Le contrat de travail : étude générale
Quelles sont les règles du contrat de travail ?
Le contrat de travail est un contrat soumis aux règles de droit commun, autrement dit le régime juridique du contrat tel qu’on l’entend au sens large. – (Article L.1221-1 du Code du travail)
Il s’agit des règles de l’article 1101 du Code civil : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destinées à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. »
Pour autant, les règles du Code civil s’appliquent mais de manière supplétive, c’est-à-dire pour autant qu’il n’existe pas de disposition spéciale du Code du travail ou de la législation sociale : lois, règlements, conventions collectives…)
Pour être valable, un contrat de travail doit respecter plusieurs conditions, des conditions de forme et des conditions de fond.
Les conditions de fond
Le consentement
Autrement dit l’employeur comme le salarié se doivent d’exprimer leur volonté sur les éléments essentiels du contrat de travail à savoir notamment, la rémunération et la prestation de travail. Par ailleurs, notons qu’aucun vice du consentement ne peut affecter le contrat. (Erreur, dol, violence) Toujours en termes de consentement et lorsqu’une entreprise est en redressement judiciaire (hors procédure simplifiée), la conclusion d’un contrat de travail ne peut intervenir sans le concours de l’administrateur de la société.
L’objet et la cause
L’objet du contrat de travail est la rémunération par l’employeur et pour l’employeur, c’est évidemment la prestation de travail effectuée par le salarié. (Soc. 23 octobre 2013 n°12-14.237)
L’objet et la cause doivent être légale et licite. Il ne peut être demandé à un salarié d’effectuer un contrat contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public. Le salarié doit être embauché pour accomplir une tâche licite et morale.
Si tel n’est pas le cas, le contrat de travail encourt la nullité. La prescription de l’action en nullité est de 5 ans (article 1304 du Code civil) Toutefois, la nullité d’un contrat de travail n’entraine pas son anéantissement rétroactif, elle ne prend effet que pour l’avenir. En cas de nullité, le salarié sera fondé à réclamer auprès de son employeur ses bulletins de paie et un certificat de travail. (Cass soc. 26 janvier 1983 n° 80-41676)
La capacité des parties
Les contractants doivent avoir la capacité juridique de contracter conformément à l’article 1123 du Code civil. Autrement dit, ne sont pas capable de signer un contrat de travail les majeurs protégés et les mineurs non émancipés.
Notons toutefois qu’à partir de 16 ans, un mineur autorisé par son représentant légal peut conclure un contrat de travail.
La conclusion d’un contrat de travail est un acte d’administration pouvant être conclu par le majeur en curatelle ou le majeur sous sauvegarde de justice, sans préjudice de leur droit d’action en rescision pour lésion (article 435 du Code civil, article 467 Code civil). Le tuteur de l’incapable pourra conclure le contrat de travail sans que le conseil de famille ou Juge des tutelles n’ait à intervenir (article 473 du Code civil). Cependant, le contrat de travail conclu par l’employeur en tant que majeur sous curatelle renforcée nécessite l’assistance du curateur. L’acte engageant le patrimoine du majeur. (Civ 1er 3 octobre 2006 n°04-19.466)
Les conditions de forme
La validité du contrat de travail n’est subordonnée à aucune condition de forme posée par le Code du travail. En conséquent, le contrat de travail a durée indéterminée peut très bien provenir d’un consentement oral. (Soc 9 décembre 2010 n°09-42655) La preuve sera néanmoins quasi-impossible à apporter.
L’écrit reste évidemment le meilleur moyen de démontrer l’existence du contrat de travail. La preuve du contrat pèse sur celui qui se prévaut du contrat donc à celui qui l’invoque. (Article 1315 du Code civil)
Dans l’hypothèse inverse et en présence d’un contrat apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve. En définitive, la preuve est libre. Ex : bulletin de paie, certificat de travail. (Cass 10 mai 2012 n°11-18.681 et Cass 23 octobre 2013 n°12-19.921)
La majorité des conventions collectives exigent des employeurs qu’ils établissent et signent un contrat de travail lors de l’embauche.
