Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 octobre 2019, 18-16.539, Publié au bulletin

Ref:UAAAKAF7

Résumé

Apport de la jurisprudence : Forfait jours / Restauration

Un salarié, chef de cuisine, demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur en raison des manquements de ce dernier concernant l’organisation de son temps de travail et son temps de repos.

L’employeur se prévaut de la signature d’une convention de forfait jours conclue avec le salarié conformément à un avenant de la convention collective datant de 2004. Un nouvel avenant à la convention collective est signé en 2016.

La Cour de cassation considère que la société ne peut se prévaloir de la convention de forfait en jours dans la mesure où cette dernière a été précédemment annulée. Il appartient donc à l’employeur de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait conforme aux nouveaux accords.

Cass.soc., le 16 octobre 2019, n°18-16.539

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mars 2018), que M. V... a été engagé en qualité de chef de cuisine par la société Bussy Saint-Georges Marne-la-Vallée à compter du 12 avril 2011 ; que le fonds de cette société placée en liquidation judiciaire ayant été cédé à la société DG Résidences, reprise par la société DG Urbans (la société) à compter du 10 mai 2012, le contrat de travail a été transféré à cette dernière ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de constater la nullité de la convention de forfait en jours prévue au contrat de travail et de le condamner à payer au salarié certaines sommes au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs, des congés payés afférents, et à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des durées quotidienne et hebdomadaire de travail alors, selon le moyen, que l'avenant n° 22 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurant en date du 16 décembre 2014 ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension du 29 février 2016, a défini les nouvelles conditions de la convention individuelle de forfait en jours sur l'année pour un salarié cadre autonome ; que sans contester la validité de ces nouvelles dispositions, la cour d'appel a retenu qu'elles étaient applicables à compter du 1er avril 2016, que la société ne pouvait s'en prévaloir du fait que la convention forfait en jours du salarié « avait été précédemment annulée » et qu'il appartenait donc à l'employeur de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait conforme aux nouveaux accords ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014, dont la validité n'était pas contestée, prévoit que ses dispositions « se substituent aux dispositions de l'article 13.2 de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 », de sorte que cet avenant s'est, dès le 1er avril 2016, appliqué immédiatement à la convention individuelle de forfait stipulée dans le contrat de travail de l'intéressé sous l'égide de la convention collective des hôtels cafés restaurants, et que la cour d'appel ne pouvait donc constater la nullité de la convention de forfait au moment où elle a statué, la cour d'appel a violé l'arrêté d'extension du 29 février 2016 et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'après avoir fait ressortir que les dispositions de l'article 13.2 de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail d'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, de son travail, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé de l'intéressé, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'à défaut d'avoir soumis au salarié une nouvelle convention de forfait en jours après le 1er avril 2016, date de l'entrée en vigueur de l'arrêté d'extension de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 relatif aux cadres autonomes, l'employeur ne pouvait se prévaloir des dispositions de ce texte pour la période postérieure au 1er avril 2016 ; qu'elle en a exactement déduit que la convention de forfait en jours était nulle ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen pris en sa première branche qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et de le condamner au paiement de diverses sommes indemnitaires au titre de la rupture alors, selon le moyen :

1°/ que pour faire droit à la demande de résiliation judiciaire du salarié aux torts de la société, la cour d'appel a déclaré que l'atteinte aux droits du salarié en ce qui concerne l'organisation de son temps travail, son temps de repos et les conséquences inévitables que cette situation faisait peser sur sa vie personnelle constituait un motif suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail ; que ces griefs ont été invoqués par le salarié au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, demande que la cour d'appel a déclarée recevable en raison de la nullité de la convention de forfait stipulée dans le contrat de travail du salarié ; que dès lors, la cassation à intervenir du chef du premier moyen, dont il résulte que la cour d'appel ne pouvait constater l'annulation de la convention de forfait, ce qui excluait la recevabilité de la demande du salarié au titre des heures supplémentaires prétendument non rémunérées, devra, par voie de conséquence, et par application de l'article 625 du code de procédure civile, entraîner l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a fait droit à la demande de résiliation judiciaire formulée par le salarié, avec les conséquences y afférentes ;

