Jurisprudence à la loupe

Cass. soc 1er décembre 2021 n°19-24.766

Congés payés / Licenciement nul / Réintégration / Acquisition de congés payés / L.3141-3

En accord avec la CJUE, la Cour de cassation accepte enfin l’acquisition de congés payés entre la date du licenciement jugé nul et la réintégration effective du salarié. Il s’agit donc d’un revirement jurisprudentiel au niveau national ainsi qu’une mise en conformité avec le droit européen sur cette question. Dorénavant, le salarié acquiert des congés payés sur toute la période allant de la date du licenciement nul jusqu’à la date de réintégration dans son emploi ou équivalent. Bon à savoir : A noter que cette règle n’a pas vocation a s’appliquer si le salarié a occupé un autre emploi durant cette période.

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Cass. soc 24 novembre 2021, n°20-17.610

Licenciement / Statut protecteur / Annulation de l’élection / Eligibilité

La Cour de cassation annule le licenciement d’un salarié qui avait fait l’objet d’un licenciement 2 jours avant son élection en tant que membre du CSE. Bien que l’employeur invoquait le fait que le salarié n’avait pas la qualité d’électeur et n’était donc pas éligible, n’étant plus dans l’effectif de l’entreprise, pour la Haute juridiction, le simple fait d’avoir pour l’employeur connaissance de la candidature imminente du salarié est suffisante pour lui octroyer le statut protecteur.

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Cass. soc 24 novembre 2021, n°20-19.040

Modification du contrat de travail / Prise d’acte / Salarié protégé / L.1221-1 du Code du travail

La Cour de cassation rappelle qu’en cas de refus de la proposition de modification du contrat de travail, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement. Il appartient à l'employeur de maintenir tous les éléments de rémunération antérieurement perçus par le salarié aussi longtemps que l'inspecteur du travail n'a pas autorisé son licenciement. Le fait que le salarié ne vienne pas travailler, ne prive pas l’employeur de s’acquitter du salaire.

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Cass. soc 24 novembre 2021, n°19-22.063

CSE / Droit d’alerte / Expert-comptable / Lettre de mission / Holding / Périmètre d’intervention

Si l’expert-comptable mandaté dans l’exercice du droit d’alerte peut en principe investiguer sur les différentes sociétés du groupe ainsi que la holding, il n’en demeure pas moins, que la date de cession des parts en cas d’acquisition de la filiale doit bien précéder la date de l’exercice du droit d’alerte. Si la cession est intervenue trop brièvement avant voire après l’élaboration de la lettre de mission de l’expert-comptable ce dernier ne pourra obtenir les informations concernant les autres sociétés sortant ainsi de son périmètre d’intervention.

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Cass. soc. 15 mai 2014 n°12-30.148

Matériel professionnel / Sanction illicite / Retenue sur salaire / L.1331-2

L’employeur avait mis à disposition du salarié un téléphone portable comportant un forfait de six heures de communications pour un montant de 71,29 euros. Ce dernier a dépassé son forfait téléphonique attaché à son téléphone professionnel. L’employeur avait donc retenu une somme de 1122 euros sur le salaire de l’employé constituant ainsi une sanction pécuniaire illicite.

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Cass. soc, 6 mai 2009, n°07-44.485

Sanction pécuniaire / véhicule / Franchise / Retenue sur salaire / L.1331-2

La société avait fourni un véhicule pour tout type de déplacement, y compris les week-ends et jours fériés. Après plusieurs accidents, l’employeur a réclamé 750 euros conformément aux stipulations du contrat de travail qui prévoyait une franchise. La Cour de cassation a relevé que la franchise représentait, une fraction du montant des dommages subis ou causés et qu’en l’espèce, la retenue opérée par l’employeur sur le salaire de M. X… ne représentait pas la franchise convenue entre les deux parties.

