Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 mars 2020, 19-13.316, Publié au bulletin

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Résumé

Apport de la jurisprudence : Requalification / Contrat de travail / Lien de subordination

La Cour de cassation considère que le statut de travailleur indépendant d'un chauffeur d’une plateforme numérique est fictif et qu’il convient de requalifier en conséquent le chauffeur en salarié. La Cour précise à nouveau que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. En l’espèce il a été retenu notamment que l’application ne permettait pas la constitution d’une clientèle propre et que le chauffeur ne pouvait fixer librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport, incluant l’itinéraire.

Cass. Soc 4 mars 2020 n°19-13.316

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2020




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 374 FP-P+B+R+I

Pourvoi n° S 19-13.316




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 MARS 2020

1°/ la société Uber France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...],

2°/ la société Uber BV, société de droit étranger, dont le siège est Meester Treublaan 7, 1097 DP, Amsterdam (Pays-Bas),

ont formé le pourvoi n° S 19-13.316 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant à M. I... F..., domicilié [...], défendeur à la cassation.

Intervention volontaire : du syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO), dont le siège est [...] .

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Uber France et Uber BV, de la SCP Ortscheidt, avocat de M. F..., de Me Haas, avocat de la CGT-FO, les plaidoiries de Mes Célice, Ortscheidt et celles de Me Haas, et l'avis de Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 février 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, M. Maron, Mme Aubert-Monpeyssen, MM. Rinuy, Pion, Ricour, Pietton, Mmes Cavrois, Pécaut-Rivolier, conseillers, Mme Depelley, M. David, Mme Chamley-Coulet, conseillers référendaires, Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2019), M. F..., contractuellement lié avec la société de droit néerlandais Uber BV par la signature d'un formulaire d'enregistrement de partenariat, a exercé une activité de chauffeur à compter du 12 octobre 2016 en recourant à la plateforme numérique Uber, après avoir loué un véhicule auprès d'un partenaire de cette société, et s'être enregistré au répertoire Sirene en tant qu'indépendant, sous l'activité de transport de voyageurs par taxis.

2. La société Uber BV a désactivé définitivement son compte sur la plateforme à partir du mois d'avril 2017.

3. M. F... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de sa relation contractuelle avec la société Uber en contrat de travail, et formé des demandes de rappels de salaires et d'indemnités de rupture.

Examen de la recevabilité de l'intervention volontaire du syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière

4. Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

5. Le syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière ne justifiant pas d'un tel intérêt dans ce litige, son intervention volontaire n'est pas recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Uber France et Uber BV font grief à l'arrêt de dire que le contrat ayant lié M. F... à la société Uber BV est un contrat de travail, alors :

« 1°/ que le contrat de travail suppose qu'une personne physique s'engage à travailler pour le compte d'une autre personne, physique ou morale, moyennant rémunération et dans un rapport de subordination juridique ; que ne constitue donc pas un contrat de travail, le contrat conclu par un chauffeur VTC avec une plateforme numérique, portant sur la mise à disposition d'une application électronique de mise en relation avec des clients potentiels en échange du versement de frais de service, lorsque ce contrat n'emporte aucune obligation pour le chauffeur de travailler pour la plateforme numérique, ni de se tenir à sa disposition et ne comporte aucun engagement susceptible de le contraindre à utiliser l'application pour exercer son activité ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l'application ou non, de choisir l'endroit et le moment où il entend se connecter, sans en informer la plateforme à l'avance, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu'il choisit de se connecter à l'application, le chauffeur est libre d'accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l'application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion de l'Application pour des raisons opérationnelles liées au fonctionnement de l'algorithme, le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment et cette déconnexion temporaire n'a aucune incidence sur la relation contractuelle entre le chauffeur et Uber BV ; que la société Uber BV faisait encore valoir que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l'application, de sorte que le chauffeur n'est tenu d'aucun engagement financier envers la plateforme susceptible de le contraindre à utiliser l'application ; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de partenariat et l'utilisation de l'application ne sont assortis d'aucune obligation d'exclusivité pour le chauffeur qui peut librement utiliser de manière simultanée d'autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d'autres moyens ; que la société Uber BV en déduisait que la conclusion et l'exécution du contrat par M. F... n'emportaient strictement aucune obligation pour ce dernier de travailler pour le compte de la plateforme, de sorte que la relation contractuelle ne pouvait être qualifiée de contrat de travail ; qu'en jugeant néanmoins que le contrat ayant lié M. F... à la société Uber BV est un contrat de travail, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la conclusion et l'exécution de ce contrat emportaient une obligation à la charge du chauffeur de travailler pour la plateforme ou de se tenir à la disposition de cette dernière pour accomplir un travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

2°/ qu'il résulte de l'article L8221-6 du code du travail que la présomption de non salariat pour l'exécution d'une activité donnant lieu à une immatriculation au répertoire des métiers n'est écartée que lorsqu'il est établi que la personne immatriculée fournit des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui la placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé ne peut constituer un indice du lien de subordination que lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'aucun lien de subordination juridique permanent ne saurait résulter du contrat conclu entre une plateforme numérique et un chauffeur VTC, lorsque le contrat n'emporte aucun pouvoir de la plateforme d'exiger du chauffeur qu'il accomplisse un travail pour elle ou même qu'il se tienne à sa disposition pendant une période donnée, aussi courte soit-elle, ni aucun engagement susceptible de contraindre le chauffeur à utiliser l'application développée par la plate-forme ; qu'au cas présent, il est constant que M. F..., qui était inscrit au répertoire des métiers en qualité de chauffeur, entrait dans le champ d'application de l'article L8221-6 du code du travail ; que la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l'application, de choisir l'endroit et le moment où il entend se connecter, sans être aucunement tenu d'en informer à l'avance la plateforme, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu'il choisit de se connecter à l'application, le chauffeur est libre d'accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l'application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion temporaire de l'application pour permettre le bon fonctionnement de l'algorithme (les demandes de courses étant proposées aux chauffeurs connectés un par un, par ordre de proximité avec le passager), le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment uniquement en cliquant sur l'application ; que la société Uber BV faisait encore valoir que la conclusion du contrat de partenariat et l'utilisation de l'application ne donne lieu à aucune redevance, ni à aucun engagement financier, de la part du chauffeur à l'égard de la société Uber BV, qui serait de nature à contraindre le chauffeur d'utiliser l'application, et que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l'application ; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de prestation de service électronique et l'utilisation de l'application n'étaient assortis d'aucune obligation d'exclusivité pour le chauffeur qui pouvait tout à fait librement utiliser de manière simultanée d'autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d'autres moyens ; qu'en se bornant à énoncer que le fait de pouvoir choisir ses lieux et heures de travail n'exclut pas en soi une relation de travail subordonnée", sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ces éléments, dont il résultait, non pas une simple liberté pour M. F... de choisir ses horaires de travail (telle qu'elle peut exister pour certains salariés), mais une liberté totale d'utiliser ou non l'application, de se connecter aux lieux et heures choisis discrétionnairement par lui, de ne pas accepter les courses proposées par le biais de l'application et d'organiser librement son activité sans l'application, n'excluaient pas l'existence d'un lien de subordination permanente avec la société Uber BV, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

3°/ que le juge ne peut se prononcer sur l'existence ou non d'un lien de subordination juridique qu'en tenant compte de l'ensemble des éléments relatifs aux conditions d'exercice de l'activité qui lui sont présentés par les parties ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir, sans être contredite, que le chauffeur n'était soumis à aucune obligation, ni à aucun contrôle, en termes de connexion et d'activité, que le contrat de partenariat portant sur l'utilisation de l'application ne comportait aucun engagement financier à la charge du chauffeur à son égard, ne comportait pas d'obligation d'exclusivité et rappelait même expressément que le chauffeur était libre de se connecter et d'utiliser des applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC autrement qu'en utilisant l'application Uber ; qu'en jugeant qu'il existait un faisceau d'indices suffisant pour caractériser l'existence d'un lien de subordination, sans prendre en compte ces éléments déterminants propres à établir que le chauffeur dispose dans l'exercice de son activité, y compris par l'intermédiaire de la plateforme Uber, d'une liberté incompatible avec l'existence d'un lien de subordination juridique permanente, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

