Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 décembre 2021, 19-24.122, Inédit

Ref:UAAAKCHH

Résumé

Apport de la jurisprudence : Prise d’acte / Modification du contrat / Changement de poste / Licenciement / L.2411-1

Une salariée protégée s’oppose à une nouvelle affectation, prend acte de la rupture tout en reprochant à son employeur d’avoir initié une procédure de licenciement disciplinaire pour absence injustifiée. En l’espèce, la Cour de cassation rappelle qu'aucune modification du contrat de travail ou qu'aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé, d'autre part, qu'en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement. Enfin, l'acceptation par un salarié protégé d'une modification du contrat de travail ou d'un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son travail. On retiendra la sévérité de l’arrêt de la Cour concernant la modification du portefeuille clients qui ne relève pas du pouvoir de direction de l’employeur concernant un salarié protégé.

Cass. soc 15 décembre 2021, n°19-24.122

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2021




Cassation partielle


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1431 F-D

Pourvoi n° N 19-24.122




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

Mme [Z] [W], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 19-24.122 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Colt Technology Services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de Mme [W], après débats en l'audience publique du 4 novembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 octobre 2019), Mme [W] a été engagée le 21 juillet 2011 par la société Colt Technology Services (la société) en qualité d'ingénieur commercial.

2. La salariée a pris acte, le 5 mai 2015, de la rupture de son contrat de travail, imputant divers manquements à son employeur.

3. Le 3 juillet 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à ce que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail soit requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution ou de la rupture de ce contrat.

Sur la requête en rectification d'une erreur matérielle affectant l'arrêt

4. La salariée sollicite qu'il soit procédé, par la voie de la procédure prévue à l'article 462 du code de procédure civile, à la rectification du dispositif de l'arrêt déféré, en ce qu'il résulte de ses motifs que la cour d'appel de Versailles a rejeté les demandes qu'elle a formées et qui sont relatives au versement d'une indemnité au titre de la privation des repos compensateurs ou de dommages-intérêts au titre du travail dissimulé, sans que ne figure dans le dispositif de l'arrêt le rejet de ses prétentions.

5. Toutefois, l'omission ainsi constatée, constituant une omission de statuer, ne peut donner lieu à pourvoi en cassation et relève de la procédure prévue par l'article 463 du code de procédure civile.

6. La requête est donc mal fondée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis

Enoncé des moyens

8. Par son deuxième moyen, la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour privation des repos compensateurs, alors « que le juge est tenu de motiver sa décision ; qu'en affirmant qu'il ne ressort pas des éléments de la procédure que la salariée a travaillé au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires retenues, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

9. Par son troisième moyen, la salariée fait également grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en déduisant l'absence d'élément intentionnel de la seule circonstance qu'une convention de forfait annuel en jours avait été stipulée dans le contrat de travail, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif impropre à exclure l'intention de dissimulation, a violé l'article L8221-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

10. Les moyens sont exclusivement dirigés contre des motifs de la décision attaquée et ne visent aucun chef du dispositif. Ils sont donc irrecevables.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

11. La salariée fait également grief à l'arrêt de faire produire à la prise d'acte les effets d'une démission et, en conséquence, de la débouter de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, alors « qu'aucun changement dans ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé ; qu'en considérant, pour décider que la prise d'acte produisait les effets d'une démission, que l'affectation de Mme [W] au sein d'une ligne IDP issue de la nouvelle organisation mise en oeuvre en décembre 2014 ne pouvait s'analyser en une modification de son contrat de travail et qu'il ne saurait être reproché à l'employeur d'avoir initié une procédure de licenciement disciplinaire ni d'avoir procédé à une retenue sur salaire dans la mesure où la salariée avait refusé sa nouvelle affectation et s'était trouvée en absence injustifiée du 22 janvier au 8 février 2015, après avoir pourtant relevé que Mme [W] avait le statut de salarié protégé depuis le mois d'octobre 2014, ce dont elle aurait dû déduire que son employeur avait manqué à ses obligations en lui imposant un changement de ses conditions de travail et en sanctionnant son refus d'y déférer et que ce manquement était suffisamment grave pour justifier la prise d'acte, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L1231-1 du code du travail et 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2411-1 et L2411-13 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :

12. Il résulte de ces textes, d'une part, qu'aucune modification de son contrat de travail ou qu'aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé, d'autre part, qu'en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement. Enfin, l'acceptation par un salarié protégé d'une modification du contrat de travail ou d'un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son travail.

13. Pour rejeter les demandes relatives à la rupture du contrat de travail et dire que la prise d'acte devait produire les effets d'une démission, l'arrêt retient que la salariée fait valoir qu'à la suite d'une réorganisation de l'entreprise, l'activité "verticale média" a été supprimée et que les collaborateurs ont été regroupés au sein de lignes d'activité dites IDP (Information Delivery Platform), ce qu'elle a refusé, la modification impliquant la perte de ses comptes média, parmi lesquels ses cinq principaux clients.

