Possibilité de fractionner une mise à pied disciplinaire

En vertu du principe « non bis in idem », une même faute ne peut faire l’objet de deux sanctions. Si tel devait être le cas, la première sanction serait valable et la seconde nulle (Voir notamment   Cass. soc., 17 déc. 1997, no 95-40.863).

Le fait de fractionner l’exécution d’une mise à pied sous certaines conditions ne porte toutefois pas atteinte à ce principe.

Aperçu des règles régissant la mise à pied disciplinaire

La mise à pied disciplinaire est une sanction à durée déterminée (  Cass. soc., 6 nov. 2001, n° 99-43.012). Elle consiste à interdire à un salarié fautif de venir travailler pendant un certain laps de temps.

Corrélativement, il perd son salaire pendant cette période d’inactivité forcée.

A l’issue de cette période de suspension de son contrat de travail, le salarié retrouve son emploi antérieur.

Bon à savoir : Il ne faut pas confondre mise à pied disciplinaire et mise à pied conservatoire. La mise à pied disciplinaire est une sanction, contrairement à la mise à pied à titre conservatoire qui est une dispense de travail intervenant au cours de la procédure disciplinaire dans l’attente d’une sanction à venir.

La loi ne fixe pas de durée maximale à la mise à pied. C’est au règlement intérieur de fixer la durée maximale de la mise à pied ; à défaut cette sanction est nulle – (  Cass. soc., 26 oct. 2010, no 09-42.740) et cela même en cas de dispositions sur ce point dans la convention collective applicable – (  Cass. soc., 7 janv. 2015, no 13-15.630). Le règlement intérieur ou la convention collective prévoient fréquemment une fourchette (1 à 2 jours, 3 à 8 jours).

A défaut de règlement intérieur (dans les entreprises de moins de 20 salariés), la durée généralement admise est de 3 jours même si les tribunaux ont eu l’occasion de valider des durées plus longues : 5 jours – (  Cass. soc., 23 juin 1999, no 97-41.121), 9 jours – (  Cass. soc., 29 mars 1995, no 93-41.863), et même jusqu’à 14 jours – (  Cass. crim., 9 nov. 1982, no 81-94.802).

La mise à pied à titre disciplinaire doit être précédée d’un entretien préalable, notifiée au salarié concerné et motivée conformément à l’article L.1332-2 du Code du travail.

 

Recours à un fractionnement dans l’exécution de la mise à pied

Il convient de noter d’emblée qu’aucun délai pour l’exécution de la sanction n’est prévu par la loi et la Cour de cassation a précisé que la loi « n’exige pas que la sanction intervienne dans le délai de deux mois mais seulement que dans celui-ci soient engagées les poursuites disciplinaires » – (  Cass. soc., 17 déc. 1987, n° 86-42.040). L’employeur dispose donc d’une certaine liberté lui permettant d’aménager l’exécution de la sanction au mieux des intérêts de l’entreprise. Il peut ainsi fractionner celle-ci sans que le salarié ne puisse se prévaloir d’un cumul de sanctions.

En effet, dans son arrêt en date du 12 avril 2012, la Cour de Cassation a considéré qu’une mise à pied de 4 jours peut valablement être exécutée de manière discontinue sur une période de 17 jours sans que cette sanction ne fasse obstacle à la règle « non bis in idem » – (  Cass. soc., 12 avr. 2012, no 11-13.768). La Haute juridiction confirme ainsi une jurisprudence isolée de 1993, qui avait admis un fractionnement d’une sanction sur deux journées non consécutives en raison de congés payés – (  Cass. soc., 17 mars 1993, no 89-44.897).

Cela dit, l’employeur doit avoir fixé, dès l’origine, c’est-à-dire dès le prononcé de la sanction les différentes dates d’exécution. A défaut, il ne peut reprocher à celui-ci son inexécution – (Cass. soc., 24 juin 2009, n° 08-41.438). En outre, les modalités ne doivent pas avoir pour effet ou pour but d’isoler ou de marginaliser le collaborateur sanctionné au risque sinon de voir la sanction retoquée pour détournement du pouvoir disciplinaire – (  Cass. soc., 12 avr. 2012, préc.).

De plus, l’employeur reste tenu de se conformer le cas échéant, aux prescriptions contenues sur le sujet dans la convention collective (si elles existent) et/ou dans le règlement intérieur. Sur ce point, la Cour de cassation a pu établir l’absence de circonstances vexatoires entourant la procédure disciplinaire dès lors que la procédure prévue au règlement intérieur a été suivie et l’employeur a préalablement alerté le salarié sur les difficultés relationnelles qu’il rencontrait et qu’il lui a proposé une formation – (  Cass. soc., 29 juin 2017, no 16-18.405).

Bon à savoir : Compte tenu de la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation s’agissant du défaut de fixation de la durée maximale d’une mise à pied – ( Cass. soc., 26 oct. 2010 no 09-42.740 et Cass. soc., 7 janv. 2015, no 13-15.630 précités), il convient d’être prudent et par précaution de modifier, le cas échéant, le règlement intérieur dans ce sens. En effet, le recours à un fractionnement dans l’exécution de la mise à pied nécessite, par précaution, que le règlement prévoie son principe.

 

 

Me Alassane Sy

par
Avocat au Barreau de Paris
Expert en droit du travail

Fascicule mis à jour le 21 juillet 2021.

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