Analyse de la démission – abandon de poste

 

Par principe et à l’exception de la rupture conventionnelle, le droit du travail offre deux options spécifiques propres à la rupture d’un contrat conclu entre un salarié et son employeur.

 

L’historique de l’abandon de poste

Il y a d’une part la démission dont la Chambre sociale de la Cour de cassation attribua une certaine définition au sein de son arrêt rendu   le 9 mai 2007 – n°05-40.315, en précisant qu’il s’agissait « d’un acte unilatéral par lequel un salarié manifeste de façon claire et non-équivoque sa volonté de rompre le contrat de travail » et d’autre part, lorsque la décision n’est prise non pas par le salarié mais par l’employeur il s’agira d’un licenciement. Le licenciement, a contrario, désigne la volonté de l’employeur quant à la rupture du contrat de travail et permet par conséquent d’amener le salarié à l’ouverture d’un droit à certaines indemnités.

Dans le cadre d’une procédure démission, autrement dit de la volonté du salarié de rompre son contrat de travail, le salarié se prive explicitement de toutes éventuelles indemnités de licenciement – (reste toutefois les indemnité congés payés).

A noter qu’il existe certaines exceptions où la démission permet l’octroi d’une indemnisation chômage, mais cela reste l’exception.

Avant la parution du « décret abandon de poste » de 2023, le salarié pouvait envisager un abandon de poste qui, préalablement était dépourvu de définition légale. C’est la jurisprudence qui précisa cette notion en affirmant qu’il s’agissait : « d’une situation type où le salarié quitte précipitamment son poste de travail sans autorisation de son employeur », néanmoins, la Cour de cassation a toutefois su affirmer et ce, dans un arrêt rendu   le 17 novembre 2009 – n° 98-42.072, que : « L’abandon de poste sans explication ni justification ne caractérisait pas la volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner ». En définitive, c’est cette jurisprudence qui avait ouvert la porte aux licenciements disciplinaires pour abandon de poste et permettait d’obtenir des indemnisation chômage.

 

Le nouvel abandon de poste démission

C’est par une réforme législative publiée au Journal Officiel du 22 décembre 2022, que la loi N° 2022-1 598 du 21 décembre 2022 dite « Marché du travail », a introduit en son article 4 une présomption simple de démission du salarié dans le cadre d’un départ volontaire de son poste. Cette réforme permis également d’introduire un nouvel article, L.1237-1-1 du Code du travail qui précise en ses termes que : « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai ».

Le point culminant de cette réforme entraînant la substitution du titre de « démission » à celui « d’abandon de poste », ayant ainsi pour conséquences de considérer qu’un tel un abandon de poste n’ouvre guère de droit à certaines aides telles que l’allocation chômage.

En conséquence, cette réforme vise principalement à limiter cette pratique de l’abandon de poste qui permettait autrefois à un salarié souhaitant cesser son activité professionnelle, d’obtenir le versement d’allocations suite à son licenciement. Depuis l’entrée en vigueur de cette réforme législative, le statut de démission est présumé après un certain délai de 15 jours. Il en ressort ainsi qu’en cas de non-respect du délai imparti, le salarié sera immédiatement présumé avoir abandonné son poste entraînant ainsi la fermeture de droits permis par l’assurance chômage.

Cette réforme a su toutefois susciter de larges débats ayant par conséquent amené le gouvernement à répondre à l’ensemble de ces interrogations mises en exergue. Ainsi, il est essentiel de rappeler que s’agissant de la formalité devant être respectée, l’employeur doit en principe adresser une mise en demeure à l’égard du salarié. Ainsi, cette procédure contient d’une part une demande de justification de son absence et d’autre part une mention lui précisant de reprendre son emploi dans le délai imparti.

Cette mise en demeure adressée au salarié doit respecter un certain formalisme afin d’être valide, tels que le délai donné au salarié ou encore les conséquences menées par cette procédure.

A noter cependant, que l’employeur n’est néanmoins pas nécessairement assujetti à cette formalité de mise en demeure, ainsi dans ce cas spécifique, le contrat de travail unissant l’employeur à son salarié sera par conséquent suspendu mais non rompu – (le salarié ne percevra pas son salaire).

Autrement dit rien n’oblige l’employeur a envoyer ladite mise en demeure. Il est fort a parier que des abus de l’employeur soient sanctionnés par les Juges au même titre que cela fut le cas pour dans le retard de la remise du solde de tout compte.

S’agissant toutefois de la nature de cette présomption de démission, cette dernière pèse en amont sur le salarié, mais prend également la forme d’une présomption simple. En d’autres termes, cette présomption peut, dans une certaine mesure, être renversée par le salarié souhaitant contester la rupture de son contrat. C’est la raison pour laquelle le décret du 17 avril 2023 exposa un ensemble de possibilités permettant au salarié de renverser cette présomption qu’il devra néanmoins préciser au sein de la mise en demeure, tel que l’exercice d’un droit de grève ou d’un droit d’un retrait, ou encore pour des raisons médicales.

Il existe, pour le salarié, certaines exceptions visant à protéger l’exercice de ses droits. Dans la mesure où son activité représenterait un danger imminent, son absence ne peut être considérée comme un abandon de poste et serait a contrario considérée comme légitime, c’est ce dont précise l’article L.4131-1 du Code du travail en ses termes : « Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation ».

S’agissant des recours pouvant être envisagés dans l’hypothèse où un salarié désirerait contester l’application de cette présomption, ce dernier est en mesure de saisir le conseil des prud’hommes qui dispose ainsi d’un délai d’un mois afin de statuer sur l’affaire.

La question de présomption de démission fut également traitée par le Conseil d’État dans un arrêt Mme B… c/ commune de Bouillargues en date du 23 décembre 2022 et ce, dans un but concret de faire annuler le décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 publié au journal officiel le 18 avril 2023 aux motifs d’un abus de pouvoir.

Dans les faits, une agent de la commune a été radiée des cadres de la commune pour abandon de poste par arrêté du maire. De ce fait, la demanderesse saisit le Conseil d’État en énonçant le moyen selon lequel celle-ci aurait été dépourvue de toute mise en demeure préalable générant ainsi un doute sérieux relatif à la légalité de cette radiation. En réaffirmant en amont sa jurisprudence constante, le Conseil d’État rejeta la demande de suspension de la requérante et ce, en raison de l’absence de moyens susceptibles de faire naître un doute sérieux sur l’arrêté contesté.

 

 

Fascicule mis à jour le 23 mai 2023.

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