Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 avril 2022, 20-14.870, Publié au bulletin

Ref:UAAAKCQ4

Résumé

Apport de la jurisprudence : Lien de subordination / Requalification / Contrat de travail / Dépendance / Chauffeur / Livreur

La Cour de cassation estime insuffisant le faisceau d’indices permettant de caractériser « l’exercice d’un travail au sein d’un service organisé selon des conditions déterminées unilatéralement ». La Cour d’appel n’avait pas démontré que la société exercée sur le livreur des directives sur les modalités d’exécution du travail et « qu’elle disposait du pouvoir d’en contrôler le respect et d’en sanctionner l’inobservation ».

Cass., soc., 13 avril 2022, n°20-14.870

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2022




Cassation


M. CATHALA, président



Arrêt n° 549 FS-B

Pourvoi n° B 20-14.870




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

La société [Y] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [Y], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Voxtur, a formé le pourvoi n° B 20-14.870 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à M. [H] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [Y] Yang-Ting, de la SCP Spinosi, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Wurst, avocat général celle-ci ayant présenté des observations orales lors de l'audience publique du 8 février 2022, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2020), M. [T] a signé le 31 juillet 2015 avec la société Voxtur un contrat de location longue durée d'un véhicule, ainsi qu'un contrat d'adhésion au système informatisé développé par cette société sous le nom de « Le Cab ».

2. La société a rompu les relations contractuelles le 7 mars 2016.

3. M. [T] a saisi la juridiction prud'homale.

4. La société Voxtur a été placée en liquidation judiciaire le 9 juin 2020, et la société [Y] Yang-Ting désignée en qualité de liquidatrice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, septième et huitième branches

Enoncé du moyen

5. La société [Y] Yang-Ting, ès-qualités, fait grief à l'arrêt de requalifier la relation contractuelle en contrat de travail, et de condamner la société Voxtur à verser à M. [T] des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour procédure irrégulière, d'indemnité compensatrice de congés payés, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de dommages-intérêts pour travail dissimulé et au titre des frais d'essence, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article L8221-6 du code du travail que la présomption de non-salariat pour l'exécution d'une activité donnant lieu à une immatriculation au répertoire des métiers n'est écartée que lorsqu'il est établi que la personne immatriculée fournit des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui la placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé ne peut constituer un indice du lien de subordination que lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; que l'existence d'un service organisé ne saurait dès lors constituer un indice d'un lien de subordination juridique entre une plateforme de mise en relation avec une clientèle et un chauffeur VTC lorsque, d'une part, le chauffeur n'a aucune obligation d'utiliser l'application et reste libre de choisir ses jours et heures d'activité, que, d'autre part, le chauffeur peut se déconnecter quand il le souhaite, que, de troisième part, le chauffeur est libre d'effectuer des courses pour son propre compte ou pour le compte de toute autre personne physique ou morale, que, de quatrième part, l'organisation des courses attribuées par la plateforme relève du libre choix du chauffeur sauf à requérir une indication de la part du client et, enfin, que chauffeur peut sous-traiter les courses à d'autres personnes sous réserve de justifier que ces dernières remplissent les conditions exigées par la réglementation pour exercer la profession de chauffeur VTC ; qu'en se bornant à énoncer, pour requalifier le contrat entre la société Voxtur et le chauffeur en contrat de travail, que le chauffeur réalisait des prestations dans le cadre d'un service organisé, sans établir la détermination unilatérale par des conditions d'exécution du travail par la société Voxtur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

2°/ que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le seul fait pour une plateforme de mise en relation entre une clientèle et un chauffeur VTC de définir, dans le contrat le liant au chauffeur, le type de véhicule et de déterminer unilatéralement le prix des prestations de transport réalisées par son intermédiaire, ne saurait caractériser un lien de subordination juridique dès lors que le chauffeur reste libre d'utiliser ou non les services de la plateforme et de choisir ses jours et heures d'activité, qu'il peut se déconnecter quand il le souhaite et peut effectuer des courses pour son propre compte ou pour le compte de toute autre personne physique ou morale, qu'il est totalement libre d'organiser comme il l'entend les courses qu'il effectue par l'intermédiaire de la plateforme et que chauffeur peut sous-traiter des courses à d'autres personnes sous réserve de justifier que ces dernières remplissent les conditions exigées par la réglementation pour exercer la profession de chauffeur VTC ; qu'au cas présent, le contrat d'adhésion au système informatisé stipulait que ''le prestataire adhérent est libre de décider de ses jours et heures d'activité et de ses jours de repos'', que ''les courses sont attribuées, automatiquement au(x) prestataire(s) adhérent(s) connecté(s), qui affiche(nt) sur son(leur) matériel embarqué le statuten attente de course'' et ''la connexion peut être interrompue, par le prestataire adhérent qui se met alors en pause'' ; que le contrat précisait également que ''l'organisation de la course (itinéraire) est laissée au libre choix du prestataire adhérent, sauf pour lui à requérir, à ce sujet, une indication de la/des personne(s) transportée(s)'' ; que le contrat stipulait encore qu' ''un prestataire adhérent, entre deux connexions, peut librement réaliser des courses, pour son compte et/ou pour le compte de toute personne physique ou morale, quel que soit le statut de celui-ci (celle-ci)'' ; que le contrat précisait, enfin, que le chauffeur pourra sous-traiter les courses affectées par l'application sous réserve d'en informer la société Voxtur et que le sous-traitant utilisant le véhicule et l'application remplisse les conditions pour exercer la profession de chauffeur VTC ; qu'en jugeant néanmoins que le chauffeur réalisait des prestations dans un lien de subordination constant à l'égard de la société Voxtur, sans caractériser une quelconque obligation pour le chauffeur de se tenir à la disposition de la plateforme pour effectuer des courses, ni le moindre ordre ou la moindre directive reçus par la chauffeur relativement aux modalités de réalisation des courses effectuées par l'intermédiaire de la plateforme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

