Démission, prise d’acte et licenciement : articulation des notions

La démission, la prise d’acte et le licenciement correspondent à des modes de rupture du contrat de travail qui en termes de temporalité et articulation apportent leur lors de subtilités.

 

Le rappel des notions : démission, licenciement et prise d’acte

La démission

La démission est mode de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié. Cette démission lui permet de quitter l’entreprise sans avoir à justifier de cette décision.

Le licenciement

A l’inverse, le licenciement est une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur. Les motifs sont variés et ce licenciement peut par exemple intervenir pour une faute simple, une faute grave, une faute lourde ou pour un motif économique. Un employeur ne peut pas prendre acte de la rupture du contrat de travail. Ce dernier est obligé de procéder au licenciement. Il ne peut donc pas non plus, considéré le salarié qui a pris acte comme étant démissionnaire.

La prise d’acte

La prise d’acte correspond cette fois-ci à un mode de rupture du contrat de travail qui est prise par décision de justice. Le salarié va rédiger à l’attention de son employeur un courrier dit de « prise d’acte de la rupture du contrat de travail » faisant état de griefs qu’il reproche à son employeur et qui pour lui justifient la rupture de son contrat de travail. La prise d’acte ne requiert aucun formalisme, elle peut avoir lieu par orale, lettre simple ou lettre recommandée avec accusé de réception.

L’avocat du salarié peut également prendre acte de la rupture à sa place. Ce dernier saisira le Conseil des Prud’hommes par la suite également au nom du salarié. A noter qu’aucun préavis ne doit être réalisé dans le cadre d’une prise d’acte. Toutefois, en cas de prise d’acte non justifiée, la salarié pourra être contraint de verser une indemnité pour venir compenser ce préavis non effectué.

Contrairement à une démission avec l’accord de l’employeur ou une rupture conventionnelle dans le délai imparti, le salarié ne peut renoncer à la prise d’acte une fois réalisée. Cette dernière est définitive.

On rappellera que dans le cadre de la démission, le préavis doit être effectué. A noter qu’en cas de doute de requalification en démission, il est préférable pour le salarié de réaliser son préavis et d’en avertir son employeur.

Il doit s’agir de manquements graves aux obligations contractuelles de l’employeur – (  Cass. Soc., 30 mars 2010, n°08-44236). Ainsi, la prise d’acte est justifiée si les manquements de l’employeur doivent nécessairement empêcher la poursuite du contrat de travail – (  Cass. soc., 26 mars 2014, n°12-23.634). De plus les manquements doivent être récents sauf si le contrat de travail a été suspendu pendant cette période – (   Cass. soc., 11 déc. 2015, n°14-15.670).

La prise d’acte ayant pour effet de rompre immédiatement le contrat de travail, l’employeur doit lui remettre sans délai l’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail.

A noter que l’attestation Pôle Emploi devra alors contenir la mention prise d’acte pour le versement ou non versement des allocations éventuelles.

A titre d’exemple, le non-paiement des heures supplémentaires n’est pas un motifs justifiant la prise d’acte aux torts de l’employeur – (  Cass. soc., 21 janv. 2015, n°13-16.452). D’autres faits également ne sont pas de nature à justifier une prise d’acte :

  • Proposition de modification des conditions de travail voire du contrat de travail ;
  • Retard tolérable dans le paiement du salaire ou d’une prime ;
  • Une demande de l’employeur de réaliser des heures supplémentaires ou complémentaires ;

Exemples de situations justifiant des prises d’actes :

  • Absence du paiement du salaire, ou de fourniture de travail ;
  • Non respect de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur ;
  • Le non respect d’une clause conventionnelle importante ;
  • L’absence de cotisation sur le salaire ;
  • Des faits de harcèlement moral ou sexuel ;

A noter que seul un salarié titulaire d’un contrat à durée indéterminée peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

Le salarié saisit également en parallèle le Conseil de Prud’hommes qui va statuer sur cette rupture. Le Conseil de Prud’hommes est saisi directement dans le cadre d’un bureau de jugement. Celui-ci doit statuer dans le délai d’un mois à compter de sa saisine – (L.1451-1 du Code du travail).

Deux situations seront possibles : soit la prise d’acte de rupture du salarié est effectivement justifiée et dans ce cas, la rupture produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, soit tel n’est le cas, et la prise d’acte produira les effets d’une démission.

La prise d’acte justifiée, pour le salarié produit les effets suivants :

  • si le salarié n’a pas effectué son préavis, le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que l’indemnité de congés payés ;
  • l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement
  • mais également les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • éventuellement des indemnités pour dommages et intérêts dans certaines circonstances particulières – (exemple : harcèlement).

 

Articulation entre les différentes notions

Une procédure de licenciement qui serait engagée après une prise d’acte serait non avenue – (  Cass. Soc., 8 juin 2005, n°03-43321 ; Cass. Soc., 19 janvier 2005, n°02-41113). En effet, au moment de la prise d’acte, le contrat de travail est immédiatement et définitivement rompu. Dans ce cas, le juge va statuer sur les griefs invoqués dans la prise d’acte – (  Cass. Soc., 16 novembre 2005, n°03-45392). La tentative de licenciement de l’employeur ne sera pas examinée – (  Cass. Soc., 4 février 2009, n°07-44250).

D’ailleurs, en la matière, la Cour de cassation impose le respect de la chronologie exacte des ruptures.

C’est ainsi que lorsqu’un entretien préalable de licenciement survient avant la prise d’acte, la tentative de licenciement de l’employeur ne sera pas examinée – (  Cass. Soc., 28 juin 2006, n°04-43431).

Il en sera également de même si un mandataire liquidateur procède au licenciement économique d’un salarié en raison de difficultés financières de la société, alors même que le salarié avait déjà pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison d’un non-paiement de salaire – (  Cass. Soc., 30 juin 2010, n°09-41456).

Dans la même logique, un salarié qui décide de prendre acte de la rupture de son contrat de travail alors qu’il a été licencié, son action est caduque, et ce eu égard à la chronologie des modes de rupture.

Néanmoins, les griefs invoqués dans la lettre de prise d’acte de la rupture pourront être analysés.

Également, l’employeur ne peut recourir à une prise d’acte. Il doit en passer par une procédure de licenciement pour sanctionner d’éventuels manquements de son employé – (  Cass. Soc., 11 février 2004, n°01-45220 ; Cass. Soc., 23 mars 2011, n°09-42122).

Enfin, il est possible pour le salarié de prendre acte de la rupture alors même qu’il a engagé un procédure de résiliation judiciaire, avec de nouveaux griefs survenus après la demande initiale. Dans ce cas, la demande de résiliation judiciaire deviendra sans objet et le Juge ne se prononcera uniquement sur la prise d’acte.

L’employeur n’a aucun moyen de revenir sur la nature de la rupture du contrat une fois la prise d’acte réalisée par le salarié. Il ne pourra donc pas considéré que la salarié est démissionnaire ou engager une procédure de licenciement.

 

Prise d’acte et rupture conventionnelle

Une prise d’acte ne peut intervenir entre le terme du délai de rétractation et la date d’effet de la rupture conventionnelle que dans 2 hypothèses :

  • des manquements nouveaux sont survenus au cours de cette période,
  • le salarié a eu connaissance de manquements antérieurs au cours de cette période.

 

 

Me Mélanie Le Corre

par
Avocat au Barreau de Paris
Expert en droit du travail
MLC Avocat

Fascicule mis à jour le 21 novembre 2022.

Tous droits réservés.

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