Les contentieux liés au forfait jours

Les contentieux qui entoure le forfait jours ne sont pas rares, d’ailleurs ils abondent devant les juridictions sociales.

Le principal enjeu du contentieux de forfait jour concerne les demandes en paiement d’heures supplémentaires, du repos compensateur et dans certaines circonstances d’indemnité pour travail dissimilé.

La méconnaissance des conditions de validité du forfait jours par l’employeur a pour conséquence la nullité de la convention de forfait.

Dès lors, en cas de nullité, la relation contractuelle est soumise à l’application de la durée légale ou conventionnelle du travail et par conséquence au paiement des heures supplémentaires qui l’excèdent.

Ces litiges peuvent naître à des étapes différentes de la convention de forfait jours.

Les conditions liées aux salariés bénéficiaires

Tous les salariés de l’entreprise ne sont pas éligibles au convention de forfait, l’employeur ne peut conclure une convention de forfait jour avec un salarié qui n’entre pas dans les catégories prévues par les dispositions légales.

En effet l’article L.3121-58 du Code du travail dispose que les conventions de forfait en jours ne peuvent être conclues qu’avec:

  • les cadres autonomes dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif;
  • les salariés dont la durée du travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, avec de réelles responsabilités.

Le critère d’autonomie n’exige pas une totale indépendance, mais la jurisprudence est catégorique et considère que le salarié soumis à des horaires prédéterminés, à un planning collectif ou déterminé par son supérieur hiérarchique, n’était pas autonome.

Les fonctions réellement exercées par le salarié doivent correspondre à des fonctions d’autonomie,  le fait que le contrat de travail précise que le salarié à la qualité de cadre autonome ne suffit pas.

Le salarié doit appartenir aux catégories de salariés éligibles au forfait jours en vertu d’un accord collectif, que ce soit un accord d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, un accord de branche.

Lorsque l’une de ces conditions fait défaut, cela remet en cause la validation de la convention du forfait jour et c’est le droit commun de la durée du travail qui s’applique et cela suppose un décompte des heures supplémentaires sur la base des heures de travail réellement effectuées.

L’existence d’accord collectif

L’article L.3121-63 du Code du travail dispose que les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

En vertu de cette disposition, il n’est pas possible de faire un recours au forfait jours s’il n’ y a pas un accord collectif qui l’autorise.

Les prévisions de l’accord collectif

Afin d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, cet accord collectif prévoit des stipulations qui sont de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables, que les durées maximales raisonnables de travail et des temps de repos sont respectées et qu’une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé est assurée, Chambre sociale de la Cour de cassation du 29 juin 2011, n° 09-71.107.

Jusqu’en 2016, les conventions de forfait en jours conclues sur la base d’un accord collectif dépourvu de ces stipulations étaient frappées de nullité.

La Chambre sociale de la cour de cassation admet dans un arrêt du 25 janv. 2017, n°15-14.807 que la nullité de la convention de forfait entraîne le paiement des heures supplémentaires si la preuve de l’existence de ces heures de travail est rapportée ou, si le salarié ne réclame pas le paiement d’heures supplémentaires, le droit au paiement de dommages-intérêts en raison du préjudice résultant de cette nullité et dont le montant est apprécié souverainement par les juges du fond.

Des modifications ont été apportées par la loi travail du 8 août 2016, faisant évoluer la nullité.

Depuis le 1er janvier 2017, les conventions de forfait conclues sur la base d’accords collectifs ne comportant pas les mentions exigées par la Cour de cassation sont sécurisées sous réserve que l’employeur mette en place un certain nombre de modalités permettant de pallier l’absence de ces mentions conventionnelles.

L’employeur doit respecter les dispositions de l’article L.3121-65 du Code du travail qui prévoient :

  • 1° L’employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l’employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
  • 2° L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
  • 3° L’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

Ainsi les conventions de forfait conclues sur la base d’un accord collectif incomplet ne seront plus frappées de nullité, cela n’est valable que pour les contentieux avant la loi Travail, toutes les conventions après la loi travail doivent obligatoirement contenir ces dispositions.

Le respect des dispositions prévues par la convention collective

Une fois vérifié l’ensemble de ces conditions préalables, l’employeur doit veiller au respect d’un certain nombre d’obligations tout au long de la collaboration avec le salarié en forfait-jours.

L’employeur ne doit pas prendre à la légère les dispositions conventionnelles prévues par l’accord collectif.

La Chambre social de Cour de cassation admet dans un arrêt du 22 juin 2016, n° 14-15.171 que si l’employeur n’exécute pas les mesures contenues dans l’accord collectif pour garantir le respect des durées maximales de travail et des temps de repos, la convention de forfait n’est pas frappée de nullité mais est privée d’effet.

En pareil situation cela ouvre droit, pour le salarié, à un rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires – Chambre sociale de la Cour de cassation du 2 juillet 2014, n° 13-11.940.

Une telle sanction a été admise à plusieurs reprises par la Chambre sociale de cour de cassation lorsqu’elle a constaté que:

  • les règles relatives au repos pour les salariés n’ont pas été respectées pendant l’exécution de la convention de forfait jours – Chambre sociale de la Cour de cassation du 25 janvier 2017, n°15-21.950.
  • l’employeur avait omis, une année, d’organiser l’entretien portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle et ne justifiait pas avoir pris de mesures effectives pour remédier à la surcharge de travail évoquée par le salarié au cours de l’entretien annuel professionnel.
  • l’employeur se contente de fournir des attestations de salariés pour affirmer que les entretiens réguliers sur la charge de travail prévus par l’accord collectif ont été réalisés alors même qu’il est dans l’incapacité de fournir un compte rendu de ces entretiens et que des plaintes avaient été formulées à la direction de l’entreprise sur l’absence d’entretiens individuels depuis 2 ans.

Une convention individuelle signée par le salarié

Pour rendre opposable une convention de forfait jours à un salarié, celui-ci doit obligatoirement signer une convention individualisée de forfait jours, qui est nécessairement écrite et qui peut être aussi une clause inscrite dans le contrat de travail.

Cette convention doit indiquer les éléments essentiels du dispositif, c’est-à-dire le nombre de jours travaillés, les modalités de décompte de ces jours, les conditions de prise de repos, la rémunération et les modalités de surveillance de la charge de travail et l’articulation entre vie professionnelle et personnelle du salarié.

L’annulation d’une convention n’ouvre pas nécessairement et systématiquement droit au paiement d’heures supplémentaires, les juridictions prud’homales, auxquelles ces actions sont soumises, sont exigeantes en la matière.

Le salarié doit étayer sa demande, démontrer pièces à l’appui, qu’il a exécuté des heures supplémentaires, correspondant à du travail effectif, l’article L.3171-4 du Code du travail, cette preuve n’est pas évidente.

Le contentieux du travail dissimilé

Il existe également un contentieux concernant le travail dissimilé, un certain nombre de salariés liés à leur employeur par une convention de forfait en jours dénuée d’effet, ajoutent à leurs demandes de rappel de salaire, une demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Selon l’article L.8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail.

Conformément au principe de la légalité des délits et des peines, cet article est un texte d’interprétation stricte qui ne peut s’appliquer à d’autres situations que celles que le législateur a définies.

Il suppose la réunion de deux éléments constitutifs, l’un matériel et l’autre intentionnel.

L’élément matériel résulte de la mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L.8221-5 du Code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

C’est aux Juges de rechercher si l’employeur a agi intentionnellement. Le seul fait que le salarié ait été soumis à une convention de forfait jours invalidé a posteriori, ne semble pas suffisant pour caractériser cette intention.

Aussi, une convention de forfait en jours privée d’effet peut ne pas être suffisante pour constituer l’infraction de travail dissimulé.

Ainsi, le salarié doit étayer sa demande et démontrer pièces à l’appui, qu’il a exécuté des heures supplémentaires, correspondant à du travail effectif  (article L.3171-4 du Code du travail) cette preuve n’est pas évidente.

Toutefois l’absence de convention individuelle de forfait en jours peut être fortement dommageable.

La Chambre sociale de la cour de cassation a admis dans un arrêt du 28 février 2012, n°10-27.839 « […] la Cour d’appel, qui a constaté que l’employeur avait appliqué au salarié le système du forfait en jours sans qu’ait été conclue une convention de forfait en jours et relevé que ce cadre travaillait régulièrement plus de dix heures par jour, a fait ressortir le caractère intentionnel de l’absence de la mention, sur les bulletins de salaire, de toutes les heures accomplies au-delà de la durée légale […] ».

Cela laisse entendre qu’en l’absence que toute convention individuelle de forfait en jours, les Juges du fond peuvent retenir l’intention de l’employeur de dissimuler le nombre d’heures réellement accomplies par le salarié.

Fascicule mis à jour le 10 juin 2019.

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