3°/ que le système de géolocalisation inhérent au fonctionnement d'une plateforme numérique de mise en relation de chauffeurs VTC avec des clients potentiels ne caractérise pas un lien de subordination juridique des chauffeurs à l'égard de la plateforme dès lors que ce système n'a pas pour objet de contrôler l'activité des chauffeur, et n'est utilisé que pour contacter le chauffeur connecté le mieux situé pour répondre à la demande du client ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de la cour d'appel que, selon les termes du contrat, l'installation mise à la disposition du chauffeur permet à la société Voxtur ''de localiser, en temps réel, chaque véhicule connecté, de manière à procéder à un dispatche optimisé et efficace des courses, en termes de temps de prise en charge de la(les) personne(s) à transporter et de trajet à effectuer, pour le(les) chauffeurs, pour assurer cette prise en charge'' ; qu'il résulte de ces constatations que le GPS ne permet de localiser le chauffeur que lorsqu'il est connecté à l'application et a pour objet de permettre l'attribution au chauffeur le plus proche du client ; qu'en énonçant que le GPS permet à la société Voxtur ''d'assurer ainsi un contrôle permanent de l'activité du chauffeur'', la cour d'appel a méconnu les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 1221-1 et L8221-6 du code du travail ;

7°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, si le type de véhicule utilisé était stipulé par le contrat d'adhésion au système informatique, ce contrat prévoyait expressément que la location du véhicule auprès de la société Voxtur était une simple faculté pour le chauffeur qui avait la possibilité d'être propriétaire de son véhicule ou de le louer auprès d'une autre société ; qu'en se bornant à invoquer l' ''interdépendance des contrats de location de véhicule et d'adhésion à la plateforme'', sans exposer en quoi cette interdépendance permettrait de caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L8221-6 du code du travail ;

8°/ que l'exécution d'un contrat de partenariat portant sur l'utilisation par un chauffeur VTC d'une application électronique de mise en relation avec des clients implique une possibilité pour la plateforme, qui est un intermédiaire de transport soumis aux dispositions du code des transports de s'assurer de la qualité de la prestation de transport effectuée par son intermédiaire ; que ne caractérise pas un pouvoir disciplinaire, la possibilité pour une plateforme numérique de rompre unilatéralement le contrat motivée par les seules évaluations de la clientèle en l'absence de tout ordre ou directive donnés et de tout contrôle opéré par la plateforme sur l'exécution des courses ; qu'en prétendant que la société Voxtur disposait d'un pouvoir de sanction à travers le système de notations opérées par les clients, la cour d'appel, qui n'a, par ailleurs, caractérisé aucun ordre, ni aucune directive donnés par la plateforme relativement aux prestations effectuées, ni aucun contrôle opéré par cette dernière sur ces prestations, a violé les articles L. 1221-1 et L8221-6 du code du travail, ensemble l'article L. 3120-3 du code des transports, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L8221-6 du code du travail :

6. Il résulte de ce texte que les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation aux registres que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail. L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre.

7. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.

8. Pour dire que M. [T] et la société Voxtur ont été liés par un contrat de travail, l'arrêt retient que le chauffeur n'avait pas le libre choix de son véhicule, qu'il y avait interdépendance entre les contrats de location et d'adhésion à la plateforme, que le GPS permettait à la société de localiser, en temps réel, chaque véhicule connecté, de manière à procéder à une répartition optimisée et efficace des courses, en termes de temps de prise en charge de la personne à transporter et de trajet à effectuer, et d'assurer ainsi un contrôle permanent de l'activité du chauffeur, que la société fixait le montant des courses qu'elle facturait au nom et pour le compte du chauffeur, et qu'elle modifiait unilatéralement le prix des courses, à la hausse ou à la baisse en fonction des horaires.

9. L'arrêt ajoute que la société disposait d'un pouvoir de sanction à l'égard du chauffeur, à travers le système de notation par les personnes transportées prévu à l'article 3 de son contrat d'adhésion.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'exercice d'un travail au sein d'un service organisé selon des conditions déterminées unilatéralement par la société Voxtur, sans constater que celle-ci avait adressé à M. [T] des directives sur les modalités d'exécution du travail, qu'elle disposait du pouvoir d'en contrôler le respect et d'en sanctionner l'inobservation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [Y] Yang-Ting

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir requalifié le contrat entre M. [T] et la société Voxtur en contrat de travail, et d'avoir condamné la société Voxtur à verser à M. [T] les sommes de 3.000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 100 € de dommages-intérêts pour procédure irrégulière, 2.659,18 € d'indemnité compensatrice de congés payés, 3.717,14 € d'indemnité compensatrice de préavis, 371,71 € au titre des congés payés afférents, 22.302,84 € de dommages-intérêts pour travail dissimulé et 900 € au titre des frais d'essence ;

AUX MOTIFS QUE Sur la demande de reconnaissance d'un contrat de travail L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle. Elément essentiel du contrat de travail le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. Il appartient à M. [T], qui revendique l'existence d'un contrat de travail alors qu'il 'a la qualité d'auto-entrepreneur, de renverser la présomption de non-salariat édictée par l'article L8221-6 du code du travail en démontrant qu'il fournissait directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui le plaçaient dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. Il résulte des pièces produites que : - le chauffeur n'avait pas le libre choix de son véhicule automobile. En effet, selon le préambule de son contrat de location, "Les appels entrants enregistrés par la plate-forme VOXTUR, émanant de personnes qui souhaitent une prestation haut de gamme, la société VOXTUR a décidé de ne contracter qu'avec des chauffeurs de voitures de transport, disposant d'un véhicule répondant à cette qualification. Au-delà et plus encore, dans un souci de cohérence, la société VOXTUR a considéré que l'usage, par tous les chauffeurs avec lesquels elle contracterait, d'un seul et unique modèle de véhicule, assurerait une visibilité à la marque LeCab, qui sera profitable à tous les intervenants. La société VOXTUR, à la date des présentes, a sélectionné le véhicule de la marque PEUGEOT, modèle 508, comportant les spécifications suivantes : - vitres filmées, - sièges en cuir, - couleur gris Haria. Le locataire ne disposant pas d'un véhicule de la marque et du modèle susvisés, nécessaire à exécuter les prestations à fournir, dans le cadre du contrat cité ci-dessus, la société VOXTUR lui a proposé de lui louer celui-ci" ; La société mettait à sa disposition un smartphone de type Samsung Galaxy S3 ou d'un modèle équivalent, auquel sont intégrés un GPS et un logiciel, et "un iPad 4G, destiné, uniquement, à l'usage dei personnes transportées, qui sera installé à l'arrière du véhicule et qui leur permettra d'accéder à des contenus d'informations, de piloter l'ambiance musicale à l'intérieur du véhicule et de noter la qualité de la prestation qui leur est fournie (...) Le matériel embarqué sera utilisé par le prestataire adhérent, pour ce qui concerne : - le matériel radio, dans sa fonction téléphone, que pour contacter les clients et les régulateurs. Si le téléphone devait être utilisé à des fins personnelles, les communications (y compris les SMS et les MMS) seront refacturées au prestataire adhérent, l'iPad 4G, pendant tout le temps de connexion, sachant qu'il devra être débranché et retiré de son emplacement habituel, pour être conservé dans un endroit sécurisé en dehors des périodes de connexion et surtout si le prestataire adhérent utilise le véhicule pour effectuer des courses, pour son propre compte." (Article 4 des conditions particulières au contrat d'adhésion au système informatisé Voxtur) ; - le GPS permettait à la société de "localiser, en temps réel, chaque véhicule connecté, de manière à procéder à un dispatche optimisé et efficace des courses, en termes de temps de prise en charge de la (les) personne(s) à transporter et de trajet à effectuer, pour le (les) chauffeur(s), pour assurer cette prise en charge" (article 4 précité) et d'assurer ainsi un contrôle permanent de l'activité du chauffeur ; la société déterminait le montant des courses qu'elle facturait au nom et pour le compte du chauffeur, les modalités de prélèvement de sa commission étant déterminées à l'article 6 du contrat d'adhésion. Elle adressait en outre, chaque fin de semaine, au chauffeur une facture correspondant à : "- 30 % du total des sommes qui auront été facturées aux personnes transportées, par le chauffeur, au cours de la semaine écoulée, pour les chauffeurs ayant adhéré à "l'offre de radio seule". Le pourcentage de cette commission pourra être amené à diminuer selon le nombre de points de courses obtenus, au cours de la semaine, par ledit adhérent, les diminutions susvisées étant définies en Annexe 4 du présent contrat, - 20 % du total des sommes qui auront été facturées aux personnes transportées, par le chauffeur, au cours de la semaine écoulée, pour les chauffeurs ayant adhéré à "I' offre fixe" sur un an, ou à "l'offre Flexi CA Max", quelle que soit la durée de souscription pour cette dernière (cf Annexe 1), - 30 % du total des sommes qui auront été facturées aux personnes transportées, par le chauffeur, au cours de la semaine écoulée, pour les chauffeurs ayant adhéré à "l'offre Flexi Dégressive", quelle que soit la durée de souscription pour cette dernière (cf Annexe 1). Pour ce qui concerne, spécifiquement, les courses dont les prix auront été majorés, par rapport au prix public, en application d'accords particuliers pris par la société VOXTUR avec des personnes physiques ou morales, celle-ci facturera au partenaire adhérent (...) 30 % du prix public et l'intégralité de la majoration, dans le cas de l'adhésion à "l'offre Flexi Dégressive" quelle que soit la durée de souscription pour cette dernière (cf Annexe 1). (article 6) ; la société modifiait unilatéralement le prix des courses, à la hausse ou à la baisse en fonction des horaires. Ainsi elle a envoyé un courriel à l'ensemble des chauffeurs à effet au 1" septembre 2015 indiquant : "25 % de chiffre d'affaires supplémentaires aux heures de pointe ! Dès le 1" septembre, LeCab met en place une amélioration significative du calcul du tarif des courses pour ses chauffeurs partenaires. Un coefficient de 1,25 sera désormais appliqué aux clients pour toute course réservée du lundi au vendredi de 7h30 à 9h30 et de 18h à 20h (...) La nuit, du dimanche au jeudi inclus, entre minuit et 5h, le coefficient appliqué est de 0,75 afin de booster la demande auprès d'une clientèle plus jeune et sur un créneau à fort potentiel où nous ne sommes pas compétitifs en raison du trafic très fluide" ; - l'interdépendance des contrats de location de véhicule et d'adhésion à la plate-forme, avec notamment la possibilité pour la société Voxtur de résilier le contrat d'adhésion au système informatisé "sans préavis et, à quelqu'époque que ce soit, dans l'un et/ou l'autre des cas stipulés aux articles 10 et 11 infra et aussi, dans l'hypothèse où la société VOXTUR constaterait la commission de tout acte et/ou action constituant une fraude à la loi, à un règlement, à une disposition contractuelle et/ou au fonctionnement normal et régulier du Système informatisé VOXTUR. En tout état de cause, et à quelque moment que cette résiliation intervienne, celle-ci entraînera, automatiquement, et à la même échéance, la résiliation du contrat de location du véhicule, celui-ci ne pouvant pas perdurer indépendamment du contrat de location du matériel" (article 9). - enfin, la société disposait d'un pouvoir de sanction à l'égard du chauffeur, à travers le système de notation prévu à l'article 3 de son contrat d'adhésion selon lequel une notation insuffisante selon les critères définis en annexe 3 pourra entraîner, à l'initiative de la société, la résiliation du contrat dès lors que la qualité des prestations du chauffeur ne sera pas conforme aux prescriptions figurant à cette annexe. Selon cette annexe, "La société VOXTUR au travers de sa marque LeCab jouit d'une image de qualité auprès de sa clientèle. Le reflet de cette qualité est donné par les personnes transportées, qui souhaitent le faire, de façon totalement indépendante de la fin de la prestation, par l'intermédiaire d'un système de notation allant de 1 à 5. Cette note est donnée sur l'iPad présent à bord du véhicule. A cet effet, et en vue de conserver le niveau de qualité des prestations de services réalisées par nos partenaires adhérents, la société VOXTUR considère que la moyenne qualitative de 4,5 représente la nonne minimale. La note moyenne constatée, au cours des douze derniers mois, sur l'ensemble des prestataires adhérents, étant supérieure à 4,5. Par ailleurs et au-delà de la moyenne constatée sur une période hebdomadaire, la société VOXTUR considérera que, durant la semaine d'activité précédant la transmission au prestataire adhérent des notes de sa prestation, attribuées par les personnes transportées, les cas suivants ne seront pas conformes aux critères qualitatifs de la société VOXTUR : - 2 notes ou plus inférieures ou égales à 3 par semaine et sur deux semaines consécutives - 3 notes inférieures ou égales à 4 par semaine sur deux semaines consécutives; Comme stipulé dans l'article 3, ces insuffisances quantitatives, selon les notes attribuées par les personnes transportées, pourront constituer une cause de résiliation du présent contrat par la société VOXTUR" ; L'ensemble de ces éléments établit que le chauffeur réalisait des prestations dans le cadre d'un service organisé et dans un lien de subordination constant à l'égard de la société Voxtur. Pour échapper à la requalification du contrat, cette dernière fait valoir l'absence de clause d'exclusivité, le chauffeur étant libre d'effectuer des courses pour son propre compte ou pour le compte d'une autre société ou personne physique, et la liberté de choisir ses horaires de travail, voire de choisir de ne pas travailler. Cependant, ces éléments ne sont pas, à eux seuls, exclusifs de la qualification d'un lien de subordination, étant au demeurant relevé que la liberté de choix des horaires est plus théorique que réelle, le chauffeur étant incité, pour réaliser des courses rapportant plus de points et réduire ainsi le montant de son loyer, à choisir certaines plages horaires (annexes aux deux contrats). La cour ordonne, par infirmation du jugement, la requalification du contrat de prestation de M. [T] en contrat de travail. [?] Sur la demande d'indemnité de congés payés Le salarié a réalisé un chiffre d'affaires global de 37 988,35 euros pendant toute la durée de la relation contractuelle, ce qui correspond à une rémunération mensuelle brute de 3 717,14 euros en retenant ses charges à hauteur de 30 % et les seules semaines travaillées. Conformément à sa demande, il peut prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 10 % de la rémunération perçue, soit 2 659,18 euros. Sur la rupture du contrat de travail. La société Voxtur a résilié le contrat d'adhésion du chauffeur sans mettre en oeuvre de procédure de licenciement et sans motif valable. Cette rupture doit être analysée en un licenciement, nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Compte tenu de son ancienneté, le salarié peut prétendre à une indemnité réparant le préjudice subi du fait de la rupture. En l'absence de justificatif de sa situation personnelle, son préjudice sera suffisamment réparé par l'octroi de la somme de 3 000 euros. Le préjudice résultant de l'inobservation de la procédure de licenciement sera réparé par l'octroi de 100 euros. Le salarié est également fondé à solliciter une indemnité compensatrice de préavis à hauteur d'un mois de salaire, soit la somme de 3 717,14 euros, outre celle de 371,71 euros au titre des congés payés afférents. Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé Conformément à l'article L8221-6 du code du travail, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L8221-5 . L'organisation mise en oeuvre par la société Voxtur a pour finalité de créer artificiellement une apparence de collaboration entre une entreprise prestataire de service et un travailleur déclaré auto-entrepreneur mais qui travaille en réalité dans un lien de subordination. L'intention de la société d'échapper délibérément à ses obligations légales d'employeur est manifeste et justifie sa condamnation au paiement d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire en vertu de l'article L8223-1 du code du travail, soit la somme de 22 302,84 euros. Faute pour le salarié de justifier d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'indemnité forfaitaire, cette demande sera rejetée. [?] Sur le remboursement des frais d'essence. Compte tenu de la durée de la relation contractuelle, du prix du carburant et du modèle de véhicule, la cour lui alloue la somme de 900 euros à ce titre. Sur les autres demandes La société Voxtur devra remettre à M. [T] ses bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt » ;

