Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 novembre 2021, 20-10.954, Inédit

Ref:UAAAKCCV

Résumé

Apport de la jurisprudence : Expatriation / Période probatoire / Modification du contrat / Prise d’acte / Changement de poste / L.1231-5

Un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail après avoir refusé un changement de poste à l’issue d’une expatriation au sein d’une filiale du groupe. La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article L.1231-5 du Code de travail lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein. Si la règle de droit à vocation à s’appliquer, en revanche, en l’espèce, aucun lien de filialisation n’avait été caractérisé.

Cass. soc 10 novembre 2021 n°20-10.954

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 novembre 2021




Cassation


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1259 F-D

Pourvoi n° V 20-10.954




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 NOVEMBRE 2021

La société Wartsila France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-10.954 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [X] [U], domicilié [Adresse 8]), défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Wartsila France, de la SCP Spinosi, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 22 septembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 novembre 2019), M. [U] a été engagé par la société Wärtsilä SACM Diesel, devenue la société Wärtsilä France, à compter du 3 juin 1996, en qualité de cadre support ventes, position II, indice 114, de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

2. Par contrat du 25 juillet 2011 prévoyant l'expatriation du salarié en Afrique du Sud pour occuper le poste de « Director Service Unit East Africa », la société Wärtsilä France et le salarié sont convenus que « lorsque le salarié expatrié reprendra son travail dans la société d'origine, il lui sera offert un poste et des conditions de travail tenant compte de l'expérience acquise à l'étranger et de la disponibilité des postes dans la société d'origine ».

3. Le salarié a refusé, le 2 juin 2014, le poste de « General Manager Electrical & Automation » et, le 20 juin 2014, celui de directeur général, développement des affaires centrales électriques, proposés par la société Wärtsilä France, en son sein, au terme de la période d'expatriation, le 31 juillet 2014.

4. Par lettre du 17 juin 2014, la société Wärtsilä France a informé le salarié de sa réintégration, temporaire dans l'attente d'une éventuelle possibilité de reclassement, en tant que cadre, position 111 B, indice 180, de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, avec versement d'un salaire brut de 8 195 euros sur treize mois.

5. Le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre en date du 11 septembre 2014.

6. Il a saisi, par requête du 17 décembre 2014, la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Wärtsilä France fait grief à l'arrêt de dire que le salarié a fait l'objet de faits de harcèlement moral à l'occasion de l'exécution de son contrat de travail, que la prise d'acte intervenue le 11 septembre 2014 est bien fondée et produit les effets d'un licenciement nul, de fixer le salaire mensuel à la date de la rupture à une certaine somme et de la condamner, en conséquence, à payer au salarié certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour perte de chance d'utiliser les droits acquis au droit individuel à la formation, de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral sur le fondement des articles L. 1132-1, L. 2141-5 et L1152-1 du code du travail et d'indemnité pour licenciement nul, alors « que ce n'est que lorsqu'un salarié engagé par une société-mère a été mis à disposition d'une filiale étrangère, et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, que la société-mère est tenue, sur le fondement de l'article L1231-5 du code du travail, d'assurer le rapatriement du salarié et de lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L1231-5 du code du travail ne s'appliquent pas lorsque l'expatriation est opérée par une entreprise qui n'est pas la société mère d'un groupe, au sein d'une entreprise qui n'est pas sa filiale ; que pour reprocher à la société Wärtsilä France de ne pas avoir ''respecté les obligations mises à sa charge par [?] l'article L122-14-8 du code du travail'', la cour d'appel a retenu que celle-ci avait mis ''un salarié à la disposition d'une filiale étrangère'', sans relever le moindre élément caractérisant un lien de filialisation entre la société Wärtsilä France et la société Wärtsilä South Africa, dont l'existence était expressément contestée par l'exposante dans ses écritures ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Wärtsilä France était la société-mère de la société Wärtsilä South Africa, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L1231-5 du code du travail, ensemble l'article L1231-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L1231-5 , alinéa 1er, du code du travail :

8. Aux termes de ce texte, lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein.

9. Pour dire que le salarié a fait l'objet de faits de harcèlement moral, que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul, et condamner la société à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de droits à congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour perte de chance d'utiliser les droits individuels à la formation acquis, de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral et d'indemnité pour licenciement nul, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article L122-14-8 du code du travail, devenu l'article L1231-5 de ce code, que la société, qui a mis, dans les conditions prévues à ce texte, un salarié à la disposition d'une filiale étrangère, devait, dès qu'elle a eu connaissance de la cessation de l'emploi de celui-ci par cette filiale, assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi et qu'elle n'a pas respecté les obligations ainsi mises à sa charge.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la société Wärtsilä France était la société mère de la société filiale auprès de laquelle le salarié avait été mis à disposition, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

11. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 3°/ que les conventions légalement formées font la loi des parties et s'imposent au juge ; qu'en l'espèce, l'article 17 du contrat d'expatriation conclu entre la société Wärtsilä France et M. [U] prévoyait que ''lorsque le salarié expatrié reprendra son travail dans la société d'origine, il lui sera offert un poste et des conditions de travail tenant compte de l'expérience acquise à l'étranger et de la disponibilité des postes dans la société d'origine'' ; qu'il ne résulte pas de cette clause claire et précise que la société Wärtsilä avait l'obligation de proposer un poste ayant une classification et une rémunération équivalentes au poste qu'occupait M. [U] pendant la période d'expatriation ; qu'en reprochant à la société Wärtsilä France d'avoir proposé à ce dernier des postes ayant une classification et une rémunération inférieure ''à la classification III C coefficient 240, du poste précédemment occupé par M. [U] en Afrique du Sud'' la cour d'appel a méconnu la loi des parties et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles L. 1221-1 et L1231-1 du code du travail ;

4°/ que les conventions légalement formées font la loi des parties et s'imposent au juge ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que ''le contrat d'expatriation du 25 juillet 2011 conclu entre M. [U] et la SAS Wärtsilä France prévoit en son article 17, alinéa 2 [?] lorsque le salarié expatrié reprendra son travail dans la société d'origine, il lui sera offert un poste et des conditions de travail tenant compte de l'expérience acquise à l'étranger et de la disponibilité des postes dans la société d'origine'', la cour d'appel a relevé que M. [U] avait posé sa candidature à un ''poste équivalent à celui qu'il occupait en Afrique du Sud mais pour une autre zone géographique, celle de l'Azerbaïdjan, Turquie, Grèce, poste qu'il n'a pas obtenu'' et ''qu'il s'en déduit qu'au moins un poste correspondant à son expérience acquise à l'étranger demeurait disponible, poste que la société Wärtsilä France avait l'obligation de lui proposer'' ; qu'en considérant que la société Wärtsilä France avait manqué à ses obligations contractuelles en ne proposant pas à M. [U] une nouvelle expatriation, la cour d'appel a méconnu la volonté claire et précise des parties telle qu'elle était exprimée dans les stipulations de l'article 17, alinéa 2 du contrat d'expatriation du 25 juillet 2011, et a ainsi violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles L. 1221-1 et L1231-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

12. Pour dire que le salarié a fait l'objet de faits de harcèlement moral, que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul, et condamner la société à payer au salarié diverses sommes, l'arrêt retient que la classification du poste de cadre, basé à La Défense, proposé au salarié était III B, indice 180, et demeurait en cela très inférieur à la classification III C coefficient 240, du poste que celui-ci occupait précédemment en Afrique du Sud, que le poste proposé par la société Wärtsilä France doit s'analyser comme un déclassement, que le salarié a fait, sans succès, acte de candidature pour un poste équivalent à celui qu'il occupait en Afrique du Sud mais pour une autre zone géographique, celle de l'Azerbaïdjan, de la Turquie et de la Grèce, qu'il s'en déduit qu'au moins un poste correspondant à son expérience acquise à l'étranger demeurait disponible, poste que la société Wärtsilä France avait l'obligation de lui proposer et que, ainsi, cette dernière société n'a pas respecté les obligations mises à sa charge par l'article 17, alinéa 2, du contrat d'expatriation.

13. En statuant ainsi alors qu'elle avait constaté que l'article 17, alinéa 2, du contrat du 25 juillet 2011 stipulait une obligation de reclassement non pas à un poste à l'étranger ayant une classification et une rémunération équivalentes au poste qu'occupait le salarié pendant la période d'expatriation, mais à un poste, au sein de la société Wärtsilä France, tenant compte de l'expérience acquise à l'étranger, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Condamne la société Wartsila France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Wartsila France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. [U] a fait l'objet de faits de harcèlement moral à l'occasion de l'exécution de son contrat de travail, d'avoir dit que la prise d'acte intervenue le 11 septembre 2014 est bien fondée et produit les effets d'un licenciement nul, d'avoir fixé le salaire mensuel à la date de la rupture )à la somme de 18.227 €, et d'avoir en conséquence condamné la société Wärsilä France à payer à M. [U] les sommes de 54.681 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 5.468,10 € à titre de congés payés afférents, 148.790,64 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 500 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'utiliser les droits acquis au droit du DIF, 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral sur le fondement des articles L. 1132-1, L. 2141-5, L1152-1 du code du travail et 273.405 € à titre d'indemnité pour licenciement nul, et 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la rupture du contrat de travail et le bien-fondé de la prise d'acte (?) ; Il est relevé que le contrat d'expatriation du 25 juillet 2011 conclu entre M. [U] et la SAS Wärtsilä France prévoit en son article 17 alinéa 2 : « When the Assignee returns to service in the Home Company, an adequate job an adequate working conditions shall be offered, taking into account the experience gained abroad and the availibity of positions in the Home company", ce qui se traduit par "lorsque le salarié expatrié reprendra son travail dans la société d'origine, il lui sera offert un poste et des conditions de travail tenant compte de l'expérience acquise à l'étranger et de la disponibilité des postes dans la société d'origine ». En Afrique du Sud, M. [U] occupait les fonctions de Directeur Services Unit East Africa et avait pour mission de conduire, gérer et développer ce Service Unit comprenant plusieurs pays d'Afrique du Sud et de l'Est et générant un chiffre d'affaires de 72 millions d'euros en 2013. Il occupait alors les fonctions de Président Directeur Général des sociétés Wärtsilä en Afrique du Sud et au Mozambique et en Tanzanie. Il était également alors responsable des structures permanentes et du personnel en Afrique du Sud, Mozambique, Zambie, Namibie et Madagascar, représentant plus d'une centaine d'employés permanents. Ce poste était classé III C coefficient 240. Sa rémunération mensuelle perçue d'août 2013 à juillet 2014 était de 18 227 euros. A l'issue de son expatriation le 31 juillet 2014, la SAS Wärtsilä France avait obligation de lui proposer un poste prenant en compte son expérience acquise à l'étranger en fonction des postes disponibles. La cour retient qu'un premier poste basé à [Localité 4] ou encore un poste de Directeur Général, développement des affaires centrales électriques ont fait l'objet d'un refus par M. [U] les 2 et 20 juin 2014, ce qui n'a suscité aucune réaction de la part de la SAS Wärtsilä France. Il est également retenu que si la SAS Wärtsilä France considérait avoir rempli l'obligation mise à sa charge par le contrat, il lui appartenait alors de prendre acte du refus du salarié et d'enclencher à son encontre une procédure de licenciement, ce qu'elle n'a pas fait. Faute d'avoir licencié M. [U], elle avait ainsi l'obligation de reprendre ses recherches et de l'affecter dès le 1er août 2014 sur un poste conforme aux exigences de l'article 17 alinéa 2 du contrat d'expatriation du 25 juillet 2011, en prenant en compte l'expérience acquise par M. [U] et la disponibilité des postes. La cour relève des pièces produites aux débats que le poste de cadre proposé à M. [U] par la SAS Wärtsilä France, basé à la Défense, était vide de tout contenu, aucune prestation de travail ne lui étant demandée. M. [U] explique à ce titre dans sa lettre de prise d'acte, avoir été autorisé par l'employeur à ne plus se rendre à son bureau et à rester à son domicile. Il est encore relevé que la classification de ce poste de cadre à la Défense était IIIB, indice 180, et demeurait en cela très inférieur à la classification IIIC, coefficient 240, du poste précédemment occupé par M. [U] en Afrique du Sud. Il résulte de ces constatations que le poste proposé par la SAS Wärtsilä France ne prenait pas en compte l'expérience acquise à l'étranger par M. [U] et doit s'analyser comme un déclassement. La cour relève par ailleurs que M. [U] a fait acte de candidature pour un poste équivalent à celui qu'il occupait en Afrique du Sud mais pour une autre zone géographique, celle de l'Azerbaïdjan, Turquie, Grèce, poste qu'il n'a pas obtenu. Il s'en déduit qu'au moins un poste correspondant à son expérience acquise à l'étranger demeurait disponible, poste que la SAS Wärtsilä France avait l'obligation de lui proposer, en dépit de sa carence. Il est enfin retenu que la SAS Wärtsilä France ne peut reprocher à M. [U] de ne pas avoir attendu le 15 septembre 2014, date à laquelle elle devait faire un point sur les possibilités d'affectation, dans la mesure où son contrat d'expatriation ne prévoit aucun délai pour pourvoir à son affectation sur un poste à l'issue de son expatriation, alors que la SAS Wärtsilä France avait pour sa part l'obligation d'affecter M. [U] sur un poste conforme à l'article 17 alinéa 2 dès le 1er août 2014. Il résulte de l'article L122-14-8 du code du travail que la SAS Wärtsilä France, qui a mis, dans