Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 décembre 2021, 19-22.865, Inédit

Ref:UAAAKCFK

Résumé

Apport de la jurisprudence : Difficultés économiques / Licenciement économique / Appréciation des difficultés

La Cour de cassation précise que l’employeur ne peut se contenter de faire état des difficultés économiques au sein d’un service ou d’un département dans lequel le salarié exerce son activité mais qu’il doit faire la preuve des difficultés économiques au sein de l’entreprise dans son ensemble. A noter que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient. 

Cass. soc 8 décembre n°19-22.865

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 décembre 2021




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1399 F-D

Pourvoi n° W 19-22.865





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 DÉCEMBRE 2021

L'association Centre international de séjour et de rencontre (CIS), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 19-22.865 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [R] [G], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association Centre international de séjour et de rencontre, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [G], après débats en l'audience publique du 19 octobre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 3 juillet 2019), Mme [G] a été engagée par l'association Centre international de séjour et de rencontre (CIS) à compter du 2 octobre 1996, par divers contrats d'usage à temps partiel, puis divers contrats saisonniers à temps partiel, en qualité d'animatrice d'enseignement en langue allemande.

2. Par jugement du 8 mars 2010, les contrats ont été requalifiés en contrat à durée indéterminée à compter du 3 octobre 1996.

3. Par lettre du 10 août 2015, Mme [G] a été licenciée pour motif économique.

4. Le 3 décembre 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de la relation de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein, ou intermittent, et le paiement de rappels de salaires et compléments d'indemnités de rupture.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il le condamne à payer à la salariée une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance, de requalifier le contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à durée indéterminée intermittent, de le condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre de rappel de salaire comprenant les salaires, les primes d'ancienneté et les primes de treizième mois, des congés payés afférents, de complément d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, de complément d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux dépens de l'instance d'appel, alors « qu'une instance ne peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale que lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après l'extinction de l'instance primitive ; qu'il en résulte que sont irrecevables des demandes formées dans une nouvelle procédure dérivant du même contrat et ayant un fondement né ou révélé avant la clôture des débats de l'instance antérieure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que les prétentions de la salariée, visant à obtenir la requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps plein ou en contrat de travail intermittent, étaient fondées sur des éléments nés et révélés avant le jugement, devenu définitif, rendu entre les parties le 8 mars 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris ; que, de fait, il était constant qu'avant et après ce jugement, la salariée avait toujours travaillé quelques heures par semaine et connu une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées durant les vacances scolaires, les dispositions légales et conventionnelles que la salariée invoquait n'ayant pas davantage évolué depuis qu'il avait été statué sur ses demandes en 2010 ; qu'en jugeant cependant que la règle de l'unicité de l'instance ne pouvait s'appliquer, de sorte que le moyen tiré de l'irrecevabilité pour ce motif ne pouvait prospérer, au prétexte que la situation susvisée avait perduré au-delà du jugement, la cour d'appel a violé l'article R1452-6 du code du travail dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

7. Une instance peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après l'extinction de l'instance primitive.

8. Ayant relevé que le fondement des nouvelles demandes de la salariée portant sur la durée du travail à compter du 8 mars 2010, tiré de l'absence de régularisation d'un contrat de travail écrit comportant une définition des heures de travail et venant se substituer aux différents contrats à durée déterminée d'usage initialement conclus, était né postérieurement au jugement du 8 mars 2010 ayant requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel en a exactement déduit que ces demandes étaient recevables.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de le condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, alors :

« 1°/ que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur, le Centre international de séjour, subissait en 2014 un déficit de 34 435,25 euros, doublé par rapport à 2013 ; qu'elle a néanmoins écarté l'existence d'une cause économique de rupture parce que les éléments versés aux débats ne permettaient pas d'apprécier la rentabilité des cours de langue et la nécessité de supprimer le département correspondant au sein de l'entreprise ; qu'en appréciant ainsi la cause économique de rupture, non pas au niveau de l'entreprise ou au niveau du secteur d'activité d'un groupe dont elle aurait fait partie, mais à un niveau inférieur à celui de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L1233-3 du code du travail dans sa version applicable au litige.

2°/ que s'il appartient au juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue pour faire face à la situation économique de l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le Centre international de séjour subissait en 2014 un déficit de 34 435,25 euros, doublé par rapport à 2013 ; qu'elle a néanmoins écarté l'existence d'une cause économique de rupture parce que les éléments versés aux débats ne permettaient pas d'apprécier la rentabilité des cours de langue et la nécessité de supprimer le département correspondant au sein de l'entreprise ; qu'en statuant ainsi quand il ne lui appartenait pas d'apprécier le choix de l'employeur de supprimer le département langue pour remédier aux difficultés de l'entreprise révélées par l'aggravation du déficit, la cour d'appel a violé l'article L1233-3 du code du travail dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

10. L'employeur qui a invoqué dans la lettre de licenciement "les difficultés financières de l'activité cours de langue" et la fermeture conséquente du département entraînant la suppression du poste de la salariée, et n'a pas soutenu dans ses conclusions en cause d'appel que les difficultés économiques étaient établies au niveau de l'entreprise, ne peut proposer devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec la thèse qu'il a développée devant les juges du fond.

11. Le moyen n'est donc pas recevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Centre international de séjour et de rencontre aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Centre international de séjour et de rencontre et la condamne à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'association Centre international de séjour et de rencontre


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a condamné le Centre international de séjour à payer à Mme [R] [G] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamner le Centre international de séjour aux dépens de l'instance, d'AVOIR requalifié le contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à durée indéterminée intermittent, d'AVOIR condamné le Centre international de séjour à payer à Mme [R] [G] les sommes de 48 694,33 à titre de rappel de salaire comprenant les salaires, les primes d'ancienneté et les primes de treizième mois, 4869,43 euros au titre des congés payés y afférents, 2584 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, 258,40 euros à titre de congés payés y afférents, 8075 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné le Centre international de séjour aux dépens de l'instance d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « 1 - sur la recevabilité a - l'unicité de l'instance L'employeur soutient que les demandes de requalification ainsi que les demandes salariales indemnitaires subséquentes sont irrecevables en application du principe de l'unicité de l'instance. Il fait en effet valoir que la relation a duré de 1996 à 2015 ; qu'en 2010, le conseil de prud'hommes a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée ; qu'à cette époque, les arguments tendant à la requalification demandée dans la présente instance étaient déjà connus. La salariée soutient, au contraire, que l'événement qui motive sa demande de requalification en temps plein et en contrat de travail intermittent est postérieur au jugement de 2010 ; qu'en effet, avant la requalification prononcée en 2010, les contrats fixaient un minimum d'heures par an ; qu'après la requalification prononcée en 2010, il appartenait à l'employeur de redéfinir les heures de travail conformément à la réglementation applicable en matière de contrat de travail à temps partiel ; que la tentative de redéfinition du temps de travail s'est soldée par un échec, faute pour elle, d'avoir ratifié le projet de contrat qui lui a été soumis ; que l'absence de régularisation d'un contrat comportant une définition des heures de travail vient se substituer au minimum horaire initialement conclu, ce qui est un événement postérieur au jugement du 8 mars 2010. Selon les dispositions de l'article L. 1452-6 du Code du travail applicable aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes avant le 1er août 2016 "toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes". La demande de la salariée est fondée sur sa situation contractuelle postérieurement au jugement, puisqu'elle demande la requalification à compter du 8 mars 2010, en raison d'une absence, à compter de cette date, d'un accord collectif permettant un contrat alternant temps travaillé et temps non travaillé et une absence de contrat écrit définissant le nombre d'heures de travail. Les prétentions étant fondées sur des éléments, certes nés et révélés avant le jugement de 2010, mais également nés et révélés postérieurement au jugement définitif du 8 mars 2010, puisque la situation a perduré au-delà du jugement, la règle de l'unicité de l'instance ne peut donc s'appliquer de sorte que le moyen tiré de l'irrecevabilité pour ce motif ne peut prospérer » ;

ALORS QU'une instance ne peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale que lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après l'extinction de l'instance primitive ; qu'il en résulte que sont irrecevables des demandes formées dans une nouvelle procédure dérivant du même contrat et ayant un fondement né ou révélé avant la clôture des débats de l'instance antérieure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que les prétentions de la salariée, visant à obtenir la requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps plein ou en contrat de travail intermittent, étaient fondées sur des éléments nés et révélés avant le jugement, devenu définitif, rendu entre les parties le 8 mars 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris ; que, de fait, il était constant qu'avant et après ce jugement, la salariée avait toujours travaillé quelques heures par semaine et connu une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées durant les vacances scolaires, les dispositions légales et conventionnelles que la salariée invoquait n'ayant pas davantage évolué depuis qu'il avait été statué sur ses demandes en 2010 ; qu'en jugeant cependant que la règle de l'unicité de l'instance ne pouvait s'appliquer, de sorte que le moyen tiré de l'irrecevabilité pour ce motif ne pouvait prospérer, au prétexte que la situation susvisée avait perduré au-delà du jugement, la cour d'appel a violé l'article R1452-6 du code du travail dans sa version applicable au litige.


DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a condamné le Centre international de séjour à payer à Mme [R] [G] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamner le Centre international de séjour aux dépens de l'instance, d'AVOIR requalifié le contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à durée indéterminée intermittent, d'AVOIR condamné le Centre international de séjour à payer à Mme [R] [G] les sommes de 48 694,33 à titre de rappel de salaire comprenant les salaires, les primes d'ancienneté et les primes de treizième mois, 4869,43 euros au titre des congés payés y afférents, 2584 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, 258,40 euros à titre de congés payés y afférents, 8075 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné le Centre international de séjour aux dépens de l'instance d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « 2 - sur le fond a - le contrat de travail - la requalification en contrat de travail à temps plein
?
Au préalable, il est incontestable que le contrat liant la salariée à l'employeur était un contrat permanent, alternant des périodes travaillées et des périodes non travaillées, puisque la salariée était dans une relation de travail à durée indéterminée visant à assurer des cours sur l'année entière, sauf périodes de vacances scolaires. Il importe que la convention collective désigne de façon précise les emplois concernés. Or, l'avenant n° 37 du 25 juillet 2001 à la convention collective du tourisme social et familial du 28 juin 1979 à laquelle était soumise la relation de travail, permet le recours au travail intermittent pour les salariés occupant un emploi permanent comportant par nature une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées et cite : - personnel d'accueil, de service, d'entretien et de maintenance des établissements d'accueil ; - personnel de restauration ; - personnel d'animation ; - personnel d'encadrement (cadres et agents de maîtrise). Il faut en déduire que la convention collective autorisait le contrat de travail intermittent pour le personnel d'animation, comme c'est le cas de la salariée, cette dernière étant embauchée en qualité d'animatrice de cours d'allemand pour adultes et enfants dans le centre international de séjour. La requalification automatique ne peut donc être prononcée.
Pour le surplus, il est incontestable que le contrat de travail intermittent ne respectait pas les formes de l'article L. 3123-34 du code de travail, faute d'indiquer la durée annuelle minimale de travail du salarié et la répartition des heures de travail à l'intérieur de cette période. Il ne respectait pas davantage les formes du contrat de travail à temps partiel prévues à l'article L. 3123-14 du même code. À défaut des mentions prévues aux textes précités, s'installe une présomption simple de contrat travail pour un horaire normal. Il incombe alors l'employeur, qui conteste cette présomption, de rapporter la preuve d'une part, qu'il s'agit d'un emploi à temps partiel en justifiant de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'est pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur. L'exigence de cet écrit s'impose non seulement au contrat de travail, mais aussi aux avenants modificatifs de la durée du travail, de sa répétition. En l'espèce, la relation de travail a toujours été rythmée par des écrits annuels, le dernier écrit datant du 28 septembre 2009. Chaque contrat prévoyait un plafond d'heures, qui ne correspondait cependant pas aux heures réellement effectuées, puisqu'un nombre d'heures pour la saison était fixé indépendamment de ce plafond. À partir du 8 mars 2010, il est faux de prétendre qu'aucun écrit n'existe, puisque le contrat avait été requalifié en contrat à durée indéterminée, ce qui laisse subsister les dernières dispositions sur le temps de travail contenues dans le dernier avenant du 28 septembre 2009. Par conséquent, il existe bien un écrit relatif à la relation contractuelle, lequel fixe à 480 heures par an le plafond des heures indemnisées, même s'il ne détermine pas le nombre d'heures de travail effectif convenu, ni la répartition horaire, ni les modalités selon lesquelles les horaires de travail sont communiqués par écrit au salarié. C'est donc à raison que la salariée vient prétendre qu'à partir du 8 mars 2010, la relation contractuelle était basée sur un écrit non conforme aux dispositions légales ou réglementaires. Toutefois, l'employeur justifie que les cours étaient donnés selon un planning prévu à l'avance, soit deux jours par