2°/ qu'en déclarant, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié, que l'atteinte aux droits du salarié en ce qui concerne l'organisation de son temps travail, son temps de repos et les conséquences inévitables que cette situation faisait peser sur sa vie personnelle constituait un motif suffisamment grave pour justifier de la résiliation judiciaire du contrat de travail, sans rechercher si cette atteinte était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, a fortiori dans la mesure où la cour d'appel a retenu des réclamations sur l'organisation du travail depuis 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du février 2016, et L1221-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que le premier moyen ayant fait l'objet d'un rejet, le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a relevé une atteinte aux droits du salarié en ce qui concernait l'organisation de son temps travail, son temps de repos et les conséquences inévitables que cette situation faisait peser sur sa vie personnelle a, faisant ressortir que cette atteinte rendait impossible la poursuite du contrat de travail, pu retenir qu'elle constituait un motif suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société DG Urbans aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. V... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société DG Urbans

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué,

D'AVOIR constaté la nullité de la convention de forfait en jours prévu au contrat de travail de M. V... et D'AVOIR en conséquence, notamment condamné la société DG Urbans à payer à M. V... les sommes de 85 317 euros à titre d'heures supplémentaires pour la période d'avril 2014 jusqu'à novembre 2016 et 8 531,70 euros au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires et de 39 953 euros au titre des repos compensateurs et 3 995,30 euros au titre des congés payés y afférents et 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect par l'employeur des durées journalières et hebdomadaires de travail ;

AUX MOTIFS QUE, « sur la validité de la convention de forfait en jours, une convention de forfait en jours pour être valable doit être prévue par un accord collectif de branche étendu ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement lequel doit définir les catégories de cadres concernés, fixer le volume des forfaits (nombre normal, dépassements maximum), les principales caractéristiques du forfait ; que ces stipulations doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ; que le juge doit vérifier, au besoin d'office, si les accords de branche et/ou d'entreprise offrent les garanties exigées, l'un pouvant suppléer la carence de l'autre ; que si l'accord collectif est invalidé, il entraîne la nullité delà convention individuelle de forfait en jours ; que si l'employeur ne respecte pas les clauses précisément destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, la convention individuelle de forfait en jours est privée d'effet ; que l'article 7 du contrat de travail de Monsieur V... mentionne : "
Le salarié sera rémunéré sur la base de 218 jours de travail dans l'année en contrepartie de la mission qui lui est confiée ; que le salarié, soumis à un forfait annuel en jour de travail, organisera selon sa convenance son travail dans le cadre de ce forfait annuel, sous réserve de respecter les règles relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire ; que les jours de repos seront pris en concertation avec la direction. Le salarié établira un décompte précis des jours travaillés, des jours de repos et de congés. Le salarié aura droit à deux jours de repos consécutifs ou non par semaine...." ; que dans le cadre des avenants intervenus à partir de 2014, l'organisation du temps de travail du salarié a été reprise à l'identique ; que la convention collective applicable est celle des hôtels, cafés, restaurants accompagné de son avenant numéro 1 du 13 juillet 2004 relative à la durée, l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance ;
que l'article 13.2 de cet avenant qui organise la convention individuelle de forfait en jours sur l'année a été invalidé par la Cour de Cassation dans un arrêt du 7 juillet 2015, en raison des garanties insuffisantes qu'il comportait sur la répartition du temps de travail des salariés ; qu'ainsi, la convention de forfait en jours de Monsieur V... doit nécessairement être annulée par l'effet de l'invalidation par la Cour de Cassation des accords collectifs sur lesquels elle se fonde ; qu'un nouvel accord a été trouvé par les partenaires sociaux, le 16 décembre 2014, et un avenant numéro 22 a été signé, mais ces conventions n'ont été étendues que le 29 février 2016 et ne sont applicables qu'à compter du 1er avril 2016 ; que la société ne peut se prévaloir de ces nouvelles dispositions dès lors que la convention de forfait en jours de Monsieur V... avait été précédemment annulée. Il lui appartenait de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait, conforme aux nouveaux accords ; qu'en conséquence de la nullité de la convention de forfait en jours, la demande relative aux heures supplémentaires est recevable ;