les conditions prévues à ce texte, un salarié à la disposition d'une filiale étrangère, devait, dès qu'elle a connaissance de la cessation de son emploi par cette dernière, assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi. Il s'en déduit que la SAS Wärtsilä France n'a pas respecté les obligations mises à sa charge par l'article 17 alinéa 2 du contrat d'expatriation et l'article L122-14-8 du code du travail, manquement d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier une prise d'acte à ses torts, laquelle produit les effets d'un licenciement. Le jugement déféré mérite sa confirmation. Sur le harcèlement moral. (?) M. [U] estime avoir été victime de harcèlement moral du fait que dès janvier 2014, la SAS Wärtsilä France souhaitait son départ et n'aurait jamais accepté qu'il soit intervenu pour prendre la défense des intérêts de son équipe lors de la dévaluation de la monnaie sud-africaine en demandant une compensation salariale. Il indique que la SAS Wärtsilä France souhaitait mettre en place un plan social et n'avait aucun poste à lui proposer. Il soutient que la SAS Wärtsilä France a laissé la situation se dégrader dans l'espoir qu'il quitte la société de lui-même. Il précise que la responsable DRH Mme [O] lui a adressé un courriel en date du 14 août 2014 en ces termes : « Je fais suite à nos différents échanges ainsi qu'à ceux que vous avez eus avec la solution suivante : S'agissant de l'indemnisation, je vous propose le versement à Monsieur [U] des mêmes conditions financières que celles négociées lors de notre dernier plan social en date (2010) à savoir : versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement Versement d'une indemnité complémentaire de licenciement comprenant : - Une indemnité forfaitaire de 25000 € nets de CSG/CRDS, - Une majoration égale à deux fois l'indemnité conventionnelle de licenciement. Le total de cette indemnité complémentaire de licenciement étant plafonnée à [Localité 2] € nets de CSG/CRDS, Dans le cas concret de votre client : [Localité 6] indemnité conventionnelle de licenciement serait égale à 8 mois de salaire, compte tenu de son ancienneté totale au sein du groupe Wärtsilä Nous prendrions pour salaire de référence son salaire de base d'expatrié (hors indemnités complémentaires liées à son expatriation) soit 14 000 € mensuels Nous arriverions donc à : 8 mois de salaires x 14 000 € = 112 000 € d'indemnité conventionnelle de licenciement Une indemnité complémentaire de 90 000 € (25 000 + 2x ICL le tout plafonné à 90 000 €) Soit un montant total de 202 000 € Par ailleurs, et l'objectif étant de permettre à Monsieur [U] de retrouver un emploi dans les meilleurs délais et les meilleures conditions, nous proposons la signature d'une convention d'accompagnement avec le cabinet de reclassement avec lequel nous avions travaillé (lequel dispose d'une antenne spécialisée en région parisienne et exclusivement dédiée à l'accompagnement de cadres supérieurs). Cette convention garantirait à Monsieur [U] un accompagnement de 12 mois dans sa recherche d'emploi, en plus d'un bilan professionnel. Enfin, comme vous y faisiez référence dans l'un de vos courriers, il est vrai qu'un projet de restructuration a été annoncé dans notre structure. Les conditions de départ des personnes concernées sont en cours de négociation. Je peux vous proposer d'ajouter une clause à notre accord prévoyant que si les conditions financières de départ du PSE devaient être plus favorables à votre client que celles du PSE précédent, nous reverrions le montant de l'indemnité de départ de votre client en conséquence. » Il soutient que la SAS Wärtsilä France a ainsi indiqué que le montant qu'elle proposait à titre d'indemnité de licenciement ne correspondait même pas au montant des indemnités d'un licenciement pour motif économique. Il ajoute que la société Wärtsilä n'a pas hésité à lui écrire : « Je peux vous proposer d'ajouter une clause à notre accord prévoyant que si les conditions financières de départ du PSE devaient être plus favorables à votre client que celles du PSE précédent, nous reverrions le montant de l'indemnité de départ de votre client en conséquence ». Il en déduit que son employeur ne parvenant pas à faire quitter ses effectifs au salarié, a alors mis en place des pratiques de harcèlement moral à son encontre. M. [U] estime avoir été victime d'un déclassement du fait du poste lui ayant été proposé à la Défense par la SAS Wärtsilä France, lequel était basé à la Défense, et où aucune prestation de travail ne lui était demandée, ayant été autorisé par l'employeur à ne plus se rendre à son bureau et à rester à son domicile, constitutif selon lui d'un isolement professionnel. Il soutient que la classification de ce poste était en outre très inférieure à celui qu'il occupait précédemment en Afrique du Sud. Il est retenu que M. [U] établit la matérialité de faits précis et concordants susceptibles de constituer un harcèlement, par le déclassement et l'isolement au travail dont il a fait l'objet qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. La SAS Wärtsilä France, qui dénie tout déclassement de M. [U] en dépit d'une baisse notable de sa rémunération et de l'abaissement de sa classification, IIIB, indice 180 inférieur à la classification IIIC, coefficient 240 de son précédent emploi en Afrique du Sud, et qui ne conteste pas lui avoir demandé de rester chez lui n'ayant plus aucun travail à lui proposer lors de sa prise de poste sur le site de La Défense, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlements et que sa décision de baisser son niveau de rémunération et de classification et de le laisser sans travail et isolé demeuraient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. La cour retient de ce qui précède que des faits de harcèlement moral à l'encontre de M. [U] demeurent bien établis, et la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement nul » ;

