Drogue au travail : quelle distinction entre la possession et l’usage ?
S’il est évident que l’usage de drogue sur le lieu de travail est passible de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. La réponse adaptée par l’employeur peut être plus nuancée lorsqu’il ne s’agit pas d’usage ou de revente directement sur le lieu de travail.
Selon nous, il conviendra de différencier la consommation, l’usage et l’emprise de drogue sur le lieu de travail de l’introduction et la détention.
En effet, seuls les faits constatés et pouvant être prouvés peuvent faire l’objet de sanctions professionnelles.
Bon à savoir : Il est toujours préférable de rappeler l’interdiction de consommation et d’usage de stupéfiants au sein du règlement intérieur ou encore dans une note de service. Plus rare dans les faits, mais opportun, il peut être ajouter l’introduction et la détention de stupéfiants.
Notons que si la sanction doit porter sur la consommation, l’employeur qui devra prouver la consommation devra quasi nécessairement faire passer un test de dépistage au salarié concerné – exemple : test salivaire ou d’alcoolémie.
Distinction entre la détention et la consommation de drogue
La consommation et la détention de drogue sont principalement réprimées par le droit pénal. Il n’existe que peu de disposition sur le sujet de le Code du travail. Pour autant, il convient de rappeler que l’employeur à une obligation de sécurité à l’égard de ses employés lui permettant d’agir indirectement à l’encontre d’un salarié consommant ou sous l’emprise de drogue lors de son activité professionnelle.
S’agissant de la détention, l’article 222-34 du Code pénal dispose que cette dernière est pénalement répréhensible et l’on pourra considérer que l’employeur ne peut cautionner un comportement pénalement répréhensible.
Ceci étant l’employeur qui a une suspicion de consommation ou de détention de drogue d’un salarié, ne pourra en pratique, qu’effectuer un test de dépistage ou solliciter le médecin du travail de manière à constater l’inaptitude du salarié à exercer son activité – (R.4624-34 du Code du travail).
En cas de suspicion de l’employeur, ce dernier ne peut prendre l’initiative de fouiller les affaires personnels du salarié suspecté, ni le condamner sur des ouï dire ou des bruits de couloirs. De même, le témoignage d’un ou plusieurs collaborateurs pourra le cas échéant, justifier de faire passer un test de dépistage mais ne sera en aucun cas suffisant pour envisager une sanction. Dans de telles circonstances, la justification de la sanction reposerait sur la parole d’un salarié contre un autre. Or, Si un doute subsiste, il profite au salarié – (L.1235-1 du Code du travail).
Bon à savoir : A noter que si le salarié reconnait consommer de la drogue et formule un aveu, dans ce cas, l’employeur pourra effectivement le sanctionner – ( Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 07-40053).
Par conséquent, selon nous, à défaut d’avoir effectuer un test de dépistage dans les formes ou d’obtenir un aveu non équivoque du salarié, l’employeur ne peut sanctionner le salarié sans une preuve formelle attestant de la consommation de drogue sur le lieu de travail.
Si le chef d’entreprise a vu le salarié en possession de stupéfiants, dans ce cas il a la faculté de recourir au test salivaire sous certaines conditions :
- le règlement intérieur de l’entreprise (ou une note de service dans les entreprises de moins de 50 salariés) doit prévoir le test salivaire avant sa mise en place ;
- le test salivaire de dépistage ne doit pas porter une atteinte excessive à la vie privée du salarié ;
- il doit être justifié par des impératifs de sécurité. Le test ne peut concerner que des postes dits à risque (travail en hauteur, conduite de véhicule ou engin, manipulation de produits dangereux, etc…) ;
- le salarié doit pouvoir demander la présence d’un tiers et une contre-expertise.
Enfin, le recours au dépistage urinaire est également possible dès lors qu’il est prévu par le règlement intérieur et encadré.
La consommation de drogue en dehors des heures de travail peut également constituer une faute grave si le salarié est encore sous l’influence des stupéfiants pendant l’exercice de ses fonctions et manque ainsi à son obligation de sécurité.
Dans tous les cas, le fait pour le chef d’entreprise d’avoir simplement aperçu son salarié avec ses stupéfiants n’est pas suffisant pour entamer une procédure disciplinaire et encore moins un licenciement, car aucune preuve matérielle n’existe en l’occurrence. Le salarié pourra toujours, le cas échéant, nier qu’il détenait des stupéfiants ou qu’il en a consommé.
par Me Nicolas BECK
Avocat au Barreau de Paris
Expert en droit du travail
Fascicule mis à jour le 7 juin 2021.
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