Que faire en cas de démission équivoque du salarié avec des reproches a l’encontre de l’employeur ?
La définition de la démission
La démission est un acte par lequel le salarié décide de rompre son contrat de travail de sa propre initiative.
Cette qualification de démission n’est réservée qu’aux contrats de travail à durée indéterminée. En effet, ce mode de rupture n’est pas possible pour les contrats de travail à durée déterminée pour lesquels les ruptures anticipées sont limitativement énumérées.
La démission ne requiert aucun formalisme particulier de sorte qu’elle peut être verbale. Néanmoins, en pratique, et pour des raisons de preuve, celle-ci est plutôt écrite. Dans cet écrit, le salarié doit impérativement manifester clairement son intention de démissionner. Aucune ambiguïté ne doit ressortir de cet écrit. Selon la jurisprudence, la démission est « un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de rompre le contrat de travail » – ( Cass. Soc., 9 mai 2007, n°05-40.315).
Le cas de la démission équivoque : la prise d’acte
Lorsqu’un salarié remet à son employeur une lettre de démission qui comprend des reproches à l’encontre de celui-ci, la vigilance est de mise. Il peut s’agir par exemple de reproches qui concernent le non-paiement d’heures supplémentaires, la non-remise de bulletins de paie, des faits de discrimination ou de harcèlement de la part de l’employeur, ou encore la dénonciation de mauvaises conditions de travail.
Dans un tel cas, on parle de démission équivoque, et il conviendra, par précaution, de l’interpréter comme une prise d’acte.
La définition de la prise d’acte
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est un mode de rupture du contrat de travail prise par le biais d’une décision de justice.
En effet, le salarié va devoir saisir le Conseil de Prud’hommes s’agissant des griefs qu’il formule à l’égard de son employeur. Il doit s’agir de manquements suffisamment graves qui empêchent la poursuite de l’exécution du contrat de travail – (L.1451-1 du Code du travail).
Les conséquences de la prise d’acte
En pratique, la prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail. Le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis, contrairement à une démission.
En parallèle, le salarié doit saisir le Conseil de Prud’hommes des griefs qu’il reproche à son employeur. Le Conseil de Prud’hommes aura un mois pour se prononcer et prendre sa décision – (L.1451-1 du Code du travail). Deux cas de figure seront alors possibles :
- Soit la prise d’acte est considérée comme justifiée, et dans ce cas, la rupture du contrat produira les effets d’un licenciement injustifié. L’employeur devra donc notamment verser au salarié les sommes suivantes : une indemnité de licenciement, une indemnité de préavis et une indemnité pour licenciement injustifié.
- Soit la prise d’acte est considérée comme non justifiée, et dans ce cas, la rupture du contrat produira les effets d’une démission, et le salarié sera donc redevable d’une indemnité compensatrice de préavis auprès de l’employeur.
Les bons réflexes à avoir en cas de démission équivoque
Il ressort de l’analyse précitée que le risque réside dans le fait que la démission équivoque soit reconnue comme une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement injustifié.
Par conséquent, il est conseillé à l’employeur d’apporter une réponse au courrier du salarié, et de contester les griefs qu’il contient. A défaut, une absence de réponse pourrait s’interpréter comme une reconnaissance des griefs infligés.
Ce courrier de réponse devra donc contenir notamment :
- des éléments de réponse quant aux griefs soulevés par le salarié,
- la définition de la démission, à savoir le fait qu’il s’agisse d’un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail,
- une explication sur le fait que son courrier ne permet pas de déduire cette manifestation claire et non équivoque de démissionner. Il conviendra donc de lui demander une confirmation écrite de son souhait de quitter les effectifs, et qu’à défaut d’une telle confirmation, il ne sera pas libéré de ses obligations découlant de son contrat de travail et que l’employeur sera contraint de lui adresser une mise en demeure de reprendre son poste de travail.
par Me Mélanie Le Corre
Avocat au Barreau de Paris
Expert en droit du travail
MLC Avocat
Fascicule mis à jour le 13 septembre 2023.
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