Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 juillet 2021, 19-25.468, Inédit

Ref:UAAAKBU2

Résumé

Apport de la jurisprudence : Référé / Procédure / Réintégration / Licenciement

La décision de référé ordonnant la réintégration d'un salarié licencié est dépourvue de l'autorité de chose jugée. Dès lors, la validation ultérieure du licenciement par une décision au fond autorise l'employeur à mettre fin aux fonctions du salarié sans nouvelle procédure de licenciement.

Cass soc, 7 juillet 2021, 19-25.468, Inédit

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juillet 2021




Cassation partielle sans renvoi


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 900 F-D

Pourvoi n° A 19-25.468




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUILLET 2021

M. [U] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 19-25.468 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Val d'Europe Airports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Val d'Europe Airports a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [W], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Val d'Europe Airports, après débats en l'audience publique du 27 mai 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2019), M. [W] a été engagé à partir du 7 avril 2002 en qualité de conducteur-receveur par la société Val d'Europe Airports (VEA).

2. Le 3 juillet 2008, un mouvement de cessation du travail auquel a participé M. [W] a été déclenché.

3. Saisi par la société, le président du tribunal de grande instance statuant en référé, a décidé le 7 juillet 2008 qu'en l'absence de respect des dispositions particulières de l'article L2512-2 du code du travail prévoyant un préavis de cinq jours francs, le mouvement était illicite. Par arrêt rendu le 2 juillet 2009, la cour d'appel a infirmé la décision rendue par le président du tribunal de grande instance et déclaré irrecevable la demande de la société.

4. Par lettre du 8 juillet 2008, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement fixé au 21 juillet suivant. Il a ensuite été licencié pour faute lourde le 24 juillet 2008.

5. Le 18 septembre 2009, la société a saisi au fond la juridiction prud'homale pour demander de juger que le mouvement du 3 juillet 2008 était illicite, que la participation du salarié à ce mouvement était constitutive d'une faute lourde, que le licenciement prononcé le 24 juillet 2008 était fondé et qu'il n'y avait pas lieu à réintégration.

6. Le 27 juillet 2010, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en sa formation de référé d'une demande d'annulation de son licenciement, de réintégration sous astreinte et de paiement des salaires subséquents. Par ordonnance du 3 septembre 2010, la formation de référé de la juridiction prud'homale a invité le salarié à mieux se pourvoir. Par un arrêt du 19 mai 2011, statuant sur l'appel formé par le salarié à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 3 septembre 2010, la cour d'appel a ordonné la réintégration sous astreinte du salarié et condamné la société à lui verser certaines sommes à titre de rappel de salaires depuis son éviction outre les congés payés afférents. Le salarié a réintégré la société le 19 juin 2011. Par un arrêt du 15 octobre 2013 (Soc., 15 octobre 2013, pourvoi n° 11-18.977, Bull. 2013, V, n° 232), la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 19 mai 2011.

7. Le salarié a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 28 mars 2012 par lettre du 5 mars 2012 et licencié pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception datée du 3 avril 2012.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, sauf en ce qu'il fait grief à l'arrêt de limiter à certaines sommes les montants de l'indemnité compensatrice et des congés payés afférents qui lui étaient dus en conséquence de son licenciement du 3 avril 2012 et de le débouter de sa demande d'indemnité de licenciement au titre de ce dernier licenciement, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

9. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement prononcé le 3 avril 2012 à l'encontre du salarié ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, de la condamner à verser au salarié certaines sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la réintégration d'un salarié en exécution d'une décision judiciaire n'a pas eu pour effet de créer de nouvelles relations contractuelles entre les parties ; que si cette décision de justice est ultérieurement remise en cause et le licenciement prononcé jugé valable, le second licenciement notifié au salarié entre-temps à la suite de la réintégration est réputé n'être jamais intervenu ; qu'en l'espèce, M. [W] ayant été licencié par la société VEA le 24 juillet 2008, sa réintégration dans l'entreprise avait été ordonnée en référé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 mai 2011, avant que cet arrêt soit cassé en toutes ses dispositions le 15 octobre 2013 par la cour de cassation et que la cour d'appel de Versailles, statuant comme juridiction de renvoi par décision du 29 octobre 2015, rejette les demandes de M. [W] et notamment sa demande de réintégration ; que la cour d'appel ayant jugé valable le licenciement prononcé le 24 juillet 2008, le contrat avait été rompu à cette date et le deuxième licenciement prononcé par la société VEA le 3 avril 2012 était réputé n'être jamais intervenu ; qu'en jugeant pourtant qu'une nouvelle relation de travail avait été nouée entre les parties lorsque M. [W] avait réintégré l'entreprise en juin 2011, même si ce second contrat était né de la décision judiciaire ayant ordonné cette réintégration, et en examinant le bien fondé du licenciement postérieur prononcé le 3 avril 2012, la cour d'appel a violé l'article L1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 488 du code de procédure civile et 1355 du code civil :