14. L'arrêt ajoute que, cependant, rien ne démontre la modification alléguée, alors que l'article 3 du contrat de travail précise que la liste des fonctions de la salariée n'est pas limitative et que la modification de son portefeuille de clients, qui ne revêt aucun caractère contractuel, relève du pouvoir de direction de l'employeur, est insuffisante à caractériser une modification du contrat de travail. Il en déduit que le manquement tenant à la modification du contrat de travail au mois de décembre 2014 n'est pas démontré.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que la salariée s'était portée candidate aux élections des représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 12 novembre 2014 et constatait qu'à l'occasion de la réorganisation de l'entreprise au mois de décembre 2014, l'employeur avait affecté la salarié, malgré son refus, dans un autre service en lui confiant des tâches différentes, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE la requête en rectification d'erreur matérielle ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission et déboute Mme [W] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le 17 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Colt Technology Services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Colt Technology Services à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme [W]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Colt technology services à payer à Mme [W] la somme de 25 714 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, et D'AVOIR débouté Mme [W] de ses demandes en paiement d'indemnités pour privation de repos compensateurs et pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE, sur les heures supplémentaires, pour étayer ses dires, Mme [W] produit notamment : de très nombreux courriels professionnels envoyés à des heures tardives, dans la soirée, voire dans la nuit, y compris le week-end, un courriel du 21 mars 2013 adressé à 23 h 12 par Mme [W] à son supérieur hiérarchique, M. [O], auquel elle écrit : « JP, je comprends ton mécontentement, pour ma part, je suis désolée mais je suis sous l'eau. Malgré l'heure avancée (23 h 00) je suis toujours en train de travailler pour faire rentrer du business et calme le feu un peu partout Je comprends ton mécontentement mais il va falloir trouver une solution pour nous libérer du temps. En effet, je pense qu''à ce rythme nous allons imploser en vol », un courriel du 29 mai 2013 par lequel Mme [W] donne de ses nouvelles à ses collègues : « Bonjour à toutes, je voulais vous donner des nouvelles, je suis actuellement arrêtée pour deux semaines, le bébé va bien c'est mon corps qui ne suit plus », un courriel adressé par Mme [W] le 26 juin 2013 à M. [O] : « Bonsoir JP, ça va je viens juste de me réveiller, je pense que j'étais épuisée et comme je prends tout à coeur c'est ma nature, cela peut me mettre à mal comme aujourd'hui » ; que la salariée produit ainsi des éléments préalables qui sont de nature à étayer sa demande ; que toutefois, la cour relève que nonobstant le caractère tardif de nombreux courriels et l'envoi de messages le week-end, Mme [W] ne fournit aucune information précise concernant ses horaires quotidiens effectifs, ne permettant ainsi pas de déterminer son amplitude horaire hebdomadaire ; que par ailleurs, l'examen des mails établit que pour nombre d'entre eux, la salariée ne donne pas suite à une demande de sa hiérarchie imposant une réponse immédiate, hiérarchie qui ne figure d'ailleurs pas toujours en copie des échanges avec les clients de Mme [W] ; qu'en conséquence, la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le rappel de salaire dû à Mme [W] au titre des heures supplémentaires à la somme de 25 714 euros, outre les congés payés d'un montant de 2 571,40 euros ;

ALORS, 1°), QUE s'il appartient au salarié d'étayer sa demande d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, il ne lui appartient pas d'apporter la preuve des heures effectivement réalisées ; que la cour d'appel a considéré que la salariée étayait sa demande en paiement d'heures supplémentaires et a déclaré irrecevables les conclusions de l'employeur ; qu'en cet état, en considérant, pour n'accueillir que partiellement la demande en paiement d'heures supplémentaires, que nonobstant le caractère tardif de nombreux courriels et l'envoi de messages le week-end, la salariée ne fournissait aucune information précise concernant ses horaires quotidiens effectifs, ce qui ne permettait pas de déterminer son amplitude horaire hebdomadaire, et que, dans nombre des courriels produits, la salariée ne donnait pas suite à une demande de sa hiérarchie imposant une réponse immédiate et n'avait même pas mis sa hiérarchie en copie, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve des heures effectivement réalisées sur la seule salariée, a violé l'article L3171-4 du code du travail ;

ALORS, 2°), QUE le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ; qu'en limitant le montant du rappel de salaire alloué à la salariée au titre des heures supplémentaires, après avoir constaté que cette dernière s'était plaint, auprès de son supérieur hiérarchique, de la lourdeur de sa charge de travail et de l'accomplissement d'heures de travail très tardives, au prétexte que sa hiérarchie ne figurait pas toujours en copie des échanges avec les clients de Mme [W], sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la réalisation desdites heures n'avait pas été rendue nécessaire par les missions confiées à Mme [W], la cour d'appel qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-22, dans rédaction applicable en la cause et L3171-4 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour privation des repos compensateurs ;

AUX MOTIFS QUE Mme [W] soutient avoir accompli 485 heures au-delà du contingent annuel de 220 heures, ouvrant droit à l'indemnisation des repos compensateur dont elle n'a pu bénéficier à concurrence de la somme de 76 727 euros, outre 7 672,70 euros au titre des congés payés afférents ; que toutefois, il ne ressort pas des éléments de la procédure que la salariée a travaillé au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires retenues par la cour ;

ALORS QUE le juge est tenu de motiver sa décision ; qu'en affirmant qu'il ne ressort pas des éléments de la procédure que la salariée a travaillé au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires retenues, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la salariée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE Mme [W] considère que l'employeur était avisé des nombreuses heures supplémentaires accomplies, dès lors notamment qu'elle était sollicitée par ses collègues et sa hiérarchie le week-end, ainsi que pendant ses arrêts maladie et son congé maternité ; qu'elle réclame le paiement de la somme de 58 000 euros, soit 6 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts ; que l'article L8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié ; qu'aux termes de l'article L8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; que l'article L8221-5 , 2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ; qu'en l'espèce, le contrat de travail stipulait une convention de forfait annuel en jours, de sorte que l'élément intentionnel n'apparaît pas caractérisé ;

ALORS QU'en déduisant l'absence d'élément intentionnel de la seule circonstance qu'une convention de forfait annuel en jours avait été stipulée dans le contrat de travail, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif impropre à exclure l'intention de dissimulation, a violé l'article L8221-5 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la prise d'acte devait produire les effets d'une démission et, en conséquence, D'AVOIR débouté la salariée de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QU'au soutien de sa prise d'acte, Mme [W] invoque les griefs précités ; qu'elle ajoute qu'elle a été contrainte de travailler durant ses congés maladie et maternité ; qu'elle considère que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement nul au regard de la violation de son statut protecteur ; que pour les motifs précités, seuls trois manquements de l'employeur à l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi sont établis par la salariée la modification unilatérale et rétroactive de son objectif sur le client Oracle en mai 2012, la modification de la structure de la rémunération variable de la salariée en 2012 et la fixation d'objectifs irréalisables en 2013 ; que cependant, la cour relève que ces manquements ne sont manifestement pas suffisamment graves pour justifier la prise d'acte, dans la mesure où Mme [W], pour les manquements de 2012, a poursuivi l'exécution de son contrat de travail pendant près de deux ans et demi et pour le manquement de 2013, durant plus de 16 mois ; que de même, si elle soutient avoir dû travailler pendant ses congés maladie et maternité suite aux nombreuses sollicitations de son manager, de ses collègues et de ses clients, il doit être souligné qu'elle ne produit qu'un nombre limité de messages pendant cette période, notamment un du 7 juin 2013 durant son arrêt maladie et moins d'une dizaine durant le premier mois de son congé maternité, dont certains dans lesquels elle se contente d'informer son interlocuteur de son congé maternité ; qu'au surplus et en tout état de cause, ces faits ne sont pas susceptibles de justifier la prise d'acte, dès lors que la relation de travail s'est poursuivie pendant plus d'une année encore ; que dans ces conditions, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission ;

ET AUX MOTIFS QUE Mme [W] fait valoir qu'à la suite d'une réorganisation de l'entreprise, l'activité « verticale média » a été supprimée et que les collaborateurs ont été regroupés au sein de lignes d'activité dites IDP (Information Delivery Platform) ; qu'elle indique qu'elle a refusé cette nouvelle modification de son contrat de travail, impliquant son affectation à l'une de ces lignes et la perte de ses comptes média parmi lesquels ses cinq principaux clients ; que cependant, à nouveau, rien ne démontre la modification alléguée, alors que l'article 3 du contrat de travail de l'appelante précise, comme rappelé supra, que la liste de ses fonctions n'est pas limitative et que la modification de son portefeuille de clients, qui ne revêt aucun caractère contractuel et relève du pouvoir de direction de l'employeur, est insuffisante à caractériser une modification du contrat de travail ; qu'il ne peut davantage être reproché à l'employeur d'avoir suggéré à Mme [W] de trouver un autre poste au sein de l'entreprise, alors qu'elle a refusé de rejoindre le poste qui lui était destiné au sein d'une ligne d'activité IDP ; qu'enfin, elle affirme que ses objectifs ont été doublés sans affectation de nouveaux clients, mais n'apporte toutefois au soutien de ses dires aucun élément probant ; que ces griefs ne sont par conséquent pas démontrés ; que, sur la tentative de licenciement et la tentative de déstabilisation, il ressort des éléments de la procédure, notamment de la demande d'autorisation de licenciement adressée le 4 mars 2015 à l'inspection du travail, que l'employeur a engagé cette procédure en raison du refus de Mme [W] d'intégrer sa ligne IDP et d'une absence injustifiée du 22 janvier au 8 février 2015 ; que pour les motifs précités, l'affectation de Mme [W] au sein d'une ligne IDP issue de ta nouvelle organisation mise en oeuvre au sein de l'entreprise, ne peut s'analyser en une modification du contrat de travail ; que par ailleurs, par courriels des 28 janvier, 4 et 9 février 2015, M. [N], supérieur hiérarchique de Mme [W], l'a interrogée sur son absence à son poste ; que si la salariée a répondu par courriel du 11 février 2015 qu'elle travaillait depuis son domicile, elle ne justifie toutefois pas avoir reçu l'autorisation préalable de l'employeur ; que dans ces conditions, il ne saurait être fait grief à l'employeur d'avoir initié une procédure de licenciement, ni d'avoir procédé à une retenue sur son salaire du mois de février 2015 en raison de ces jours d'absence ; que la salariée produit encore un courriel du service des ressources humaines du 4 mars 2015 mentionnant un poste d'« account manager/sales » à pourvoir au service IDP ; que cependant, rien ne démontre qu'il s'agisse du poste de Mme [W], étant rappelé que l'entreprise était en cours de réorganisation ; que par ailleurs, la mise en demeure adressée à la salariée d'avoir à justifier de son absence le 25 mars 2015 ne peut être reprochée à l'employeur, dès lors que Mme [W] ne démontre pas qu'elle était à son poste ; que s'agissant de la mise à l'écart invoquée par l'appelante, elle n'apparaît pas suffisamment démontrée par les échanges de courriels produits, alors que des difficultés de communication semblent avoir résulté de l'absence de la salariée fin janvier et début février 2015 ; qu'il ne peut davantage être fait grief à l'employeur de ne pas avoir communiqué à Mme [W] le nom de son nouveau manager, dans la mesure où la salariée avait refusé de rejoindre son nouveau service ;

ALORS, 1°), QU'aucun changement dans ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé ; qu'en considérant, pour décider que la prise d'acte produisait les effets d'une démission, que l'affectation de Mme [W] au sein d'une ligne IDP issue de la nouvelle organisation mise en oeuvre en décembre 2014 ne pouvait s'analyser en une modification de son contrat de travail et qu'il ne saurait être reproché à l'employeur d'avoir initié une procédure de licenciement disciplinaire ni d'avoir procédé à une retenue sur salaire dans la mesure où la salariée avait refusé sa nouvelle affectation et s'était trouvée en absence injustifiée du 22 janvier au 8 février 2015, après avoir pourtant relevé que Mme [W] avait le statut de salarié protégé depuis le mois d'octobre 2014, ce dont elle aurait dû déduire que son employeur avait manqué à ses obligations en lui imposant un changement de ses conditions de travail et en sanctionnant son refus d'y déférer et que ce manquement était suffisamment grave pour justifier la prise d'acte, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L1231-1 du code du travail et 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;

ALORS, 2°), QU'aucun changement dans ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé ; qu'en considérant, pour décider que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'une démission, que l'affectation de Mme [W] au sein d'une ligne IDP issue de la nouvelle organisation mise en oeuvre en décembre 2014 ne pouvait s'analyser en une modification de son contrat de travail et qu'il ne saurait être reproché à l'employeur d'avoir initié une procédure de licenciement disciplinaire ni d'avoir procédé à une retenue sur salaire dans la mesure où la salariée avait refusé sa nouvelle affectation et s'était trouvée en absence injustifiée du 22 janvier au 8 février 2015, sans examiner les mesures ainsi prises par l'employeur à l'aune du statut de salarié protégé de Mme [W], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L1231-1 du code du travail et 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;

ALORS, 3°), QUE lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués le justifiaient ; qu'en considérant que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'une démission, après avoir pourtant relevé, d'une part, la modification unilatérale et rétroactive de l'objectif de Mme [W] en mai 2012 engendrant une perte de commission de 76 226,06 euros, la modification de la structure de sa rémunération variable en 2012, la fixation d'objectifs irréalisables en 2013 et le demande faite à la salariée d'exécuter une prestation de travail pendant son arrêt maladie et son congé maternité et, d'autre part, l'existence de relances restées sans réponse de Mme [W], au cours des mois précédant la prise d'acte de la rupture, concernant la modification rétroactive de son objectif 2012 et la perte de commission en résultant, ce dont elle aurait dû déduire l'existence de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L1231-1 du code du travail.