Jurisprudence à la loupe
Cass. soc. 2 février 2022, n°20.15-744
Forfait / Forfait jours / Organisation du travail / Pouvoir de direction / L.3121-58
La Cour de cassation considère que le fait d’être au forfait en jours, n'instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l'organisation du travail par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction. L’employeur peut ainsi imposer des journées voire demi-journées de présence dans les locaux de l’entreprise si l’activité de l’entreprise l’impose. En l’espèce il s’agissait d’une clinique vétérinaire. Certaines contraintes horaires peuvent donc être imposées.
Cass. soc. 19 janvier 2022, n°20-12.420
RGPD / Droit à l’image / Visée commerciale / Site Internet
L’employeur doit faire le nécessaire afin de ne pas utiliser l’image d’un salarié qui refuserait l’utilisation de cette dernière, afin de ne pas être redevable de dommages et intérêts. Ce doit à l’image est valable aussi bien pendant qu’après la relation de travail avec le collaborateur. La seule constatation de l'atteinte au droit à l'image ouvre droit à réparation.Cass. soc. 2 février 2022, n°21-60.046
Syndicat / Transparence financière / Représentativité / Approbation des comptes / L.2121-1
S’agissant du critère de transparence financière exigée notamment pour la représentativité, la Cour de cassation considère que c'est à la date de l'exercice de la prérogative syndicale que la condition de la transparence financière doit être appréciée et que l'approbation des comptes d'un syndicat pour un exercice clos doit avoir lieu au plus tard à la clôture de l'exercice suivant.Cass. soc. 16 février 2022, n°20-16.184 FS-B
Résiliation judiciaire / Barème / Indemnité / Cause réelle et sérieuse / Licenciement / L.1235-3
La résiliation judiciaire du contrat de travail survenue après l’entrée en vigueur des ordonnances dites « Macron » n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et donc l’application du barème ouvre droit aux indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse prévues par ce dernier – (le barème).
Cass. soc. 2 février 2022, n°18-23.425
Entretien préalable / Licenciement individuel / Procédure / Absence d’entretien / Cause réelle et sérieuse / L.1232-2
La Cour de cassation confirme dans cet arrêt que l’absence d’entretien préalable ne prive pas nécessairement le licenciement de son caractère réel et sérieux. En l’espèce, l’absence de convocation à un entretien n’est pas de nature à qualifier le licenciement de "sans cause réelle et sérieuse". Le non-respect de la procédure doit toutefois être indemnisé.
Cass. soc 26 janvier 2022 n°20-15.755
Rupture conventionnelle / Clause de non-concurrence / Renonciation
Si l’employeur peut renoncer à une clause de non-concurrence dans le cadre d’une rupture conventionnelle, la Cour de cassation rappelle qu’il peut le faire au plus tard à la date de rupture prévue au sein de la convention. Le principe étant que le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude s’agissant de sa liberté de travailler. Pour la Cour de cassation, le fait que la clause de non-concurrence évoquait uniquement l’hypothèse d’un licenciement et d’un préavis ne permet pas à l’employeur de revenir sur la clause à tout moment à l’issue de la rupture.
Cass. soc 5 janvier 2022 n°20-14.927 F-D
Dissimulation d’emploi / Heures supplémentaires / Preuve / Caractère intentionnel / L.8221-5
Le salarié doit rapporter la preuve du comportement intentionnel de son employeur qui chercherait à dissimuler la réalisation d’heures supplémentaires afin de caractériser la dissimulation d’emploi. Dans le cas d’espèce, un système d’enregistrement des heures supplémentaires avait été mis en place par l’employeur sans aucune intention de dissimuler les heures réellement effectuées. La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5, 2°, du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'une telle intention.
Cass. soc 26 janvier 2022 n°20-13.266
Forfait jours / Temps de travail / Jours de repos / Contrepartie / Renonciation / Majoration / L.3121-59
L’employeur doit déterminer la contrepartie de la majoration de salaire obligatoire lorsque le salarié au forfait en jours, renonce à une partie de ses jours de repos. En principe, cette majoration fait l’objet d’un accord écrit dans la convention de forfait entre l’employeur et le salarié. A noter que la majoration de la rémunération ne peut être inférieure à 10%. La Cour de cassation vient rappeler qu’en l’absence d’accord, le Juge peut déterminer librement cette majoration sans que cette dernière ne soit inférieure à 10%, en l’espèce, la Cour avait fixé le taux de majoration à 25%. Le nombre de jours travaillés dans l'année ne peut excéder un nombre maximal fixé par l'accord prévu à l'article L. 3121-39. A défaut d'accord, ce nombre maximal est de deux cent trente-cinq jours.
