Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 janvier 2022, 20-20.946, Inédit

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Résumé

Apport de la jurisprudence : CSE / Election / Proportionnalité / Alternance / Annulation de l’élection / Représentation hommes-femmes

La Cour de cassation annule l'élection de candidats au CSE de listes ne respectant pas les règles de proportionnalité et d'alternance entre les sexes, même si les listes avec la bonne représentation auraient conduit à l'élection des mêmes personnes.

Cass soc., 5 janvier 2022 - n°20-20.946

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 janvier 2022




Cassation sans renvoi


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 33 F-D

Pourvoi n° F 20-20.946






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JANVIER 2022

L'Union régionale CFDT, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° F 20-20.946 contre le jugement rendu le 2 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Confédération générale du travail (CGT) Réunion, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la Société bourbonnaise de travaux publics et de constructions, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

3°/ à M. [N] [Y] [W], domicilié [Adresse 5],

4°/ à M. [P] [X] [U], domicilié [Adresse 1],

5°/ à la Fédération CGTR du bâtiment et des travaux publics, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de l'Union régionale CFDT, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société bourbonnaise de travaux publics et de constructions, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la Confédération générale du travail Réunion et de la Fédération CGTR du bâtiment et des travaux publics, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 2 octobre 2020), l'Union régionale CFDT (l'union régionale) a saisi le tribunal judiciaire, le 28 juillet 2020, aux fins d'annuler l'élection, le 17 juillet 2020, de M. [W] et M. [U], élus respectivement titulaire et suppléant au deuxième collège « employés, techniciens et agents de maîtrise » au comité social et économique de la Société bourbonnaise de travaux publics et de constructions, qui étaient candidats sur les listes présentées par le syndicat CGTR-SBTC (la société), et ce en raison du non-respect par ces listes des règles de représentation proportionnée des femmes et des hommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. L'union régionale fait grief au jugement de rejeter sa demande d'annulation de l'élection de MM. [W] et [U] aux élections des membres du deuxième collège du comité social et économique de la société du 17 juillet 2020, l'un aux élections des membres titulaires, l'autre aux élections des membres suppléants, alors : « que lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste respectant, d'une part, la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté et, d'autre part, la règle de l'alternance ; qu'en refusant d'annuler l'élection de MM. [W] et [U] dès lors que M. [W], inscrit en première position sur la liste titulaire, était à une place qu'il pouvait occuper, de même que M. [U], en première place sur la liste suppléants, et que, la CGTR-SBPTC n'ayant obtenu qu'un siège titulaire et un seul siège suppléant, le positionnement des intéressés sur les listes était régulier, tout en constatant que les listes présentées par la CGTR-SBTPC, qu'il s'agisse des candidats titulaires comme des candidats suppléants, ne respectaient ni la proportionnalité, ni l'alternance entre les sexes puisqu'aucune femme ne figurait parmi les candidats, le tribunal judiciaire a violé les articles L2314-30 et L2314-32 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L2314-30 et L2314-32 du code du travail :

3 . Il résulte de ces textes que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats du nombre de femmes et d'hommes correspondant à leur part respective au sein du collège électoral entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter et que le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats.

4. Pour rejeter la demande d'annulation de l'élection au titre du deuxième collège de MM. [W] et [U], respectivement élu titulaire et élu suppléant, le jugement retient qu'il n'est ni contestable, ni contesté que, s'agissant du deuxième collège ETAM, les listes présentées par la CGTR-SBTPC, qu'il s'agisse des candidats titulaires comme des candidats suppléants, ne respectent ni la proportionnalité, ni l'alternance entre les sexes puisqu'aucune femme ne figure parmi les candidats, alors que, s'agissant du collège considéré, la proportion respective de femmes et d'hommes est de 25,23 % et de 74,77 %, correspondant pour deux sièges à la proportion de candidat suivante : 0,5046 femme et 1,4954 homme, arrondis à 1 pour les femmes et à 1 pour les hommes, que dans ces conditions la liste CGTR-SBTPC pour le deuxième collège des membres titulaires comme des membres suppléants devait être ainsi alternativement composée : 1. Femme 2. Homme / 1. Homme 2. Femme. Le jugement ajoute que M. [W], étant inscrit en première position sur la liste des titulaires, était à une place qu'il pouvait occuper, de même que M. [U], en première place sur la liste des suppléants, que dans la mesure où la CGTR-SBPTC n'a obtenu qu'un siège titulaire et un seul siège suppléant, il n'y a pas lieu d'annuler leur élection dès lors que leur positionnement sur la liste était régulier et que seule doit être prononcée l'annulation de l'élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions relatives à l'alternance.

