Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 janvier 2021, 17-28.234, Publié au bulletin

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Résumé

Apport de la jurisprudence : Forfait jours / Convention de forfait / JRTT / Nullité / Remboursement de l’indu / Jours de repos

La Cour de cassation considère que lorsqu’une convention de forfait jours est nulle et donc privée d’effet, l’employeur est en droit de demander le remboursement des jours de RTT octroyés aux salariés prévus au sein de ladite convention. L’octroi des jours de RTT prévu dans la convention devient indu si la convention est nulle. En l’espèce, la convention été privée d’effet car l’employeur n’avait pas respecté les règles en matière de protection de la sécurité et de la santé du travailleur, notamment concernant le suivi de la charge de travail ainsi que les modalités de contrôle du temps de travail.

Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 17-28.234

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 janvier 2021




Cassation partielle


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 28 F-P+B sur la 3ème branche du 2ème moyen

Pourvoi n° R 17-28.234




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JANVIER 2021

La société Mademoiselle desserts Broons, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Delmotte pâtisserie, a formé le pourvoi n° R 17-28.234 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2017 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. L... S..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Mademoiselle desserts Broons, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. S..., après débats en l'audience publique du 12 novembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 27 septembre 2017), M. S... a été engagé à compter du 15 mars 1999, en qualité de responsable recherche développement par la société Delmotte, aux droits de laquelle est venue la société Mademoiselle desserts Broons. Selon avenant du 1er septembre 2011, le salarié a bénéficié du statut cadre et a été soumis à une convention individuelle de forfait en jours.

2. Il a été licencié le 29 janvier 2014.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches et le troisième moyen :

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre du remboursement des jours de réduction du temps de travail, alors « que lorsque l'employeur n'assure pas l'effectivité des règles relatives à la protection de la sécurité et de la santé du travailleur, cette défaillance prive l'employeur de la possibilité de se prévaloir de la convention de forfait, qui, de ce fait, n'est pas nulle mais privée d'effet ; que l'inopposabilité de la convention de forfait entraîne le décompte du temps de travail et des heures supplémentaires selon le droit commun du code du travail ; que les journées de jours de réduction du temps de travail étant la contrepartie de la forfaitisation, elles constituent un tout avec le régime forfait et un avantage indissociable de l'application du forfait ; que ces jours de réduction du temps de travail perdent tout objet en cas de suppression de ce forfait, peu important que celui-ci soit déclaré sans effet et non nul ; qu'en retenant au contraire que la privation d'effet de la convention de forfait en jours ne privait pas le salarié du droit au paiement des jours de réduction du temps de travail prévus dans ladite convention, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1, L. 3171-4 et L3121-43 et suivants du code du travail dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

6. Pour débouter l'employeur de sa demande en remboursement des jours de réduction du temps de travail accordés, l'arrêt retient que la privation d'effet de la convention de forfait en jours, qui n'est pas annulée, ne saurait avoir pour conséquence de priver le salarié de l'octroi des jours de réduction de temps de travail.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis était privée d'effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en jours, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du deuxième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Mademoiselle desserts Broons de sa demande au titre du remboursement des jours de réduction du temps de travail, l'arrêt rendu le 27 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. S... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Mademoiselle desserts Broons