Cass soc., 19 janvier 2022, n°20-10.057
Licenciement / Liberté d'expression / Pénale
Le licenciement d'un salarié qui a signalé un conflit d'intérêts est nul, même si les faits signalés sont faux, si l'employeur n'apporte pas la preuve de la mauvaise foi du salarié.
Les faits relatés par le salarié, indépendamment de leur véracité doivent être de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement
Cass soc., 26 janvier 2022 - n°20-21.636
Durée du travail / Durée maximale / Préjudice / Sécurité / Santé / L.3121-35
La Cour de cassation juge que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail, soit 48 heures par semaine, est en soit un préjudice qui porte atteinte à la sécurité et à la santé du salarié. Le salarié n'a pas à démontrer ce préjudice qui doit être réparé.
Cass soc., 5 janvier 2022 - n°20-20.946
CSE / Election / Proportionnalité / Alternance / Annulation de l’élection / Représentation hommes-femmes
La Cour de cassation annule l'élection de candidats au CSE de listes ne respectant pas les règles de proportionnalité et d'alternance entre les sexes, même si les listes avec la bonne représentation auraient conduit à l'élection des mêmes personnes.
Cass soc., 5 janvier 2022, n°20-15.005
Syndicat / Liberté de circulation / Tractation / Horaires de diffusion / Horaires variables / L.2142-4
La Cour de cassation rappelle le principe selon lequel les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci aux heures d'entrée et de sortie du travail. Cette possibilité de tractation vaut également pour les plages d’horaires variables, notamment celles prévues dans le cadre d’un accord temps de travail.Cass soc., 15 décembre 2021, n°19-20.978
Preuve / Objectif / Prime / Variable / Rémunération / Calcul / Paiement
Pour la Cour de cassation, aux termes de l’articles 1353 du Code civil, l’employeur doit être en mesure de prouver que les objectifs demandés au salarié sont réalisables. Dans le cas contraire, en l’absence d’élément de preuve de l’employeur, le salarié peut prétendre au paiement de la prime variable.
CE, 29 décembre 2021- 4ème et 1ère Ch réunies., n°453069
CSE / Consultation / Licenciement / Elu / Représentant / Effectif / Avis / L.2312-4
Dans cette décision, le Conseil d’Etat précise les contours de l’application de l’article L.2312-4 du Code du travail imposant en principe un avis du CSE sur le projet de licencier un élu ou un membre de la délégation du CSE ou suppléant – (ex : représentant syndical). Ainsi, pour le Conseil d’Etat, cette obligation de consultation et d’avis dans le cadre de la demande d’autorisation de licencier un salarié protégé, ne vaut pas pour les entreprises de moins de 50 salariés, sauf accord d’entreprise prévoyant des dispositions plus favorables. A noter que cet avis du CSE reste nécessaire pour les entreprises de plus de 50 salariés.
Cass.soc 15 décembre 2021, 20-17.406
Indemnité / Clause / Congés payés / Clause de non-concurrence / L.3141-1
La Cour de cassation valide la possibilité d’inclure l’indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire uniquement si des conditions particulières le justifient et que cette inclusion doit résulter d'une clause contractuelle transparente et compréhensible. Si la clause n’est pas claire sur l’inclusion des congés payés ce n’est pas possible. Le fait que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence soit une somme forfaitaire ne peut suffire pour englober les congés payés.