4°/ que l'exécution d'un contrat de partenariat portant sur l'utilisation par un chauffeur VTC d'une application électronique de mise en relation avec des clients implique une possibilité pour la plateforme de s'assurer du bon fonctionnement de l'application, du respect par le chauffeur de la réglementation applicable, de la sécurité des personnes et de la qualité de la prestation de transport ; que ne caractérise pas un pouvoir disciplinaire, la possibilité pour une plateforme numérique de rompre unilatéralement le contrat en cas de manquements graves et répétés du chauffeur aux obligations résultant du contrat de partenariat ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que l'exigence à l'égard du chauffeur de ne pas annuler trop fréquemment les courses proposées par l'application qu'il a acceptées n'a ni pour objet ni pour effet de restreindre la libertédu chauffeur de choisir si, quand, et où il se connecte et de ne pas accepter les courses proposées, mais est nécessaire pour garantir la fiabilité du système en fluidifiant l'offre et la demande ; qu'elle exposait, par ailleurs, que les chauffeurs utilisant l'application Uber ne reçoivent aucun ordre, ni aucune directive personnalisée et que les règles fondamentales" résultant des documents contractuels constituent des exigences élémentaires de politesse et de savoir-vivre, de respect de la réglementation et de la sécurité des personnes, inhérentes à l'activité de chauffeur VTC ; que, dans ces conditions, la possibilité de rompre le contrat de partenariat en cas de méconnaissance de ces obligations n'est aucunement constitutive d'un pouvoir disciplinaire, mais relève de la faculté dont dispose tout contractant de rompre un partenariat commercial lorsque ses termes et ses conditions ne sont pas respectés par son cocontractant ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que la société Uber BV disposait à l'égard des chauffeurs d'un pouvoir de sanction caractérisant un contrat de travail, qu'un taux d'annulation trop élevé ou le signalement par les passagers de comportements problématiques du chauffeur pouvaient entraîner la perte d'accès au compte, sans expliquer en quoi les exigences posées pour l'utilisation de l'application se distinguent de celles inhérentes à la nature même de l'activité de chauffeur VTC et à l'utilisation d'une plateforme numérique de mise en relation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail, ensemble les articles L. 3221-1 et suivants du code des transports et 1103 et 1226 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°/ que la seule existence d'une possibilité stipulée au contrat, pour la plateforme de désactiver ou de restreindre l'accès à l'application ne saurait en elle-même caractériser un contrôle de l'activité des chauffeurs en l'absence de tout élément de nature à établir qu'une telle prérogative serait utilisée pour contraindre les chauffeurs à se connecter et à accepter les courses qui leur sont proposées ; qu'en se bornant à affirmer que la stipulation, au point 2.4 du contrat, selon laquelle Uber se réserve le droit de désactiver l'application ou d'en restreindre l'utilisation aurait pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et ainsi, à se tenir constamment pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV", cependant, d'une part, que le contrat rappelait, par ailleurs, expressément au chauffeur qu'il était libre d'utiliser l'application quand il le souhaitait et d'accepter ou non les courses proposées et, d'autre part, qu'il n'était relevé aucun élément de nature à faire ressortir l'existence une quelconque désactivation ou restriction d'utilisation de l'application lorsqu'un chauffeur ne se connecte pas ou refuse des courses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

6°/ que l'article 2.4 du contrat de prestations de services stipule notamment que le client et ses chauffeurs conservent exclusivement le droit de déterminer quand et combien de temps utiliser, pour chacun d'eux, l'application chauffeur ou les services Uber" et que le client et ses chauffeurs gardent la possibilité, par l'intermédiaire de l'application chauffeur, de tenter d'accepter, de refuser ou d'ignorer une sollicitation de services de transport par l'intermédiaire des services Uber, ou d'annuler une demande de services de transport acceptée par l'intermédiaire de l'application chauffeur, sous réserve des politiques d'annulation d'Uber alors en vigueur" ; qu'en tronquant l'article 2.4 du contrat pour dire que cette stipulation aurait pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et ainsi, à se tenir constamment pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV", sans prendre en compte les termes clairs et précis de cette stipulation relative à la liberté du chauffeur de se connecter et de ne pas accepter les courses proposées, la cour d'appel a dénaturé par omission cette stipulation contractuelle, en violation des articles 1103 et 1192 du code civil, dans leur version issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

7°/ que le respect de la commande du client, qui a été acceptée par le chauffeur VTC, ne saurait constituer un indice de l'existence d'un lien de subordination de ce dernier à l'égard de la plateforme numérique ayant mis en relation le chauffeur et le client ; qu'ainsi, le fait pour un chauffeur VTC, qui a accepté d'effectuer une prestation de service de transport exclusive commandée par un client, de respecter les termes de cette commande et ne pas pouvoir prendre en charge d'autres passagers tant que la prestation de transport est en cours ne peut constituer un indice de subordination à l'égard d'une plateforme numérique ; qu'en jugeant que l'interdiction faite au chauffeur pendant l'exécution d'une course réservée via l'application Uber de prendre en charge d'autres passagers vient réduire à néant un attribut essentiel de la qualité de prestataire indépendant", la cour d'appel s'est fondée sur un motif erroné et a violé les articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

8°/ qu'il résulte de la charte de la communauté Uber que sont prohibés les actes qui menacent la sécurité des chauffeurs et des passagers" comme le fait d'entrer en contact avec les passagers après une course sans leur accord. Par exemple : le fait d'envoyer un SMS, d'appeler ou de rendre visite à l'une des personnes présentes dans la voiture après la fin de la course sans son accord" ; qu'il résulte de ce document contractuel produit aux débats que, d'une part, l'interdiction de contacter les clients après la course, qui répond à des impératifs de sécurité, ne s'applique pas lorsque le client a accepté d'être contacté par le chauffeur et que, d'autre part, il n'est nullement interdit au chauffeur de donner ses coordonnées aux clients pour leur permettre de réserver une course auprès de lui directement sans passer par l'intermédiaire de la plate-forme ; qu'en jugeant néanmoins qu'en interdisant au chauffeur de contacter les passagers et de conserver leurs informations personnelles après une course, la société Uber BV privait les chauffeurs de la possibilité pour un passager consentant de laisser au chauffeur ses coordonnées pour réserver une prochaine course en dehors de l'application Uber", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des documents contractuels produits aux débats, en violation des articles 1103, 1189 et 1192 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

9°/ que la société Uber BV faisait valoir que les dispositions du code de la consommation interdisent à un chauffeur VTC de refuser d'accomplir une course sans motif légitime, de sorte que l'absence de connaissance précise de la destination, n'est pas de nature à remettre en cause l'indépendance du chauffeur ; qu'en énonçant que l'absence de connaissance du critère de destination par le chauffeur lorsqu'il doit répondre à une proposition par le biais de la plateforme Uber interdit au chauffeur de choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non", sans rechercher, comme elle y était invitée, si les dispositions légales relatives au refus de fourniture de services n'interdisent pas à un chauffeur professionnel de refuser une course pour des motifs de pure convenance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-11 et R. 121-13 du code de la consommation, ensemble l'article L8221-6 du code du travail ;

10°/ que le système de géolocalisation inhérent au fonctionnement d'une plateforme numérique de mise en relation de chauffeurs VTC avec des clients potentiels ne caractérise pas un lien de subordination juridique des chauffeurs à l'égard de la plateforme dès lors que ce système n'a pas pour objet de contrôler l'activité des chauffeurs mais n'est utilisé que pour mettre ces derniers en contact avec le client le plus proche, assurer la sécurité des personnes transportées et déterminer le prix de la prestation ; qu'en affirmant que le système de géolocalisation utilisé par la plateforme Uber suffit à établir l'existence d'un contrôle des chauffeurs, peu important les motivations avancées par la société Uber BV de cette géolocalisation", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

11°/ que la détermination par une plateforme de mise en relation par voie électronique du prix des prestations de services fournies par son intermédiaire ne saurait caractériser un indice de l'existence d'un contrat de travail ; que le seul fait qu'une prestation de transport fasse l'objet d'un tarif horokilométrique et que le prix de la prestation puisse être réajusté, en cas de réclamation d'un passager, lorsque le trajet choisi par le chauffeur n'est pas approprié car abusivement long n'est pas constitutif d'un ordre ou d'une directive dans l'exécution du travail ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L1411-1 et L7341-1 du code du travail, ensemble les articles 1164 et 1165 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

12°/ que les éventuels engagements pris par un chauffeur indépendant à l'égard de tiers afin d'exercer son activité professionnelle ne sauraient constituer des indices d'un lien de subordination juridique entre ce chauffeur et une plateforme numérique ; qu'en relevant le fait que M. F... avait, dans l'attente de sa propre inscription au registre des VTC intervenue le 7 décembre 2016, exercé son activité sous la licence de la société Hinter France, partenaire de la société Uber BV, ce qui le contraignait à générer un chiffre d'affaires en se connectant à la plateforme Uber, la cour d'appel s'est fondée sur un motif impropre à caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique avec la société Uber BV, en violation des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail, ensemble l'article 1199 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L8221-6 du code du travail, les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail. L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre.

8. Selon la jurisprudence constante de la Cour (Soc., 13 nov. 1996, n° 94-13187, Bull. V n° 386, Société générale), le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

9. Selon cette même jurisprudence, peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.

10. A cet égard, la cour d'appel a retenu que M. F... a été contraint pour pouvoir devenir "partenaire" de la société Uber BV et de son application éponyme de s'inscrire au Registre des Métiers et que, loin de décider librement de l'organisation de son activité, de rechercher une clientèle ou de choisir ses fournisseurs, il a ainsi intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par la société Uber BV, qui n'existe que grâce à cette plateforme, service de transport à travers l'utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d'exercice de sa prestation de transport, qui sont entièrement régis par la société Uber BV.

