Les apports de la Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la Sécurité Sociale
Le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 – (PLFSS- ou projet de budget 2024 de la Sécurité sociale) a été déposé à l’Assemblée nationale et présenté en Conseil des ministres le 27 septembre 2023. Ladite loi a été votée le 26 décembre et promulguée le 27 décembre 2023.
Les aspects les plus intéressant de cette loi modifiant le droit du travail sont décrits ci-dessous.
Arrêts de travail
À partir d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er juillet 2024, les femmes ayant subi une interruption de grossesse pour motif médical pourront percevoir les IJSS maladie sans délai de carence, pendant l’arrêt maladie qui en est la conséquence.
En télémédecine, la prescription ou le renouvellement d’un arrêt de travail sera limité à 3 jours et ne pourra pas avoir pour effet de porter à plus de 3 jours la durée d’un arrêt de travail en cours.
Deux exceptions sont prévues :
- la prescription ou le renouvellement de l’arrêt de travail par le médecin traitant ou la sage-femme référente de l’assuré ;
- l’impossibilité justifiée par le patient de consulter un professionnel médical compétent pour obtenir, par prescription en sa présence, une prolongation de l’arrêt de travail.
Les arrêts de travail prescrits en méconnaissance de ces dispositions n’ouvriront pas droit aux IJSS au-delà des 3 premiers jours.
La LFSS contenait une mesure visant à modifier les conditions dans lesquelles le versement des IJSS peut être suspendu par la sécurité sociale dans le prolongement d’une contre-visite médicale patronale, sur la base de la transmission par le médecin contrôleur de son rapport au service de contrôle médical de la CPAM. Outre une modification de la procédure de transmission du rapport, il était notamment prévu que si le rapport du médecin mandaté par l’employeur concluait à l’absence de justification de l’arrêt de travail, l’organisme local d’assurance maladie pouvait suspendre le versement des IJSS, et ce sans forcément une intervention préalable du service du contrôle médical ou un nouvel examen médical, hormis certaines exceptions (ex. : affection de longue durée).
Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, y voyant une violation du 11e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 sur la protection de la santé et le droit à toute personne se trouvant dans l’incapacité de travailler d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence – (c. constit., décision 2023-860 DC du 21 décembre 2023). La procédure actuelle reste donc en l’état – (c. séc. soc. art. L. 315-1, II).
Seule subsiste la précision selon laquelle lorsque le service du contrôle médical estime, à l’issue de l’examen de l’assuré, qu’une prescription d’arrêt de travail n’est pas ou plus médicalement justifiée, il en informe directement l’intéressé.
Indemnité de rupture conventionnelle individuelle
Depuis le 1er septembre 2023, l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle (RCI) est exonérée de cotisations et de CSG/CRDS dans les limites prévues par la législation de sécurité sociale, y compris lorsque le salarié est en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse d’un régime de retraite légalement obligatoire. En matière fiscale, l’indemnité peut relever de deux régimes. Pour le cas général (salariés qui ne sont pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire), l’indemnité est exonérée d’impôt sur le revenu dans les limites prévues par la législation fiscale (CGI art. 80 duodecies, 6°).
Pour les salariés en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire, elle est imposable dès le premier euro.
La LFSS pour 2024 clarifie les textes en précisant que les indemnités de RCI sont exonérées de cotisations de sécurité sociale et de charges ayant la même assiette dans la limite de deux PASS, « y compris lorsqu’elles sont imposables », à hauteur du montant le plus élevé entre soit le minimum légal ou conventionnel de l’indemnité de licenciement, soit 50 % de l’indemnité ou deux fois la rémunération annuelle brute du salarié sur l’année civile précédant la rupture – (LFSS art. 23 ; c. séc. soc. art. L. 242-1, II, 7° modifié).
Ce faisant, la LFSS met la législation en phase avec la mise à jour du Bulletin officiel de la sécurité sociale du 28 novembre 2023.
Pour mémoire, l’indemnité est exonérée de CSG/CRDS dans la limite du plus petit montant entre le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle et la fraction d’indemnité exonérée de cotisations sociales – (c. séc. soc. art. L. 136-1-1, III, 5°). La fraction d’indemnité exonérée de cotisations de sécurité sociale (soumise ou non à CSG/CRDS) est assujettie à une contribution patronale de 30 % – (c. séc. soc. art. L. 137-12).
