Appréciation jurisprudentielle du transfert d’une entité économique autonome

L’article L.1224-1 du Code du travail prévoit qu’en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur, et ce notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise concernée.

Cet article pose donc un principe de transfert des contrats de travail.

Selon la jurisprudence, cette disposition s’applique à tout transfert d’une entité économique conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise – (  Cass. Ass. Pl. 16 mars 1990, n°89-45.730 et n°86-40.686). Cette première condition liée à l’existence d’une entité économique autonome est très illustrée en jurisprudence.

 

L’existence d’une entité économique autonome retenue par la jurisprudence

Selon la jurisprudence, une entité économique autonome se définit comme étant un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre – (  Cass. Soc., 28 juin 2000, n°98-43.692 ; Cass. Soc., 23 juin 2021, n°18-24.597).

Pour illustration, la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 19 octobre 2022, a retenu que la reprise d’un savoir-faire particulier d’un salarié indispensable à l’activité économique de l’entreprise, en l’occurrence il s’agissait du savoir-faire particulier d’une coiffeuse, peut constituer un élément servant à caractériser une entité économique autonome – (  Cass. Soc., 19 octobre 2022, n°21-19.828).

De même, la Cour de cassation considère comme étant des entités économiques autonomes :

  • Le portefeuille d’une agence immobilière qui comprend des mandats de gestion d’appartements et de copropriétés – (  Cass. Soc., 23 septembre 1992, n°91-40.313) ;
  • La reprise de la commercialisation d’une marque, avec la clientèle qui y rattachée, ainsi que les fiches techniques, les prototypes et le carnet de commandes – (  Cass. Soc., 27 octobre 1999, n°97-43.194).

Relativement récemment, le Conseil d’Etat a retenu qu’une entité économique autonome peut émaner de plusieurs parties d’entreprises distinctes d’un même groupe – (  CE, 28 octobre 2022, n°454355).

 

L’existence d’une entité économique autonome écartée par la jurisprudence

En revanche, le transfert de tâches isolées ne constitue pas un ensemble organisé de personnes et de moyens poursuivant un objectif propre, de sorte que les dispositions de l’article L.1224-1 du Code du travail ne s’appliquent pas – (  Cass. Soc., 18 décembre 2000, n°98-42.885).

Également, la Cour de cassation a considéré que le transfert d’une entité économique autonome ne peut intervenir que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation de l’entité sont repris directement ou indirectement par un nouvel exploitant – (  Cass. Soc., 12 décembre 2013, n°12-20.098).

Récemment, la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 1er février 2023, a retenu que l’externalisation de l’activité commerciale n’entraine pas automatiquement un transfert d’entreprise – (  Cass. Soc., 1er février 2023, n°21-19.513). En l’espèce, l’externalisation en question se limitait au démembrement d’un service de sept personnes et la nouvelle filiale se trouvait dans un lien de dépendance certain avec la société mère. Les dispositions de l’article L.1224-1 du Code du travail ne trouvaient donc pas à s’appliquer.

 

 

Me Mélanie Le Corre

par
Avocat au Barreau de Paris
Expert en droit du travail
MLC Avocat

Fascicule mis à jour le 19 juin 2023.

Tous droits réservés.

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