11. La cour d'appel a retenu, à propos de la liberté de se connecter et du libre choix des horaires de travail, que le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail n'exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors que lorsqu'un chauffeur se connecte à la plateforme Uber, il intègre un service organisé par la société Uber BV.

12. Au sujet des tarifs, la cour d'appel a relevé que ceux-ci sont contractuellement fixés au moyen des algorithmes de la plateforme Uber par un mécanisme prédictif, imposant au chauffeur un itinéraire particulier dont il n'a pas le libre choix, puisque le contrat prévoit en son article 4.3 une possibilité d'ajustement par Uber du tarif, notamment si le chauffeur a choisi un "itinéraire inefficace", M. F... produisant plusieurs corrections tarifaires qui lui ont été appliquées par la société Uber BV et qui traduisent le fait qu'elle lui donnait des directives et en contrôlait l'application.

13. S'agissant des conditions d'exercice de la prestation de transport, la cour d'appel a constaté que l'application Uber exerce un contrôle en matière d'acceptation des courses, puisque, sans être démenti, M. F... affirme que, au bout de trois refus de sollicitations, lui est adressé le message "Êtes-vous encore là ?", la charte invitant les chauffeurs qui ne souhaitent pas accepter de courses à se déconnecter "tout simplement", que cette invitation doit être mise en regard des stipulations du point 2.4 du contrat, selon lesquelles : "Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l'accès ou l'utilisation de l'Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d'Uber", lesquelles ont pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non, ce d'autant que le point 2.2 du contrat stipule que le chauffeur "obtiendra la destination de l'utilisateur, soit en personne lors de la prise en charge, ou depuis l'Application Chauffeur si l'utilisateur choisit de saisir la destination par l'intermédiaire de l'Application mobile d'Uber", ce qui implique que le critère de destination, qui peut conditionner l'acceptation d'une course est parfois inconnu du chauffeur lorsqu'il doit répondre à une sollicitation de la plateforme Uber, ce que confirme le constat d'huissier de justice dressé le 13 mars 2017, ce même constat indiquant que le chauffeur dispose de seulement huit secondes pour accepter la course qui lui est proposée.

14. Sur le pouvoir de sanction, outre les déconnexions temporaires à partir de trois refus de courses dont la société Uber reconnaît l'existence, et les corrections tarifaires appliquées si le chauffeur a choisi un "itinéraire inefficace", la cour d'appel a retenu que la fixation par la société Uber BV d'un taux d'annulation de commandes, au demeurant variable dans "chaque ville" selon la charte de la communauté Uber, pouvant entraîner la perte d'accès au compte y participe, tout comme la perte définitive d'accès à l'application Uber en cas de signalements de "comportements problématiques" par les utilisateurs, auxquels M. F... a été exposé, peu important que les faits reprochés soient constitués ou que leur sanction soit proportionnée à leur commission.

15. La cour d'appel, qui a ainsi déduit de l'ensemble des éléments précédemment exposés que le statut de travailleur indépendant de M. F... était fictif et que la société Uber BV lui avait adressé des directives, en avait contrôlé l'exécution et avait exercé un pouvoir de sanction, a, sans dénaturation des termes du contrat et sans encourir les griefs du moyen, inopérant en ses septième, neuvième et douzième branches, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT irrecevable l'intervention volontaire du syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Uber France et Uber BV aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Uber France et Uber BV à payer à M. F... la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Uber France et Uber BV


Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le contrat ayant lié M. F... à la société Uber BV est un contrat de travail et d'avoir renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la relation de travail entre et les sociétés Uber BV et Uber France : Il est constant que M. I... F... s'est engagé auprès de la société Uber BV, société de droit néerlandais, en qualité de chauffeur, par un "formulaire d'enregistrement de partenariat", dans lequel il déclare avoir reçu et lu les conditions générales d'Uber, dénommées "Conditions de partenariat", faisant partie intégrante de ce formulaire, avec lequel, elles forment le "Contrat". Il verse aux débats, au titre des documents contractuels, outre le formulaire d'enregistrement de partenariat : le contrat de prestation de services, dans sa version mise à jour au 1er février 2016, la charte de la communauté Uber, les règles fondamentales Uber. Il expose que, pour travailler pour le compte d'Uber, il a obtenu, le 12 septembre 2016 sa carte professionnelle de conducteur de voiture de transport avec chauffeur et s'est également inscrit, le 28 septembre 2016, au registre Sirene, en tant qu'indépendant, en déclarant l'activité APE 4932Z "transport de voyageurs par taxis" ; Que, concernant le véhicule, il a souscrit un premier contrat de location à effet du 10 octobre 2016, puis un deuxième à compter du 28 novembre 2016 auprès d'un partenaire d'Uber, la société Voitures Noires, puis un troisième, le 18 janvier 2017 auprès d'un autre partenaire d'Uber, la société Flexi-Fleet ; Que s'agissant de la carte professionnelle VTC (Voiture de Tourisme avec Chauffeur), il a, dans un premier temps, conclu le 12 octobre 2016 avec la société Hinter France un contrat de location de carte moyennant le versement de redevances directement prélevées par Uber, avant d'obtenir sa propre carte, le 7 décembre 2016 ; Qu'il a installé sur son smartphone "l'Application Uber", définie au point 1.6 du contrat comme : "l'application mobile Uber qui permet aux prestataires de transport d'accéder aux services Uber afin de chercher, recevoir et exécuter des sollicitations de service de transport sur demande par des utilisateurs, susceptible d'être mise à jour ou modifiée par Uber à sa discrétion de temps à autre" ; Que le terme "Services Uber" désigne, selon le point 1.17 : "les services électroniques d'Uber exécutés par l'intermédiaire d'une plateforme de technologie électronique numérique intermédiaire sur demande, et les services associés qui permettent aux prestataires de transport de chercher, recevoir et exécuter des sollicitations sur demande de services de transport par les utilisateurs qui recherchent des services de transport. Ces services de transport incluent l'accès à l'Application Chauffeur et aux logiciels, sites internet et services de paiement associés d'Uber (...)" ; Poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, M. I... F... entend démontrer que chaque service de transport qu'il a effectué pour le compte de la société Uber BV et celui de la société Uber France qu'il met aussi dans la cause, le plaçait dans un lien de subordination à leur égard et que les 2.038 courses qu'il a ainsi réalisées entre le 12 octobre 2016 et le 7 avril 2017, constituent autant de contrats de travail à durée déterminée, qui doivent être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée. La société Uber BV et la société Uber France s'opposent à cette prétention en considérant que M. I... F... échoue à renverser la présomption de non-salariat qui pèse sur lui, qu'elles ne sont pas des donneuses d'ordre et que les chauffeurs qui utilisent l'application Uber ne sont pas dans un lien de subordination juridique à leur égard. Le contrat de travail n'étant défini par aucun texte, il est communément admis qu'il est constitué par l'engagement d'une personne à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par le pouvoir qu'a l'employeur de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son salarié. La qualification de contrat de travail étant d'ordre public et donc indisponible, il ne peut y être dérogé par convention. Ainsi, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité, l'office du juge étant d'apprécier le faisceau d'indices qui lui est soumis pour dire si cette qualification peut être retenue. L'article L8221-6 du code du travail dispose, quant à lui, que : "I.- Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : 1º Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ; 2º Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 214-18 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi nº 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ; 3º Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ; II.- L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. (...)", instituant ainsi une présomption simple de non-salariat, qui supporte la preuve contraire.
Il doit encore être précisé que le fait que le travail soit effectué au sein d'un service organisé peut constituer un indice de l'existence d'un lien de subordination lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution. M. I... F..., dont il ne saurait être contesté, du fait de son immatriculation au répertoire Sirene, le 28 septembre 2016, qu'il entre dans la catégorie des personnes visées au I de l'article L8221-6 précité, énumère plusieurs éléments au soutien de sa demande de requalification de ses services de transport en contrat de travail. En premier lieu, il fait valoir qu'il n'était pas libre de se connecter à l'application Uber quand il le souhaitait, puisque, d'une part, il a, dans un premier temps, loué sa carte professionnelle à la société Hinter France, dont le montant était imputé sur le calcul des revenus réalisés avec l'Application Uber et alors que ce contrat stipulait que : "Pour la durée du présent contrat, Hinter fait bénéficier le partenaire de la faculté (non-exclusive, non transmissible et d'une durée limitée) d'exercer son activité en collaboration avec Hinter pour toute course concernant un Client réalisée par l'intermédiaire de l'application développée par Uber", ce qui excluait de recourir à l'usage de cette carte au profit d'applications concurrentes à celles d'Uber, que, de deuxième part, il a loué, à compter de février 2017, un véhicule à la société Flexi-Fleet, partenaire d'Uber, dont le loyer de 245 euros par semaine était également imputé sur le calcul des revenus réalisés avec l'Application Uber, ce qui le contraignait à se connecter à la plateforme pour, à tout le moins pouvoir régler hebdomadairement le montant de cette location et que, de troisième part, le point 2.4 du contrat, stipule notamment que : "(...) Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l'accès ou l'utilisation de l'Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d'Uber", ce qui signifie que la connexion à la plateforme ne dépend pas du chauffeur mais d'Uber, qui peut, à tout moment et à sa discrétion, empêcher un chauffeur de se connecter. En deuxième lieu, M. I... F... soutient qu'il n'était pas libre de choisir ses horaires de travail, relevant le décalage existant entre heures de connexion et heures d'activité, au cours desquelles sont reçues les sollicitations de services de transport, qui ne dépendent pas de lui mais des applications logicielles d'Uber et ajoutant que c'est sa dernière course qui conditionne la fin de son horaire de travail, quelle qu'en soit la durée, quand bien même recevrait-il la sollicitation une minute avant l'heure de fin qu'il avait prévue pour arrêter son service. En troisième lieu, il met en avant son impossible liberté de refuser ou d'annuler un service de transport, car si le point 2.4 du contrat stipule que : "Le client et ses chauffeurs gardent la possibilité, par l'intermédiaire des services Chauffeur, de tenter d'accepter, de refuser ou d'annuler une demande de services de transport acceptée par l'intermédiaire de l'application Chauffeur" et que : "Pour lever toute ambiguïté, le client comprend que le client conserve le droit intégral de fournir des services de transport à ses clients existants et d'utiliser d'autres services d'application logicielle indépendamment des services Uber", néanmoins : "Uber se réserve le droit, à tout moment et à la seule discrétion d'Uber, de désactiver ou autrement restreindre l'accès ou l'utilisation par un client ou un chauffeur de l'Application Chauffeur ou des services Uber en cas d'infraction au présent contrat (...) Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l'accès ou l'utilisation de l'Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d'Uber". Se référant à la charte de la communauté Uber, M. I... F... affirme qu'Uber exerce un contrôle permanent sur le taux d'acceptation des services de transport par les chauffeurs, puisque sous la rubrique "Taux d'acception", est stipulé : "Un taux élevé d'acceptation est essentiel à la qualité et à la fiabilité du service. Cependant, le fait de ne pas accepter de course n'entraîne pas la désactivation de votre compte pour autant. / L'acceptation des commandes de course permet aux chauffeurs d'optimiser leurs revenus et au système de fonctionner de manière plus fluide. Nous savons que, parfois, un événement inattendu peut vous empêcher d'accepter toutes les commandes de course. Vous pouvez aussi avoir envie de faire une pause. Cependant, le fait de ne pas accepter les demandes entraîne des retards et affecte la fiabilité de notre service. Aussi, si vous ne souhaitez pas accepter de courses (par exemple pour faire une pause), déconnectez-vous, tout simplement." Il ajoute que lorsqu'un chauffeur n'accepte pas trois sollicitations, il reçoit automatiquement sur son smartphone le message suivant : "Êtes-vous encore là ' Vous ne semblez pas avoir accepté de commandes depuis un moment '", et que la rubrique "Taux d'annulation" de la charte de la communauté Uber stipule : " Une annulation par le chauffeur est le fait d'accepter une course puis de l'annuler. Les annulations rendent l'expérience du passager désagréable et ont aussi un impact négatif sur les autres chauffeurs. Nous comprenons que, parfois, un événement inattendu peut vous obliger à annuler une course précédemment acceptée. Cependant, un faible taux d'annulation est primordial pour la fiabilité du système et la satisfaction des passagers. / Comment mon taux d'annulation est-il calculé ' Votre taux d'annulation est base sur le nombre de courses que vous avez annulées par rapport au nombre de courses que vous avez acceptées. Par exemple, si vous avez accepté 100 courses, mais en avez annulé 4, votre taux d'annulation est de 4%. Les meilleurs chauffeurs ont généralement un taux d'annulation inférieur à 5%. / Ou'est ce qui peut faire perdre l'accès à mon compte Uber ' Chaque ville possède son propre taux d'annulation maximal, basé sur le taux d'annulation moyen des chauffeurs dans le secteur. Nous vous préviendrons à plusieurs reprises si votre taux d'annulation est bien plus élevé que le taux maximal ou si vous annulez des courses plus souvent que les autres chauffeurs de votre ville. Si votre taux d'annulation reste au-dessus de la limite maximale, vous risquez de perdre l'accès à votre compte."
En quatrième lieu M. I... F... indique que le service de transport s'exécute sous l'autorité d'Uber, qui donne des ordres et des directives, lui-même s'engageant à être exclusivement au service d'Uber pendant une course réservée via son application puisque, au titre des "activités inacceptables", la charte de la communauté Uber stipule que : "Pour garantir la transparence et la sécurité de tous les utilisateurs, les activités effectuées en dehors de l'application Uber pendant une course réservée via l'application Uber (comme la prise en charge d'autres passagers en dehors du système Uber) sont interdites" ; Qu'il devait "suivre les instructions du GPS de l'application", comme l'y invite un courriel du 13 octobre 2016, mis aux débats, Uber lui recommandant, au point 2.2 du contrat, d'attendre "au moins 10 minutes qu'un utilisateur se présente au lieu convenu", Uber lui transmettant via l'application l'adresse de destination afin d'effectuer le service de transport, lui fixait un trajet et un temps de parcours pour chaque course, tout incident se produisant pendant une course devant être signalé via l'Application Uber (Rubrique : "Votre avis compte" de la charte de la communauté Uber), Uber donnant au surplus aux chauffeurs des consignes de comportement dans la charte de la communauté Uber et les règles fondamentales Uber, telles celles de : - Avoir une voiture aux normes et bien entretenue - Ne jamais aborder de sujets sensibles ou personnels (religion, politique, vie privée) - Ne jamais divulguer le contenu des conversations des passagers - En cas d'incident avec un utilisateur, contacter Uber après le trajet via le bouton dans l'application - En cas d'objet oublié par un passager dans votre voiture, contacter Uber via le bouton dans l'application - Ne pas accepter les pourboires et rappeler que tout est compris dans le prix du trajet payé via l'application - En cas de question sur le prix ou sur l'annulation contacter Uber via le bouton dans l'application - Ne jamais laisser une autre personne utiliser votre compte sur le réseau - Ne jamais utiliser un véhicule différent de celui sélectionné dans l'application - Ne jamais démarrer le trajet sans le passager dans la voiture le compte du chauffeur pouvant être désactivé en cas de comportement inapproprié de sa part. En cinquième lieu, l'appelant fait valoir que le service de transport s'exécute sous le contrôle d'Uber, d'une part, par le biais de la géolocalisation, le point 2.8 du contrat stipulant que : " (...) les informations de géolocalisation du chauffeur seront analysées et suivies par les services Uber lorsque le chauffeur est connecté et l'Application Uber est disponible pour recevoir des demandes de service de transport, ou lorsque le chauffeur fournit des services de transport (...)", d'autre part, par celui d'un système de notation par nombre d'étoiles de la part des utilisateurs. En sixième lieu, M. I... F... fait état d'un système de sanctions mis en place par Uber en cas de taux élevé de refus d'accepter une sollicitation de service de transport, la rubrique "Taux d'acceptation" de la charte de la communauté Uber stipulant que : L'acceptation des commandes de course permet aux chauffeurs d'optimiser leurs revenus et au système de fonctionner de manière plus fluide. Nous savons que, parfois, un événement inattendu peut vous empêcher d'accepter toutes les commandes de course. / Vous pouvez aussi avoir envie de faire une pause. Cependant, le fait de ne pas accepter les demandes entraîne des retards et affecte la fiabilité de notre système. Aussi, si vous ne souhaitez pas accepter de courses (par exemple pour faire une pause), déconnectez-vous, tout simplement. / Si vous refusez constamment les commandes de course, nous supposons que vous ne souhaitez plus en accepter du tout et vous serez déconnecté de l'application. Il vous suffira de vous reconnecter quand vous serez de nouveau prêt à accepter des courses avec l'application Uber" ; Ou bien en cas de taux élevé d'annulation d'une sollicitation de service de transport préalablement acceptée, la rubrique "Taux d'annulation" de la même charte stipulant que : "Une annulation par le chauffeur est le fait d'accepter une course puis de l'annuler. Les annulations rendent l'expérience du passager désagréable et ont aussi un impact négatif sur les autres chauffeurs. Nous comprenons que, parfois, un événement inattendu peut vous obliger à annuler une course précédemment acceptée. Cependant, un faible taux d'annulation est primordial pour la fiabilité du système et la satisfaction des passagers. / Comment mon taux d'annulation est il calculé 'Votre taux d'annulation est basé sur le nombre de courses que vous avez annulées par rapport au nombre de courses que vous avez acceptées. Par exemple, si vous avez accepté 100 courses, mais en avez annulé 4, votre taux d'annulation est de 4 %. Les meilleurs chauffeurs ont généralement un taux d'annulation inférieur à 5 %. / Qu'est ce qui peut faire perdre l'accès à mon compte Uber' Chaque ville possède son propre taux d'annulation maximal, basé sur le taux d'annulation moyen des chauffeurs dans le secteur. Nous vous préviendrons à plusieurs reprises si votre taux d'annulation est bien plus élevé que le taux maximal ou si vous annulez des courses plus souvent que les autres chauffeurs de votre ville. Si votre taux d'annulation reste au-dessus de la limite maximale, vous risquez de perdre l'accès à votre compte" ; Ou encore par un système de sanctions financières, tel que décrit au point 4.3 du contrat, qui stipule que : "Uber se réserve le droit d'ajuster le Tarif utilisateur pour un cas particulier de service de transport (par ex., si le chauffeur a choisi un itinéraire inefficace, si le chauffeur n'a pas dûment mis fin à un service de transport dans l'Application Chauffeur, en cas d'erreur technique dans les Services Uber, etc.)", M. I... F... justifiant avoir fait l'objet d'ajustements de tarifs pour plusieurs courses ; Ou enfin par la possible perte d'accès au compte, prévue par la charte de la communauté Uber, sous la rubrique "sécurité", qui stipule que : "Qu'est ce qui peut faire perdre l'accès à mon compte ' Si quelqu'un nous signale ce genre de comportement problématique [contact physique avec les passagers, emploi d'un langage, de gestes inappropriés ou grossiers, le fait d'entrer en contact avec les passagers après une course sans leur accord, enfreindre la loi lorsque vous utilisez l'application Uber, conduite dangereuse], nous vous contacterons afin de pouvoir effectuer une vérification. En fonction de la nature du problème, il se peut que votre compte soit suspendu pendant la durée des vérifications.
Si le comportement signalé est grave, s'il s'agit d'un problème récurrent ou si vous refusez de coopérer, vous pouvez perdre définitivement l'accès à l'application Uber. Tout comportement impliquant de la violence, des actes à caractère sexuel, du harcèlement, de la discrimination ou une activité illégale lors de l'utilisation de l'application Uber peut entraîner la perte immédiate de l'accès à votre compte. Dans les cas d'enquêtes (policières ou autres), Uber coopérera avec les autorités afférentes conformément à notre politique en la matière", M. I... F... justifiant, à trois reprises avoir reçu des avertissements par courriels des 19 octobre, 28 décembre 2016 et 3 mars 2017, celui du 28 décembre 2016 étant ainsi libellé : "Nous remarquons que vos dernières notes sont très en dessous des standards de qualité qu'attentent les utilisateurs d'UBER (4,4 au lieu de 4,63). Comme vous le savez nous demandons à tous les conducteurs du réseau Uber d'avoir 4,50 de moyenne sachant que la moyenne du réseau est de 4,70. Nous vous prions de faire un effort important pour maintenir l'expérience que vous proposez au niveau des standards d'Uber", affirmant avoir été désactivé provisoirement le 11 novembre 2016 et justifiant l'avoir été définitivement le 7 avril 2017 M. I... F... estime, au travers de ces éléments, faire échec à la présomption de non-salariat de l'article L8221-6 I du code du travail, justifier d'un lien de subordination pour chaque prestation de transport effectuée pour le compte d'Uber et de pouvoir ainsi prétendre à leur requalification en contrat de travail à durée indéterminée entraînant la compétence du conseil de prud'hommes de Paris pour en juger. ***** La société Uber BV et la société Uber France -qui ne sollicite pas sa mise hors de cause, alors qu'elle expose que depuis le 1er juillet 2013 seule la société Uber BV contracte des partenariats avec les chauffeurs- soutiennent quant à elles qu'Uber est un intermédiaire de transport mettant en relation des professionnels indépendants fournissant une prestation de transport et des personnes souhaitant en bénéficier, utilisant son application et ses facilités de paiement. Elles affirment conclure des partenariats commerciaux avec des chauffeurs indépendants ou des sociétés de transports qui travaillent avec des chauffeurs, cette dernière catégorie représentant environ 70 % de ses partenaires, partenariats qui sont sans engagement financier, n'incluent aucune forme d'obligation de travail, ni aucune exclusivité. En faveur du caractère commercial de la relation, les sociétés Uber citent des extraits du point 2.4 du contrat, qui stipule que : "Le Client [le partenaire] reconnaît et convient que la fourniture par Uber au Client de l'Application Chauffeur et des Services Uber crée une relation légale et commerciale directe entre Uber et le Client. Uber ne contrôle ni ne dirige le Client ou ses chauffeurs, et ne sera pas réputé diriger ou contrôler le Client ou ses Chauffeurs, de manière générale ou plus précisément en ce qui concerne leur exécution du présent Contrat, notamment en lien avec l'exercice de l'activité du Client, la fourniture des Services de transport, les actions ou omissions des Chauffeurs ou le fonctionnement et l'entretien de quelconques Véhicules. Le Client et ses Chauffeurs conservent exclusivement le droit de déterminer quand et pendant combien de temps utiliser, pour chacun d'entre eux, l'Application Chauffeur ou les Services Uber. Le Client et ses Chauffeurs gardent la possibilité, par l'intermédiaire de l'Application Chauffeur, d'accepter, de refuser ou d'ignorer une sollicitation de Services de transport par l'intermédiaire des Services Uber, ou d'annuler une demande de Services de transport acceptée par l'intermédiaire de l'Application Chauffeur, sous réserve des politiques d'annulation d'Uber alors en vigueur. (...) Le Client reconnaît et accepte avoir entière discrétion pour exercer son activité de manière indépendante et diriger ses Chauffeurs à son appréciation, y compris la capacité de fournir des services de transport à ses clients existants et d'utiliser d'autres services d'application logicielle indépendamment des Services Uber." Elles considèrent ne pas avoir la qualité de donneur d'ordre et réfutent l'existence d'un lien de subordination avec les chauffeurs qui utilisent l'application Uber. Sur la qualité de donneur d'ordre les sociétés Uber font valoir, qu'agissant en celle d'intermédiaire, Uber n'est ni le client, ni le bénéficiaire de la prestation de transport, son modèle n'étant pas basé sur l'exploitation de services de transports mais sur l'intermédiation entre exploitants de services de transports et utilisateurs de ces services, telle qu'elle avait été énoncée dans l'article L. 3122-1 du code des transports, dans sa version en vigueur du 3 octobre 2014 au 31 décembre 2016, et telle qu'elle est reprise depuis cette date par l'article L. 3141-1 du même code ; que cette qualité d'intermédiaire a déjà été consacrée par des avis de l'Autorité de la Concurrence et plusieurs décisions de justice, relevant que la Cour de justice de l'Union européenne, dans un arrêt du 20 décembre 2017, a dit que le service UberPop, développé en Espagne, était soumis à la réglementation des transports uniquement car il s'agissait dans ce cas de chauffeurs non professionnels ; que la loi nº 2016-1088 du 8 août 2016 a d'ailleurs introduit les articles L7341-1 et suivants du code du travail visant les travailleurs indépendants recourant, pour l'exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique ; que les véritables donneurs d'ordre des travailleurs réalisant la prestation de transport sont les consommateurs finaux qui bénéficient de cette prestation, citant une partie de la doctrine en ce sens. S'agissant du lien de subordination les sociétés Uber soulignent que de nombreuses décisions de jurisprudence ont retenu l'indépendance des chauffeurs et leur liberté de travail, exclusives d'une relation salariée. Elles exposent qu'elles ne procèdent à aucun recrutement sélectif des chauffeurs, leur intérêt étant de conclure un maximum de contrats de partenariat ; qu'elles ne contrôlent ni la durée du travail, ni les horaires des chauffeurs qui sont libres de se connecter à leur guise, ouvrant le risque à des situations de pénurie de chauffeurs ; qu'elles n'imposent nullement aux chauffeurs utilisant l'application Uber d'accepter les courses qui leur sont proposées ; qu'elles ne contrôlent pas l'activité des chauffeurs utilisant l'application, qui peuvent en utiliser d'autres, développer leur clientèle propre ou avoir une autre activité, les contrats de partenariat ne contenant aucune clause d'exclusivité ou de non-concurrence ; que le système de prélèvement des frais de service sur chaque course ne rend pas les chauffeurs captifs de l'application Uber à l'inverse d'autres systèmes mettant en place des redevances forfaitaires indépendantes du chiffre d'affaires. En ce qui concerne la période au cours de laquelle M. I... F... a travaillé sous couvert de la société Hinter France, exploitant VTC ayant mis à sa disposition, de manière temporaire, sa licence, les sociétés Uber réfutent le fait qu'il n'ait pas pu travailler pour d'autres applications qu'Uber, car il lui suffisait alors de "retirer l'autocollant Hinter" de son véhicule. Elles formulent la même objection au sujet de la location ultérieure du véhicule via la société Flexi-Fleet, partenaire d'Uber, pour laquelle le libre choix d'un paiement par prélèvement sur le chiffre d'affaires généré par les courses effectuées via l'application Uber pouvait aussi être effectué directement sur les revenus générés à partir d'une application concurrente ou par la clientèle propre de M. I... F..., peu important qu'il ait, en fait, ou non travaillé pour des applications concurrentes à celle d'Uber.
Elles soulignent la mauvaise foi de M. I... F... lorsque celui-ci met en avant la possibilité d'Uber de le déconnecter de l'application, ce qui concerne les rares cas de non-respect des obligations contractuelles et en rien le cadre d'une utilisation normale de cette application, ou bien lorsqu'il affirme qu'il n'était pas libre du choix de ses horaires qui sont entre les mains des seuls utilisateurs des prestations de transport dès lors que le chauffeur est connecté à l'application, ou bien encore lorsqu'il prétend ne pas être libre de refuser ou d'annuler une course, la déconnexion à partir de trois refus n'étant que temporaire et la sanction de trop d'annulations de courses n'étant destinée qu'à garantir la fiabilité du système et préserver la satisfaction des passagers. Les sociétés Uber contestent avoir imposé à M. I... F... des ordres et directives. Elles font valoir que l'interdiction faite aux chauffeurs de se livrer à toute autre activité pendant une course obtenue via l'application Uber relève de la sécurité et du bon sens le plus élémentaire, puisqu'un chauffeur ayant accepté une course doit s'y consacrer pleinement ; que le suivi d'un trajet via l'application Uber n'a rien d'obligatoire, chaque chauffeur pouvant librement choisir son système (tels Waze ou Google Maps) ; que les chauffeurs empruntent le trajet qu'ils souhaitent pour effectuer une course pourvu qu'il soit approprié ; que le fait d'attendre pendant dix minutes le passager est une simple recommandation ; que l'adresse de prise en charge et le lieu de destination ne sont pas imposés par l'application Uber mais par le passager, unique donneur d'ordre ; que les quelques règles fondamentales d'Uber et les conseils et recommandations inclus dans la charte de la communauté Uber ont pour objectif de garantir le professionnalisme des chauffeurs VTC et relèvent de la politesse, du savoir-vivre, du bon sens, de l'application des règles élémentaires de sécurité, et aussi une certaine qualité de service aux passagers et que ces règles ne peuvent être assimilées à des directives. Elles se défendent également d'exercer un contrôle et un pouvoir disciplinaire sur les chauffeurs. A cet égard, elles exposent que la collecte des données de transport, enregistrées pendant les courses n'est pas à visée de contrôle des chauffeurs, mais qu'elle a pour unique objectif d'assurer le bon déroulement du partenariat commercial et de permettre à Uber d'améliorer son service d'intermédiation en analysant les données agrégées ; que la collecte d'une notation de la part des passagers sert à s'assurer du respect par les partenaires du cahier des charges auquel ils doivent souscrire pour utiliser l'application et que cette notation est aussi à double sens puisque les chauffeurs sont amenés à noter les passagers ; qu'en l'absence de directives formulées par Uber, il ne saurait y avoir de contrôle de sa part ; que le pouvoir de déconnexion d'un chauffeur ne caractérise en rien un lien de subordination à son encontre mais la faculté donnée à un acteur économique de rompre un partenariat commercial si ses termes et conditions ne sont pas respectés par son cocontractant et qu'au cas d'espèce, si M. M. I... F... a été déconnecté de l'application Uber, c'est à raison de ses manquements graves et répétés, signalés à de multiples reprises par des passagers, dont les commentaires sont versés aux débats et que traduisait une notation insuffisante de leur part. De ces éléments, les sociétés Uber tirent comme conséquence que M. I... F... échoue à reverser la présomption de non-salariat qui lui est applicable du fait de son inscription au Répertoire des Métiers. ***** Selon l'article L. 111-7 du code de la consommation : " I.-Est qualifiée d'opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur : 1º Le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; 2º Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service. (...)". La société Uber BV revendique avoir mis en service une plateforme en ligne d'intermédiation de transport destinée à mettre en relation des professionnels indépendants fournissant une prestation de transport et des utilisateurs souhaitant en bénéficier. A cet égard elle rappelle les stipulations de l'article 2.4 du contrat, qui qualifient de légale et commerciale sa relation avec ses partenaires chauffeurs, qu'elle ne dirige ni ne contrôle. Mais la qualification contractuelle que les parties donnent à leur relation doit s'effacer devant les conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité que la convention prétend régir. Une condition essentielle de l'entreprise individuelle indépendante est le libre choix que son auteur fait de la créer ou de la reprendre, outre la maîtrise de l'organisation de ses tâches, sa recherche de clientèle et de fournisseurs. En l'espèce, il ne saurait être utilement contesté que M. I... F... a été contraint pour pouvoir devenir "partenaire" de la société Uber BV et de son application éponyme de s'inscrire au Registre des Métiers et que loin de décider librement de l'organisation de son activité, de rechercher une clientèle ou de choisir ses fournisseurs, il a ainsi intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par la société Uber BV, qui n'existe que grâce à cette plateforme, service de transport à travers l'utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d'exercice de sa prestation de transport, qui sont entièrement régis par la société Uber BV. C'est ainsi vainement que cette dernière affirme que seuls les utilisateurs sont les donneurs d'ordre des chauffeurs, lesquels n'ont aucun contact direct avec la clientèle de la plateforme lors de la conclusion du contrat de transport, puisque elle seule centralise toutes les demandes de prestations de transport et les attribue, en fonction des algorithmes de son système d'exploitation, à l'un ou l'autre des chauffeurs connectés. En ce qui concerne la constitution d'une clientèle propre, il doit être rappelé que la charte de la communauté Uber, sous la rubrique "Activités inacceptables" interdit aux chauffeurs, pendant l'exécution d'une course réservée via l'application Uber de prendre en charge d'autres passagers en dehors du système Uber, alors que les intimées indiquent que le groupe Uber a développé le service UberPool, "qui permet à plusieurs passagers de partager, sur la base de critères géographiques, tout ou partie d'une course effectuée par des chauffeurs professionnels disposant d'un véhicule dont la gamme est au moins équivalente à celle d'un UberX", ce qui vient, pendant l'exercice de la prestation de transport pour le compte d'Uber, réduire à néant un attribut essentiel de la qualité de prestataire indépendant, ce d'autant que les règles fondamentales d'Uber ordonnent au chauffeur de "ne pas contacter les passagers à l'issue du trajet et de ne pas conserver leurs informations personnelles", au titre du respect des données, les privant ainsi de la possibilité pour un passager consentant de laisser au chauffeur ses coordonnées pour réserver une prochaine course en dehors de l'application Uber. Au sujet des tarifs, il doit être relevé que ceux-ci sont contractuellement fixés au moyen des algorithmes de la plateforme Uber par un mécanisme prédictif, imposant au chauffeur un itinéraire particulier dont il n'a pas le libre choix, puisque le contrat prévoit en son article 4.3 une possibilité d'ajustement par Uber du tarif, notamment si le chauffeur a choisi un "itinéraire inefficace", M. I... F... produisant plusieurs corrections tarifaires qui lui ont été appliquées par la société Uber BV et qui traduisent le fait qu'elle lui donnait des directives et en contrôlait l'application. En matière de directives, M. I... F... justifie bien avoir, d'une part, reçu par courriel du 13 octobre 2016, celle de suivre "les instructions du GPS de l'application" ce qui vient d'ailleurs au confort de la recherche par Uber du trajet "efficace", d'autre part, de ce que l'article 2.2 du contrat recommande d'attendre au moins 10 minutes que l'utilisateur se présente au lieu convenu, et encore de directives comportementales, notamment sur le contenu des conversations à s'abstenir d'avoir avec les passagers ou bien la non acceptation de pourboires de leur part, peu compatibles avec l'exercice indépendant d'une profession. S'agissant du contrôle de l'activité des chauffeurs, force est de constater que l'application Uber en exerce un en matière d'acceptation des courses, puisque, sans être démenti,
M. I... F... affirme que, au bout de trois refus de sollicitations, lui est adressé le message "Êtes-vous encore là '", la charte invitant les chauffeurs qui ne souhaitent pas accepter de courses à se déconnecter "tout simplement". Mais cette invitation doit être mise en regard des stipulations du point 2.4 du contrat, selon lesquelles : "Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l'accès ou l'utilisation de l'Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d'Uber", lesquelles ont pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non, ce d'autant que le point 2.2 du contrat stipule que le chauffeur "obtiendra la destination de l'utilisateur, soit en personne lors de la prise en charge, ou depuis l'Application Chauffeur si l'utilisateur choisit de saisir la destination par l'intermédiaire de l'Application mobile d'Uber", ce qui implique que le critère de destination, qui peut conditionner l'acceptation d'une course est parfois inconnu du chauffeur lorsqu'il doit répondre à une sollicitation de la plateforme Uber, ce que confirme le constat d'huissier de justice dressé le 13 mars 2017 que les intimées versent aux débats (page 28), étant observé que ce même constat indique (page 24) que le chauffeur dispose de seulement huit secondes pour accepter la course qui lui est proposée. Il doit également être relevé que le contrôle des chauffeurs utilisant la plateforme Uber s'effectue via un système de géolocalisation, le point 2.8 du contrat stipulant que : "(...) les informations de géolocalisation du chauffeur seront analysées et suivies par les services Uber lorsque le chauffeur est connecté et l'Application Uber est disponible pour recevoir des demandes de service de transport, ou lorsque le chauffeur fournit des services de transport (...)", peu important les motivations avancées par la société Uber BV de cette géolocalisation. Sur le pouvoir de sanction, la fixation par la société Uber BV d'un taux d'annulation de commandes, au demeurant variable dans "chaque ville" selon la charte de la communauté Uber, pouvant entraîner la perte d'accès au compte y participe, tout comme la perte définitive d'accès à l'application Uber en cas de signalements de "comportements problématiques" par les utilisateurs, auxquels M. I... F... a été exposé, peu important que les faits reprochés soient constitués ou que leur sanction soit proportionnée à leur commission. A propos de la liberté de se connecter et, partant, du libre choix des horaires de travail, il convient tout d'abord de souligner que le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail n'exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors qu'il est démontré que lorsqu'un chauffeur se connecte à la plateforme Uber, il intègre un service organisé par la société Uber BV, qui lui donne des directives, en contrôle l'exécution et exerce un pouvoir de sanction à son endroit. Encore faut-il ajouter que M. I... F... a, en l'espèce, dans un premier temps, exercé sa prestation de service sous la licence VTC de la société Hinter France, partenaire de la société Uber BV, rétribuée sur le chiffre d'affaires réalisé à partir des courses obtenues via la plateforme Uber, sans possibilité contractuelle d'exercer cette activité en dehors de cette plateforme, les intimées lui opposant vainement qu'il aurait alors pu exercer en parallèle une activité indépendante, simplement en retirant l'autocollant Hinter de son véhicule, dès lors qu'il n'était pas encore titulaire de la carte professionnelle VTC. Pour régler cette licence, il était donc contraint de générer un chiffre d'affaires en se connectant à la plateforme Uber. Il sera en outre rappelé le pouvoir discrétionnaire "raisonnable" d'Uber au point 2.4 du contrat de désactiver ou de restreindre l'accès à l'application Chauffeur, qui limite d'autant la liberté de connexion des chauffeurs de se connecter à la plateforme. La cour en déduit qu'un faisceau suffisant d'indices se trouve réuni pour permettre à M. I... F... de caractériser le lien de subordination dans lequel il se trouvait lors de ses connexions à la plateforme Uber et d'ainsi renverser la présomption simple de non-salariat que font peser sur lui les dispositions de l'article L8221-6 I du code du travail. Infirmant le jugement entrepris, la cour dira que le contrat de partenariat signé par M. I... F... avec la société Uber BV s'analyse en un contrat de travail, pour lequel l'article L1411-1 du code du travail donne compétence au conseil de prud'hommes pour régler les différends qui peuvent s'élever à son occasion et devant lequel l'affaire sera renvoyée, par application de l'article 86 du code de procédure civile, sans qu'il y ait lieu à examiner la demande d'évocation formée par M. I... F... à titre subsidiaire » ;