que sur la demande d'heures supplémentaires, la société demande le rejet d'une pièce numéro 82, constituée par un échange de mails du 30 juin 2015 qui reproduit des propos intervenus entre Monsieur I... B..., assistant de direction et Madame M..., responsable des ressources humaines ; que rien dans ces pièces ne démontre que Monsieur V... ait obtenu ces documents frauduleusement ou que le membre de la direction qui les lui a transmis en copie, ait commis une irrégularité ou un abus dans le cadre de l'exécution de ses fonctions ; que le salarié qui a été normalement destinataire de ces documents dans le cadre de ses fonctions, est en droit de les produire à l'appui de ses demandes dans le cadre du contentieux qui l'oppose à son employeur ; qu'il convient en conséquence, de rejeter la demande consistant à écarter des débats cette pièce 82 ; qu'aux termes de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'ainsi, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'il convient d'emblée de rejeter le moyen tiré de la prescription soulevé par la société ; que les principes relatifs à l'entrée en vigueur de la loi sur la prescription civile résultent de l'article 2222 du Code civil, des dispositions transitoires de l'article 26, de la loi n° 2008-561 du juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile et des dispositions transitoires de l'article V, de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (JO du 16) relative à la sécurisation de l'emploi ; qu'en application de ces dispositions, l'action engagée par Monsieur V... l'a été dans le délai légal et l'action est recevable, la saisine du conseil de prud'hommes ayant interrompu la prescription ; que quelque soit la date à laquelle la demande d'heures supplémentaires est formée et la demande suit l'action principale et n'est donc pas prescrite ; qu'à l'appui de sa demande d'heures supplémentaires, Monsieur V... transmet des échanges de mail et les témoignages de plusieurs collègues de travail ; que l'échange de mails du 30 juin 2015 démontre clairement que pendant la période de son affectation au restaurant [...], le salarié était amené à travailler sans discontinuer et sans que soient respectés les temps de repos hebdomadaires ; que les différents messages adressés à partir du mois de mai 2014 par Monsieur V... à sa hiérarchie font état de ces contraintes horaires largement induites par le sous effectif chronique des équipes de cuisine, supposées alléger la tache d'encadrement de Monsieur V... ; qu'à plusieurs reprise, le salarié a alerté son employeur de ce qu'il effectuait heures par jour, 7 jours sur 7, notamment depuis le 18 avril 2014 sur l'établissement de [...] puis sur l'été 2015 et ensuite en 2016, sur restaurant [...] ; que ces messages sont corroborés par les attestations de Messieurs D..., N..., A... et Mesdames S... et U... ; que s'agissant de ces attestations, il convient de rappeler que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et les attestations litigieuses, régulièrement communiquées, dont l'auteur est clairement identifiable, ne comportent aucun indice de nature à mettre en doute leur authenticité. Il n'y a pas lieu de les écarter ; que pour contester la demande d'heures supplémentaires, l'employeur transmet des tableaux de relevés mensuels depuis 2013 qui n'apportent pas d'éclairage sur le temps de travail quotidien ou hebdomadaire du salarié ; que pour 2013 et début 2014, il produit les plannings du restaurant [...] qui attestent simplement des repos hebdomadaires sur cette période ; qu'avant 2016, aucun contrôle ou relevé horaire n'est communiqué ; que l'employeur communique un courrier de novembre 2016 et l'avertissement du 27 avril 2017 où apparaît pour la première fois l'existence de feuilles de présence ; que toutefois, la valeur probante des feuilles de présence est contestable dès lors que le salarié, en désaccord avec les horaires inscrits par l'employeur, refusera de les signer ; qu'à compter de décembre 2016, la société a mis en place un système de récupération des heures supplémentaires par l'attribution de congés jusqu'à janvier 2017 ; que l'ensemble des éléments produits par la société ne permettent pas de contredire les preuves adverses qui démontrent que depuis avril 2014 jusqu'à novembre 2016, le temps de travail du salarié était largement supérieur aux dispositions conventionnelles ; qu'au vu de ces motifs, des tableaux transmis par le salarié, des calculs opérés à partir d'un taux horaire de 19,75 euros et des observations faites par l'employeur sur les montants sollicités par Monsieur V..., la Cour retient pour la période précitée, un total de 3103 heures supplémentaires correspondant à la somme de 85 317 euros ; qu'au regard de ces mêmes éléments, il est incontestable que durant cette période, Monsieur V... a travaillé sans que soit respecté la durée maximale de travail ; qu'il y a lieu en conséquence, de faire droit à la demande de réparation du salarié en tenant compte néanmoins du fait que le préjudice financier est déjà réparé par le paiement des heures supplémentaires et leur majoration ; qu'à défaut d'élément particulier sur le préjudice et au vu des circonstances particulières de l'espèce, il sera limité au préjudice moral et fixé à hauteur de 1 000 euros ; que le contingent annuel d'heures supplémentaires fixé par voie conventionnelle est de 360 heures ; qu'il existe pour 2014, 2015 et 2016 un dépassement qui justifie la demande du salarié au titre des repos compensateurs et il lui sera alloué à ce titre, la somme de 39 953 euros ; qu'enfin, Monsieur V... justifie par plusieurs mails et courriers de la nécessité de faire rectifier ses bulletins de salaire pour y intégrer les termes corrects concernant ses congés, jours de repos ; »