Cass.soc 24 novembre 2021, 19-25.145
Mandat syndical / Discrimination / Intimidation / Violence / L.1132-1 / L.1134-1 / L.2141-5
Une discrimination syndicale dans le cadre de l’exercice du mandat avec un auteur également salarié protégé, n’exonère en rien la responsabilité de l’employeur. L’employeur devait diligenter une enquête et sanctionner l’auteur. Des faits de violence et d'intimidation commis dans l'entreprise par un salarié protégé caractérisent un abus dans l'exercice du mandat et un manquement aux obligations découlant du contrat de travail justifie le prononcé d'une sanction disciplinaire, de sorte que la circonstance qu'ils sont survenus dans le cadre de l'exercice du mandat n'est pas de nature à justifier la carence de l'employeur.Cass. soc 15 décembre 2021, n°19-24.122
Prise d’acte / Modification du contrat / Changement de poste / Licenciement / L.2411-1
Une salariée protégée s’oppose à une nouvelle affectation, prend acte de la rupture tout en reprochant à son employeur d’avoir initié une procédure de licenciement disciplinaire pour absence injustifiée. En l’espèce, la Cour de cassation rappelle qu'aucune modification du contrat de travail ou qu'aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé, d'autre part, qu'en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement. Enfin, l'acceptation par un salarié protégé d'une modification du contrat de travail ou d'un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son travail. On retiendra la sévérité de l’arrêt de la Cour concernant la modification du portefeuille clients qui ne relève pas du pouvoir de direction de l’employeur concernant un salarié protégé.
Cass.soc., 15 décembre 2021, n°20-19.334
Clause de mobilité / Modification du contrat / Lieu de travail
La Cour suprême rappelle que la Cour d’appel reste souveraine en matière d’interprétation des clauses du contrat de travail. Or en l’espèce, la Cour d’appel avait appliqué un raisonnement a contrario en considérant que si la clause indiquait « qu'un déplacement du lieu de travail à moins de 30 kms constituait une simple modification des conditions de travail »; si cela dépassait il y avait modification du contrat et ce, indépendamment du régime de droit commun prévoyant une durée plus longue que 30 kms. En conséquent, la Cour d’appel n’avait pas à vérifier que le nouveau lieu de travail se situait dans le même secteur géographique.
Cass.soc., 24 novembre 2021, n°20-13.904, F-B
BDESE / Référé / Cour d’appel / Procédure / Président / Communication / R.2323-1 / L.2323-4
La Haute juridiction valide la compétence exclusive du Président du Tribunal de Grande Instance en matière de référé afin de constater l’existence ou non d’un trouble manifestement illicite résultant de l’absence de communication par l'employeur d'éléments manquants de la base de données économiques et sociales. Par ailleurs, l’absence d'engagement d'une procédure d'information-consultation n’entre pas en considération. Pour rappel, le CSE doit assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.
Cass. soc., 15 décembre 2021, n°20-18782
Indemnité de licenciement / barème / Salaire brut / Nature de l’indemnité / L.1235-3
La Cour de cassation confirme définitivement que l’indemnité de licenciement versée dans le cadre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être exprimée en salaire brut et non en net. Ainsi, la Haute juridiction rappelle que l’indemnité est exprimée en mois de salaire brut du salarié. Le salarié ne pourra prétendre qu’à la somme visée une fois l’ensemble des charges acquittées. Le Juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut.
Cass. soc. 1 décembre 2021 n°19-25.715
Obligation de sécurité / Réintégration / Harcèlement moral / Droit de retrait / L.2422-1
L’obligation de sécurité de l’employeur fait obstacle à la réintégration de salariés qui avaient exercé leur droit de retrait et dénoncé des agissements de harcèlement moral. Indépendamment de l’annulation du licenciement et de la sollicitation du salarié d’être réintégré. A noter que d’autres raisons sont susceptibles de faire échec à la réintégration, notament des empêchements matériels tels que la disparition de l’entreprise ou sa mise en liquidation judiciaire.Cass. Soc, 24 novembre 2021 n°19-20.400
Liberté d’expression / Reproches / Abus / Propos excessifs / Harcèlement / L.1121-1
La Cour de cassation confirme qu’un salarié peut s’adresser de manière virulente à son employeur sans que cela ne constitue un abus de liberté d’expression et donc une faute. La Cour rappelle que la limite qu’il convient de ne pas franchir, sont des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs. La dénonciation des conditions de travail, de la rémunération et des heures de travail n’est pas constitutif d’une faute. Sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.
Cass. soc 8 décembre n°19-22.865
Difficultés économiques / Licenciement économique / Appréciation des difficultés
La Cour de cassation précise que l’employeur ne peut se contenter de faire état des difficultés économiques au sein d’un service ou d’un département dans lequel le salarié exerce son activité mais qu’il doit faire la preuve des difficultés économiques au sein de l’entreprise dans son ensemble. A noter que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient.