Travail dissimulé : régime juridique

Notion de travail dissimulé

Les délits liés au travail dissimulé consistent principalement en la dissimulation d’activité et au recours à un travail dissimulé. Par assimilation, cependant, la publicité en faveur du travail clandestin se trouve également interdite – (L.8211-1 du Code du travail ; Cass. crim., 28 sept. 2010, n° 09-87.778).

 

La dissimulation d’activité

La dissimulation d’activité – (L.8221-3 du Code du travail) consiste dans le fait d’exercer à but lucratif une activité de production, de transformation, de réparation, de prestation de services ou de commerce sans s’être soumis à l’obligation d’immatriculation requise par la loi, ou sans avoir effectué les déclarations nécessaires aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale. L’infraction est consommée aussi bien en cas de défaut de déclaration initiale que d’omission des déclarations périodiques – (  Cass. crim., 30 mars 2016, n° 15-80.761 ).

Est considéré comme commerçant et donc soumis à l’obligation d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, quiconque, agissant en son nom et pour son propre compte, se livre de manière habituelle et professionnelle à des achats de biens meubles en vue de les revendre, que ces reventes aient lieu en France ou à l’étranger – (  Cass. crim., 30 mars 2016, n° 15-81.478).

L’activité clandestine doit être de nature à produire un gain à son auteur, peu importe qu’elle soit exercée à titre habituel ou occasionnel – (  Cass. crim., 13 janv. 2009, n° 08-80.760).

Le défaut de formalités ou de déclarations requises au titre de l’infraction s’entend d’une soustraction intentionnelle à l’une des obligations mentionnées à l’article L.8221-3 du Code du travail. Toutefois pour la Cour de cassation, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou règlementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable – (  Cass. crim., 19 déc. 2017, n° 16-85.930). La situation se rencontre lorsque, par exemple, une activité continue de s’exercer après radiation ou lorsqu’une entreprise, déclarée à l’étranger pour bénéficier d’avantages fiscaux, exerce en réalité son activité principale en France – (  Cass. crim., 11 mars 2014, n° 12-81.461).

Bon à savoir : La dissimulation d’activité se caractérise aussi par le recours au travail dissimulé, au prêt illicite de main-d’œuvre ou au marchandage, si les faits incriminés sont commis à l’égard de plusieurs personnes ou à l’égard d’une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur – (L.8224-3 du Code du travail).

La dissimulation du travail salarié

La dissimulation du travail salarié consiste dans le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités prévues aux articles L.1221-10 et L.3243-2 du Code du travail, à savoir la déclaration nominative préalable à l’embauche et la remise d’un bulletin de paie – (  Cass. crim., 5 févr. 2013, n° 12-81.383).

C’est également le cas des sous-évaluations volontaires du salaire par l’employeur – (  Cass. crim., 2 sept. 2014, n° 13-80.665).

Constitue également une dissimulation de travail salarié, le fait pour l’employeur d’organiser et de gérer le système de pourboires – (  Cass. crim., 1er déc. 2015, n° 14-85.480).

C’est encore le cas en cas de la soustraction intentionnelle aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales – (L.8221-5 du Code du travail).

 

Sanction du travail dissimulé

L’employeur coupable de travail dissimulé encourt des sanctions à la fois pénales et administratives. Elles peuvent même atteindre le salarié lui-même, s’il s’avère être complice. Autrement dit, indépendamment de l’indemnisation du préjudice subi par le salarié, l’employeur encourt de lourdes sanctions, voulues dissuasives par le législateur.

L’article L.8271-1-2 du Code du travail fixe la liste des agents pouvant constater les infractions relatives au travail dissimulé. Il en est ainsi par exemple des agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L.8112-1 du Code du travail ou encore des agents des organismes de sécurité sociale.

Sanction de l’employeur

La responsabilité pénale incombe aussi bien aux personnes physiques, qui encourent 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, qu’aux personnes morales, l’amende prévue étant alors de 225 000 euros – (L.8224-1 du Code du travail et L.8224-5 du Code du travail).

Des peines complémentaires sont également prévues comme l’interdiction d’exercer l’activité ayant donné lieu au constat du délit, voire l’exclusion des marchés publics, la confiscation des biens qui ont servi à commettre l’infraction ou utilisés à l’occasion du délit, l’affichage ou la diffusion de la condamnation pénale, notamment sur un site internet dédié du ministère chargé du travail, l’interdiction des droits civiques, civils et de famille – (L.8224-3 du Code du travail).

Des sanctions administratives sont également prévues comme le refus ou le remboursement des aides de l’Etat – (L.8272-1 du Code du travail et D.8272-1 du Code du travail), la suppression des réductions ou exonérations de cotisations sociales – (L.133-4-2 du Code de la sécurité sociale), la fermeture temporaire de l’établissement – (L.8272-2 du Code du travail et R.8272-7 du Code du travail), l’exclusion administrative temporaire des marchés publics – (L.8272-4 du Code du travail).

Sanction éventuelle du salarié

Lorsqu’il apparaît, au cours d’un contrôle accompli dans l’entreprise, qu’un salarié a travaillé sans que les formalités relatives à la remise d’un bulletin de paie et à la déclaration préalable à l’embauche aient été accomplies par son employeur (peu important qu’il l’ait accepté intentionnellement ou non), l’information est portée à la connaissance des organismes de sécurité sociale et à Pôle emploi – (L.114-15 du Code de la sécurité sociale). L’intéressé risque alors :

  • des retenues sur les indemnités journalières maladie et application des pénalités administratives de la branche maladie prévues en cas de demande de remboursement ou de prise en charge indues – (L.114-17-1 du Code de la sécurité sociale et L.323-6 du Code de la sécurité sociale) ;
  • en matière d’assurance chômage : suppression du revenu de remplacement et sanctions pénales pour fraude aux allocations – (L.5124-1 du Code du travail et L.5426-2 du Code du travail) ;
  • en matière de droits à la retraite : lorsqu’un redressement a une incidence sur les droits des salariés au titre de l’assurance vieillesse, l’Urssaf transmet les informations nécessaires à la Carsat afin qu’elle rectifie les droits de l’assuré. En cas de collusion entre l’employeur et le salarié, le report au compte de l’assuré des trimestres d’assurance vieillesse n’est possible qu’à condition que l’employeur ait préalablement réglé le redressement – (  Circ. Cnav no 2016-37, 4 août 2016).

 

 

Me Alassane Sy

par
Avocat au Barreau de Paris
Expert en droit du travail

Fascicule mis à jour le 12 novembre 2021.

Tous droits réservés.

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