CPH Amiens : Quel avenir pour le barème Macron ?
Après les Jugements du Conseil des prud’hommes de Troyes le 13 décembre dernier c’est au tour du Conseil d’Amiens de déconsidérer le barème des ordonnances Macron.
C’est dans une décision en date du 19 décembre dernier que le Conseil des prud’hommes d’Amiens a estimé que ledit barème était contraire au droit international.
On note que le fondement invoqué est identique à la décision du CPH de Troyes à savoir la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT). D’après les Juges, les juridictions nationales doivent être autorisées à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.
Dans ce dossier les Juges, considèrent que « Le salarié [licencié] subit irrémédiablement un dommage […] d’ordre psychique mais également d’ordre financier » car l’indemnité versée par Pôle Emploi ne maintient pas ses revenus au niveau antérieur.
Le Conseil des Prud’hommes d’Amiens avait été saisis en février 2018 par le salarié d’un commerce d’alimentation générale. Le CPH a condamné la société à 2 000 € de dommages et intérêts ce qui est nettement plus que le pourcentage de mois de salaire prévu par les Ordonnances travail de 2017.
Il s’agit de la deuxième juridiction spécialisée a refuser clairement de faire application du nouveau barème qui comprenait déjà plusieurs exceptions à son application : harcèlement…
L’instauration du barème avait déjà suscité de vives critiques au sein du monde juridique ; aussi bien du côté des avocats que des magistrats qui s’estimaient pour certains imputés d’une partie de leur pouvoir décisionnel et discrétionnaire leur permettant une personnalisation des réparations.
Quelles conséquences sur l’application du barème
Comme rappelé lors des premières décisions du CPH de Troyes, il ne s’agit « que » de décisions de 1ère instance, reste à savoir si la Cour d’ appel suivra ainsi que la Cour de cassation. Pour autant, il convient de relever que cela témoigne d’une contestation clairement affichée par certains Juges. Reste à savoir si ce mouvement va continuer ou s’essouffler.
Par ailleurs, on constate que le Conseil des prud’hommes du Mans a pour sa part, estimé que le barème était conforme à l’OIT.
Enfin, le Conseil d’Etat, a également estimé dans une décision en référé de décembre 2018 que les ordonnances n’étaient pas contraire au droit international du travail.
Un conflit juridique quasi politique
Sans préjuger, d’une remise en cause à venir du barème ou d’un essoufflement de la vague de rejet de ce dernier, force est de constater que le conflit sur l’application du barème soulève de fortes tensions au sein des Conseils des Prud’hommes et au sein du Ministère du Travail.
Le CPH de Troyes avait d’ailleurs très clairement fait connaître sa position par un communiqué de presse à l’attention du Ministère du Travail en date du 20 décembre 2018 :
« … le Ministère du Travail interrogé par le journaliste, a cru bon commenter cette décision en tenant des propos extrêmement choquant et inadmissibles en affirmant que dans un dossier similaire le Conseil d’Etat avait, en référé rejeté les arguments avancés par le demandeur. La décision prononcée à Troyes faisant fi de ces éléments se posait à nouveau « la question de la formation juridiques des Conseilles Prud’homaux. En clair l’ignorance des Conseillers Prud’hommes serait mise en avant » …
Mettre en cause notre autorité, notre compétence et le principe de la séparation des pouvoirs, qui constitue pourtant l’un des fondements de notre démocratie est scandaleuse et porte atteinte à l’autorité de la justice et à son indépendance.
Que les Juges judiciaires écartent une loi votée, parce qu’inconventionnelle, n’est pas de l’ignorance mais l’exercice de leur pouvoir juridictionnel.
Les propos du Ministère du Travail ne sont pas acceptables. Ils sont sans fondement à l’égard de nos collègues en question voire à l’égard de l’ensemble des Conseillers Prud’hommes de France….
Nous estimons utile et opportun de rappeler que l’article 434-25 du Code Pénal interdit de jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature sur un acte ou une décision juridictionnelle dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance. »
Fascicule mis à jour le 7 janvier 2019.
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