Le régime juridique de la prise d’acte de la rupture
Tout salarié qui considère que son employeur a un comportement rendant impossible la poursuite du contrat de travail peut prendre acte de la rupture de celui-ci. Dans cette hypothèse, le contrat de travail est immédiatement rompu.
Recevabilité de la prise d’acte de la rupture
La prise d’acte constitue un mode particulier de rupture du contrat de travail réservé au seul salarié – ( Cass. soc., 25 juin 2003, no 01-42.335). Elle doit être justifiée par des manquements de l’employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat – ( Cass. soc., 26 mars 2014, no 12-23.634).
En cela, elle doit être distinguée de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, impliquant la poursuite des relations contractuelles jusqu’à la décision du juge, qui dira si les griefs invoqués par le salarié à l’appui de sa demande justifient ou non la rupture.
L’action prud’homale visant à imputer la rupture du contrat de travail à l’employeur se prescrit par 12 mois – (L.1471-1 du Code du travail).
Le point de départ de ce délai de prescription est la date de la prise d’acte et non la date des manquements reprochés à l’employeur – ( Cass. soc., 27 nov. 2019, no 17-31.258).
Le salarié doit nécessairement informer l’employeur qu’il prend acte de la rupture de son contrat de travail. Il ne peut se contenter de cesser le travail – ( Cass. soc., 1er févr. 2012, no 10-20.732). En revanche, la prise d’acte n’est pas subordonnée à une mise en demeure préalable de l’employeur – ( Cass. avis, 3 avr. 2019, no 15003).
La prise d’acte n’est soumise à aucun formalisme. Elle peut être notifiée à l’employeur par lettre signée du salarié. Pour des raisons de preuve, l’envoi d’un courrier recommandé avec avis de réception est préférable.
L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail ou qui le considère comme rompu du fait du salarié doit mettre en œuvre la procédure de licenciement.
A défaut la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse – ( Cass. soc., 25 juin 2003, nos 01-41.150 et 01-40.235).
Bon à savoir : La demande de requalification de la prise d’acte est portée directement devant le bureau de jugement – (sans phase préliminaire de conciliation), qui statue au fond (en principe, dans un délai d’un mois suivant sa saisine ; L.1451-1 du Code du travail).
Conséquence de la prise d’acte de la rupture
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit, dans le cas contraire, d’une démission – ( Cass. soc., 15 mars 2006, no 03-45.031).
Dans le premier cas, le juge accorde au salarié qui le demande une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de congés payés, l’indemnité de licenciement et les dommages et intérêts auxquels il aurait eu droit en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse selon le barème d’indemnisation fixé par les dispositions légales – (L.1235-3-2 du Code du travail).
Dans le second cas, le salarié n’a droit qu’à une indemnité compensatrice pour les congés payés non pris, les droits à congés devant être calculés à la date à laquelle le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Si, à la demande du salarié, la démission a été requalifiée en prise d’acte par le juge, celui-ci doit, pour l’appréciation du bien-fondé de la prise d’acte, prendre en considération les manquements de l’employeur invoqués par le salarié tant à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire devenue sans objet du fait de la démission postérieure qu’à l’appui de la prise d’acte – ( Cass. soc., 30 avr. 2014, no 13-10.772).
Bon à savoir : Le barème des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s’applique en cas de prise d’acte de la rupture prononcée aux torts de l’employeur. Ainsi lorsque ces ruptures produisent les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les juges sont désormais tenus d’appliquer le barème obligatoire. Toutefois l’application du barème est exclue en cas de prise d’acte de la rupture prononcée produisant les effets d’un licenciement nul – (harcèlement discriminatoire). Dans ce cas, le juge octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
par Me Alassane Sy
Avocat au Barreau de Paris
Expert en droit du travail
Fascicule mis à jour le 7 juin 2022.
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