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur S... ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR en conséquence condamné la société DESSERTS BROONS à lui payer les sommes de 2.488,96 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, 248,89 € au titre des congés payés y afférents,13.211,97 € à titre d'indemnité de préavis, 1.321,19 € au titre des congés payés y afférents, 15.964,42 € à titre d'indemnité de licenciement et 46.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié, outre les frais irrépétibles et les dépens ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail : L'article L1332-4 du code du travail dispose que: "Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales." La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; il appartient à l'employeur d'établir la réalité de la faute grave qu'il invoque comme cause de licenciement. Il convient d'apprécier si les faits visés à la lettre de licenciement sont ou non matériellement établis et dans l'affirmative, s'ils caractérisent ou non une faute rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les poursuites disciplinaires ont été engagées le 8 janvier 2014, date de la mise à pied conservatoire et de la convocation à l'entretien préalable. La prescription de deux mois s'applique donc pour les faits antérieurs au 8 novembre 2013, sauf pour l'employeur de démontrer qu'il n'en a eu connaissance que dans le délai de deux mois ou de justifier que le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou répété dans le délai de prescription de deux mois. S'agissant du grief de dissimulation volontaire de non-conformité , il convient de relever que l'employeur a été informé par un mail du 31 octobre 2013 (pièce n°30 des productions de l'employeur) de ce que le protocole défini avec l'agent U... n'avait pas été respecté par le salarié afin de " camoufler " une non-conformité produit, Ce mail contenait expressément l'indication de l'implication de "WP" soit de M. S.... La société n'établit pas qu'elle a dû mener des investigations sur ces faits et que ce ne serait que le 14 novembre 2013 qu'elle aurait découvert la faute du salarié. Ces faits, dont la connaissance par la société est antérieure au 8 novembre 2013 et qui n'ont pas été réitérés par le salarié, sont donc prescrits. S'agissant du grief relatif au non-respect des directives concernant l'interdiction de tout rapprochement avec la société Airform visé à la lettre de licenciement, il convient de relever que l'employeur a eu connaissance du manquement reproché à M. S... le 29 octobre 2013 ainsi qu'il résulte de la pièce n° 26 de ses productions. Ces faits, dont la connaissance par la société est antérieure au 8 novembre 2013 et qui n'ont pas été réitérés par le salarié, sont donc prescrits. S'agissant du grief relatif à la violation des obligations de réserve et de secret professionnel, il est reproché à M. S... d'avoir divulgué de façon régulière des informations à la concurrence, en particulier aux sociétés Ardélice et Nuances Gourmandes. Toutefois il résulte des productions de l'employeur que les faits concernant la société Ardélice datent du mois de février 2013, que ceux concernant la société Nuances Gourmandes datent du 6 octobre 2013 (pièces n° 9 et 10 des productions de l'employeur). Le message électronique émanant de la société Ardélice adressé à M. S... le 21 janvier 2014 ne saurait établir que ce dernier a violé son obligation de réserve et de secret professionnel postérieurement au mois de février 2013. De plus la société n'établit pas la date à laquelle elle aurait eu connaissance des faits concernant la société Nuances Gourmandes. Ces faits, dont la connaissance par la société est antérieure au 8 novembre 2013 et qui n'ont pas été réitérés par le salarié, sont donc prescrits. S'agissant du grief relatif à des pratiques managériales inappropriées et sources de tension, la société reproche au salarié d'avoir incité une de ses collaboratrices à mentir à propos d'une de ses absences. Il convient de relever que ces faits datent du 8 septembre 2013 ainsi qu'il résulte de la pièce n ° 23 des productions de l'employeur et ce dernier ne démontre pas qu'il n'en aurait eu connaissance que le 14 janvier 2014 par la production d'un mail qui aurait été transféré de la boîte de M. S... à cette date alors que ce dernier était mis à pied à titre provisoire, cette seule pièce n'étant pas de nature à établir la date à laquelle l'employeur a eu connaissance des faits. L'employeur n'établissant pas l'existence de la réitération des faits, il convient de retenir que les faits sont prescrits. Il est par ailleurs reproché au salarié des pratiques managériales qui nuisent à l'efficacité et à la sérénité de l'équipe. A ce titre la société se prévaut des conclusions établies par M. N... dans le cadre d'un litige prud'homal (pièce n° 8 de ses productions) le salarié engageant sa procédure à l'encontre de la société aux fins de paiement des heures supplémentaires, le 21 avril 2015, ainsi qu'il résulte de la pièce n° 38 des productions de M. S..., de sorte que ces faits ne peuvent justifier la mesure de licenciement. Il est de plus reproché au salarié l'absence de suivi de son équipe ainsi que l'absence de réunion avec les collaborateurs. L'employeur établit qu'il a eu connaissance le 11 décembre 2013 de ce que M. M... n'avait pas pu prendre son repos quotidien le 10 décembre 2013 (pièce n° 19 de ses productions) et que le salarié n'organisait pas de réunions avec ses collaborateurs (pièces n° 21 et 22 de ses productions). Cependant ces seuls faits, en l'absence de formation en management pourtant sollicitée par le salarié ainsi qu'il résulte de la pièce n° 16 des productions de l'employeur, qui ne peut se prévaloir à ce titre de la formation portant l'intitulé "optimiser votre communication" (pièce n° 18 de ses productions) et en l'absence de tout avertissement préalable, les mentions portées dans les fiches d'évaluation et le mail de rappel des dispositions en matière de temps de travail émanant de la directrice des ressources humaines du 28 février 2013 ne pouvant être assimilés à un tel avertissement, ne sauraient justifier une mesure de licenciement ni pour faute grave, ni pour cause réelle et sérieuse. Il résulte de ce qui précède que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le jugement devant être infirmé de ce chef » ;

1°/ ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE la société DESSERTS BROONS avait offert de prouver les pratiques managériales inappropriées et source de tensions mentionnées par la lettre de licenciement, par la production d'éléments invoqués dans le cadre d'un contentieux prud'homal par un autre salarié, Monsieur N..., lequel faisait valoir le « comportement irascible, méprisant et dévalorisant » de Monsieur S..., ainsi que les ordres que celui-ci donnait, assortis de menaces, en vue d'interdire à ses subordonnés de décompter normalement leur temps de travail ; que pour écarter ces éléments de preuve, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'ils avaient été produits dans le cadre d'une procédure prud'homale postérieure au licenciement de Monsieur S... de telle sorte que, selon les juges du fond, ils ne pouvaient « justifier la mesure de licenciement » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'en matière prud'homale la preuve est libre et que l'employeur est recevable à invoquer, en vue de prouver la réalité des griefs mentionnés par la lettre de licenciement, des éléments de preuve dont il a eu connaissance postérieurement audit licenciement, la cour d'appel a méconnu son office et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du même Code ;

2°/ ALORS, DE DEUXIÈME PART, QUE l'employeur est fondé à prendre en considération des faits antérieurs de plus de deux mois à l'engagement des poursuites disciplinaires si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai s'il s'agit de faits de même nature ; que la cour d'appel a déclaré prescrite la faute, mentionnée par la lettre de licenciement, consistant pour Monsieur S... à avoir incité une de ses collaboratrices à mentir au sujet de l'une de ses absences ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'elle rattachait ce comportement aux « pratiques managériales inappropriées et sources de tensions » et qu'elle constatait que d'autres faits, également rattachés à ce grief, n'étaient pas prescrits, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 1332-4 du Code du travail ;

3°/ ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE la société DESSERTS BROONS faisait valoir que les faits non prescrits tenant à l'absence de contrôle par Monsieur S... des temps de repos de ses subordonnés, en ce qu'ils s'analysaient en un non-respect des consignes qui lui étaient données, faisaient obstacle à la prescription du manquement consistant dans le fait d'avoir sollicité un fournisseur déterminé de l'entreprise — la société AIRFORM — en dépit de la consigne contraire qui lui avait été donnée (conclusions d'appel de la société DESSERTS BROONS, page 13), ainsi qu'à la prescription du manquement tiré de la dissimulation volontaire d'une non-conformité d'un produit (conclusions d'appel de la société DESSERTS BROONS, page 15) ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était expressément invitée, si les faits précités n'étaient pas de même nature que celui, non prescrit, consistant dans l'absence de contrôle des temps de repos de ses subordonnés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du Code du travail ;

4°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE la cour d'appel a constaté que Monsieur S... n'organisait aucune réunion avec ses subordonnés, et que l'un d'entre eux n'avait pu bénéficier de son repos quotidien ; qu'en déclarant que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni même sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait des défaillances fautives de Monsieur S... dans ses tâches d'organisation et d'encadrement, ainsi qu'un non respect de la législation en matière de durée du travail, en violation des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du même Code.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR estimé que le salarié pouvait prétendre à un rappel d'heures supplémentaires, d'AVOIR condamné la société DESSERTS BROONS à payer à Monsieur S... les sommes de 4.815,97 € à titre de rappel d'heures supplémentaires de septembre à décembre 2011, 481,59 € au titre des congés payés y afférents, 14.447,90 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2012, 1.444,79 € au titre des congés payés y afférents, 14.447,90 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2013, et de 1.444,79 € au titre des congés payés y afférents et d'AVOIR débouté la société DESSERTS BROONS de sa demande au titre du remboursement des jours RTT ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat : * Sur la demande au titre des heures supplémentaires : L'article 57 de la convention collective nationale des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie applicable prévoit que : « Le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés. Afin de décompter le nombre de journées travaillés, ainsi que celui des journées de repos prises, l'employeur établira un document de contrôle à chaque début de mois pour le mois précédent faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos. Ce document de contrôle devra être cosigné par le salarié, chaque mois pour le mois précédent. Le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficiera, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail de l'intéressé, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que la rémunération du salarié. En vue de cet entretien annuel, un état récapitulatif des journées travaillées ainsi que des journées de repos hebdomadaires, de congés payés, de congés conventionnels ou de repos sera établi, au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées d'activité. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés. Le comité d'entreprise est consulté chaque année sur le recours aux conventions de forfaits ainsi que sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés ». Il résulte de l'avenant au contrat de travail du 1er septembre 2011 que M. S... devenant cadre niveau CA 2 « exerçait son activité sur 216 jours au maximum dans l'année ». Il résulte des éléments produits par l'employeur qu'en raison de sa classification de cadre CA 2 le salarié bénéficiait d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps. Pour démontrer le contrôle du temps de travail, l'employeur se borne à verser un planning annuel individuel des absences et des jours fériés. Il ne verse pas de document de contrôle établi à chaque début de mois pour le mois précédent faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillés, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos, cosigné par le salarié tel qu'imposé par la convention collective. En outre, si des entretiens annuels d'évaluation étaient réalisés, les comptes rendus versés par l'employeur (pièces nº16 et 17 de ses productions) démontrent que ces entretiens avaient pour contenu : le bilan des objectifs sur la période écoulée, l'évaluation des compétences professionnelles, la fixation des objectifs pour l'année à venir, la formation, le bilan de l'année et le développement professionnel. Il n'apparait à aucun moment l'existence d'un entretien sur la charge de travail de l'intéressé, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que la rémunération, prévue par la convention collective. Il résulte de ces constatations que l'employeur n'a pas respecté les modalités de contrôle du temps de travail et de suivi de la charge de travail fixées par l'accord collectif, dont le respect est nécessaire pour garantir la protection de la sécurité et de la santé du salarié. Ces défauts d'application ont pour conséquence de priver d'effet la convention de forfait en jours et le salarié peut alors réclamer le paiement des heures supplémentaires. En application de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. En l'espèce le salarié sollicite le paiement d'heures supplémentaires non réglées pour la période de septembre à décembre 2011 et au titre des années 2012 et 2013 à hauteur de 33.711 €. Il produit à ce titre des plannings des heures et jours de travail pour les années correspondantes (pièces nº 56, 57, 58 de ses productions) et des tableaux de calcul des heures supplémentaires (pièces nº 59 et 60 de ses productions). Ces pièces précises font apparaître la réalisation par le salarié d'heures supplémentaires hebdomadaires non réglées sur la période réclamée, le salarié étayant ainsi sa demande de façon précise, permettant à l'employeur de pouvoir y répondre, peu important que les tableaux des heures aient pu être établis de manière rétroactive. Pour sa part, la société ne produit pas d'élément justifiant les horaires effectivement réalisés par le salarié, ou de nature à contester utilement les récapitulatifs fournis par celui-ci. Le jugement sera donc infirmé de ce chef, il sera fait droit à la demande du salarié au titre des heures supplémentaires et la société sera condamnée à lui payer les sommes telles que sollicitées auxquelles s'ajoutent les congés payés afférents. Sur les demandes au titre du remboursement de la majoration de salaires et aux jours RTT : La privation d'effet de la convention de forfait en jours qui n'est pas annulée ne saurait avoir pour conséquence de priver le salarié de la majoration de son salaire telle que prévue par avenant du contrat de travail du 1er septembre 2011 ni de l'octroi des jours de RTT. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de l'employeur au titre de la majoration de salaire mais n'ayant pas statué sur la demande nouvelle au titre des jours de RTT, de débouter la société de cette demande ».

1. ALORS QU'en cas de litige relatif au nombre d'heures travaillées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, dès lors que ce dernier a préalablement apporté des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'il appartient au salarié qui réclame le paiement d'un rappel d'heures supplémentaires d'étayer sa demande par des éléments suffisamment précis quant aux horaires qu'il prétend avoir réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre ; qu'en l'espèce dans ses conclusions d'appel la société DESSERTS BROONS contestait tout droit de Monsieur S... au paiement d'heures supplémentaires faisant valoir que ses demandes n'étaient pas cohérentes et crédibles compte tenu des erreurs et contradictions de son décompte ; qu'en faisant droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires du salarié, sans vérifier si, tel que soutenu par l'employeur, au regard des incohérences et contradictions des décomptes du salarié sa demande n'aurait pas dû être considérée comme insuffisamment étayée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2. ALORS ET POUR LA MEME RAISON QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leurs sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en faisant droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires du salarié, sans répondre au moyen de la société selon lequel cette demande ne pouvait être considérée comme étayée au regard des incohérences et contradictions de ses décomptes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3. ALORS QUE lorsque l'employeur n'assure pas l'effectivité des règles relatives à la protection de la sécurité et de la santé du travailleur, cette défaillance prive l'employeur de la possibilité de se prévaloir de la convention de forfait, qui, de ce fait, n'est pas nulle mais privée d'effet ; que l'inopposabilité de la convention de forfait entraine le décompte du temps de travail et des heures supplémentaires selon le droit commun du code du travail ; que les journées de JRTT étant la contrepartie de la forfaitisation, elles constituent un tout avec le régime forfait et un avantage indissociable de l'application du forfait ; que ces JRTT perdent tout objet en cas de suppression de ce forfait, peu important que celui-ci soit déclaré sans effet et non nul ; qu'en retenant au contraire que la privation d'effet de la convention de forfait en jours ne privait pas le salarié du droit au paiement des jours de RTT prévus dans ladite convention, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1, L. 3171-4 et L3121-43 et suivants du code du travail dans leur version applicable au litige ;

4. ALORS A TITRE SUBSIDIAIRE QU'à supposer que le salarié ait conservé le droit aux jours de RTT prévus dans sa convention de forfait, ceux-ci devaient en toute hypothèse être décomptés de ses droit à rappels d'heures supplémentaires ; qu'en faisant néanmoins droit à l'intégralité des demandes de rappels d'heures supplémentaires de Monsieur S... sans tenir compte des jours de RTT accordés à l'intéressé, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1 et L3171-4 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société DESSERTS BROONS à payer à Monsieur S... la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du « préjudice moral distinct subi lié à la brutalité du licenciement », outre les frais irrépétibles et les dépens ;

AUX MOTIFS QUE « par ailleurs, la brutalité du licenciement et la procédure vexatoire de mise à pied a causé au salarié un préjudice distinct lui occasionnant des difficultés de santé ainsi qu'il résulte des pièces médicales produites (pièces n° 7 à 9, 10, 71 des productions du salarié). La somme de 500 € lui sera allouée à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral distinct subi » ;

ALORS QU'en statuant de la sorte, sans mieux caractériser en quoi la société DESSERTS BROONS aurait commis un manquement distinct du caractère justifié ou injustifié du licenciement et générateur d'un préjudice distinct de la rupture du contrat elle-même, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 [devenu 1231-1] du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail.