Usage et Décision unilatérale de l’employeur: définition et dénonciation

Dans le cadre de la gestion et de la bonne marche de son entreprise, un employeur peut instaurer des pratiques qui ne sont imposées ni par le Code du travail ni par une convention collective, mais uniquement par sa propre volonté.

 

Ces pratiques instaurées de façon informelle et non contractuelle peuvent être source de droit dans l’entreprise.

C’est le cas de l’usage ou d’une décision unilatérale de l’employeur.

Ces pratiques apportent des avantages bien précieux aux salariés mais peuvent être facilement remises en cause.

Dénonciation et définition d’un usage

Définition

Un usage d’entreprise correspond à une pratique instaurée par l’employeur dans son entreprise, qui se concrétise par l’attribution d’un avantage au profit des salariés. Il peut s’agir par exemple du versement d’une prime annuelle, d’un congé supplémentaire, de pauses…

 

Il existe tout de même un certain nombre de conditions qui doivent être réunies de manière cumulative pour que l’avantage puisse être considéré comme un usage et produire ainsi des effets juridiques.

 

 

Conditions de validité

Pour être qualifié d’usage, l’avantage accordé doit répondre à 3 conditions cumulatives :

 

  • Il doit être général, c’est-à-dire qu’il doit être accordé à l’ensemble du personnel ou au moins à une catégorie du personnel (par exemple, ouvriers de la maintenance) (Cass. Soc., 27 05 1987, n° 82-42.115). A titre d’exemple, la Chambre sociale de la Cour de cassation a considéré qu’une prime présentait tous les critères d’un usage et devenait de ce fait obligatoire.
  • Il doit être constant, c’est-à-dire attribué régulièrement cela suppose une constance dans son versement ou son usage. Exemple : une prime versée durant plusieurs années (Cass. Soc., 7 mai 1991, n° 88-43.889)
  • Il doit être fixe, ce qui implique qu’il soit déterminé selon des règles précises et pré-établies, par exemple une prime dont le mode de calcul dépend d’un critère précis même si son montant varie.

 

Ces avantages consentis aux salariés en vertu d’un usage d’entreprise ne sont pas intégrés au contrat de travail, l’employeur doit veiller à ne pas les contractualiser.

 

Si l’usage d’entreprise est mentionné dans le contrat de travail du salarié, il change de nature et devient un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié.

Usage et transfert d’entreprise

Le sort d’un usage peut se poser dans le cadre d’un transfert d’entreprise chez un nouvel employeur, qui n’a pas la même politique avec ses salariés au sein de sa société.

 

En cas de transfert d’entreprise, les salariés continuent à bénéficier de l’usage qui est transmis au nouvel employeur.

 

Il résulte d’une jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 11 janvier 2012 qui dispose qu’en cas de changement d’employeur, en application de l’article L.1224-1 du Code du travail, les salariés de l’entité transférée dont le contrat est en cours au moment du transfert, à l’exclusion de ceux embauchés ultérieurement, peuvent se prévaloir chez le nouvel employeur des usages, des accords atypiques et des engagements unilatéraux à caractère collectif, en vigueur chez l’ancien employeur au jour du transfert, la différence de traitement qui résulte par rapport aux autres salariés étant justifiée.

 

Ces usages cessent de s’appliquer soit par une dénonciation régulière par le nouvel employeur soit par l’entrée en vigueur d’une convention ou d’un accord collectif ayant le même objet.

Dénonciation d’un usage de l’entreprise

C’est précisément car la situation économique et les relations sociales de l’entreprise peuvent changer qu’un usage peut devenir incompatible aux réalités économiques ou sociales au sein de l’entreprise et donc obsolète.

Il est donc possible pour l’employeur de le supprimer de manière unilatérale en dénonçant cet usage mais tout en respectant un certain nombre de conditions.

Il est important de souligner qu’un employeur qui souhaite dénoncer un usage n’a ni à se justifier ni à motiver sa décision, celle-ci est discrétionnaire selon un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 20 octobre 1993 n° 89-18.949.

Les conditions de dénonciation d’un usage

Les conditions de dénonciation sont les suivantes:

 

  • L’employeur doit informer individuellement les salariés concernés par lettre simple ou recommandée, un simple affichage dans les locaux de l’entreprise ne suffit pas. (Cass. soc., 27.03.2008, n° 07-40.437)
  • L’employeur doit respecter un délai de prévenance suffisant. Ce délai est laissé à la libre appréciation des Juges, pour que de nouvelles négociations puissent être engagées, l’employeur n’est pas tenu de prendre l’initiative de ces nouvelles négociations. Les Juges ont pu estimer qu’un employeur ne peut supprimer début décembre une prime qui normalement est versée à la fin du mois de décembre, le délai de prévenance serait considéré comme insuffisant (Cass. soc., 27.02.1991, n° 87-44.026)
  • L’employeur doit informer les institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, (Le comité d’entreprise ou à défaut le délégué du personnel) ou le CSE s’il est mis en place selon les ordonnances Macron.

A noter que quand l’usage est à durée déterminée, il cesse de produire des effets au terme fixé sans que l’employeur soit tenu de procéder à une information des salariés concernés et des représentants du personnel.

Les effets de la dénonciation

Ce n’est qu’une fois les conditions de dénonciation remplies et l’usage dénoncé que celui-ci cesse d’exister. A la fin du délai de prévenance, les salariés ne peuvent plus prétendre au maintien de l’avantage que l’employeur leur accordait jusque-là.

 

Cette dénonciation ne peut être rétroactive et ne constitue pas une modification du contrat de travail, à moins que celui-ci ne fasse expressément référence à l’avantage supprimé selon la Chambre sociale de la Cour de cassation du 13 février 1996.

 

En l’absence de dénonciation régulière, les avantages prévus par un usage, un engagement unilatéral ou un accord atypique, l’employeur reste tenu de les respecter, même en l’absence de réclamation des salariés. (Cass. Soc 25 mai 1997)

 

Dénonciation et définition d’une décision unilatérale de l’employeur

Dans le cadre de son pouvoir de direction, lorsqu’il décide d’octroyer unilatéralement des avantages à ses salariés, un employeur peut également avoir recours à une décision unilatérale.

Définition

La décision unilatérale de l’employeur est un écrit par lequel l’employeur s’engage à accorder aux salariés un avantage supplémentaire par rapport à ceux qui sont déjà prévus par les accords collectifs ou les contrats de travail (primes, jours de congé…).

L’employeur peut prendre, vis-à-vis des salariés, une décision ou un engagement de faire quelque chose, ou de ne pas faire (ne pas licencier pendant un certain délai par exemple).

Cette décision peut résulter :

  • D’une note de service ou de la direction des ressources humaines ;
  • D’une décision prise devant l’ensemble du personnel ( soc.. 22 janv. 1992. n° 89-42.841) ;
  • D’une décision prise devant le comité d’entreprise ou une autre institution représentative du personnel ;
  • D’une application volontaire d’une convention collective aux salariés de l’entreprise alors que l’entreprise n’y est pas normalement soumise, cela constitue aussi un engagement unilatéral de l’employeur ;
  • D’un protocole de fin de conflit.

La décision unilatérale de l’employeur ne donne pas en principe, lieu à une négociation avec les représentants du personnel, ni à un référendum auprès des salariés.

La décision unilatérale de l’employeur doit être appliquée en respectant les conditions qu’elle prévoit.

 

Les dispositions de la décision unilatérale n’engagent que l’employeur sans mettre d’obligation à la charge des salariés. Elles ne peuvent pas être moins favorables au salarié que les autres normes sociales (contrats de travail, conventions collectives, règlements, et lois).

 

Contrairement aux usages, la validité d’une décision unilatérale n’est subordonnée à aucune condition particulière. La seule chose déterminante étant l’engagement de l’employeur.

 

Décision unilatérale et transfert d’entreprise

En cas de modification de la situation juridique de l’employeur, par fusion, scission, mise en location gérance… entraînant un changement légal d’employeur les usages et engagements unilatéraux sont transmis au nouvel employeur.

S’il souhaite se soustraire aux usages et engagements unilatéraux appliqués par le précédent employeur, l’acquéreur devra soit les dénoncer, soit conclure un accord collectif ayant le même objet. (Cass. soc. 7 mai 1996. n°93-44.289.)

 

L’existence dans l’entreprise d’accueil d’accords collectifs ou usages ayant le même objet que les usages et engagements transférés ne remet pas en cause ces derniers.

En revanche, s’il est conclu un accord d’adaptation dans l’entreprise d’accueil pour régler les problèmes du transfert, celui-ci peut mettre fin aux usages et engagements transférés.

La dénonciation de la décision unilatérale de l’employeur

Il existe une convergence de conditions entre la dénonciation d’un usage et la dénonciation d’une décision unilatérale d’employeur.

L’usage, l’engagement unilatéral ou l’accord atypique doit s’appliquer tant qu’il n’a pas été régulièrement dénoncé. Il ne peut cesser du simple fait du non-respect de ses engagements par l’employeur ou de l’absence de réclamation de la part des salariés (Cass. soc. 23 oct. 1991. n° 90-40.168).

La dénonciation d’une décision unilatérale d’employeur suppose :

  • Une information des représentants du personnel. Cette information peut se réaliser par une déclaration à l’occasion de la réunion mensuelle du comité ( soc. 14 mars 1999, n° 97-40.841).
  • Une information individuelle des salariés. Lorsque l’employeur dénonce un usage ou un engagement, il doit nécessairement procéder à une notification individuelle à tous les salariés concernés de sa décision de dénonciation. A défaut, l’usage ou l’engagement est maintenu ( Soc. 7  juillet 1998). L’information ne doit pas être uniquement affichée dans l’entreprise, ni être donnée par l’intermédiaire des délégués du personnel, ni être donnée verbalement.
  • Le respect d’un délai suffisant entre cette information et la fin de l’application de l’usage afin de permettre l’engagement d’éventuelles négociations. L’appréciation de ce délai est laissée aux juges.
  • Les effets de la dénonciation d’une décision unilatérale d’employeur

 

Après dénonciation régulière de l’usage ou de l’engagement unilatéral, les salariés ne peuvent prétendre au maintien des avantages collectifs ou individuels.

S’ils refusent de se conformer aux changements intervenus en raison de la dénonciation de l’usage ou de l’engagement unilatéral, ils pourront alors être sanctionnés voire licenciés pour faute grave (Cass. soc.. 10 févr. 1998, n° 95-42.543).

Les salariés ne peuvent non plus invoquer la modification de leur contrat de travail car les avantages résultant d’un usage ou engagement unilatéral ne s’incorporent pas au contrat de travail (Cass. soc., 31 janvier  1996. n° 93-42.008).

Enfin, notons qu’il a déjà été jugé, lors d’une dénonciation entachée d’une irrégularité, que la Chambre sociale de la Cour de cassation admette cependant que la décision reste en vigueur.

 

Fascicule mis à jour le 17 octobre 2019.

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