5 .En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté qu'en application des règles de représentation proportionnée des femmes et des hommes, la liste du syndicat CGTR-SBPTC aurait dû comporter une femme et un homme et qu'ainsi un homme était en surnombre sur cette liste, fût-il seul élu pour avoir été présenté en tête de liste, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations légales, a violé, par fausse application, les dispositions susvisées.

Portée et conséquences de la cassation

6. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

7. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 2 octobre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Annule l'élection de M. [W], en qualité de membre titulaire, et de M. [U], en qualité de membre suppléant, au sein du deuxième collège « employés, techniciens, agents de maîtrise » du comité social et économique de la Société bourbonnaise de travaux publics et de constructions ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour l'union régionale CFDT


Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR rejeté la demande d'annulation de l'élection de MM. [W] et [U] aux élections des membres du deuxième collège du CSE de la société Bourbonnaise de Travaux Publics et de Constructions du 17 juillet 2020, l'un aux élections des membres titulaires, l'autre aux élections des membres suppléants ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L2314-30 du code du travail, « pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes. Lorsque l'application du premier alinéa n'aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l'arrondi arithmétique suivant : 1° Arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ; 2° Arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5. En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire. Lorsque l'application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Ce candidat ne peut être en première position sur la liste. Le présent article s'applique à la liste des membres titulaires du comité social et économique et à la liste de ses membres suppléants » ; que la sanction du non respect de cette disposition est prévue à l'article L2314-32 du même code qui dispose que « la constatation par le juge après l'élection du non respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la seconde phrase du premier alinéa du même article L2314-30 entraîne l'annulation de l'élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions » ; qu'en l'espèce, il n'est ni contestable, ni contesté que, s'agissant du deuxième collège ETAM, les listes présentées par la CGTR-SBTPC, qu'il s'agisse des candidats titulaires comme des candidats suppléants ne respectent ni la proportionnalité, ni l'alternance entre les sexes puisqu'aucune femme ne figure parmi les candidats, alors que, s'agissant du premier collège, la proportion respective de femmes et d'hommes est de 25,23 % et par ailleurs 74,77 %, correspondant pour deux sièges à la proportion de candidat suivante : 0,5046 femme et 1,4954 homme, arrondis à 1 pour les femmes et à 1 pour les hommes ; que dans ces conditions, la liste CGTR-SBTPC pour le deuxième collège des membres titulaires comme des membres suppléants devait être ainsi alternativement composée : 1. Femme 2. Homme / 1. Homme 2. Femme ; que dès lors M. [W] étant inscrit en première position sur la liste titulaire, était à une place qu'il pouvait occuper, de même que M. [U], en première place sur la liste suppléants ; que dans ces conditions, et dans la mesure où la CGTRSBPTC n'a obtenu qu'un siège titulaire et un seul siège suppléant, il n'y a pas lieu d'annuler leur élection dans la mesure où leur positionnement sur la liste était régulier, et que seule doit être prononcée « l'annulation de l'élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions (relatives à l'alternance) » (v. jugement, p. 2 et 3) ;

1°) ALORS QUE lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste respectant, d'une part, la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et au moins un candidat au titre du sexe sousreprésenté et, d'autre part, la règle de l'alternance ; qu'en refusant d'annuler l'élection de MM. [W] et [U] dès lors que M. [W], inscrit en première position sur la liste titulaire, était à une place qu'il pouvait occuper, de même que M. [U], en première place sur la liste suppléants, et que, la CGTR-SBPTC n'ayant obtenu qu'un siège titulaire et un seul siège suppléant, le positionnement des intéressés sur les listes était régulier, tout en constatant que les listes présentées par la CGTR-SBTPC, qu'il s'agisse des candidats titulaires comme des candidats suppléants, ne respectaient ni la proportionnalité, ni l'alternance entre les sexes puisqu'aucune femme ne figurait parmi les candidats, le tribunal judiciaire a violé les articles L2314-30 et L2314-32 du code du travail ;

2°) ALORS QUE lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste respectant, d'une part, la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et au moins un candidat au titre du sexe sousreprésenté et, d'autre part, la règle de l'alternance ; qu'au demeurant, en refusant ainsi d'annuler l'élection de MM. [W] et [U] dès lors que M. [W], inscrit en première position sur la liste des membres titulaires, était à une place qu'il pouvait occuper, de même que M. [U], en première place sur la liste des suppléants, et que, la CGTRSBPTC n'ayant obtenu qu'un siège de titulaire et un seul siège de suppléant, le positionnement des intéressés sur les listes était régulier, tout en constatant encore que la liste CGTR-SBTPC pour le deuxième collège des membres titulaires comme des suppléants devait être alternativement composée, d'une part, d'une femme et d'un homme et, d'autre part, d'un homme et d'une femme, le tribunal judiciaire a violé les articles L2314-30 et L2314-32 du code du travail.