1. ALORS QU'il résulte de l'article L8221-6 du code du travail que la présomption de non-salariat pour l'exécution d'une activité donnant lieu à une immatriculation au répertoire des métiers n'est écartée que lorsqu'il est établi que la personne immatriculée fournit des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui la placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé ne peut constituer un indice du lien de subordination que lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; que l'existence d'un service organisé ne saurait dès lors constituer un indice d'un lien de subordination juridique entre une plateforme de mise en relation avec une clientèle et un chauffeur VTC lorsque, d'une part, le chauffeur n'a aucune obligation d'utiliser l'application et reste libre de choisir ses jours et heures d'activité, que, d'autre part, le chauffeur peut se déconnecter quand il le souhaite, que, de troisième part, le chauffeur est libre d'effectuer des courses pour son propre compte ou pour le compte de toute autre autre personne physique ou morale, que, de quatrième part, l'organisation des courses attribuées par la plateforme relève du libre choix du chauffeur sauf à requérir une indication de la part du client et, enfin, que chauffeur peut sous-traiter les courses à d'autres personnes sous réserve de justifier que ces dernières remplissent les conditions exigées par la réglementation pour exercer la profession de chauffeur VTC ; qu'en se bornant à énoncer, pour requalifier le contrat entre la société Voxtur et le chauffeur en contrat de travail, que « le chauffeur réalisait des prestations dans le cadre d'un service organisé », sans établir la détermination unilatérale par des conditions d'exécution du travail par la société Voxtur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

