir que le calcul du complément de ses indemnités journalières pour maladie et maternité doit être effectué sur la base du salaire fixe et variable - moyen qu'elle a perçu effectivement au cours des douze derniers mois précédant ses arrêts de travail. En effet, il n'y a pas lieu, comme le soutient à tort la S.A. LE BIHAN, de reconstituer un salaire "théorique" en introduisant une différence dans la prise en compte de ses commissions selon l'année à laquelle elles se rapportent, ce mode de calcul étant manifestement contraire aux dispositions contractuelles et conventionnelles précitées. En conséquence, il sera fait droit à la demande de Madame P... en condamnant la S.A. LE BIHAN à lui verser la somme de 40 268,30 euros bruts à titre de rappel de complément (l'indemnités journalières maladie et maternité pour la période d'avril 2008 à janvier 2009, outre celle de 4 024,83 euros bruts au titre des congés payés afférents. selon ses calculs détaillés qui n'appellent pas de critiques. (...) Sur la rupture du contrat de travail : Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire d'une démission. Les faits invoqués par le salarié doivent être établis et constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur, étant relevé que le juge n'est pas lié par les termes de la lettre de rupture et qu'il doit prendre en compte la totalité des reproches formulés par le salarié. En l'espèce, le refus persistant et injustifié de l'employeur de payer à Madame P... les sommes qui lui étaient incontestablement dues en dépit de plusieurs demandes et d'une mise en demeure constitue à l'évidence un manquement grave de la S.A. LE BIHAN à ses obligations contractuelles, manquement qui justifie la décision de Madame P... de prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Il s'ensuit que cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dès lors Madame P... peut prétendre : - à une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire, soit 32 866,50 euros bruts, outre la somme de 3 286,65 euros bruts au titre des congés payés afférents, - à une indemnité conventionnelle de licenciement égale à 12 477,10 euros au vu de son ancienneté et des dispositions de la convention collective. - à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui, en application de l'article L1235-3 du code du travail, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois : compte tenu de sa situation personnelle, de son ancienneté dans l'entreprise, des conditions dans lesquelles est intervenue la rupture des relations contractuelles et des éléments de préjudice soumis à appréciation, il lai sera alloué la somme de 68 000 euros à ce titre. - à des dommages et intérêts pour la perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du DIF d'un montant de 2 938.62 euros. Les sommes allouées à Madame P... produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception, par la défenderesse, de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances de nature salariale et à compter du jour du prononcé du présent jugement pour les créances à caractère indemnitaire. Les intérêts échus des capitaux produiront eux-mêmes des intérêts au taux légal dès lors qu'il s'agit d'intérêts dus au moins pour une année entière conformément à l'article 1154 du code civil » ;

1. ALORS QUE selon les articles 43 et 44 de la convention collective des bureaux d'études techniques, en cas d'arrêt maladie, l'employeur doit compléter les indemnités journalières de sécurité sociale et les indemnités servies par un régime de prévoyance « jusqu'à concurrence de ce qu'aurait perçu [le salarié] s'il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, non compris prime et gratification » ; qu'il en résulte que, pour déterminer le complément de salaire dû au salarié, l'employeur doit tenir compte de la rémunération fixe et variable que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé ; qu'en présence de disposition contractuelle renvoyant au salaire moyen des douze derniers mois, il convient de tenir compte du salaire fixe et variable afférent aux douze derniers mois précédant l'arrêt de travail ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme P... percevait, en plus d'un salaire fixe mensuel, une rémunération variable annuelle fonction des résultats d'une année et versée en principe en janvier de l'année suivante ; que son contrat de travail précise qu'en cas d'arrêt maladie, « la règle du salaire moyen sur les 12 derniers mois sera appliquée » ; qu'en admettant que le montant du complément de salaire dû pendant ses arrêts maladie et congé de maternité devait être déterminé en divisant par douze le montant total des rémunérations perçues par la salariée au cours des douze mois précédant le début de chaque arrêt maladie et de son congé maternité, peu important que ces rémunérations incluent des commissions annuelles se rapportant pour partie à une période de travail antérieure aux douze derniers mois et que cette méthode de calcul conduise à faire totalement abstraction des résultats atteints au cours des mois précédant ses arrêts de travail, la cour d'appel a violé les articles 43 et 44 de la convention collective des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

2. ALORS QUE lorsque l'assiette de calcul d'une indemnité ou d'une garantie de salaire est fonction de la rémunération moyenne d'une période de référence, les éléments de salaire versés au cours de cette période de référence ne doivent être pris en compte que pour leur part qui vient en rémunération de cette période ; que, d'autre part, une rémunération variable, fût-elle déterminée en fonction d'objectifs annuels, constitue la contrepartie de l'activité du salarié et s'acquiert au fur et à mesure, de sorte qu'en cas de départ en cours d'année, elle est due prorata temporis ; qu'en l'espèce, il est constant que le plan de commissionnement annexé au contrat de Mme P... prévoit le paiement, en janvier de l'année n+1, de commissions sur le chiffre d'affaires net généré au cours de l'année n ; que les commissions d'un montant de 91.965 euros perçues par Mme P... en décembre 2007 et janvier 2008 correspondent chiffre d'affaires apporté au cours de l'année 2007 et qu'en 2008, avant ses arrêts maladie et son départ en congé de maternité, Mme P... a travaillé plusieurs mois, le chiffre d'affaires généré par son activité permettant de calculer, au prorata de sa présence et de ses objectifs annuels, le montant de ses commissions théoriques ; qu'en refusant cependant d'intégrer dans le calcul du complément de salaire dû pendant ses arrêts maladie et son congé de maternité, la rémunération variable afférente aux douze mois précédant le début de chaque arrêt, au motif inopérant que la rémunération variable de la salariée ne reposait pas sur des critères mensuels et était allouée annuellement, en fonction du résultat global de son activité, la cour d'appel a violé les articles 43 et 44 de la convention collective des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

3. ALORS QUE les dispositions conventionnelles qui imposent à l'employeur, en cas d'arrêt maladie ou de congé maternité, de compléter les indemnités journalières de sécurité sociale jusqu'à concurrence de ce que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé ne peuvent conduire à reconnaître au salarié le droit au maintien d'un niveau rémunération variable déconnecté des résultats et de la rémunération variable des autres salariés effectuant un travail identique ; qu'en l'espèce, la société Le Bihan faisait valoir qu'au cours de l'année 2007, les résultats de Mme P... avaient atteint un niveau inédit en raison d'un contrat exceptionnel et qu'en 2008, la situation économique générale difficile avait fortement dégradé les résultats de tous les commerciaux, de sorte que leur salaire variable avait fortement diminué entre 2007 et 2008 ; qu'en refusant de tenir compte de cette évolution, pour apprécier le complément de salaire qui, aux termes de la convention collective, devait seulement permettre d'atteindre « ce que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé à temps plein » et pas davantage, au prétexte qu'il n'est pas justifié de retenir la moyenne des commissions versées aux autres commerciaux pour déterminer le salaire significatif de Mme P..., la cour d'appel a encore violé les articles 43 et 44 de la convention collective des bureaux d'études techniques du 15 décembre 1987.