Au-delà de certains montants (10 PASS en principe, 5 PASS pour les dirigeants cumulant leur mandat social avec un contrat de travail), l’indemnité de rupture est intégralement soumise à cotisations et à CSG/CRDS. Dans ce cas, il n’y a pas de contribution de 30 %.
Frais de transport domicile-travail des salariés
La loi de finances (LF) reconduit pour 2024 les mesures exceptionnelles « frais de transport domicile-lieu de travail » applicables en 2022 et 2023. Ainsi, l’employeur qui va au-delà de la prise en charge obligatoire de 50 % des frais d’abonnement aux transports publics ou à des services publics de location de vélos continue de bénéficier en 2024, sur cette prise en charge facultative, des avantages fiscaux et sociaux accordés à la prise en charge obligatoire, dans la limite de 25 % du prix des titres d’abonnement (loi 2022-1157 du 16 août 2022, art. 2, III, JO du 17). En pratique, la prise en charge reste exonérée d’impôt sur le revenu, de cotisations et de CSG/CRDS jusqu’à 75 % de la valeur du titre de transport sur 2024.
Concernant la « prime transport » et le forfait mobilités durables, en 2024, le plafond global d’exonération reste encore par dérogation de 700 € (au lieu de 500 €) par an et par salarié, dont 400 € (au lieu de 200 €) maximum pour les frais de carburant au sens strict (essence, diesel).
Par dérogation, les salariés pouvant utiliser les transports en commun qui engagent des frais de carburant ou des frais d’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail demeurent éligibles à la « prime transport » une année de plus.
Enfin, le cumul de la « prime transport » avec la prise en charge obligatoire de 50 % des titres d’abonnement aux transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos perdure en 2024.
À partir de 2025, les mesures exceptionnelles ci-dessus ne seront plus applicables. Néanmoins, la LF majore de 100 € les plafonds d’exonération de droit commun (impôt sur le revenu, cotisations, CSG/CRDS).
Ainsi, le plafond d’exonération global de la « prime transport » et du forfait mobilités durables passera à 600 € (au lieu de 500 €) par salarié et par an, dont 300 € maximum (au lieu de 200 €) pour les frais de carburant (essence, diesel) (LF art. 7).
Par ailleurs, le plafond d’exonération applicable en cas de cumul forfait mobilités durables/prise en charge obligatoire des frais de transport publics ou de services publics de location de vélos passera de 800 € à 900 € par salarié et par an. L’exonération restera limitée au montant de la prise en charge obligatoire si celle-ci dépasse 900 € (800 € aujourd’hui).
La LFSS prévoyait qu’à compter du 1er juillet 2024, les employeurs devraient également participer à hauteur de 50 % aux frais d’abonnement aux services privés de location de vélos engagés par leurs salariés pour leurs déplacements domicile-lieu de travail (LFSS art. 22). Le Conseil constitutionnel a censuré cette mesure à titre de « cavalier social », car ne relevant pas du domaine des lois de financement de la sécurité sociale – (c. constit., décision 2023-860 DC du 21 décembre 2023). Elle pourra donc être réintroduite dans une autre loi. En attendant, seule la prise en charge de 50 % aux frais d’abonnement à des services publics de location de vélos reste obligatoire – (L.3261-2) du Code du travail.
Coût du travail
La LFSS autorise le gouvernement à décorréler de l’évolution du SMIC les plafonds de rémunération ouvrant droit aux réductions de taux de cotisations patronales d’assurance maladie et d’allocations familiales – (LFSS art. 20 ; c. séc. soc. art. L. 241-2-1 et L. 241-6-1 modifiés).
En pratique, un décret a figé au 31 décembre 2023 le taux du SMIC à retenir pour calculer les plafonds de 2,5 SMIC et 3,5 SMIC, avec un niveau plancher garanti – (c. séc. soc. art. D. 241-1-2 et D. 241-3-2 modifiés).
Enfin, un décret a porté de 1,90 % à 2,02 % la cotisation patronale déplafonnée d’assurance vieillesse – (c. séc. soc. art. D. 242-4 modifié).
par Me Nicolas BECK
Avocat au Barreau de Paris
Expert en droit du travail
Fascicule mis à jour le 23 janvier 2024.
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