2. ALORS QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le seul fait pour une plateforme de mise en relation entre une clientèle et un chauffeur VTC de définir, dans le contrat le liant au chauffeur, le type de véhicule et de déterminer unilatéralement le prix des prestations de transport réalisées par son intermédiaire, ne saurait caractériser un lien de subordination juridique dès lors que le chauffeur reste libre d'utiliser ou non les services de la plateforme et de choisir ses jours et heures d'activité, qu'il peut se déconnecter quand il le souhaite et peut effectuer des courses pour son propre compte ou pour le compte de toute autre personne physique ou morale, qu'il est totalement libre d'organiser comme il l'entend les courses qu'il effectue par l'intermédiaire de la plateforme et que chauffeur peut sous-traiter des courses à d'autres personnes sous réserve de justifier que ces dernières remplissent les conditions exigées par la réglementation pour exercer la profession de chauffeur VTC ; qu'au cas présent, le contrat d'adhésion au système informatisé stipulait que « le prestataire adhérent est libre de décider de ses jours et heures d'activité et de ses jours de repos », que « les courses sont attribuées, automatiquement au(x) prestataire(s) adhérent(s) connecté(s), qui affiche(nt) sur son(leur) matériel embarqué le statut « en attente de course » et « la connexion peut être interrompue, par le prestataire adhérent qui se met alors en « pause » » ; que le contrat précisait également que « l'organisation de la course (itinéraire) est laissée au libre choix du prestataire adhérent, sauf pour lui à requérir, à ce sujet, une indication de la/des personne(s) transportée(s) » ; que le contrat stipulait encore qu'« un prestataire adhérent, entre deux connexions, peut librement réaliser des courses, pour son compte et/ou pour le compte de toute personne physique ou morale, quel que soit le statut de celui-ci (celle-ci) » ; que le contrat précisait, enfin, que le chauffeur pourra sous-traiter les courses affectées par l'application sous réserve d'en informer la société Voxtur et que le sous-traitant utilisant le véhicule et l'application remplisse les conditions pour exercer la profession de chauffeur VTC ; qu'en jugeant néanmoins que le chauffeur réalisait des prestations « dans un lien de subordination constant à l'égard de la société Voxtur » sans caractériser une quelconque obligation pour le chauffeur de se tenir à la disposition de la plateforme pour effectuer des courses, ni le moindre ordre ou la moindre directive reçus par la chauffeur relativement aux modalités de réalisation des courses effectuées par l'intermédiaire de la plateforme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L7341-1 et L8221-6 du code du travail ;

3. ALORS QUE le système de géolocalisation inhérent au fonctionnement d'une plateforme numérique de mise en relation de chauffeurs VTC avec des clients potentiels ne caractérise pas un lien de subordination juridique des chauffeurs à l'égard de la plateforme dès lors que ce système n'a pas pour objet de contrôler l'activité des chauffeur, et n'est utilisé que pour contacter le chauffeur connecté le mieux situé pour répondre à la demande du client ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de la cour d'appel que, selon les termes du contrat, l'installation mise à la disposition du chauffeur permet à la société Voxtur « de localiser, en temps réel, chaque véhicule connecté, de manière à procéder à un dispatche optimisé et efficace des courses, en termes de temps de prise en charge de la(les) personne(s) à transporter et de trajet à effectuer, pour le(les) chauffeurs, pour assurer cette prise en charge » ; qu'il résulte de ces constatations que le GPS ne permet de localiser le chauffeur que lorsqu'il est connecté à l'application et a pour objet de permettre l'attribution au chauffeur le plus proche du client ; qu'en énonçant que le GPS permet à la société Voxtur « d'assurer ainsi un contrôle permanent de l'activité du chauffeur », la cour d'appel a méconnu les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 1221-1 et L8221-6 du code du travail ;

4. ALORS QUE le juge tenu de motiver sa décision ne peut statuer par voie d'affirmation et doit indiquer les éléments de preuve sur lesquels il fonde ses constatations factuelles ; qu'en affirmant que le GPS permet à la société Voxtur « d'assurer ainsi un contrôle permanent de l'activité du chauffeur », sans indiquer le moindre élément de nature à établir que ce système aurait été utilisé à d'autres fins que la localisation des chauffeurs connectés pour permettre une attribution optimale des courses, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. ALORS QUE n'est pas incompatible avec la qualification de travailleur indépendant, le fait pour un prestataire de services de conclure un contrat d'adhésion déterminant à l'avance certaines modalités des prestations à accomplir ; que la détermination par une plateforme de mise en relation par voie électronique du prix des prestations de services fournies par son intermédiaire ne saurait caractériser un indice de l'existence d'un contrat de travail ; qu'en se fondant sur la détermination par le contrat du modèle de véhicule utilisé, sur la détermination par la plateforme du montant des courses qu'elle facturait pour le compte du chauffeur et sur la modification unilatérale du prix des courses par la plateforme en fonction des horaires, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à caractériser un lien de subordination et a violé les articles L. 1221-1 et L7341-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1135 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

