Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 juin 2021, 19-22.823, Inédit

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Résumé

Apport de la jurisprudence : Licenciement disciplinaire / Indemnité compensatrice de préavis / Disposition conventionnelle / Contrat de travail / Faute grave

Le licenciement pour faute grave prive le salarié du bénéfice de l'indemnité de préavis, sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables. Toutefois, la clause de contrat de travail qui prévoit un préavis de 6 mois en cas de licenciement, sans établir de distinction selon le motif de la rupture, ne constitue pas une disposition plus favorable de nature à permettre l’octroi d’une indemnité compensatrice de préavis en cas de faute grave.

Cass. soc. 23 juin 2021 n°19-22.823

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 juin 2021




Rejet


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 791 F-D

Pourvoi n° A 19-22.823




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 JUIN 2021

M. [Y] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 19-22.823 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant à l'association Fernand Prevost, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [L], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Fernand Prevost, après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 septembre 2018), M. [L] a été engagé par l'association Fernand Prevost, à compter du 1er octobre 2005, en qualité de directeur d'un foyer éducatif.

2. Par lettre du 2 juillet 2013, le salarié a été licencié pour faute grave.

3. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, alors
« que la faute grave n'est privative des indemnités de préavis que dans la mesure où le contrat de travail liant les parties ne contient pas de dispositions plus favorables au salarié ; que pour débouter le salarié de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt retient qu'aucune disposition dérogatoire spécifique n'est prévue, ni par le contrat de travail, ni par la convention collective applicable, à celle générale de l'article L1234-5 du code du travail selon laquelle le préavis est dû par l'employeur sauf en cas de faute grave ; qu'en statuant ainsi, quand le contrat de travail prévoyait un préavis de six mois en cas de licenciement, sans établir de distinction selon le motif, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat et violé l'article 1134 du code civil dans sa version alors en vigueur. »

Réponse de la Cour

6. Sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables, l'existence d'une faute grave justifiant le licenciement prive le salarié du bénéfice de l'indemnité de préavis.

7. La cour d'appel a constaté que le contrat de travail du salarié prévoyait un préavis de 6 mois en cas de licenciement, sans établir de distinction selon le motif de la rupture.

8. Elle en a exactement déduit qu'une telle stipulation ne constitue pas une disposition plus favorable en ce qui concerne le bénéfice de l'indemnité de préavis en cas de licenciement justifié par une faute grave.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [L]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une faute grave, d'AVOIR débouté en conséquence le salarié de sa demande tendant à voire dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de l'AVOIR débouté de ses demandes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, de paiement de la mise à pied du 7 juin 2013 au 3 juillet 2013 et des congés payés afférents, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS QU'il ressort de l'ensemble des pièces produites aux débats, que si effectivement M. [L] a poursuivi l'organisation de soirées avec l'association Sista Team, malgré la décision du conseil d'administration qui avait décidé de l'arrêt des locations à des tiers pour les soirées, en raison des plaintes du voisinage, il n'a pas été mis fin à cette pratique au cours de l'année 2013, ce que le président de l'association ne pouvait ignorer puisqu'il ne conteste pas l'organisation des soirées programmées au cours de cette même année ; que toutefois, le grief de l'employeur porte sur l'organisation de ces deux soirées à l'insu du président de l'association, à un tarif distinct de celui fixé par le conseil d'administration et appliqué pour les réservations de l'année 2013 (tarif produit aux débats), avec le recours à Mme [L], épouse du salarié, en qualité de traiteur indépendant alors que précédemment le conseil d'administration au cours de sa réunion du 11 février 2012 à laquelle M. [L] assistait en qualité de directeur, énonçait au terme de la résolution numéro 7 : ... "L'A.G décide de charger le directeur et M. [E] d'élaborer, pour le conseil d'administration du 10 mars 2012, un projet de convention de partenariat ouvert sur plusieurs traiteurs, de sorte que lorsqu'un client ne choisit pas l'un des traiteurs agréés, il paie un tarif majoré pour la location de la salle. Les tarifs seront dorénavant présentés et approuvés en conseil d'administration ou en assemblée."... ; qu'il en ressort que le conseil d'administration, avant de suspendre jusqu'à nouvel ordre les locations de salles en raison des troubles de voisinage le 12 mai 2012, avait décidé de soumettre le recours à un traiteur à la concurrence, afin de répondre à la demande du commissaire aux comptes qui avait relevé : l'absence de grille tarifaire soumise à l'accord préalable du conseil d'administration, une pratique de tarifs, par le directeur, variant selon la présence ou non d'un traiteur, ainsi qu'une pratique de partenariat de fait avec une entreprise traiteur (pour contribuer à garantir la sécurité du lieu et du matériel), ce traiteur étant l'auto-entreprise de l'épouse du directeur ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments avérés par les pièces produites aux débats, que M. [L] a passé outre ces consignes et avertissements dont il avait parfaitement connaissance, peu important par ailleurs, que Mme [L] soit intervenue à titre "gratuit" ainsi que le soutient la présidente de l'association Sista Team lors des deux soirées du 1er et 31 décembre 2012, dans la mesure où l'association dépend des subventions du conseil général des Yvelines et qu'il importe que le directeur de la structure ne se trouve pas en situation de conflit d'intérêt ; que la faute grave, qui rend impossible la poursuite du contrat de travail est donc constituée, et la mise à pied immédiate justifiée par la perte de confiance engendrée par le comportement de M. [L] qui n'a pas informé spontanément le président de l'association de ces deux soirées, alors selon lui qu'elles ne présentaient aucun caractère anormal.

ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel, le salarié faisait valoir, preuves à l'appui, que la mise à profit des compétences des familles des dirigeants était habituelle au sein de l'association ; qu'il ajoutait que ni le conseil général, ni le commissaire aux comptes ne lui avaient jamais fait le moindre reproche quant à la gestion de l'association ; qu'en se bornant à retenir que le salarié avait outrepassé les consignes en organisant deux soirées avec le concours de son épouse, sans répondre à ce moyen déterminant de ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

2° ALORS, en outre, QU'il incombe au juge de rechercher, au-delà des motifs allégués par l'employeur, la véritable cause du licenciement ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si le salarié n'avait pas été victime d'un règlement de compte personnel du président de l'association, la cour d'appel a méconnu son office en violation des articles L. 1232-1, L. 1233-2 et L1235-1 du code du travail.

3° ALORS, en tout cas, QUE la faute grave doit être appréciée in concreto en tenant compte de l'ancienneté du salarié et de l'existence ou non de reproches antérieurs ; qu'en se bornant à énoncer que la faute grave était constituée, sans apprécier la gravité des faits, comme le salarié l'y invitait, à la lumière de son ancienneté de 8 ans, de son absence de sanction antérieure et de ses qualités professionnelles unanimement reconnues, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1234-1, L1234-5 et L1234-9 du code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION subsidiaire

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis.

AUX MOTIFS QUE M. [L] soutient que son contrat de travail prévoit un préavis de six mois en cas de licenciement, peu important sa cause ; que dès lors, même en cas de faute grave, il sollicite la condamnation de l'association Fernand Prévost à lui verser une indemnité compensatrice de préavis correspondant à six mois de salaire (logement de fonction inclus) ; que l'association s'oppose à cette thèse et soutient que le contrat de travail ne mentionne pas le droit à un préavis "quelque soit la cause du licenciement" ainsi que le soutient M. [L] ; que dès lors, le droit commun doit s'appliquer et impose le rejet de cette demande en cas de licenciement pour faute grave ; que le contrat de travail de M. [L] comporte un paragraphe intitulé : "Délai - Congé" rédigé comme suit : * Démission : 3 mois * Licenciement : 6 mois"... ; qu'il renvoie également à la convention collective nationale du 15 mars 1966 ; qu'aucune disposition dérogatoire spécifique n'est prévue, ni par le contrat de travail, ni par la convention collective applicable, à celle générale de l'article L1234-5 du code du travail selon laquelle le préavis est dû par l'employeur sauf en cas de faute grave.

ALORS QUE la faute grave n'est privative des indemnités de préavis que dans la mesure où le contrat de travail liant les parties ne contient pas de dispositions plus favorables au salarié ; que pour débouter le salarié de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt retient qu'aucune disposition dérogatoire spécifique n'est prévue, ni par le contrat de travail, ni par la convention collective applicable, à celle générale de l'article L1234-5 du code du travail selon laquelle le préavis est dû par l'employeur sauf en cas de faute grave ; qu'en statuant ainsi, quand le contrat de travail prévoyait un préavis de six mois en cas de licenciement, sans établir de distinction selon le motif, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat et violé l'article 1134 du code civil dans sa version alors en vigueur.