Faute inexcusable et impact du droit pénal sur la responsabilité de l’employeur
L’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil
Par principe, le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé dans le cadre d’une affaire pénale. Il s’agit du principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.
Ainsi, selon la jurisprudence, si un employeur est condamné dans le cadre d’une affaire au pénal compte tenu du non-respect de son obligation de sécurité, alors cela signifie qu’il avait conscience du danger auquel il exposait son salarié, et malgré cela, il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Dans ces conditions, la faute inexcusable de l’employeur sera donc caractérisée.
Ainsi, dans un arrêt rendu le 11 octobre 2018, la Cour de cassation a retenu que pour l’employeur définitivement condamné pour homicide involontaire s’agissant de son salarié et dont la faute inexcusable est recherchée sur un plan civil, alors il doit être considéré comme ayant eu conscience du danger auquel il exposait son salarié et n’avoir pas pris les mesures qui étaient nécessaires pour l’en préserver – ( Cass. Civ. 2ème, 11 octobre 2028, n°17-18.712).
Selon ce principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, l’employeur condamné de manière définitive par le juge pénal est considéré comme ayant commis une faute inexcusable par la juridiction sociale.
A l’inverse, si le juge pénal conclut à l’absence de faute pénale non-intentionnelle, cela n’exclut pas la reconnaissance d’une faute inexcusable. En effet, la Cour de cassation a récemment retenu que l’absence de condamnation de l’employeur au pénal n’empêche pas le fait de faire reconnaitre l’existence d’une faute inexcusable.
Néanmoins, si l’employeur est relaxé, faute de lien de causalité entre les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité et l’accident du salarié, alors la faute inexcusable ne pourra être caractérisée. Le principe de l’autorité de la chose jugée s’appliquera.
En l’espèce, dans cette affaire jugée par la Cour de cassation, l’employeur avait été relaxé au pénal suite à la chute de l’un de ses salariés qui intervenait sur le chantier d’une maison en construction. Néanmoins, la Cour de cassation a considéré que l’employeur, s’il pouvait penser que le chantier était entièrement terminé, il ne s’en est toutefois pas assuré et n’a pas vérifié les conditions dans lesquelles le salarié allait intervenir sur le chantier. Elle retient donc que l’employeur aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver – ( Cass. Civ. 2ème, 13 avril 2023, n°21-20.947).
La question de la prescription
L’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur se prescrit par deux ans – (L.431-2 du Code de la sécurité sociale).
Ce délai de deux ans est interrompu par l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits par le salarié victime.
Ce point est important s’agissant des possibilités d’action du salarié victime, et ce d’autant plus s’il a uniquement agi sur le volet pénal. Il conserve donc toujours la possibilité d’agir en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
De même, il peut agir en reconnaissance de la faute inexcusable, et ce en dépit d’une action pénale qui aurait relaxé son employeur, compte tenu de l’interruption de prescription. Une décision de relaxe ne signifie donc pas pour autant pour l’employeur que le risque juridique est terminé.
par Me Mélanie Le Corre
Avocat au Barreau de Paris
Expert en droit du travail
MLC Avocat
Fascicule mis à jour le 2 juillet 2024.
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