Il existe cependant plusieurs exceptions à ce principe, pour certains contrats le Code du travail impose la rédaction d’un écrit. Ex : contrat à durée déterminée, travail à temps partiel …. (Articles L.1242-12 et L.3123-14 du Code du travail), contrat de travail temporaire (Articles L.1251-16 et L.1251-42 du Code du travail), contrat d’apprentissage (article L.6222-4 du Code du travail)
L’employeur doit également respecter les formalités liées à l’embauche qui imposent à l’employeur de transmettre, par écrit et à l’administration, toutes les informations relatives à la relation de travail nouvellement créée (Article R.1221-1 du Code du travail). L’employeur doit transmettre au salarié par écrit la justification de l’accomplissement des formalités. (Article R.1221-9 du Code du travail)
De plus, notons que l’absence de contrat de travail écrit ne dispense pas l’employeur de son obligation d’informer le salarié, par écrit des conditions applicables au contrat. Le droit communautaire oblige l’employeur d’informer ses employés par écrit dans un délai de deux mois après le début du travail, des éléments essentiels du contrat applicables à la relation de travail. Ces dispositions peuvent être invoquées directement devant les juridictions nationales. (CJCE 4 Décembre 1997 253/96 à 258-96)
Les caractéristiques du contrat de travail
Le contrat de travail est un contrat synallagmatique, onéreux et à exécution successive.
Un contrat synallagmatique
Il s’agit d’un contrat synallagmatique car les cocontractants s’obligent réciproquement conformément à l’article 1102 du Code civil. L’employeur s’oblige avec le salarié et réciproquement. L’un s’engage à effectuer une prestation et l’autre s’engage à le rémunérer pour cette même prestation.
La conséquence de cette qualification de contrat synallagmatique est que chacune des parties à la possibilité d’opposer à l’autre l’exception d’inexécution en cas d’inexécution contractuelle. Autrement dit, si l’employeur ne paie pas le salarié pour le travail accompli, le salarié est en droit de ne pas travailler, et vice versa en théorie.
Un contrat onéreux
Il s’agit d’un contrat onéreux, car si l’employeur ne paie pas le salarié, il s’agit de bénévolat. Tout travail implique une rémunération. (Article 1106 du Code civil)
Un contrat à exécution successive
Enfin, le contrat de travail est un contrat à exécution successive car il se renouvelle en principe de mois en mois. Le propre des contrats à exécution successive, lorsqu’ils sont à durée indéterminée, c’est qu’ils peuvent être rompus de manière unilatérale à tout moment. Si cela est vrai pour le salarié, l’employeur devra quant à lui démontrer qu’il dispose d’une cause réelle et sérieuse. Il est de principe en droit que nul ne peut s’engager à vie.
Il en va différemment lorsqu’il s’agit de contrat à durée déterminée, en effet, dans cette hypothèse, le contrat est rompu au terme prévu.
Lorsqu’il est annulé, le contrat à exécution successive, ne donne pas lieu à annulation rétroactive. Ainsi, la nullité du contrat n’a lieu que pour l’avenir. Sous réserve de certains métiers, notons qu’il est particulièrement délicat pour un salarié de reprendre sa prestation une fois effectuée. (Soc. 3 octobre 1980, n°79-40129)
Un contrat intuitu personae
Le contrat de travail est conclu avec le salarié pour ses qualités respectives, autrement dit le contrat est propre à sa personne. La relation avec le salarié et l’employeur est un lien personnel, c’est notamment la raison pour laquelle on distingue l’offre d’embauche qui est destinée à tous et la promesse d’embauche qui est propre à une personne précise et qui engage l’employeur.
La prestation de travail doit être effectuée par le salarié personnellement, raison pour laquelle, en cas de décès, le contrat de travail ne se transfère pas aux héritiers. Paradoxalement, la réciproque n’est pas vrai, lorsque l’employeur change, le salarié conserve son poste. C’est notamment le cas en cas de transfert d’entreprise.
Ainsi, conformément au droit commun, l’erreur sur la personne est admise et permet l’annulation du contrat de travail à condition qu’elle soit excusable.