1°) ALORS QUE à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer la compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en l'espèce, en première instance, M. V... ayant sollicité le paiement de rappel de salaire, pour les 29 et 30 avril 2012 et deux demi-journées les 22 et 23 mai 2012 et 24 et 25 mai 2012, le salarié soutenant à cet égard que la société Roc Confortation n'avait pas respecté ses obligations contractuelles, a, pour la première fois en cause d'appel, invoqué la nullité de la convention de forfait stipulée dans son contrat de travail, sollicitant en conséquence le versement d'une somme de 111 884,63 euros au titre d'un rappel de salaires portant sur la période écoulée entre juillet 2013 et décembre 2017 ; qu'en omettant de répondre aux conclusions dans lesquelles la société DG Urbans faisait valoir qu'il y avait lieu de rejeter ces demandes, nouvelles comme formulées pour la première fois en cause d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS en toute hypothèse QUE l'avenant n° 22 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurant en date du 16 décembre 2014 ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension du 29 février 2016, a défini les nouvelles conditions de la convention individuelle de forfait en jours sur l'année pour un salarié cadre autonome ; que sans contester la validité de ces nouvelles dispositions, la cour d'appel a retenu qu'elles étaient applicables à compter du 1er avril 2016, que la société DG Urbans ne pouvait s'en prévaloir du fait que la convention forfait en jours de M. V... « avait été précédemment annulée » et qu'il appartenait donc à l'employeur de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait conforme aux nouveaux accords ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014, dont la validité n'était pas contestée, prévoit que ses dispositions « se substituent aux dispositions de l'article 13.2 de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 », de sorte que cet avenant s'est, dès le 1er avril 2016, appliqué immédiatement à la convention individuelle de forfait stipulée dans le contrat de travail de M. V... sous l'égide de la convention collective des hôtels cafés restaurants, et que la cour d'appel ne pouvait donc constater la nullité de la convention de forfait au moment où elle a statué, la cour d'appel a violé l'arrêté d'extension du 29 février 2016 et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué,