semaine à raison d'1 h 30, déclaré 1 h 50. L'employeur fait la démonstration qu'il existait un horaire convenu avec la salariée annuellement, laquelle salariée connaissait par avance son rythme de travail et n'était dès lors pas tenue de rester complètement à disposition de l'employeur. Au surplus, après que le jugement ait requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée, l'employeur a proposé un projet de contrat déterminant le nombre d'heures de travail par semaine, la période travaillée, la date limite d'établissement du planning en accord avec les règles relatives au contrat de travail à temps partiel. La salariée a refusé de signer le projet de contrat et ne peut donc reprocher à l'employeur un manquement que son refus de signature a fait perdurer. Par conséquent, la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ne peut aboutir et la demande sera rejetée.
- la requalification en contrat de travail à durée indéterminée intermittent
La salariée soutient qu'à défaut de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, la cour ne pourra que considérer qu'elle était nécessairement dans un lien contractuel d'intermittent imposant, selon l'article 6de l'avenant numéro 37 du 25 juillet 2001, une durée minimum prévue par l'accord de branche de 900 heures par an, avec rappel de salaire correspondant. L'employeur fait remarquer que la salariée n'indique pas quel manquement entrainerait comme sanction une telle requalification et que le seul fait d'alterner des périodes travaillées périodes non travaillées ne suffit pas avant emporter la requalification. Il ajoute que la convention collective rejette la possibilité pour chacune des parties d'imposer à l'autre tel contrat, de sorte qu'aucune juridiction n'est en droit de le faire.
Comme il dit plus haut, le contrat de travail couvrait un emploi permanent et alternait une période travaillée et une période non travaillée, ce qui correspond à la définition du contrat intermittent, donné tant par la loi que la convention collective. La requalification ne procède pas d'une sanction à un manquement, mais de la restitution de l'exacte qualification de la relation voulue par les parties, à qui le contrat n'est donc pas imposé. La requalification sera donc prononcée.
?
- les rappels de salaire liés à la requalification du contrat de travail en contrat de travail intermittent
La salariée soutient qu'elle doit être payée des heures prévues par l'accord collectif en cas de contrat de travail intermittent. L'employeur réfute l'idée même d'un contrat de travail intermittent. Or, l'employeur ayant conclu avec le salarié un contrat de travail intermittent a l'obligation de fournir aux salariés le travail correspondant, conformément aux engagements conventionnels, soit 900 heures de travail annuel, et à défaut, d'en payer le salaire correspondant, soit 17 100 euros annuels sur une base de 19 euros de l'heure, comprenant le treizième mois et l'ancienneté. Sur cette base, la salariée aurait dû percevoir, entre le 6 août 2012 et le 10 août 2015, la somme de 50 938 euros brute. Elle a perçu sur la même période la somme de 2243,67 euros soit un différentiel de 48 694,33 euros. Il se fait droit à la demande dans cette limite
?
La salariée peut donc prétendre, compte tenu de la requalification opérée ci-dessus :
- à des dommages et intérêts en réparation du préjudice du licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, compte tenu de l'ancienneté de la salariée et du nombre de salariés employés par le centre, supérieur à 11 salariés si l'on tient compte de l'attestation ASSEDIC délivrée à la salariée. Sur la base d'un salaire mensuel brut annuel de 17 100 euros sur 13 mois outre la prime d'ancienneté, le salaire brut mensuel de référence se monte à 1380 euros pour 900 heures de travail annuel soit 8 280 euros les six derniers mois. Compte tenu du fait que la salariée a retrouvé un emploi dès le mois de mai 2015, était âgée de 63 ans, la somme de 10 000 euros apparaît de nature à réparer entièrement les préjudices subis,
- à un complément d'indemnité compensatrice de préavis, soit la somme de 2584 euros puisque la somme de 176 euros a été réglée en lieu et place de la somme de 2760 euros ; en outre, est due la somme de 258,40 euros à titre de congés payés y afférent,
- à un complément d'indemnité de licenciement. En effet il lui a été payé la somme de 2436 euros au lieu de l'indemnité de 10 511 euros calculée sur la base d'un salaire mensuel de 1380 euros. Aussi, c'est une indemnité de 8075 euros qui lui reste due » ;