1. ALORS QUE ce n'est que lorsqu'un salarié engagé par une société-mère a été mis à disposition d'une filiale étrangère, et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, que la société-mère est tenue, sur le fondement de l'article L1231-5 du code du travail, d'assurer le rapatriement du salarié et de lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L1231-5 du code du travail ne s'appliquent pas lorsque l'expatriation est opérée par une entreprise qui n'est pas la société mère d'un groupe, au sein d'une entreprise qui n'est pas sa filiale ; que pour reprocher à la société Wärtsilä France de ne pas avoir « respecté les obligations mises à sa charge par [?] l'article L122-14-8 du code du travail », la cour d'appel a retenu que celle-ci avait mis « un salarié à la disposition d'une filiale étrangère » (arrêt p. 5 al. 9), sans relever le moindre élément caractérisant un lien de filialisation entre la société Wärtsilä France et la société Wärtsilä South Africa, dont l'existence était expressément contestée par l'exposante dans ses écritures (p.6) ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Wärtsilä France était la société-mère de la société Wärtsilä South Africa, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L1231-5 du code du travail, ensemble l'article L1231-1 du code du travail ;

2. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU' en supposant même applicables les dispositions de l'article L.1231-5 du code du travail à des sociétés qui ne sont pas placées dans un rapport de société-mère à filiale, la mise en oeuvre de ce texte suppose que le juge opère une comparaison entre le poste proposé au salarié rapatrié et le poste qu'il occupait avant son expatriation au sein de la société d'origine, et non par rapport au poste qu'il occupait durant son expatriation ; qu'en reprochant à la société Wärtsilä France d'avoir manqué à son obligation légale de réintégrer M. [U] dans la mesure où les postes qui lui étaient proposés s'analysaient « comme un déclassement » par rapport au poste que celui-ci occupait lorsqu'il était expatrié au sein de la société Wärtsilä South Africa (arrêt p. 5 al. 5), cependant qu'il lui appartenait de comparer ces offres de poste avec celui qu'occupait le salarié avant son expatriation, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L1231-5 du code du travail, ensemble l'article L1231-1 du code du travail ;

3. ALORS QUE les conventions légalement formées font la loi des parties et s'imposent au juge ; qu'en l'espèce, l'article 17 du contrat d'expatriation conclu entre la société Wärtsilä France et M. [U] prévoyait que « lorsque le salarié expatrié reprendra son travail dans la société d'origine, il lui sera offert un poste et des conditions de travail tenant compte de l'expérience acquise à l'étranger et de la disponibilité des postes dans la société d'origine » (arrêt p. 4 al. 10) ; qu'il ne résulte pas de cette clause claire et précise que la société Wärtsilä avait l'obligation de proposer un poste ayant une classification et une rémunération équivalentes au poste qu'occupait M. [U] pendant la période d'expatriation ; qu'en reprochant à la société Wärtsilä France d'avoir proposé à ce dernier des postes ayant une classification et une rémunération inférieure « à la classification III C coefficient 240, du poste précédemment occupé par M. [U] en Afrique du Sud » (arrêt p.5, al.4), la cour d'appel a méconnu la loi des parties et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles L.1221-1 et L1231-1 du code du travail ;