10. Il résulte de ces textes que la décision de référé ordonnant la réintégration d'un salarié licencié est dépourvue de l'autorité de chose jugée. Dès lors, la validation ultérieure du licenciement par une décision au fond autorise l'employeur à mettre fin aux fonctions du salarié sans nouvelle procédure de licenciement.

11. La cour d'appel, pour condamner la société à verser au salarié certaines sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse pour le licenciement intervenu le 3 avril 2012, a retenu qu'une nouvelle relation de travail avait été nouée entre les parties lorsque le salarié avait réintégré l'entreprise en juin 2011.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que le licenciement du salarié intervenu le 24 juillet 2008 en raison de sa participation à un mouvement illicite qui ne pouvait être qualifié de grève le 3 juillet 2008 n'était pas nul, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation prononcée sur le moyen du pourvoi incident rend sans objet le moyen du pourvoi principal en ce qu'il fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme le montant de l'indemnité compensatrice et congés payés afférents qui lui étaient dus en conséquence de son licenciement du 3 avril 2012 et de le débouter de sa demande d'indemnité de licenciement au titre de ce licenciement.

14. La cassation prononcée s'étend par voie de conséquence à la condamnation de la société à verser une somme au salarié en application de l'article 700 du code de procédure civile.

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal formé par M. [W] ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement prononcé le 3 avril 2012 à l'encontre du salarié ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu'il condamne la société à verser au salarié les sommes de 2 180,23 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 218,02 euros bruts au titre des congés payés afférents, de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette les demandes du salarié au titre du licenciement intervenu le 3 avril 2012 ;

Condamne M. [W] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [W] et la société Val d'Europe Airports tant devant les juridictions du fond que devant la Cour de cassation ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour M. [W] demandeur au pourvoi principal


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a considéré que le mouvement du 3 juillet 2008 était illicite et non assimilable à un mouvement de grève et, infirmant le jugement pour le surplus, d'avoir dit que le licenciement prononcé le 24 juillet 2008 à l'encontre de Monsieur [W] n'était pas nul, mais reposait sur une faute grave, d'avoir en conséquence débouté Monsieur [W] de sa demande de rappel de salaire pour la période allant de ce licenciement jusqu'à sa réintégration effective et de l'avoir condamné à payer à la société VEA la somme de 800 euros au titre du solde dû sur les salaires qui auraient été indûment perçus par lui à la suite de l'arrêt rendu le 19 mai 2011 par la cour d'appel de Paris; et d'avoir en conséquence de ce licenciement, limité à la somme de 2 180,23 euros et 218,02 euros le montant de l'indemnité compensatrice et congés payés y afférents qui lui étaient due en conséquence de son licenciement du 3 avril 2012 et de l'avoir débouté de sa demande d'indemnité de licenciement au titre de ce dernier licenciement ;