D'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. V... à compter de la date du présent arrêt et en conséquence D'AVOIR condamné la société DG Urbans à payer à M. V... les sommes de 26 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 13 290 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1 329 euros au titre des congés payés afférents et 5 236,26 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE, « sur la validité de la convention de forfait en jours, une convention de forfait en jours pour être valable doit être prévue par un accord collectif de branche étendu ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement lequel doit définir les catégories de cadres concernés, fixer le volume des forfaits (nombre normal, dépassements maximum), les principales caractéristiques du forfait ; que ces stipulations doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ; que le juge doit vérifier, au besoin d'office, si les accords de branche et/ou d'entreprise offrent les garanties exigées, l'un pouvant suppléer la carence de l'autre ; que si l'accord collectif est invalidé, il entraîne la nullité delà convention individuelle de forfait en jours ; que si l'employeur ne respecte pas les clauses précisément destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, la convention individuelle de forfait en jours est privée d'effet ; que l'article 7 du contrat de travail de Monsieur V... mentionne : "
Le salarié sera rémunéré sur la base de 218 jours de travail dans l'année en contrepartie de la mission qui lui est confiée ; que le salarié, soumis à un forfait annuel en jour de travail, organisera selon sa convenance son travail dans le cadre de ce forfait annuel, sous réserve de respecter les règles relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire ; que les jours de repos seront pris en concertation avec la direction. Le salarié établira un décompte précis des jours travaillés, des jours de repos et de congés. Le salarié aura droit à deux jours de repos consécutifs ou non par semaine...." ; que dans le cadre des avenants intervenus à partir de 2014, l'organisation du temps de travail du salarié a été reprise à l'identique ; que la convention collective applicable est celle des hôtels, cafés, restaurants accompagné de son avenant numéro 1 du 13 juillet 2004 relative à la durée, l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance ;
que l'article 13.2 de cet avenant qui organise la convention individuelle de forfait en jours sur l'année a été invalidé par la Cour de Cassation dans un arrêt du 7 juillet 2015, en raison des garanties insuffisantes qu'il comportait sur la répartition du temps de travail des salariés ; qu'ainsi, la convention de forfait en jours de Monsieur V... doit nécessairement être annulée par l'effet de l'invalidation par la Cour de Cassation des accords collectifs sur lesquels elle se fonde ; qu'un nouvel accord a été trouvé par les partenaires sociaux, le 16 décembre 2014, et un avenant numéro 22 a été signé, mais ces conventions n'ont été étendues que le 29 février 2016 et ne sont applicables qu'à compter du 1er avril 2016 ; que la société ne peut se prévaloir de ces nouvelles dispositions dès lors que la convention de forfait en jours de Monsieur V... avait été précédemment annulée. Il lui appartenait de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait, conforme aux nouveaux accords ; qu'en conséquence de la nullité de la convention de forfait en jours, la demande relative aux heures supplémentaires est recevable ;

que sur la demande d'heures supplémentaires, la société demande le rejet d'une pièce numéro 82, constituée par un échange de mails du 30 juin 2015 qui reproduit des propos intervenus entre Monsieur I... B..., assistant de direction et Madame M..., responsable des ressources humaines ; que rien dans ces pièces ne démontre que Monsieur V... ait obtenu ces documents frauduleusement ou que le membre de la direction qui les lui a transmis en copie, ait commis une irrégularité ou un abus dans le cadre de l'exécution de ses fonctions ; que le salarié qui a été normalement destinataire de ces documents dans le cadre de ses fonctions, est en droit de les produire à l'appui de ses demandes dans le cadre du contentieux qui l'oppose à son employeur ; qu'il convient en conséquence, de rejeter la demande consistant à écarter des débats cette pièce 82 ; qu'aux termes de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'ainsi, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'il convient d'emblée de rejeter le moyen tiré de la prescription soulevé par la société ; que les principes relatifs à l'entrée en vigueur de la loi sur la prescription civile résultent de l'article 2222 du Code civil, des dispositions transitoires de l'article 26, de la loi n° 2008-561 du juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile et des dispositions transitoires de l'article V, de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (JO du 16) relative à la sécurisation de l'emploi ; qu'en application de ces dispositions, l'action engagée par Monsieur V... l'a été dans le délai légal et l'action est recevable, la saisine du conseil de prud'hommes ayant interrompu la prescription ; que quelque soit la date à laquelle la demande d'heures supplémentaires est formée et la demande suit l'action principale et n'est donc pas prescrite ; qu'à l'appui de sa demande d'heures supplémentaires, Monsieur V... transmet des échanges de mail et les témoignages de plusieurs collègues de travail ; que l'échange de mails du 30 juin 2015 démontre clairement que pendant la période de son affectation au restaurant [...], le salarié était amené à travailler sans discontinuer et sans que soient respectés les temps de repos hebdomadaires ; que les différents messages adressés à partir du mois de mai 2014 par Monsieur V... à sa hiérarchie font état de ces contraintes horaires largement induites par le sous effectif chronique des équipes de cuisine, supposées alléger la tache d'encadrement de Monsieur V... ; qu'à plusieurs reprise, le salarié a alerté son employeur de ce qu'il effectuait heures par jour, 7 jours sur 7, notamment depuis le 18 avril 2014 sur l'établissement de [...] puis sur l'été 2015 et ensuite en 2016, sur restaurant [...] ; que ces messages sont corroborés par les attestations de Messieurs D..., N..., A... et Mesdames S... et U... ; que s'agissant de ces attestations, il convient de rappeler que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et les attestations litigieuses, régulièrement communiquées, dont l'auteur est clairement identifiable, ne comportent aucun indice de nature à mettre en doute leur authenticité. Il n'y a pas lieu de les écarter ; que pour contester la demande d'heures supplémentaires, l'employeur transmet des tableaux de relevés mensuels depuis 2013 qui n'apportent pas d'éclairage sur le temps de travail quotidien ou hebdomadaire du salarié ; que pour 2013 et début 2014, il produit les plannings du restaurant [...] qui attestent simplement des repos hebdomadaires sur cette période ; qu'avant 2016, aucun contrôle ou relevé horaire n'est communiqué ; que l'employeur communique un courrier de novembre 2016 et l'avertissement du 27 avril 2017 où apparaît pour la première fois l'existence de feuilles de présence ; que toutefois, la valeur probante des feuilles de présence est contestable dès lors que le salarié, en désaccord avec les horaires inscrits par l'employeur, refusera de les signer ; qu'à compter de décembre 2016, la société a mis en place un système de récupération des heures supplémentaires par l'attribution de congés jusqu'à janvier 2017 ; que l'ensemble des éléments produits par la société ne permettent pas de contredire les preuves adverses qui démontrent que depuis avril 2014 jusqu'à novembre 2016, le temps de travail du salarié était largement supérieur aux dispositions conventionnelles ; qu'au vu de ces motifs, des tableaux transmis par le salarié, des calculs opérés à partir d'un taux horaire de 19,75 euros et des observations faites par l'employeur sur les montants sollicités par Monsieur V..., la Cour retient pour la période précitée, un total de 3103 heures supplémentaires correspondant à la somme de 85 317 euros ; qu'au regard de ces mêmes éléments, il est incontestable que durant cette période, Monsieur V... a travaillé sans que soit respecté la durée maximale de travail ; qu'il y a lieu en conséquence, de faire droit à la demande de réparation du salarié en tenant compte néanmoins du fait que le préjudice financier est déjà réparé par le paiement des heures supplémentaires et leur majoration ; qu'à défaut d'élément particulier sur le préjudice et au vu des circonstances particulières de l'espèce, il sera limité au préjudice moral et fixé à hauteur de 1 000 euros ; que le contingent annuel d'heures supplémentaires fixé par voie conventionnelle est de 360 heures ; qu'il existe pour 2014, 2015 et 2016 un dépassement qui justifie la demande du salarié au titre des repos compensateurs et il lui sera alloué à ce titre, la somme de 39 953 euros ; qu'enfin, Monsieur V... justifie par plusieurs mails et courriers de la nécessité de faire rectifier ses bulletins de salaire pour y intégrer les termes corrects concernant ses congés, jours de repos ;

[...]

que sur la résiliation judiciaire du contrat de travail, les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante ; que la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que Monsieur V... invoque à l'appui de cette demande le non respect par l'employeur de ses obligations relatives au paiement du salaire, au respect des amplitudes journalières et hebdomadaires de travail, à la mise en place de la prévoyance et enfin le fait d'avoir confié au salarié un poste dévalorisant dans une pizzeria ; que si le salarié ne justifie aucunement des deux derniers griefs qu'il invoque à l'encontre de son employeur, il est à l'inverse bien justifié que malgré de très nombreuses réclamations sur l'organisation et ses conditions de travail depuis 2012, le salarié n'a guère eu de réponse satisfaisante pendant toutes ces années jusqu'en 2017 ; que l'atteinte aux droits du salarié en ce qui concerne l'organisation de son temps travail, son temps de repos et les conséquences inévitables que cette situation fait peser sur sa vie personnelle constitue un motif suffisamment grave pour justifier de la résiliation judiciaire du contrat de travail ; qu'il sera donc fait droit à la demande ainsi qu'aux conséquences Indemnitaires relatives à l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis les congés payés afférents ; que compte-tenu de l'absence d'heures supplémentaires retenues à compter du mois de décembre 2016, le salaire de référence sera fixe à 4430 euros et au regard d'une ancienneté qui doit être évalué compte-tenu des périodes de suspension du contrat de travail à six ans et sept mois l'indemnité de licenciement devra être fixée à la somme de 5236,26 euros ; qu'il sera alloué la somme de 13290 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1329 euros au titre des congés payés afférents ; qu'au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, compte tenu du fait que Monsieur V... a plus de 6 ans d'ancienneté mais que les causes de la résiliation judiciaire concernent les modalités d'organisation du temps de travail du salarié dont le préjudice financier a déjà été réparé, la Cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 26000 euros le montant de la réparation du préjudice ; »

1°) ALORS, d'une part, QUE pour faire droit à la demande de résiliation judiciaire de M. V... aux torts de la société DG Urbans, la cour d'appel a déclaré que l'atteinte aux droits du salarié en ce qui concerne l'organisation de son temps travail, son temps de repos et les conséquences inévitables que cette situation faisait peser sur sa vie personnelle constituait un motif suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail ; que ces griefs ont été invoqués par M. V... au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, demande que la cour d'appel a déclarée recevable en raison de la nullité de la convention de forfait stipulée dans le contrat de travail du salarié ; que dès lors, la cassation à intervenir du chef du premier moyen, dont il résulte que la cour d'appel ne pouvait constater l'annulation de la convention de forfait, ce qui excluait la recevabilité de la demande du salarié au titre des heures supplémentaires prétendument non rémunérées, devra, par voie de conséquence, et par application de l'article 625 du code de procédure civile, entraîner l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a fait droit à la demande de résiliation judiciaire formulée par le salarié, avec les conséquences y afférentes ;

2°) ALORS d'autre part et en toute hypothèse QU'en déclarant, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. V..., que l'atteinte aux droits du salarié en ce qui concerne l'organisation de son temps travail, son temps de repos et les conséquences inévitables que cette situation faisait peser sur sa vie personnelle constituait un motif suffisamment grave pour justifier de la résiliation judiciaire du contrat de travail, sans rechercher si cette atteinte était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, a fortiori dans la mesure où la cour d'appel a retenu des réclamations sur l'organisation du travail depuis 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et L1221-1 du code du travail.