4. ALORS QUE les conventions légalement formées font la loi des parties et s'imposent au juge ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que « le contrat d'expatriation du 25 juillet 2011 conclu entre M. [U] et la SAS Wärtsilä France prévoit en son article 17 alinéa 2 [?] lorsque le salarié expatrié reprendra son travail dans la société d'origine, il lui sera offert un poste et des conditions de travail tenant compte de l'expérience acquise à l'étranger et de la disponibilité des postes dans la société d'origine » (arrêt p. 4 al. 10), la cour d'appel a relevé que M. [U] avait posé sa candidature à un « poste équivalent à celui qu'il occupait en Afrique du Sud mais pour une autre zone géographique, celle de l'Azerbaïdjan, Turquie, Grèce, poste qu'il n'a pas obtenu » et « qu'il s'en déduit qu'au moins un poste correspondant à son expérience acquise à l'étranger demeurait disponible, poste que la société Wärtsilä France avait l'obligation de lui proposer » (arrêt p. 5 al.6 et 7) ; qu'en considérant que la société Wärtsilä France avait manqué à ses obligations contractuelles en ne proposant pas à M. [U] une nouvelle expatriation, la cour d'appel a méconnu la volonté claire et précise des parties telle qu'elle était exprimée dans les stipulations de l'article 17 alinéa 2 du contrat d'expatriation du 25 juillet 2011, et a ainsi violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles L 1221-1 et L1231-1 du code du travail ;

5. ALORS QUE les conventions légalement formées font la loi des parties ; qu'il ressort expressément des termes de l'article 17 du contrat d'expatriation liant la société Wärtsilä France à M. [U] que l'obligation de trouver un nouveau poste à l'issue de la période d'expatriation en Afrique du Sud était une obligation de moyens et dépendait « de la disponibilité des postes dans la société d'origine » ; qu'en jugeant que la société Wärtsilä France « avait l'obligation d'affecter M. [U] sur un poste conforme à l'article 17 alinéa 2 du contrat dès le 1er août 2014 », qui plus est en considérant que le prétendu « poste conforme » était un poste équivalent à celui qu'occupait M. [U] lors de son expatriation en Afrique du Sud, la cour d'appel a de plus fort méconnu la loi des parties telle qu'elle était exprimée dans les stipulations de l'article 17 alinéa 2 du contrat d'expatriation du 25 juillet 2011, et a ainsi violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles L.1221-1 et L1231-1 du code du travail ;

6. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la prise d'acte de la rupture du contrat de travail suppose l'existence d'un manquement suffisamment grave de l'employeur de nature à rendre impossible la poursuite de la relation de travail ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la société Wärtsilä France avait initié les démarches pour proposer des postes de reclassement dès le mois de mai 2014 et qu'à la suite de deux refus consécutifs de M. [U], celui-ci avait été affecté à un poste de niveau III B indice 180 sur le site de La Défense, avec dispense d'activité ; qu'il était expressément prévu que cette affectation était purement temporaire, pour permettre la poursuite de la recherche de postes susceptibles d'être proposés à M. [U] au regard de la spécificité de son profil et des difficultés matérielles à mener une recherche de poste complexe pendant la période estivale, étant précisé qu'un rendez-vous pour examiner les possibilités d'affectation était prévu le 15 septembre 2014 ; qu'en jugeant justifiée la prise d'acte de M. [U] le 11 septembre 2014, avant même la tenue de ce rendez-vous, sans prendre en considération les démarches accomplies par la société Wärtsilä France pour mener au mieux une recherche de poste rendue complexe par les exigences et les refus de M. [U] ni rechercher si cette prise d'acte n'était pas prématurée au regard du contexte dans lequel elle intervenait et si elle n'était pas motivée par la volonté de M. [U] de travailler pour le compte d'un autre employeur, la cour d'appel n'a pas caractérisé en quoi la poursuite du contrat de travail était impossible et a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-2 et L.1231-1 du code du travail ;

7. ALORS QUE le harcèlement moral retenu par la cour d'appel repose de manière directe et immédiate sur les motifs de l'arrêt qui ont retenu à l'encontre de la société Wärtsilä France un manquement à son obligation de réintégration du salarié contenue dans le contrat d'expatriation du 25 juillet 2011 ; qu'au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux aspects du litige, la censure à intervenir sur l'une des six premières branches entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef de l'arrêt ayant retenu l'existence d'un harcèlement moral et prononcé une condamnation indemnitaire à ce titre ainsi que la nullité du licenciement ;

8. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE seule la répétition d'agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié et susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel peut caractériser l'existence d'un harcèlement moral ; que le fait, dans l'attente d'une affectation définitive, d'octroyer une classification au salarié de retour d'expatriation et de le dispenser d'activité tout en maintenant sa rémunération, constitue un agissement unique insusceptible de caractériser à lui seul l'existence d'un harcèlement moral ; qu'au cas présent, pour retenir que M. [U] avait fait l'objet d'un harcèlement moral, la cour d'appel a estimé que la décision d'affecter temporairement M. [U], au terme de son expatriation, à un poste à classification moins élevée que celle qu'il avait durant cette période, tout en le dispensant d'activité, constituait des agissements répétés faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral (arrêt p. 7 al. 2 à 6) ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que la classification octroyée à M. [U] et la dispense d'activité ne constituaient pas des éléments distincts de la décision de l'affecter temporairement au poste de la Défense, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'agissements répétés et a violé les articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail ;

9. ALORS QUE l'affectation à un poste conforme aux engagements contractuels de l'employeur n'est pas de nature à laisser présumer un harcèlement moral ; que pour retenir que la société Wärtsilä France avait manqué à cette obligation contractuelle, la cour d'appel s'est limitée à relever « qu'un premier poste basé à Harfleur ou encore un poste de Directeur Général, développement des affaires centrales électriques ont fait l'objet d'un refus par M. [U] les 2 et 20 juin 2014 » (arrêt p. 4 al. 13) ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si ces postes proposés à M. [U] étaient conformes aux exigences contractuelles encadrant sa réintégration, ce dont il résultait que son affectation temporaire à la Défense, conséquence directe de ses refus, ne pouvait caractériser un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION, SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Wärtsilä France à payer à M. [U] la somme de 273.405 € à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

AUX MOTIFS QUE «Sur les demandes indemnitaires M. [U] a perçu sur les 12 derniers mois précédant la prise d'acte la somme de 218 723.26 euros. Il s'en déduit que le salaire moyen de M. [U] sur la dernière année pour la période août 2013 à juillet 2014 a été de 18 227 euros, le dernier salaire payé en France est de 18.102 euros selon le bulletin de salaire de février 2012. Le salaire mensuel moyen de 18.227 euros, résulte d'une conversion du rand sud-africain en euro, et demeure conforme au montant du salaire payé en 2012 en euros. 2-1- Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés-payés sur préavis L'article 27 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie prévoit : Dernière modification : Modifié par accord du 12 septembre 1983, étendu par arrêté du 12 décembre 1983 (JO du 24 décembre 1983) « Tout licenciement d'un ingénieur ou cadre doit être notifié à l'intéressé et confirmé par écrit. Toute pression tendant à obtenir d'un ingénieur ou cadre sa démission est formellement condamnée par les parties signataires de la présente convention (1). Aucun licenciement, même pour faute grave, ne peut être confirmé sans que l'intéressé ait été, au préalable, mis à même d'être entendu, sur sa demande, par l'employeur ou son représentant responsable. Après l'expiration de la période d'essai, le délai-congé réciproque est, sauf en cas de faute grave ou de convention dans la lettre d'engagement prévoyant un délai plus long, de : - 1 mois pour l'ingénieur ou cadre de la position I pendant les 2 premières années de fonctions en cette qualité dans l'entreprise ; - 2 mois pour l'ingénieur ou cadre de la position I ayant 2 ans de présence dans l'entreprise ; - 3 mois pour tous les autres ingénieurs ou cadres. Toutefois, pour les ingénieurs et cadres âgés de plus de 50 ans et ayant 1 an de présence dans l'entreprise, le préavis sera porté, en cas de licenciement, à : - 4 mois pour l'ingénieur ou cadre âgé de 50 à 55 ans, la durée de préavis étant portée à 6 mois si l'intéressé a 5 ans de présence dans l'entreprise ; - 6 mois pour l'ingénieur ou cadre âgé de 55 ans ou plus (et licencié sans être compris dans un licenciement collectif faisant l'objet d'une convention spéciale avec le Fonds national pour l'emploi. » Il est retenu que le montant de l'indemnité compensatrice de préavis est de 18 227 euros x 3 = 54 681.00 euros. Le montant des congés payés sur préavis est de 5 468,10 euros. 2-2- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement L'article 29 de la convention collective dispose que le taux de l'indemnité de licenciement est de 1/5 de mois par année d'ancienneté pour la tranche de 1 à 7 ans d'ancienneté et de 3/5 de mois par année d'ancienneté pour la tranche au-delà de 7 ans. M. [U] avait 18 ans, 3 mois et 8 jours d'ancinneté soit 18,272 années. La SAS Wärtsilä France sera condamnée à payer à M. [U] la somme de (18 227/5 x 7) + (18 227 x 3/5 x 11,272) = 25 517,80 + 123 272,84 = 148 790,64 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2014, soit 148 790,64 euros. 2-3- Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul Le harcèlement moral étant reconnu, la rupture aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement nul. En cas de licenciement nul, l'indemnisation est au minimum égale à 6 mois de salaire brut. Pour apprécier les dommages et intérêts il doit être tenu compte de l'ancienneté de M. [U] et des circonstances ayant conduit à la rupture du contrat aux torts de l'employeur. Le 17 juin 2014 M. [U] a été informé qu'il devait prendre son poste à [Localité 5] La Défense alors que son contrat d'expatriation en Afrique du Sud expirait le 31 juillet 2014. Dès qu'il a eu connaissance de son lieu d'affectation géographique M. [U] a du rechercher une école pour son fils sans qu'il dispose d'une adresse en France. Il justifie avoir a dû se préoccuper en urgence de trouver et d'aménager un logement pour sa famille et avoir engagé des dépenses pour permettre son rapatriement. Agé alors de 52 ans, il lui a été difficile de retrouver un emploi et l'emploi qu'il a finalement retrouvé avec un salaire de 11 250 euros mensuels cadre position 3.1, coefficient hiérarchique 170 est inférieur en classification et rémunération à celui qu'il occupait en Afrique du Sud. La cour dispose ainsi d'éléments suffisants pour chiffrer les dommages et intérêts que la SAS Wärtsilä France sera condamnée à lui payer pour un montant de 273 405 euros. 2-4- Sur les dommages et intérêts pour préjudice distinct Il est relevé des pièces produites que M. [U] avait obtenu d'excellents résultats, et a atteint pour l'année 2013, un bonus de 87,97 % sur les 100% maximum atteignables. Il a été mis à l'écart et le traitement dont il a fait l'objet par l'employeur sans tenir compte de ses qualités professionnelles apparait vexatoire. M. [U] a été cantonné dans un bureau dès son retour coupé de tous ses collègues et en ne lui donnant plus aucune responsabilité. Son salaire a été baissé dans des conditions contraires à son contrat de travail. L'employeur doit être condamné à des dommages-intérêts supplémentaires pour préjudice distinct si les circonstances qui ont contraint le salarié à la prise d'acte, telles que des mesures vexatoires ou des actes de harcèlement moral, caractérisent un abus. Tel est bien le cas en l'espèce. La cour condamne la SAS Wärtsilä France au paiement de la somme de 25 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice distinct résultant des circonstances de la rupture du contrat. 2-5 Sur le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié M. [U] ne justifie d'aucune inscription à Pôle Emploi et n'a perçu aucune indemnité de chômage, en outre, les dispositions de l'article L1235-4 du code du travail dans sa rédaction en vigueur au moment de la prise d'acte, ne s'appliquent pas au licenciement nul. M. [U] est débouté de ses demandes à ce titre » ;

1. ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige, tels que déterminés par les conclusions des parties ; qu'au cas présent, la société Wärtsilä France contestait expressément le « quantum des dommages et intérêts » demandé par M. [U] dans la mesure où celui-ci avait immédiatement « retrouvé une situation professionnelle » (conclusions pp. 10 et 11) ; que M. [U] admettait également dans ses conclusions avoir « signé un contrat de travail le 6 octobre 2014 », soit moins d'un moins après la prise d'acte, pour une rémunération de « 11.250 euros mensuels » (conclusions [U] p. 55) ; qu'il était ainsi admis par les parties que M. [U], qui avait rompu son contrat le 11 septembre 2014, avait retrouvé un emploi à peine quelques semaines plus tard ; qu'en se fondant toutefois expressément sur la circonstance que M. [U], « âgé alors de 52 ans, il lui a été plus difficile de retrouver un emploi » (arrêt p. 8 al. 14) pour estimer l'étendue du préjudice subi par M. [U] en raison de la rupture de son contrat à 273.405 euros, soit quinze mois de salaires, cependant qu'il était admis par les parties que M. [U] avait retrouvé un emploi mieux rémunéré immédiatement après sa prise d'acte, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'au cas présent, la cour d'appel avait relevé que l'article 17 alinéa 2 du contrat d'expatriation de M. [U] stipulait que « lorsque le salarié expatrié reprendra son travail dans la société d'origine » (arrêt p. 4 al. 10) ; que pour apprécier à 273.405 euros le préjudice subi par M. [U] en raison de la rupture de son contrat, la cour d'appel a comparé le poste qu'avait retrouvé M. [U] « à celui qu'il occupait en Afrique du Sud » en estimant que son nouveau « salaire de 11.250 euros mensuels cadre position 3.1, coefficient hiérarchique 170 est inférieur » (arrêt p. 8 al. 14) à celui qu'il avait durant son expatriation ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que le contrat d'expatriation de M. [U] ne lui accordait pas le droit à une nouvelle expatriation, ce dont il résultait que le préjudice subi par celui-ci ne pouvait être déterminé par une comparaison entre sa rémunération durant son expatriation et sa nouvelle rémunération, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.