1. ALORS QUE le contrat de travail suppose qu'une personne physique s'engage à travailler pour le compte d'une autre personne, physique ou morale, moyennant rémunération et dans un rapport de subordination juridique ; que ne constitue donc pas un contrat de travail, le contrat conclu par un chauffeur VTC avec une plateforme numérique, portant sur la mise à disposition d'une application électronique de mise en relation avec des clients potentiels en échange du versement de frais de service, lorsque ce contrat n'emporte aucune obligation pour le chauffeur de travailler pour la plateforme numérique, ni de se tenir à sa disposition et ne comporte aucun engagement susceptible de le contraindre à utiliser l'application pour exercer son activité ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l'application ou non, de choisir l'endroit et le moment où il entend se connecter, sans en informer la plateforme à l'avance, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu'il choisit de se connecter à l'application, le chauffeur est libre d'accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l'application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion de l'Application pour des raisons opérationnelles liées au fonctionnement de l'algorithme, le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment et cette déconnexion temporaire n'a aucune incidence sur la relation contractuelle entre le chauffeur et Uber BV ; que la société Uber BV faisait encore valoir que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l'application, de sorte que le chauffeur n'est tenu d'aucun engagement financier envers la plateforme susceptible de le contraindre à utiliser l'application ; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de partenariat et l'utilisation de l'application ne sont assortis d'aucune obligation d'exclusivité pour le chauffeur qui peut librement utiliser de manière simultanée d'autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d'autres moyens ; que la société Uber BV en déduisait que la conclusion et l'exécution du contrat par M. F... n'emportaient strictement aucune obligation pour ce dernier de travailler pour le compte de la plateforme, de sorte que la relation contractuelle ne pouvait être qualifiée de contrat de travail ; qu'en jugeant néanmoins que le contrat ayant lié M. F... à la société Uber BV est un contrat de travail, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la conclusion et l'exécution de ce contrat emportaient une obligation à la charge du chauffeur de travailler pour la plateforme ou de se tenir à la disposition de cette dernière pour accomplir un travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

2. ALORS QU'il résulte de l'article L8221-6 du code du travail que la présomption de non salariat pour l'exécution d'une activité donnant lieu à une immatriculation au répertoire des métiers n'est écartée que lorsqu'il est établi que la personne immatriculée fournit des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui la placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé ne peut constituer un indice du lien de subordination que lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'aucun lien de subordination juridique permanent ne saurait résulter du contrat conclu entre une plateforme numérique et un chauffeur VTC, lorsque le contrat n'emporte aucun pouvoir de la plateforme d'exiger du chauffeur qu'il accomplisse un travail pour elle ou même qu'il se tienne à sa disposition pendant une période donnée, aussi courte soit-elle, ni aucun engagement susceptible de contraindre le chauffeur à utiliser l'application développée par la plateforme ; qu'au cas présent, il est constant que M. F..., qui était inscrit au répertoire des métiers en qualité de chauffeur, entrait dans le champ d'application de l'article L8221-6 du code du travail ; que la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l'application, de choisir l'endroit et le moment où il entend se connecter, sans être aucunement tenu d'en informer à l'avance la plateforme, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu'il choisit de se connecter à l'application, le chauffeur est libre d'accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l'application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion temporaire de l'application pour permettre le bon fonctionnement de l'algorithme (les demandes de courses étant proposées aux chauffeurs connectés un par un, par ordre de proximité avec le passager), le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment uniquement en cliquant sur l'application ; que la société Uber BV faisait encore valoir que la conclusion du contrat de partenariat et l'utilisation de l'application ne donne lieu à aucune redevance, ni à aucun engagement financier, de la part du chauffeur à l'égard de la société Uber BV, qui serait de nature à contraindre le chauffeur d'utiliser l'application, et que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l'application ; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de prestation de service électronique et l'utilisation de l'application n'étaient assortis d'aucune obligation d'exclusivité pour le chauffeur qui pouvait tout à fait librement utiliser de manière simultanée d'autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d'autres moyens ; qu'en se bornant à énoncer que « le fait de pouvoir choisir ses lieux et heures de travail n'exclut pas en soi une relation de travail subordonnée », sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ces éléments, dont il résultait, non pas une simple liberté pour M. F... de choisir ses horaires de travail (telle qu'elle peut exister pour certains salariés), mais une liberté totale d'utiliser ou non l'application, de se connecter aux lieux et heures choisis discrétionnairement par lui, de ne pas accepter les courses proposées par le biais de l'application et d'organiser librement son activité sans l'application, n'excluaient pas l'existence d'un lien de subordination permanente avec la société Uber BV, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