6. ALORS QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle ; qu'au cas présent, la société Voxtur faisait valoir, d'une part, que les tarifs qu'elle pratiquait étaient supérieurs en moyenne de 25 % à ceux pratiqués par la concurrence et n'avaient jamais donné lieu à une quelconque contestation de la part des chauffeurs adhérents et, d'autre part, que ceux-ci disposaient d'une liberté totale d'effectuer des courses pour leur propre compte ou pour le compte de tout autre personne ; qu'en affirmant que la liberté de choix horaire aurait été plus théorique que réelle dès lors que les prix des courses auraient été de nature à inciter à choisir certaines plages horaires, sans prendre en compte ces éléments déterminants et sans relever le moindre élément relatif à l'exécution de la relation contractuelle de nature à démontrer que M. [T] aurait été contraint d'utiliser l'application et/ou de se tenir à la disposition de la société Voxtur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L7341-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1135 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

7. ALORS QU'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, si le type de véhicule utilisé était stipulé par le contrat d'adhésion au système informatique, ce contrat prévoyait expressément que la location du véhicule auprès de la société Voxtur était une simple faculté pour le chauffeur qui avait la possibilité d'être propriétaire de son véhicule ou de le louer auprès d'une autre société ; qu'en se bornant à invoquer l' « interdépendance des contrats de location de véhicule et d'adhésion à la plateforme », sans exposer en quoi cette interdépendance permettrait de caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L8221-6 du code du travail ;

8. ALORS QUE l'exécution d'un contrat de partenariat portant sur l'utilisation par un chauffeur VTC d'une application électronique de mise en relation avec des clients implique une possibilité pour la plateforme, qui est un intermédiaire de transport soumis aux dispositions du code des transports de s'assurer de la qualité de la prestation de transport effectuée par son intermédiaire ; que ne caractérise pas un pouvoir disciplinaire, la possibilité pour une plateforme numérique de rompre unilatéralement le contrat motivée par les seules évaluations de la clientèle en l'absence de tout ordre ou directive donnés et de tout contrôle opéré par la plateforme sur l'exécution des courses ; qu'en prétendant que la société Voxtur disposait d'un pouvoir de sanction à travers le système de notations opérées par les clients, la cour d'appel, qui n'a, par ailleurs, caractérisé aucun ordre, ni aucune directive donnés par la plateforme relativement aux prestations effectuées, ni aucun contrôle opéré par cette dernière sur ces prestations, a violé les articles L. 1221-1 et L8221-6 du code du travail, ensemble l'article L. 3120-3 du code des transports, dans sa rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Voxtur à verser à M. [T] la somme de 22.302,84 € de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « Conformément à l'article L8221-6 du code du travail, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L8221-5 . L'organisation mise en oeuvre par la société Voxtur a pour finalité de créer artificiellement une apparence de collaboration entre une entreprise prestataire de service et un travailleur déclaré auto-entrepreneur mais qui travaille en réalité dans un lien de subordination. L'intention de la société d'échapper délibérément à ses obligations légales d'employeur est manifeste et justifie sa condamnation au paiement d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire en vertu de l'article L8223-1 du code du travail, soit la somme de 22 302,84 euros. Faute pour le salarié de justifier d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'indemnité forfaitaire, cette demande sera rejetée » ;

1. ALORS QU'en vertu de l'article L8221-6 du Code du travail, le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisé que lorsque l'employeur s'est soustrait à l'accomplissement des formalités prévus aux articles L8221-5 du code du travail de manière intentionnelle ; que le fait de recourir de manière erronée à une qualification autre que celle de contrat de travail ne saurait dès lors caractériser, à lui seul, l'existence d'un travail dissimulé ; qu'il incombe donc aux juges du fond de motiver leur décision par des éléments de fait susceptibles de caractériser une intention frauduleuse de l'employeur ; qu'au cas présent, le contrat d'adhésion au système informatisé stipulait que « le prestataire adhérent est libre de décider de ses jours et heures d'activité et de ses jours de repos », que « les courses sont attribuées, automatiquement au(x) prestataire(s) adhérent(s) connecté(s), qui affiche(nt) sur son(leur) matériel embarqué le statut « en attente de course » et « la connexion peut être interrompue, par le prestataire adhérent qui se met alors en « pause » » ; que le contrat précisait également que « l'organisation de la course (itinéraire) est laissée au libre choix du prestataire adhérent, sauf pour lui à requérir, à ce sujet, une indication de la/des personne(s) transportée(s) » ; que le contrat stipulait encore qu' « un prestataire adhérent, entre deux connexions, peut librement réaliser des courses, pour son compte et/ou pour le compte de toute personne physique ou morale, quel que soit le statut de celui-ci (celle-ci) » ; que le contrat précisait, enfin, que le chauffeur pourra sous-traiter les courses affectées par l'application sous réserve d'en informer la société Voxtur et que le chauffeur utilisant le véhicule et l'application remplisse les conditions pour exercer la profession de chauffeur VTC ; qu'en se bornant à procéder par voie de pure affirmation, pour énoncer que « l'organisation mise en oeuvre par la société Voxtur a pour finalité de créer artificiellement une apparence de collaboration entre une entreprise prestataire de service et un travailleur déclaré auto-entrepreneur mais qui travaille en réalité dans un lien de subordination » et que « l'intention de la société d'échapper délibérément à ses obligations légales d'employeur est manifeste », sans relever le moindre élément de nature à écarter l'effectivité des stipulations contractuelles relatives à la liberté du chauffeur de choisir ses horaires et jours de travail, la liberté de se déconnecter quand il le souhaite, la liberté d'effectuer des courses pour son propre compte ou pour le compte de toute autre personne, la liberté d'organiser librement les courses qui lui sont attribuées et la possibilité de sous-traiter les courses, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;

2. ALORS QUE la Cour de justice de l'Union européenne juge que : « La directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à ce qu'une personne engagée par son employeur présumé sur le fondement d'un accord de services précisant qu'elle est entrepreneure indépendante soit qualifiée de « travailleur » au sens de cette directive, lorsqu'elle dispose des facultés :
- de recourir à des sous-traitants ou à des remplaçants pour effectuer le service qu'elle s'est engagée à fournir ;
- d'accepter ou de ne pas accepter les différentes tâches offertes par son employeur présumé, ou d'en fixer unilatéralement un nombre maximal ;
- de fournir ses services à tout tiers, y compris à des concurrents directs de l'employeur présumé, et
- de fixer ses propres heures de « travail » dans le cadre de certains paramètres, ainsi que d'organiser son temps pour s'adapter à sa convenance personnelle plutôt qu'aux seuls intérêts de l'employeur présumé, dès lors que, d'une part, l'indépendance de cette personne n'apparaît pas fictive et, d'autre part, il n'est pas permis d'établir l'existence d'un lien de subordination entre ladite personne et son employeur présumé » (CJUE, ord. 22 avril 2020, aff. C-692/19) ; ; qu'il en résulte que ne constitue pas une dissimulation d'emploi salarié, le fait pour une plateforme numérique de n'avoir pas qualifié de contrat de travail le contrat la liant à un chauffeur, lorsque que ce dernier reste libre d'utiliser ou non les services de la plateforme et de choisir ses jours et heures d'activité, qu'il peut se déconnecter quand il le souhaite et peut effectuer des courses pour son propre compte ou pour le compte de toute autre personne physique ou morale, qu'il est totalement libre d'organiser comme il l'entend les courses qu'il effectue par l'intermédiaire de la plateforme et que chauffeur peut sous-traiter des courses à d'autres personnes sous réserve de justifier que ces dernières remplissent les conditions exigées par la réglementation pour exercer la profession de chauffeur VTC ; qu'en se bornant à affirmer que « l'organisation mise en oeuvre par la société Voxtur a pour finalité de créer artificiellement une apparence de collaboration entre une entreprise prestataire de service et un travailleur déclaré auto-entrepreneur mais qui travaille en réalité dans un lien de subordination » et que « l'intention de la société d'échapper délibérément à ses obligations légales d'employeur est manifeste », sans relever le moindre élément de nature à écarter la liberté du chauffeur de choisir ses horaires et jours de travail, la liberté de se déconnecter quand il le souhaite, la liberté d'effectuer des courses pour son propre compte ou pour le compte de toute autre personne, la liberté d'organiser librement les courses qui lui sont attribuées et la possibilité de sous-traiter les courses, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L8221-6 du code du travail ;

3. ALORS QUE la recours à un contrat inapproprié est d'autant moins susceptible de caractériser une dissimulation d'emploi intentionnelle lorsqu'il existe, à l'époque des faits litigieux un important débat juridique quant à la qualification à donner à un certain type de contrat, que cette qualification donnait lieu à des jurisprudences divergentes de la part des juridictions de fond et que la Cour de cassation n'avait rendu aucune décision sur la question ; qu'en se bornant à procéder par voie de pure affirmation, pour énoncer que « l'organisation mise en oeuvre par la société Voxtur a pour finalité de créer artificiellement une apparence de collaboration entre une entreprise prestataire de service et un travailleur déclaré auto-entrepreneur mais qui travaille en réalité dans un lien de subordination » et que « l'intention de la société d'échapper délibérément à ses obligations légales d'employeur est manifeste », sans exposer en quoi la qualification de travailleur indépendant aurait été artificielle au regard de la législation applicable et de la jurisprudence de la Cour de cassation à la date des faits, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L8221-6 du code du travail.