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Cass. soc, 20 octobre 2010, n°09-42.896

Sanction pécuniaire / VRP / Frais professionnels / L.1331-2

Il était prévu dans le contrat d’un VRP qu’en cas de non réalisation d’un certain chiffre d’affaires, M. X devait s’acquitter d’une certaine somme à titre de frais professionnels. La Cour de cassation confirme que l’employeur ne peut sanctionner son salarié sauf s’il considère un agissement causé par celui-ci comme étant fautif. Ainsi, il n’est pas recevable qu’une participation proportionnelle, prévue par le contrat de travail, au coût du véhicule de l’entreprise mis à sa disposition, soit re facturée en cas de non-réalisation d’un chiffre d’affaires.

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Cass. civ 2ème 21 octobre 2021 n°20-12.018 F-D

Protection sociale / IJSS / Remboursement / Voyages / L.323-6 du Code de la sécurité sociale

La caisse primaire d’assurance maladie est fondée à demander le remboursement des indemnités journalières de sécurité sociale au salarié en arrêt maladie qui s’est rendu à l’étranger pendant son arrêt de travail indemnisé.

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Cass. soc 10 novembre 2021 n°20.3712

Prise d’acte / Modification du contrat / Démission / Licenciement / Droit au repos / Droit européen

Suite au refus d’une promotion, un cadre dirigeant prend acte de la rupture de son contrat de travail. Il reproche la non imputabilité de la rupture à l’employeur et le fait de devoir s’acquitter d’une indemnité de préavis. Dans les griefs invoqués, le salarié mettait en avant le fait d’avoir été privé de son droit au repos en raison de sa charge excessive de travail. La Cour de cassation considère que le salarié se devait de demander spécifiquement à la Cour d’appel de se prononcer sur la compatibilité du droit européen avec le droit national avant d’invoquer un quelconque manquement de base légale. La question n’ayant pas été soulevée dans les conclusions du demandeur, elle considère qu’il ne s’agit pas d’une question pertinente.

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Cass. soc 10 novembre 2021 n°20-10.954

Expatriation / Période probatoire / Modification du contrat / Prise d’acte / Changement de poste / L.1231-5

Un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail après avoir refusé un changement de poste à l’issue d’une expatriation au sein d’une filiale du groupe. La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article L.1231-5 du Code de travail lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein. Si la règle de droit à vocation à s’appliquer, en revanche, en l’espèce, aucun lien de filialisation n’avait été caractérisé.

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Cass.soc. 29 septembre 2021 n°20.10-634

Salaire / Smic / Contrat de travail / Rémunération / Mode / Intérêts moratoires / Mauvaise foi

La Cour de cassation reconnaît que le non respect de la rémunération minimale au Smic cause nécessairement un préjudice au salarié dont le Juge appréciera l’étendue. Toutefois, la haute juridiction admet que le salarié qui souhaite obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires, doit faire état de la mauvaise foi de la société employeur.

Pour rappel, le Smic reste une rémunération minimale obligatoire d’ordre public absolu et ce, quelle que soit la forme de la rémunération versée : commission, pourboires etc.


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Cass.soc. 20 octobre 2021 n°20-11.485

Pouvoir / Entretien préalable / Procédure / Licenciement / Délégation / Notification

La Cour de cassation confirme l’impossibilité pour l’employeur de déléguer la procédure de licenciement à une personne étrangère à l’entreprise. En l’espèce, bien qu’il s’agisse d’une filiale appartenant au groupe de l’entreprise procédant au licenciement, aucune délégation n’est possible dans la mesure où cette filiale n’avait pas pour activité régulière, la gestion des ressources humaines de l’entreprise.

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Cass.soc. 4 novembre 2021 n°19-24.377

CDD / Requalification / Intérim / Intérimaire

Au même titre que la durée de l’emploi et plus généralement la fréquence des recours, constituent des faisceaux d’indices importants afin d’emporter la requalification du CDD, le fait d’avoir une qualification identique, d’exercer des tâches similaires et de travailler pour une certaine catégorie de clients.

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Cass.soc 20 octobre 2021 n°19-22.705, Inédit

Résiliation judiciaire / Date d’effet de la résiliation / Procédure collective / Liquidation judiciaire

En cas de résiliation judiciaire, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur. En conséquent, il est possible de déduire la date d’effet de la résiliation à partir du jour où le salarié n’exerce plus au sein de l’entreprise. En l’espèce, la Cour de cassation effectue ce raccourci intellectuel certainement pour rendre opposable les créances auprès de l’AGS dans le cadre d’une procédure collective.

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Cass.soc 20 octobre 2021 n°19-21.164, Inédit

Temps partiel / Requalification / Temps plein / Délai de prévenance / Planning / Organisation du travail

La Cour de cassation confirme la règle selon laquelle l’employeur doit communiquer à l’avance le planning de travail d’un salarié à temps partiel et que le non respect de ce délai de prévenance mentionné au contrat de travail suffit à lui seul a emporter la requalification du contrat. En l’espèce, la Cour de cassation a retenu la requalification en temps plein alors même que le salarié n’invoquait en cassation comme seul moyen, uniquement le dépassement du quantum des heures de travail. La Cour de cassation reprend à son compte les arguments du salarié dans ses conclusions d’appel.

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Cass.soc 20 octobre 2021 n°20-11.897, Inédit

Discrimination syndicale / Evolution de carrière / Coefficient hiérarchique

La Cour de cassation confirme la discrimination syndicale d’un salarié embauché en 1988 et estimant ne pas avoir suffisamment évolué après une première évolution en 1991 de son coefficient. Le salarié estime ne pas avoir bénéficié d’une évolution normale de carrière. Les conséquences pour l’entreprise sont notamment des dommages-intérêts, rappels de salaires, rappels de prime d'ancienneté, congés payés afférents … Afin de donner raison à l’ex salarié, la Cour fait état du fait que le salarié a apporté un panel de comparaison de deux collaborateurs dont les Juges ont souverainement apprécié la pertinence.

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Cass. soc 20 octobre 2021 n°19-23.838

Licenciement disciplinaire / Procédure / Délai / Faute grave

La Cour de cassation confirme le principe selon lequel, l’employeur qui licencie pour faute grave ne doit pas tarder dans l’accomplissement de la procédure, tout en respectant les délais incompressibles. En l’espèce, le fait d’avoir attendu plus d’un an pour procéder au licenciement a retiré le caractère de gravité que suppose la sanction ultime qu'est le licenciement. A titre indicatif, dans cette affait le salarié a été convoqué le 26 octobre et licencié le 8 juillet.

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Cass. soc 20 octobre 2021 n°19-24.923

Licenciement économique / Plan de sauvegarde / Validité du plan / Reclassement

La haute juridiction n’hésite pas à remettre en cause le plan de sauvegarde de l’emploi arrêté par le Juge commissaire si ce dernier contrevient aux règles de droit social. En l’espèce, l’autorisation donnée par le Juge commissaire de licencier l’ensemble des salariés n’est pas de nature a valider la suffisance du plan. Dans cette affaire, le reclassement devait être apprécié au niveau du groupe dès lors que toutes les sociétés qui le composent étaient détenues, directement ou indirectement, par le même actionnaire majoritaire, peu important que ce contrôle soit assuré par une personne physique en qualité de dirigeant.

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Cass. soc 20 octobre 2021 n°19-24.084, 19-24.090

Différence de traitement / Egalité de traitement / Transfert d’entreprise / Prime / L.1224-1

La Cour de cassation confirme la justification visant à autoriser la différence de traitement au sein de plusieurs salariés exerçant les mêmes postes en raison d’un transfert d’entreprise antérieur. Conformément à l’article L.1224-1 du Code du travail, le nouvel employeur est légalement tenu de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits et avantages qui leur étaient reconnus au jour du transfert. En l’espèce, la différence de traitement consistant en l’octroi d’une prime exceptionnelle, il s’agit bien d’une exception au principe « à travail égal, salaire égal ».