Il convient d’entendre par excusable, une erreur qui peut se comprendre. L’employeur ne doit pas être fautif par son manque de professionnalisme. (Cass. Soc, 3 juillet 1990, n°87-40349)
Les clauses essentielles du contrat de travail
Comme rappelé ci-dessus, le contrat de travail ne comporte pas de formalisme particulier. Toutefois, on relève des clauses indispensables afin d’entourer a minima les obligations réciproques des parties. Il s’agit :
- De la rémunération perçue par le salarié,
- Le descriptif du poste (les obligations du salarié)
- L’identité des parties (Le salarié et l’employeur)
- La durée du travail
Le droit communautaire rajoute à cette liste, le lieu de travail et la date de début. Il s’agit d’éléments essentiels du contrat de travail.
Le contrat de travail peut comporter de nombreuses clauses : clause de non-concurrence, de confidentialité mais ces 4 clauses précitées sont indispensables à toute relation de travail.
S’agissant des clauses du contrat de travail, le principe est la liberté contractuelle. Le salarié et l’employeur sont libres d’insérer au contrat de travail l’ensemble des clauses sur lesquelles ils se sont entendus.
Bien entendu, aucune clause ne peut être contraire à l’ordre public et à la législation sociale. Ex : rémunération inférieure au minimum légal (Article L.3231-1 et suivants du Code du travail), sanction pécuniaire en cas de manquement.
Enfin, l’employeur ne peut insérer des clauses contraires aux dispositions légales et conventionnelles qui seraient moins favorables au salarié.
A la différence de l’employeur, le salarié, n’est pas responsables des risques d’exploitation. Il ne peut donc pas engager sa responsabilité financière.
Il en va différemment si c’est dernier a commis une « faute lourde », c’est-à-dire s’il a cherché à nuire à la société de manière délibérée et volontaire.
En cas de faute lourde, le salarié peut être amené à indemniser la société du préjudice qu’elle a subie.
Par ailleurs, lorsqu’un salarié (préposé) commet un dommage à une tierce personne, c’est l’employeur (le commettant) qui est responsable des dommages causés.
Pour autant, le salarié est responsable civilement s’il a agi en dehors des limites de sa mission. – (Cass. Plén 25 février 2000) n°97-17378) A des fins de protection de tiers en termes d’indemnisation, l’employeur sera également responsable à moins qu’il ne prouve que le salarié a commis un abus de fonction. Autrement dit, qu’il a agit sans autorisation et dans un but autre que celui de sa mission. (Cass Plén 19 mai 1988 n°87-82654)
Notons que le contrat de travail doit respecter la vie privée du salarié et familiale. Ex : Sont interdit les clauses de célibat, une clause de domicile qui n’est pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. (Article L.1121-1 du Code du travail)
Le contrat de travail doit également respecter le principe d’égalité homme-femme, essentiellement dans le cadre de la fixation de la rémunération.
Si une clause de la sorte est présente dans un contrat de travail, la clause est nulle. Si la clause était déterminante dans la conclusion du contrat, c’est le contrat tout entier qui se trouve entaché de nullité.
Le contrat de travail peut comporter plusieurs clauses spécifiques qui ne sont pas obligatoires :
En l’absence de clause, l’employeur ne pourra pas contraindre le salarié s’il désire faire application de cette spécificité.
Il est donc essentiel qu’un contrat de travail soit écrit et signé par les parties.
Certaines clauses spécifiques du contrat de travail nécessitent des conditions d’application particulières.
Exemples de clauses
La clause de mobilité : qui permet au salarié une mutation dans une zone géographique préalablement définie. On ne peut imposer une mobilité à un salarié si cette clause n’est pas prévue dans le contrat de travail. La clause doit également être justifiée par les intérêts de la société et la nature de la tâche à accomplir.
La clause de confidentialité : le salarié a interdiction de divulguer des informations relatives à l’entreprise auxquelles il a accès en vertu de sa fonction.
La clause de confidentialité n’a pas à être limitée dans le temps et dans l’espace, dans la mesure où cette dernière ne porte pas atteinte au libre exercice d’une activité professionnelle par le salarié.
