Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 31 mars 2021, 20-12.523, Inédit

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Résumé

Apport de la jurisprudence : Transfert d’entreprise / Licenciement disciplinaire / Faute grave / L.1224-1

Une société a repris un salarié représentant syndical d’établissement au sein de son ancien employeur après autorisation de l’Inspection du travail, la Cour confirme que l’employeur repreneur est fondé à licencier le salarié pour faute grave qui, par l’opération de transfert a perdu sa protection liée à sa qualité de représentant syndical. La Cour de cassation, ne conditionne pas l’application de l’article L.1224-1 et donc le transfert automatique des contrats à l’accord express du salarié à un tel transfert.

Cass. soc., 31 mars 2021 n°20-12.523

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 mars 2021




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 411 F-D

Pourvoi n° A 20-12.523

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. W....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 décembre 2019.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 MARS 2021

M. Y... W..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 20-12.523 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2018 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à la société Derichebourg Propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est Derichebourg multiservices, [...], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. W..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Derichebourg Propreté, après débats en l'audience publique du 10 février 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 octobre 2018), M. W... a été engagé par la société ISS selon contrat à durée indéterminée du 1er février 2006 comme chef d'équipe. Le 1er septembre 2014, son contrat de travail a été transféré conventionnellement à la société Derichebourg Propreté (la société), suite au gain par cette société d'un marché de nettoyage. Le salarié disposait d'un mandat de représentant de section syndicale au comité d'établissement au sein de la société ISS depuis le 23 novembre 2012. Cette société a sollicité l'autorisation du transfert du contrat de travail à l'Inspection du travail le 18 juillet 2014. Le 7 août 2014, l'Inspecteur du travail a autorisé le transfert du contrat de travail. Le 19 octobre 2015, le salarié a été licencié pour faute grave par la société.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de voir constater la nullité du licenciement et, en conséquence, de dire bien fondé le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié, alors « qu'un changement d'employeur, constituant une novation du contrat de travail, ne s'impose au salarié que si les conditions d'application de l'article L1224-1 du code du travail sont remplies ; qu'une application volontaire de ce texte, en application d'un dispositif conventionnel, suppose l'accord exprès du salarié concerné et, lorsque celui-ci est un salarié protégé, cet accord échappe au contrôle de l'inspecteur du travail ; qu'en l'espèce il ressort des propres constatations de la cour d'appel que le transfert du contrat s'opérait en application de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, dont l'article 7.5 de l'annexe 7 à cette convention régissait le transfert des contrats. de travail des salariés, affectés sur le chantier concerné ; que le salarié faisait valoir, sans être contredit, qu'il n'avait pas accepté le transfert de son contrat de travail, ce que l'inspection du travail ne pouvait faire à sa place ; qu'en considérant néanmoins qu'il avait perdu la protection liée à sa qualité de représentant syndical du fait du transfert de son contrat de travail, par application de la convention collective, quand bien même il n'avait pas donné son accord à un tel transfert, la cour d'appel a violé l'article 1134 (ancien) du code civil ensemble l'article L1224-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

3. Contrairement aux énonciations du moyen, la cour d'appel s'est fondée sur les dispositions légales de l'article L1224-1 du code du travail que le salarié invoquait dans ses conclusions devant elle.

4. Il en résulte que le moyen est inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. W... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. W...


Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur W... de sa demande de voir constater la nullité du licenciement ; et en conséquence d'avoir dit bien fondé le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la procédure de licenciement, Aux termes de l'article L1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Le transfert des contrats de travail prévu par l'article L1224-1 du code du travail s'opère de plein droit. L'article L1224-1 du code du travail est un texte d'ordre public qui s'impose aux salariés comme aux employeurs. L'article L2142-1-1 du code du travail dispose : Chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L. 2142-1, une section syndicale au sein de l'entreprise ou de l'établissement d'au moins cinquante salariés peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'entreprise ou de l'établissement. Le représentant de la section syndicale exerce ses fonctions dans le cadre des dispositions du présent chapitre. Il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs. Par ailleurs, l'article 7.5 de l'annexe 7 de la Convention Collective Nationale des Entreprises de Propreté et Services Associés concernant le transfert des contrats de travail des salariés affectés sur le chantier concerné, et plus particulièrement l'article 7.5 de l'annexe 7 de la Convention stipule : Les représentants du personnel remplissant les conditions d'un maintien de l'emploi stipulées à l'article 7.2, dont le mandat est attaché au cadre du marché repris, verront leur contrat de travail se poursuivre au sein de l'entreprise entrante dans les conditions mentionnées à l'article 7.4. Le mandat des représentants du personnel faisant l'objet d'un maintien de l'emploi au sein de l'entreprise entrante n 'est pas maintenu. Seule subsiste la protection des salariés protégés dans les conditions déterminées par la loi. A cet égard, il est de principe que conformément à l'article L2421-9 du code du travail, le transfert d'un salarié protégé ne peut intervenir qu'après avoir été expressément autorisé par l'inspecteur du travail. Enfin, en vertu de l'article L. 2411-3 alinéa 2 du code du travail, le délégué syndical régulièrement désigné bénéficie d'une protection pendant les 12 mois qui suivent la cessation de son mandat. Il en résulte qu'en cas de transfert partiel d'activité, le salarié protégé dont le contrat est, après autorisation de l'inspecteur du travail, transféré à l'entreprise entrante, n'a pas à consentir au transfert de son contrat de travail. En l'espèce, il est constant que Monsieur W... a été désigné le 23 novembre 2012 par le syndicat Cgt Ul de Saint-Etienne en qualité de représentant de la section syndicale au comité d'établissement (pièce appelant. n° 16). II est également constant que l'inspecteur du travail a autorisé, le 11 août 2014 (pièce intimée n° 2) le transfert du contrat de travail de Monsieur W... au sein de la société Iss vers la société Derichebourg en considérant que le salarié est affecté à temps plein sur le chantier affecté par le transfert d'activité. Il en résulte, et ce contrairement à ce qu'affirme Monsieur W..., que le mandat dont il était investi en qualité de représentant syndical au sein de la société Iss a, conformément à la convention collective précitée, cessé à compter du 1er septembre 2014 et que la protection qui l'accompagnait a cessé à compter du 1er septembre 2015. De plus, contrairement à ce que soutient Monsieur W... à titre subsidiaire, son contrat de travail a été, conformément aux dispositions d'ordre public de l'article L1224-1 du code du travail, automatiquement et de plein droit, transféré à la société Derichebourg, et ce même en l'absence de signature d'un avenant à son contrat de travail à compter du 1er septembre 2014 et en l'absence d'accord préalable du salarié. A cet égard, il est indifférent que Monsieur W... n'ait pas signé l'avenant au 1er septembre 2014 qui lui a été proposé (pièce intimée n° 1 et appelant n° 7) dès lors que le contrat de travail a été effectivement transféré à la société Derichebourg. Dès lors, Monsieur W... n'est pas fondé à invoquer la nullité de la procédure de licenciement engagée à son encontre postérieurement au 1er septembre 2015 en l'absence d'autorisation préalable de licenciement délivrée par l'inspection du travail Le jugement sera confirmé de ce chef. »

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « Attendu que l'article L. 1231-1 du Code du travail dispose « Le contrat de travail a durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre. Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la péri ode d'essai. ». En l'espèce, s'agissant de la situation de Monsieur W...., son mandat de représentant de section syndicale au comité d'établissement dépassait le cadre du marché repris, cependant son temps de travail sur le marché était de 100 % et il. n'a nullement fait la demande auprès de son entreprise pour un maintien en son sein, l'autorisation de transfert de l'inspectrice du travail en témoigne ; il ne peut donc prétendre que son contrat était maintenu au sein de la Société Iss. Selon la convention collective applicable, les mandats ne sont pas maintenus au sein de l'entreprise entrante ; seule la protection des salariés protégés subsiste dans les conditions déterminées par la loi. Le mandat de représentant de section syndicale ayant pris fin au 1er septembre 2014, Monsieur W... disposait d'une protection d'un an à compter de cette date soit, jusqu'au 31 août 2015. (
) En conséquence le contrat de travail de monsieur W... était dépourvu de toute protection lorsque la procédure de licenciement a été engagée, les faits reprochés n'étaient pas soumis à cette protection. Son licenciement n'est pas frappé de nullité (
) »

ALORS QUE un changement d'employeur, constituant une novation du contrat de travail, ne s'impose au salarié que si les conditions d'application de l'article L1224-1 du code du travail sont remplies ; qu'une application volontaire de ce texte, en application d'un dispositif conventionnel, suppose l'accord exprès du salarié concerné et, lorsque celui-ci est un salarié protégé, cet accord échappe au contrôle de l'inspecteur du travail ; qu'en l'espèce il ressort des propres constatations de la cour d'appel que le transfert du contrat s'opérait en application de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, dont l'article 7.5 de l'annexe 7 à cette convention régissait le transfert des contrats. de travail des salariés, affectés sur le chantier concerné (arrêt p. 6) ; que Monsieur W... faisait valoir, sans être contredit, qu'il n'avait pas accepté le transfert de son contrat de travail, ce que l'inspection du travail ne pouvait faire à sa place ; qu'en considérant néanmoins que Monsieur W... avait perdu la protection liée à sa qualité de représentant syndical du fait du transfert de son contrat de travail, par application de la convention collective, quand bien même il n'avait pas donné son accord à un tel transfert, la cour d'appel a violé l'article 1134 (ancien) du code civil ensemble l'article L1224-1 du code du travail.