Aux motifs qu'aux termes des dispositions de l'article L2511-1 du code du travail, l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié, et tout licenciement prononcé en l'absence de faute lourde est nul de plein droit; que la grève se définit comme une cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer les revendications professionnelles qui doivent avoir été présentées àl'employeur préalablement à son exercice; que l'arrêt du travail qui ne correspond à aucune revendication professionnelle est illicite -6-et n'ouvre pas droit au salarié y participant à la protection édictée par l'article L2511-1 ; qu'en l'espèce, s'il est établi que le 3 juillet 2008, un arrêt de travail collectif et concerté est intervenu au sein de l'entreprise à la suite d'une procédure disciplinaire engagée à l'encontre d'un salarié à propos d'un problème de rendu de caisse, aucune des pièces produites ne permet de retenir que cette cessation s'appuyait sur des revendications professionnelles préalablement portées à la connaissance de l'employeur ; qu'en effet, la pièce 32 invoquée par le salarié établit que c'est seulement le 9 juillet 2008 que deux organisations syndicales ont notifié à l'employeur des « points posant problème»et que les différentes revendications listées dans ce document ont été remises àl'entreprise le 18 juillet en vue d'une cessation du travail prévue le 25 juillet 2008, soit postérieurement au 3 juillet 2008 ; que le mouvement intervenu ne peut donc être qualifié de grève et était illicite ; que, en conséquence, M. [W] sera débouté de sa demande de nullité du licenciement qui lui a été notifié le 24 juillet 2008 ainsi que de sa demande en paiement des salaires et congés payés afférents courus entre le mois d'août 2008 et sa réintégration et de la demande indemnitaire pour nullité du licenciement; que la réintégration n'étant pas ordonnée, la demande en paiement du salaire retenu jusqu'à la reprise effective du travail en juin 2011 n'est pas justifiée et M. [W] sera débouté de sa demande à ce titre ; que la société VEA demande à la cour d'ordonner le remboursement par M [W] de la somme de 64.634,61 ? qu'elle lui avait versée suite à l'arrêt rendu le 19 mai 2011 parla cour d'appel l'ayant condamnée au paiement de la somme de 84.497,91? bruts au titre des salaires dûs depuis son éviction de l'entreprise outre 8.049,79 ? bruts au titre des congés payés afférents ; qu'il est justifié du paiement au compte CARPA du conseil de M. [W] d'une somme de 65.634,61 ? correspondant au montant net des salaires alloués à titre provisionnel par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 19 mai 2011 (64.634,61 ?) outre 1.000 ? au titre des frais irrépétibles alloués par la décision (pièce 40 salarié) ; qu'il est également établi que M. [W] a remboursé les sommes de 52.933,12 ? et de10.901,49 ? (pièces 37 et 39 salarié) en sorte que le solde dû s'élève à 800 ?, la différence de 182,55 ? apparaissant dans le courrier de l'huissier mandaté par la société(pièce 39) n'étant pas justifiée ; que, par conséquent, il sera ordonné le remboursement par M. [W] à la société VEA de la somme de 800 ?;[...] que s'agissant du blocage des véhicules conduits par des chauffeurs qui ne participaient pas au mouvement de cessation de travail, la société VEA verse aux débats deux constats dressés le 4 et 5 juillet 2008 ; que le 4 juillet, l'huissier instrumentaire a relevé qu'un groupe de 13 personnes avaient donné ordre à 7h50 au chauffeur d'un bus de stopper la marche de son véhicule, les passagers étant alors conduits vers un taxi ; un second bus a également été bloqué à 7h52 par le même groupe mais est reparti à 8h01 ; que l'huissier indique que M. [X], directeur de l'entreprise, l'informe de la présence dans le groupe de 13 personnes dont M. [W] ; que la suite du constat concerne des blocages sur d'autres sites par d'autres salariés ; que le 5 juillet, à 11h55, à l'hôtel [Établissement 1], l'huissier relève qu'un bus est immobilisé lors de son arrivée « les mêmes personnes que ci-dessus », dont il lui a été précisé qu'il s'agit de Messieurs [Z], [W], [B] ; que l'huissier note que le bus quitte le site une minute après; que d'une part, si, ainsi que le soutient la société VEA, les constatations purement matérielles de l'huissier font foi jusqu'à preuve contraire, l'identification faite dans les constats précités de M. [W], comme figurant au rang des personnes présentes, ne repose par sur une constatation purement matérielle mais résulte des déclarations faites par l'employeur, en l'occurrence, le directeur de la société, M. [X] ; que M. [W] conteste expressément sa participation et l'attestation de M. [T], outre qu'elle n'est que très difficilement lisible en raison de la très mauvaise qualité de la photocopie figurant au dossier remis à la cour (pièce 44), ne peut qu'être sujette à caution alors que ce témoin, désigné comme président de la société à l'époque, atteste ne pas avoir de communauté d'intérêts avec ladite société et que sa présence sur les lieux n'a pas été mentionnée par l'huissier que d'autre part, la participation personnelle et active de M. [W] au blocage des bus ne résulte pas des constats versés aux débats, l'attestation de M. [T] étant à cet égard rédigée en termes généraux non circonstanciés ; qu'enfin, les constats établissent seulement qu'un seul bus a réellement été arrêté, les autres ayant pu repartir après quelques minutes qu'ainsi ni la preuve d'une participation active de Monsieur [W] au blocage des bus n'est rapportée, pas plus que sa volonté de nuire à l'employeur, en sorte que le licenciement ne peut être considéré comme reposant sur une faute lourde ;

