Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2019, 18-11.528, Inédit

Ref:UAAAKAEF

Résumé

Apport de la jurisprudence : Licenciement / Entretien préalable / Délai / Procédure

La société a licencié un salarié après l’avoir préalablement convoqué à un entretien. Ce dernier conteste son licenciement en invoquant le non-respect de la procédure. La loi prévoit le respect d’un délai de 5 jours ouvrables entre la convocation à l’entretien préalable et l’entretien. Pour la Cour, le délai ne commence à courir que le  lendemain de la réception du courrier par LRAR ou remise en mains propres contre décharge. Le délai doit être prorogé au premier jour ouvrable lorsqu’il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié. L'entretien préalable au licenciement ne peut donc être effectué le lundi si ce dernier a reçu sa convocation le lundi précédant.

Cass. Soc. 10 juillet 2019 n°18-11.528

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 7 janvier 2008 par le Gie Tourcom, réseau d'agences spécialisées dans les domaines du tourisme et du voyage, en qualité d'assistante de direction, Mme L... épouse O... a été convoquée le 16 décembre 2013 à un entretien préalable prévu le 23 décembre 2013 avec une mise à pied conservatoire et licenciée le 2 janvier 2014 pour faute grave ; qu'elle a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Vu les articles L1232-2 et R1231-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement de la somme de 3 974,65 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, l'arrêt retient que contrairement à ce que soutient la salariée au visa de l'article L1232-2 du code du travail prescrivant un délai minimum de cinq jours ouvrables entre la convocation à l'entretien préalable et celui-ci, l'employeur a satisfait à cette exigence dès lors que sa lettre de convocation du lundi 16 décembre 2013 remise en main propre à la salariée a fait courir ledit délai jusqu'au samedi 21 décembre inclus et que l'entretien, passé la journée du dimanche 22 décembre, a ainsi pu normalement être organisé et tenu le lundi 23 décembre suivant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le jour de remise de la lettre ne compte pas dans le délai de cinq jours et que celui-ci expirant un samedi, il se trouvait prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en paiement de la somme de 3 974,65 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 6 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne le Gie Tourcom aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Gie Tourcom à payer à Mme O... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour le Gie Tourcom

- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a condamné le GIE TOURCOM à verser à Mme U... O..., 7.949,30 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 794,93 € à titre de congés payés y afférents, 4.769,58 € à titre d'indemnité de licenciement, 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à nouveau 2.500 € à ce même titre ;

- AUX MOTIFS PROPRES QUE « le GIE TOURCOM sur qui pèse la charge de la preuve de la faute grave, produit aux débats les éléments caractérisant les griefs suivants énoncés dans la lettre de licenciement notifiée à l'intimée : - la non transmission en interne de certaines factures adressées par des fournisseurs (pièces 3, 5, 6, 17) ; - l'absence d'envoi de chèques émis en vue du règlement de certaines factures reçues, et l'absence de dépôt de chèques émis à son ordre (pièce 7) ; - la modification des plannings de travail à l'origine de fausse informations transmises au cabinet d'expertise-comptable chargé d'établir les bulletins de paie (pièces 1, 8, 9) ; la divulgation d'informations confidentielles en interne et à l'extérieur (pièces 10 à 12, 18) ; - des erreurs répétées dans la tenue de l'agenda (pièce 13) ; qu'il est à noter que la salariée avait déjà été sanctionnée pour des faits de nature similaire par un avertissement lui ayant été notifié le 14 novembre 2012 – pièce 2 de l'appelant ; que contrairement à ce que prétend Mme U... O..., qui se contente en définitive de contester la réalité même des griefs lui étant reprochés sans une véritable démonstration de nature à convaincre la cour, son licenciement, s'il ne peut être justifié par une faute grave ayant rendu impossible la poursuite de leur collaboration avec la nécessité de son départ immédiat sans indemnité, repose bien sur une cause réelle et sérieuse ; que pour l'ensemble de ces raisons, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a, d'une part, condamné le GIE TOURCOM à payer à l'intimée les indemnités légales de rupture et, d'autre part, débouté cette dernière de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ; que le GIE sera condamné en équité à payer à l'intimée la somme complémentaire de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au entiers dépens tant de première instance qu'en cause d'appel » ;

- ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES A LES SUPPOSER ADOPTES QUE « la faute grave suppose une violation grave et consciente des obligations du salarié ou un manquement à la discipline de l'entreprise ; qu'elle est caractérisée par l'impossibilité de maintenir le salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce il ressort de l'examen de la lettre de licenciement que les griefs qui sont reprochés à Mme U... O... ne sont pas d'une gravité suffisante pour être considérés comme une faute grave ; qu'en conséquence le Conseil de Prud'hommes se dit bien fondé à dire le licenciement de Mme U... O... pour cause réelle et sérieuse » ;

- ALORS, D'UNE PART, QUE la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il appartient à la Cour, en application des dispositions de l'article L. 1235-1 du Code du travail, d'apprécier le caractère réel et sérieux de chacun des motifs invoqués par l'employeur ; que la lettre de licenciement notifiée le 2 janvier 2014 à la salariée lui reprochait d'avoir établi des factures non demandés, procédé de nature à fausser le résultat comptable de la société ; qu'en s'abstenant d'examiner la réalité et le sérieux de ce grief, la cour d'appel a méconnu les termes du litige tels que fixés par la lettre de licenciement et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

- ALORS, D'AUTRE PART, QUE la lettre de licenciement, circonscrivant les limites du litige, doit faire l'objet d'un examen intégral par les juges du fond ; que la lettre de licenciement de Mme U... O... lui faisait grief, entre autre, d'avoir établi des factures non demandés, procédé de nature à fausser le résultat comptable de la société ; qu'en se contentant d'examiner les autres griefs invoquées, sans se prononcer sur celui pris de l'établissement de factures non demandées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L1232-6 du code du travail ;

- ALORS, ENFIN, QUE la non transmission délibéré de factures reçues aux personnes chargées de les traiter, la rétention de chèques émis en vue d'acquitter des factures, l'établissement de factures non demandée, la modification des plannings de travail à l'origine de fausse informations transmises au cabinet comptable chargé d'établir les paies, la divulgation d'informations confidentielles, caractérisent une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail pendant l'exécution du préavis ; qu'en décidant que le licenciement de Madame U... O... ne reposait pas sur une faute grave, après avoir relevé que la salariée, qui avait déjà reçu un avertissement pour des faits similaires, n'apportait aucun élément probant de nature à contredire ces griefs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1234-1 et L1232-1 du code du travail ; Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme L... épouse O...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme O... de sa demande en condamnation du GIE Tourcom à lui payer la somme de 3 974,65 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE « contrairement à ce que soutient la salariée au visa de l'article L1232-2 du code du travail prescrivant un délai minimum de cinq jours ouvrables entre la convocation à l'entretien préalable et celui-ci, le GIE Tourcom a satisfait à cette exigence dès lors que sa lettre de convocation du lundi 16 décembre 2013 remise en main propre à Mme U... O... a fait courir ledit délai jusqu'au samedi 21 décembre inclus et que l'entretien, passé la journée du dimanche 22 décembre, a ainsi pu normalement être organisé et tenu le 23 décembre suivant. Ajoutant au jugement déféré du conseil de prud'hommes de Paris qui n'a pas statué sur ce chef de demande, bien qu'il en ait été valablement saisi, il convient de débouter Mme U... O... de sa demande indemnitaire afférente (3 974,65 euros) » ;

ALORS QUE l'article L1232-2 du code du travail dispose que l'entretien préalable au licenciement du salarié ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la remise en main propre de la lettre de convocation à l'entretien ; que conformément à l'article R1231-1 du code du travail, ce délai qui expirerait normalement un samedi est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ; qu'en vertu de l'article 641 du code de procédure civile, le jour de l'événement qui fait courir le délai ne compte pas ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour préparer sa défense, le salarié doit disposer d'un délai de cinq jours pleins entre la remise de la lettre de convocation et l'entretien sans prise en compte ni du jour de cette remise ni du jour d'expiration du délai lorsque celui-ci est un samedi ; qu'en l'espèce, en jugeant que l'entretien préalable de Mme O... avait valablement eu lieu dès le lundi 23 décembre 2013 quand il ne pouvait avoir lieu avant le mardi suivant le samedi 21 décembre 2013, jour où le délai de cinq jours expirait normalement, dès lors que la lettre de convocation lui avait été remise le lundi 16 décembre 2013, la cour d'appel a violé les textes susvisés.