La clause de confidentialité ne donne pas lieu également à une contrepartie financière. Lorsqu’il s’agit de clause de « respect de clientèle », il convient de veiller à ce que cette clause ne se transforme pas en clause de non-concurrence. La Cour de cassation a déjà prononcé plusieurs requalifications. – (Cass soc. 9 mars 2011 n°08-43609)
La clause peut devenir effective durant la prestation de travail ou après la relation.
La clause d’exclusivité : Avec ou sans clause, le salarié est tenu d’une obligation de loyauté envers son employeur. Toutefois l’employeur peut faire davantage est interdire au salarié d’exercer toute activité concurrente, voire toute activité même non concurrente pendant l’exécution du contrat de travail.
Afin d’être valable, la clause doit être indispensable à la protection des intérêts de l’entreprise et justifiée par rapport à la fonction exercée et proportionnée avec le but recherché. – (Cass. Soc 11 juillet 2000 n°98-40143)
A noter que la clause d’exclusivité est interdite dans les contrats de travail à temps partiel. La Cour de cassation ne requalifie pas le contrat en contrat à durée indéterminée, mais prononce la nullité de la clause. (Cass. Soc 15 mai 2017 n°05-44995) Le salarié peut, en parallèle, obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice qu’il aurait subi du fait de cette clause. – (Cass. soc 25 février 2004 n°01-43392)
La clause de non-concurrence : Il s’agit d’une clause particulière qui génère des obligations après la rupture du contrat de travail.
Le principe est que le salarié est libre d’exercer à la fin de son contrat de travail, une activité concurrente.
La clause de non-concurrence empêche cela. Le salarié ne peut plus concurrencer son ancien employeur après le terme du contrat.
Pour être valable, une clause de non concurrence doit remplir plusieurs conditions cumulatives à peine de nullité. Autrement dit, si ces conditions ne sont pas remplies, la clause n’est pas valable et ne peut être opposée au salarié.
Les conditions cumulatives sont les suivantes :
- La clause doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et doit être liée aux spécificités de l’emploi du salarié. Autrement dit, le salarié doit travailler à un poste clé ou susceptible d’être en contacte avec des informations déterminantes pour la société. C’est la raison pour laquelle, les clauses de non-concurrence sont souvent insérées dans les contrats de cadre et de dirigeant.
- La clause doit être limitée dans le temps et dans l’espace de façon proportionnée. Ainsi, et toujours en fonction des intérêts légitimes de l’entreprise, une clause de non-concurrence ne peut pas visée l’ensemble d’un continent ou d’une partie d’un territoire de manière complétement abusive pour le salarié.
- La clause doit prévoir le paiement d’une contrepartie financière au salarié. Cette compensation est forfaitaire et le Juge ne peut l’augmenter. (Cass soc 10 juillet 2002 n°00-45135) Cette indemnité est due quel que soit le motif de rupture. De plus, les dispositions conventionnelles et contractuelles, minorant la contrepartie financière selon le mode de rupture sont réputées non écrites. (Cass. Soc 9 avril 2015 n°13-25.847)
En cas de non-paiement par l’employeur, le salarié est libéré de son interdiction de concurrence, sauf s’il s’est engagé dès la rupture avec une société concurrente évidemment. (Cass. Soc 20 novembre 2013 n°12-20074)
La clause prévoyant le versement de l’indemnité pendant l’exécution du contrat est nulle. Toutefois, l’employeur ne peut en obtenir la restitution. – (Cass. soc, 15 janvier 2014 n°12-19.472)
La clause de non concurrence ne remplissant pas ces conditions est en principe nulle. Cette nullité ne peut être invoquée que par le salarié. – (Cass. soc 25 janvier 2006 n°04-43.646).
Par ailleurs, il convient de relever que la stipulation dans le contrat, d’une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié. – (Cass. Soc 10 mai 2012, n°09-72.348), même si ce dernier s’est engagé dès la rupture de son contrat avec une société concurrente. (Cass. Soc 20 novembre 2013, n°12-16.049)
Fascicule mis à jour le 9 juillet 2019.
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