Alors de première part, que le fait qu'un mouvement de cessation collective du travail ne soit pas justifié par des revendications professionnelles n'exclut pas l'application, aux salariés qui y ont participé, du régime protecteur de l'article L2511-1 du code du travail ; que la cour d'appel qui a constaté qu'aucune faute lourde n'était personnellement imputable à Monsieur [W] ne pouvait dans ces conditions refuser de prononcer la nullité de son licenciement et condamner la société VEA à lui payer le montant des salaires qu'il aurait dû percevoir entre la date de son licenciement et la date effective de sa réintégration, sans méconnaître la portée de ses propres énonciations et violer l'article L2511-1 du code du travail ;

Et aux motifs que les droits du salarié, au titre du licenciement du 3 avril 2012, doivent s'apprécier au regard de l'ancienneté acquise par lui depuis le 19 juin 2011 ; que s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, la société VEA sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 2 180,23 euros bruts correspondant à un mois de salaire augmenté d'un 13e -8-mois, outre la somme de 218,02 euros brut au titre des congés payés afférents ; que compte tenu de son ancienneté, Monsieur [W] n'est pas fondé dans sa demande au titre de l'indemnité de licenciement dont il sera débouté il ne peut prétendre à des dommages et intérêts qu'en considération du préjudice subi ;

Alors, de deuxième part, que la cour d'appel, pour débouter Monsieur [W] de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de licenciement au titre du licenciement dont il avait fait l'objet le 3 avril 2012 et pour limiter à un mois de salaire le montant du préavis qui lui était dû, s'étant appuyée sur l'ancienneté acquise par celui-ci depuis le 19 juin 2011 et non depuis son embauche initiale par la société VEA, ce chef de l'arrêt sera cassé par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur la nullité du licenciement dont il fait l'objet le 24 juillet 2008, par simple application de l'article 624 du code de procédure civile ;





Moyen produit par de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Val d'Europe Airports, demanderesse au pourvoi incident


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement prononcé le 3 avril 2012 par la société Val d'Europe Airports à l'encontre de M. [U] [W] ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Val d'Europe Airports à payer à M. [U] [W] les sommes de 2 180,23 ? bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 218,02 ? bruts au titre des congés payés afférents, 15 000 ? à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse prononcé le 3 avril 2012 et 2 000 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et d'AVOIR condamné la société Val d'Europe Airports aux dépens,