ALORS QU'un salarié ne peut prétendre au paiement d'un rappel de salaire pour des périodes non travaillées que s'il justifie avoir été à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il n'y avait pas lieu de requalifier la relation de travail en contrat à temps plein dès lors notamment que la salariée n'avait pas à se tenir à la disposition permanente de l'employeur ; que la salariée sollicitait cependant un rappel de salaire au-delà des périodes travaillées en se prévalant de l'article 6 de l'avenant n° 37 du 25 juillet 2001 de la convention collective nationale de tourisme social et familial, aux termes duquel le contrat intermittent « ne pourra prévoir une durée inférieure à 900 heures par an, sauf demande expresse du salarié » ; que pour s'opposer à la demande de rappel de salaire de Mme [G], l'employeur faisait valoir qu'elle ne justifiait pas de ses autres activités pendant la période litigieuse (conclusions page 8 in fine) ; qu'en omettant de rechercher si la salariée justifiait avoir été la disposition de son employeur pendant le temps qu'elle prétendait être rémunéré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé, ensemble l'article L1221-1 du code du travail, l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article 1315 du code civil, devenu 1353 du même code.


TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, condamné le Centre international de séjour à payer à Mme [R] [G] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamner le Centre international de séjour aux dépens de l'instance, d'AVOIR condamné le Centre international de séjour à payer à Mme [R] [G] les sommes de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR condamné le Centre international de séjour aux dépens de l'instance d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « c - la rupture du contrat - le bien-fondé de la rupture
? c'est à raison que la salariée soutient que le motif économique ayant présidé à la suppression de son emploi n'est pas justifié. En effet, figure au dossier le compte-rendu du conseil d'administration de juin 2015, qui présente les comptes dans lesquels le centre apparaît en 2014 en déficit aggravé par rapport à 2013, soit un déficit de 34 435,25 euros en 2014 contre un déficit de 17 390,54 euros en 2013. Toutefois, le chiffre d'affaires lié au cours de langue est en augmentation et les éléments annexés à ce compte-rendu, qui ne sont pas des éléments comptables certifiés, ne permettent pas d'apprécier la rentabilité des cours de langue et la nécessité de supprimer le département correspondant et donc les emplois attachés. Par conséquent, le licenciement doit être considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse et le jugement qui aboutit à la même décision sur le fondement de l'obligation de reclassement, sera confirmé, par substitution de motifs.
La salariée peut donc prétendre, compte tenu de la requalification opérée ci-dessus :
- à des dommages et intérêts en réparation du préjudice du licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, compte tenu de l'ancienneté de la salariée et du nombre de salariés employés par le centre, supérieur à 11 salariés si l'on tient compte de l'attestation ASSEDIC délivrée à la salariée. Sur la base d'un salaire mensuel brut annuel de 17 100 euros sur 13 mois outre la prime d'ancienneté, le salaire brut mensuel de référence se monte à 1380 euros pour 900 heures de travail annuel soit 8 280 euros les six derniers mois. Compte tenu du fait que la salariée a retrouvé un emploi dès le mois de mai 2015, était âgée de 63 ans, la somme de 10 000 euros apparaît de nature à réparer entièrement les préjudices subis,
- à un complément d'indemnité compensatrice de préavis, soit la somme de 2584 euros puisque la somme de 176 euros a été réglée en lieu et place de la somme de 2760 euros ; en outre, est due la somme de 258,40 euros à titre de congés payés y afférent,
- à un complément d'indemnité de licenciement. En effet il lui a été payé la somme de 2436 euros au lieu de l'indemnité de 10 511 euros calculée sur la base d'un salaire mensuel de 1380 euros. Aussi, c'est une indemnité de 8075 euros qui lui reste due » ;

1) ALORS QUE la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur, le Centre international de séjour, subissait en 2014 un déficit de 34 435,25 euros, doublé par rapport à 2013 ; qu'elle a néanmoins écarté l'existence d'une cause économique de rupture parce que les éléments versés aux débats ne permettaient pas d'apprécier la rentabilité des cours de langue et la nécessité de supprimer le département correspondant au sein de l'entreprise ; qu'en appréciant ainsi la cause économique de rupture, non pas au niveau de l'entreprise ou au niveau du secteur d'activité d'un groupe dont elle aurait fait partie, mais à un niveau inférieur à celui de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L1233-3 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

2) ALORS QUE s'il appartient au juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue pour faire face à la situation économique de l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le Centre international de séjour subissait en 2014 un déficit de 34 435,25 euros, doublé par rapport à 2013 ; qu'elle a néanmoins écarté l'existence d'une cause économique de rupture parce que les éléments versés aux débats ne permettaient pas d'apprécier la rentabilité des cours de langue et la nécessité de supprimer le département correspondant au sein de l'entreprise ; qu'en statuant ainsi quand il ne lui appartenait pas d'apprécier le choix de l'employeur de supprimer le département langue pour remédier aux difficultés de l'entreprise révélées par l'aggravation du déficit, la cour d'appel a violé l'article L1233-3 du code du travail dans sa version applicable au litige.