3. ALORS QUE le juge ne peut se prononcer sur l'existence ou non d'un lien de subordination juridique qu'en tenant compte de l'ensemble des éléments relatifs aux conditions d'exercice de l'activité qui lui sont présentés par les parties ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir, sans être contredite, que le chauffeur n'était soumis à aucune obligation, ni à aucun contrôle, en termes de connexion et d'activité, que le contrat de partenariat portant sur l'utilisation de l'application ne comportait aucun engagement financier à la charge du chauffeur à son égard, ne comportait pas d'obligation d'exclusivité et rappelait même expressément que le chauffeur était libre de se connecter et d'utiliser des applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC autrement qu'en utilisant l'application Uber ; qu'en jugeant qu'il existait un faisceau d'indices suffisant pour caractériser l'existence d'un lien de subordination, sans prendre en compte ces éléments déterminants propres à établir que le chauffeur dispose dans l'exercice de son activité, y compris par l'intermédiaire de la plate-forme Uber, d'une liberté incompatible avec l'existence d'un lien de subordination juridique permanente, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

4. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'exécution d'un contrat de partenariat portant sur l'utilisation par un chauffeur VTC d'une application électronique de mise en relation avec des clients implique une possibilité pour la plateforme de s'assurer du bon fonctionnement de l'application, du respect par le chauffeur de la réglementation applicable, de la sécurité des personnes et de la qualité de la prestation de transport ; que ne caractérise pas un pouvoir disciplinaire, la possibilité pour une plate-forme numérique de rompre unilatéralement le contrat en cas de manquements graves et répétés du chauffeur aux obligations résultant du contrat de partenariat ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que l'exigence à l'égard du chauffeur de ne pas annuler trop fréquemment les courses proposées par l'application qu'il a acceptées n'a ni pour objet ni pour effet de restreindre la liberté du chauffeur de choisir si, quand, et où il se connecte et de ne pas accepter les courses proposées, mais est nécessaire pour garantir la fiabilité du système en fluidifiant l'offre et la demande ; qu'elle exposait, par ailleurs, que les chauffeurs utilisant l'application Uber ne reçoivent aucun ordre, ni aucune directive personnalisée et que les « règles fondamentales » résultant des documents contractuels constituent des exigences élémentaires de politesse et de savoir-vivre, de respect de la réglementation et de la sécurité des personnes, inhérentes à l'activité de chauffeur VTC ; que, dans ces conditions, la possibilité de rompre le contrat de partenariat en cas de méconnaissance de ces obligations n'est aucunement constitutive d'un pouvoir disciplinaire, mais relève de la faculté dont dispose tout contractant de rompre un partenariat commercial lorsque ses termes et ses conditions ne sont pas respectés par son cocontractant ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que la société Uber BV disposait à l'égard des chauffeurs d'un pouvoir de sanction caractérisant un contrat de travail, qu'un taux d'annulation trop élevé ou le signalement par les passagers de comportements problématiques du chauffeur pouvaient entraîner la perte d'accès au compte, sans expliquer en quoi les exigences posées pour l'utilisation de l'application se distinguent de celles inhérentes à la nature même de l'activité de chauffeur VTC et à l'utilisation d'une plateforme numérique de mise en relation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail, ensemble les articles L. 3221-1 et suivants du code des transports et 1103 et 1226 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la seule existence d'une possibilité stipulée au contrat, pour la plateforme de désactiver ou de restreindre l'accès à l'application ne saurait en elle-même caractériser un contrôle de l'activité des chauffeurs en l'absence de tout élément de nature à établir qu'une telle prérogative serait utilisée pour contraindre les chauffeurs à se connecter et à accepter les courses qui leur sont proposées ; qu'en se bornant à affirmer que la stipulation, au point 2.4 du contrat, selon laquelle Uber se réserve le droit de désactiver l'application ou d'en restreindre l'utilisation aurait « pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et ainsi, à se tenir constamment pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV », cependant, d'une part, que le contrat rappelait, par ailleurs, expressément au chauffeur qu'il était libre d'utiliser l'application quand il le souhaitait et d'accepter ou non les courses proposées et, d'autre part, qu'il n'était relevé aucun élément de nature à faire ressortir l'existence une quelconque désactivation ou restriction d'utilisation de l'application lorsqu'un chauffeur ne se connecte pas ou refuse des courses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

6. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'article 2.4 du contrat de prestations de services stipule notamment que « le client et ses chauffeurs conservent exclusivement le droit de déterminer quand et combien de temps utiliser, pour chacun d'eux, l'application chauffeur ou les services Uber » et que « le client et ses chauffeurs gardent la possibilité, par l'intermédiaire de l'application chauffeur, de tenter d'accepter, de refuser ou d'ignorer une sollicitation de services de transport par l'intermédiaire des services Uber, ou d'annuler une demande de services de transport acceptée par l'intermédiaire de l'application chauffeur, sous réserve des politiques d'annulation d'Uber alors en vigueur » ; qu'en tronquant l'article 2.4 du contrat pour dire que cette stipulation aurait « pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et ainsi, à se tenir constamment pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV », sans prendre en compte les termes clairs et précis de cette stipulation relative à la liberté du chauffeur de se connecter et de ne pas accepter les courses proposées, la cour d'appel a dénaturé par omission cette stipulation contractuelle, en violation des articles 1103 et 1192 du code civil, dans leur version issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

7. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le respect de la commande du client, qui a été acceptée par le chauffeur VTC, ne saurait constituer un indice de l'existence d'un lien de subordination de ce dernier à l'égard de la plateforme numérique ayant mis en relation le chauffeur et le client ; qu'ainsi, le fait pour un chauffeur VTC, qui a accepté d'effectuer une prestation de service de transport exclusive commandée par un client, de respecter les termes de cette commande et ne pas pouvoir prendre en charge d'autres passagers tant que la prestation de transport est en cours ne peut constituer un indice de subordination à l'égard d'une plateforme numérique ; qu'en jugeant que l'interdiction faite au chauffeur pendant l'exécution d'une course réservée via l'application Uber de prendre en charge d'autres passagers vient « réduire à néant un attribut essentiel de la qualité de prestataire indépendant », la cour d'appel s'est fondée sur un motif erroné et a violé les articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

8. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'il résulte de la charte de la communauté Uber que sont prohibés « les actes qui menacent la sécurité des chauffeurs et des passagers » comme « le fait d'entrer en contact avec les passagers après une course sans leur accord. Par exemple : le fait d'envoyer un SMS, d'appeler ou de rendre visite à l'une des personnes présentes dans la voiture après la fin de la course sans son accord » ; qu'il résulte de ce document contractuel produit aux débats que, d'une part, l'interdiction de contacter les clients après la course, qui répond à des impératifs de sécurité, ne s'applique pas lorsque le client a accepté d'être contacté par le chauffeur et que, d'autre part, il n'est nullement interdit au chauffeur de donner ses coordonnées aux clients pour leur permettre de réserver une course auprès de lui directement sans passer par l'intermédiaire de la plateforme ; qu'en jugeant néanmoins qu'en interdisant au chauffeur de contacter les passagers et de conserver leurs informations personnelles après une course, la société Uber BV privait les chauffeurs « de la possibilité pour un passager consentant de laisser au chauffeur ses coordonnées pour réserver une prochaine course en dehors de l'application Uber », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des documents contractuels produits aux débats, en violation des articles 1103, 1189 et 1192 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

9. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la société Uber BV faisait valoir que les dispositions du code de la consommation interdisent à un chauffeur VTC de refuser d'accomplir une course sans motif légitime, de sorte que l'absence de connaissance précise de la destination, n'est pas de nature à remettre en cause l'indépendance du chauffeur ; qu'en énonçant que l'absence de connaissance du critère de destination par le chauffeur lorsqu'il doit répondre à une proposition par le biais de la plate-forme Uber interdit au chauffeur « de choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non », sans rechercher, comme elle y était invitée, si les dispositions légales relatives au refus de fourniture de services n'interdisent pas à un chauffeur professionnel de refuser une course pour des motifs de pure convenance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-11 et R. 121-13 du code de la consommation, ensemble l'article L8221-6 du code du travail ;

10. ALORS QUE le système de géolocalisation inhérent au fonctionnement d'une plateforme numérique de mise en relation de chauffeurs VTC avec des clients potentiels ne caractérise pas un lien de subordination juridique des chauffeurs à l'égard de la plateforme dès lors que ce système n'a pas pour objet de contrôler l'activité des chauffeurs mais n'est utilisé que pour mettre ces derniers en contact avec le client le plus proche, assurer la sécurité des personnes transportées et déterminer le prix de la prestation ; qu'en affirmant que le système de géolocalisation utilisé par la plateforme Uber suffit à établir l'existence d'un contrôle des chauffeurs « peu important les motivations avancées par la société Uber BV de cette géolocalisation », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

11. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la détermination par une plateforme de mise en relation par voie électronique du prix des prestations de services fournies par son intermédiaire ne saurait caractériser un indice de l'existence d'un contrat de travail ; que le seul fait qu'une prestation de transport fasse l'objet d'un tarif horokilométrique et que le prix de la prestation puisse être réajusté, en cas de réclamation d'un passager, lorsque le trajet choisi par le chauffeur n'est pas approprié car abusivement long n'est pas constitutif d'un ordre ou d'une directive dans l'exécution du travail ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L1411-1 et L7341-1 du code du travail, ensemble les articles 1164 et 1165 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

12. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE les éventuels engagements pris par un chauffeur indépendant à l'égard de tiers afin d'exercer son activité professionnelle ne sauraient constituer des indices d'un lien de subordination juridique entre ce chauffeur et une plateforme numérique ; qu'en relevant le fait que M. F... avait, dans l'attente de sa propre inscription au registre des VTC intervenue le 7 décembre 2016, exercé son activité sous la licence de la société Hinter France, partenaire de la société Uber BV, ce qui le contraignait à générer un chiffre d'affaires en se connectant à la plateforme Uber, la cour d'appel s'est fondée sur un motif impropre à caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique avec la société Uber BV, en violation des articles L. 1221-1, L1411-1 , L7341-1 et L8221-6 du code du travail, ensemble l'article 1199 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016.