AUX MOTIFS QUE « Sur le licenciement notifié le 3 avril 2012 : La société VEA soutient à titre principal que le licenciement notifié le 24 juillet 2008 étant fondé, M. [W] est réputé n'avoir jamais réintégré les effectifs de la société et que son licenciement intervenu le 3 avril 2012 doit être considéré comme n'étant jamais intervenu. M. [W] demande à la cour de dire que le licenciement notifié le 3 avril 2012 est dépourvu de cause réelle et sérieuse. La cour a précédemment estimé que le licenciement notifié à M. [W] le 24 juillet 2008 n'était pas nul mais reposait sur une faute grave. Il a donc mis fin à la relation résultant du contrat de travail conclu entre les parties le 8 avril 2002. Une relation de travail a été renouée entre les parties lorsque M. [W] a réintégré l'entreprise en juin 2011, même si ce second contrat est né de la décision judiciaire ayant ordonné cette réintégration. Dès lors, il convient d'examiner les conditions de la rupture de ce second contrat. L'employeur ayant choisi, dans la lettre de licenciement du 3 avril 2012, de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise. Sur le premier grief : La lettre de licenciement fait état de plusieurs dépassements de vitesse commis en février 2012 par M. [W] qui les conteste, comme étant incompatibles avec le système de « bridage » des véhicules. En dehors de l'affirmation faite par la société de l'existence de tels dépassements dans la lettre de licenciement, aucune pièce, telle que par exemple, le relevé mensuel des véhicules expressément visé dans la lettre, n'est produite, l'existence d'avertissements antérieurs pour des faits similaires étant inopérante dans la démonstration qui incombe à l'employeur de la réalité des faits allégués. Ce grief ne peut donc être considéré comme établi. Sur le second grief : La lettre de licenciement fait état d'une tenue inappropriée de M. [W] durant l'exercice de ses fonctions. S'il n'est pas contesté que le règlement intérieur (qui n'est pas versé aux débats) impose une présentation correcte et soignée, le port d'une chemise, d'une cravate et d'un pantalon de ville ne sont manifestement pas prévus par ledit règlement, à raison de l'existence d'une dotation vestimentaire devant être fournie par l'employeur aux salariés. Or, en l'occurrence, la tenue vestimentaire n'a été remise au salarié que le 27 février 2012 et M. [W] n'est pas démenti lorsqu'il indique avoir commencé à porter cette tenue le 5 mars, après l'avoir lavée, en sorte que les faits antérieurs des 25 février 2012 et 2 mars 2012 ne peuvent lui être valablement reprochés d'autant qu'il n'est pas établi que le jean et polo qu'aurait portés le salarié le 25 février 2012 ou l'absence de cravate (normalement fournie par l'employeur) ne correspondaient pas à une présentation correcte et soignée au sens du règlement intérieur. Ce grief ne peut donc être retenu. Sur le troisième grief : La lettre de licenciement fait état de plusieurs violations des procédures et directives internes :
- le non-respect du lieu de dépose réglementaire le 2 mars 2012,
- l'exigence d'une coupure repas non prévue le 6 mars 2012,
- un retard de 5 minutes le 8 mars 2012,
- un départ de son poste sans avoir préalablement remis et signé le document de suivi de bus au régulateur en poste le même jour,
- ne pas avoir, toujours le 8 mars 2012, téléphoné au régulateur après avoir effectué le ramassage des hôtels [Établissement 2] afin de compléter le cas échéant son car.
Les faits matériels et/ou la violation des procédures internes en résultant sont contestés par M. [W]. Or, la société VEA ne verse aux débats aucune pièce de nature à établir la réalité matérielle des griefs énoncés pas plus que l'existence des procédures et directives internes que le salarié n'aurait pas respectées. Dès lors, le licenciement sera considéré comme ne reposant ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse. Les droits du salarié doivent s'apprécier au regard de l'ancienneté acquise par lui depuis le 19 juin 2011. S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, la société VEA sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 2.180,23 ? bruts correspondant à un mois de salaire augmenté du 13è mois outre la somme de 218,02 ? bruts au titre des congés payés afférents. Compte tenu de son ancienneté, M. [W] n'est pas fondé dans sa demande au titre de l'indemnité de licenciement dont il sera débouté et il ne peut prétendre à des dommages et intérêts qu'en considération du préjudice subi. M. [W] justifie de sa prise en charge par Pôle Emploi d'août 2012 à juillet 2013 (pièce 34 salarié). Sa situation postérieure n'est ni établie ni précisée. Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [W], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 15 000 ? à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L1235-5 du code du travail » ,

ALORS QUE la réintégration d'un salarié en exécution d'une décision judiciaire n'a pas eu pour effet de créer de nouvelles relations contractuelles entre les parties ; que si cette décision de justice est ultérieurement remise en cause et le licenciement prononcé jugé valable, le second licenciement notifié au salarié entre-temps à la suite de la réintégration est réputé n'être jamais intervenu ; qu'en l'espèce, M. [W] ayant été licencié par la société VEA le 24 juillet 2008, sa réintégration dans l'entreprise avait été ordonnée en référé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 mai 2011, avant que cet arrêt soit cassé en toutes ses dispositions le 15 octobre 2013 par la cour de cassation et que la cour d'appel de Versailles, statuant comme juridiction de renvoi par décision du 29 octobre 2015, rejette les demandes de M. [W] et notamment sa demande de réintégration ; que la cour d'appel ayant jugé valable le licenciement prononcé le 24 juillet 2008, le contrat avait été rompu à cette date et le deuxième licenciement prononcé par la société VEA le 3 avril 2012 était réputé n'être jamais intervenu ; qu'en jugeant pourtant qu'une nouvelle relation de travail avait été nouée entre les parties lorsque M. [W] avait réintégré l'entreprise en juin 2011, même si ce second contrat était né de la décision judiciaire ayant ordonné cette réintégration, et en examinant le bien fondé du licenciement postérieur prononcé le 3 avril 2012, la cour d'appel a violé l'article L1235-1 du code du travail.