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Cass. soc 13 octobre 2021, n°20-14.649

Temps partiel / Prime « Cospar » / DOM-TOM / Prorata

La Cour de cassation confirme que le montant du bonus mensuel (dit ''prime Cospar''), allant de 50 à 60 euros pour les salariés travaillant à temps plein, est proratisé en fonction de leur durée de travail pour les salariés travaillant à temps partiel.

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Cass. soc 13 octobre 2021, n°19-24.754

Base de calcul / Restauration / Pourboire / Répartition du service / L.3244-1

Pour la haute juridiction, le montant du service entre dans le chiffre d’affaires de la structure et dans les sommes facturées aux clients. Ainsi, afin de déterminer, y compris par accord collectif, le montant de pourcentage de service qui revient au salarié, l’employeur ne peut calculer cette rémunération en retirant de l’assiette le montant du service de son chiffre d'affaires. L’employeur doit préciser clairement et sans ambiguïté que le pourcentage doit s'appliquer sur le chiffre d'affaires hors taxes et hors service le cas échéant. Se contenter d’indiquer que le pourcentage sera calculé sur un CA hors taxe n’est pas suffisant pour exclure le service.

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Cass. soc 13 octobre 2021, n°20-16.048

Refus de modification du contrat / Licenciement économique / Remplacement

Dans cette affaire, l’employeur avait proposé au salarié de supprimer les fonctions d'administrateur de garde tout en lui proposant une modification de son contrat. Suite au refus du salarié, l’employeur a procédé au licenciement économique de ce dernier. La Cour de cassation estime que le licenciement n’était pas motivé, dans le mesure où l'employeur avait proposé le nouveau système d'astreintes à un remplaçant ainsi qu’une augmentation de salaire. Or dans ces circonstances, le salarié licencié aurait accepté la modification du contrat et n'aurait pas perdu son emploi.

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Cass soc. 29 septembre 2021 n°13-23751

Convention collective / Clause de mobilité / Transfert d’entreprise / Obligation de transfert / Reprise de marché

A l’issue d’un transfert d’un salarié suite à la perte d’un marché, le repreneur de ce dernier, soumet un avenant comportant une clause de mobilité sur plusieurs départements. Jugeant cette clause abusive et exigeant seulement une localité spécifique, le salarié a saisi la juridiction pour voir son contrat se poursuivre dans les mêmes conditions  et ordonner la reprise du salaire.  Pour le salarié, le refus de la clause de mobilité n’était pas de nature à faire échec au transfert. En l’espèce, il existait un accord collectif de branche relatif à la reprise du personnel de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ainsi qu’un avenant à ce dernier organisant les modalités du transfert. La Cour de cassation considère que la perte d’un marché n’est pas de nature à faire échec au transfert lorsque le salarié n’a pas été licencié et qu’un accord collectif organise le transfert.

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Cass soc. 29 septembre 2021 n°19-25.016

Clause de mobilité / Modification du contrat / Licenciement économique

Un employeur informe un salarié de sa mutation. Suite à son refus, ce dernier a été licencié pour motif économique. La Cour de cassation rappelle que la proposition est effectuée au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, ou de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification. L'employeur qui n'a pas respecté ces formalités ne peut se prévaloir ni d'un refus, ni d'une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié. L’employeur ne peut se prévaloir d’un refus qui interviendrait à l’issue de ce délai alors même que la procédure n’a pas été respectée.

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Cass soc. 29 septembre 2021 n°20-14.179

Dénonciation / Harcèlement moral / Notification de licenciement / Qualification / Nullité / L.1152-2

Aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté des agissements répétés de harcèlement moral. Pour autant, il est important que le salarié qui s’estime victime d’une telle pratique, qualifie les faits d’ « harcèlement moral ». Le simple fait d’avoir fait état d’un sentiment de mal être au travail et  une dégradation de ses conditions de travail et une atteinte à sa santé préalablement à un licenciement n’est ainsi pas de nature à faire échec à ce dernier. En l’espèce, le salarié qui s’estimait victime de harcèlement devait lui-même remettre en question ses méthodes de management anormales.

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