Les Conseils de Prud’hommes continuent d’écarter le Barème d’Indemnités de Licenciement
C’est au tour du Conseil de Prud’hommes de Grenoble de refuser de faire application du barème déterminant à l’avance les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il ne s’agit pas de la première juridiction écartant ledit barème. Pour rappel les Conseils de Prud’hommes de Troyes, d’Amiens et de Lyon à deux reprises ont également fait ce choix.
Toutefois, il convient de relever que le Conseil de Prud’homme de Caen a pour sa part décidé de faire application du barème malgré l’invocation de la violation du droit international.
Dernier en date, le Jugement du 18 janvier 2019, le demandeur salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes de Grenoble afin d’obtenir notamment une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse de 3 500 euros alors qu’il avait été embauché en CDI du 21 décembre au 26 avril 2018.
La relation entre le salarié et la société était toutefois plus ancienne car le salarié avait été embauché préalablement en CDD dès 2017 en qualité d’aide-monteur d’échafaudage, avant de voir sa mission confirmée en CDI.
L’une des particularité du cas d’espèce vient du fait que la salarié a été victime d’un accident de travail et a en conséquent été arrêté pour une durée de 2 semaines avant de recevoir une lettre de son responsable indiquant qu’il ne souhaitait pas qu’il revienne travailler.
On relèvera dans les faits que le débat relatif à l’application ou non du barème portait sur une divergence d’appréciation de l’indemnisation du salarié à hauteur de 500 € environ.
En effet, si les Juges ont accordé une indemnisation à hauteur de 3 500 €, ils ont également fait valoir que le barème ne prévoyait qu’une indemnisation égale à 2 960,60 euros :
« Attendu qu’en l’espèce Monsieur XXXXX a un an d’ancienneté en tenant compte de la date d’embauche en contrat à durée indéterminée (24 avril 2017) et, d’après ce qui est défini à l’article L.1235-3 du Code du travail, il ne pourrait percevoir au maximum à titre de dommages et intérêts, que deux mois de salaire à savoir 1480.3 € *2 soit 2960.60 € brut ;
Qu’un tel barème n’est pas adapté au cas de Monsieur XXX licencié sans le respect d’aucune procédure de licenciement et sans bénéficier à sa reprise d’une visite médical… »
Sur le fond de la décision du CPH de Grenoble :
Le CPH de Grenoble considère : « Que la Charte sociale européenne est un traité du Conseil de l’Europe adoptée à Turin en 1961 qui garantit les droits sociaux et économiques et fondamentaux ; qu’elle est le pendant social de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, qui se réfère aux droit civils et politiques, elle garantit un large éventail des Droits de l’homme liés à l’emploi, au logement, à la santé, à l’éducation , à la protection sociale et aux services sociaux ;
Que la Charte est dès lors considérée comme la Constitution sociale de l’Europe ;
Que le caractère contraignant de la Charte sociale ne fait plus de doute et les principes qu’elle contient sont directement invocables devant le Juge français. »
Afin d’entériner la force contraignante de la Charte, le CPH de Grenoble prend appuie sur une décision du Conseil d’Etat reconnaissant qu’il s’agissait d’un traité international dans un arrêt du 7 juillet 2000 (Fédération nationale des associations tutélaires n°213461. Le jugement précise également que dans un arrêt du 8 septembre 2016, le Comité Européen (CEDS) énonce que « tout plafonnement qui aurait pour effet que les indemnités octroyées ne sont pas en rapport avec le préjudice subi et ne sont pas suffisamment dissuasives est en principe, contraire à la Charte ».
« Que le Comité en a jugé ainsi à l’égard de la loi finlandaise qui se bornait à fixer un plancher de 3 mois et un plafond de 24 mois … »
Il est enfin rappelé que : « le Juge prud’homal français a donc l’obligation de fixer une seule et unique indemnisation de tous les préjudices nés du licenciement, et l’Ordonnance du 22 septembre 2017 a enfermé cette indemnisation dans le barème plafonné ;
Qu’il existe des exceptions au plafonnement, énumérées à l’articles L.1235-3-1 du Code du travail notamment en cas de discrimination ou de harcèlement, ne doit en rien faire douter de cette réalité puisque le principe de réparation intégrale doit présenter un caractère général.
Qu’en réduisant l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par des plafonds trop bas, c’est bien la sanction de la violation de la loi qui perd son effet dissuasif à l’égard des employeurs qui peuvent budgéter leur faute. »
Fascicule mis à jour le 24 janvier 2019.
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